ne ment pas.«Sans tirer un seul coup de feu, ces fils de la Russie ouvrière et paysanne ont progressé sur la glace, ont péri, cherché à vaincre et ont vaincu.»
Trotsky, Encore sur la répression de Cronstadt, 6 juillet 1938 a écrit :Je ne sais pas s'il y a eu des victimes inutiles. Sur ce point, je crois Dzerjinsky plutôt que ses critiques tardifs. Faute de données, je ne peux pas préciser aujourd'hui, a posteriori, qui a été puni et comment. Les conclusions de Victor Serge sur ce point ‑ de troisième main ‑ n'ont pas de valeur à mes yeux.
Mais je suis prêt à reconnaître que la guerre civile n'est pas une école d'humanité. Les idéalistes et les pacifistes accusent toujours la révolution de commettre des « excès ». Mais le point capital est que ces « excès » découlent de la nature même de la révolution, laquelle n'est en elle‑même qu'un « excès » de l'histoire. Celui qui le désire peut rejeter sur cette base (dans de petits articles) la révolution en général. Je ne la rejette pas. Dans ce sens, je prends la pleine et entière responsabilité de la répression de la révolte de Cronstadt.
Garantir la fourniture d’uniformes et de chaussures à l’armée n’est pas une tâche facile dans l’état actuel de la production. L’appareil chargé de répartir l'approvisionnement fonctionne souvent avec de nombreux à-coups. De plus, la conservation et l’entretien régulier des uniformes et des chaussures font rarement l’objet d’un souci attentif et scrupuleux. Ainsi chez nous on ne graisse presque jamais les bottes. Quand on demande pourquoi, on reçoit les réponses les plus variées : on n’a pas de graisse ou on ne nous l’a pas livrée en temps, ou les bottes sont jaunies, ou la graisse est noire, etc., etc. Mais la raison principale est que ni les soldats, ni le corps des commandants, ni les commissaires n’accordent aucune attention sérieuse aux choses, aucun souci de les économiser. Des bottes non graissées, surtout si elles sont mouillées, se dessèchent puis se craquèlent en quelques semaines. L’appareil productif, faute de temps, les fabrique à la hâte. Les bottes s’usent alors encore plus vite.
C’est un cercle vicieux. La solution est pourtant évidente et très simple : il faut graisser les bottes régulièrement, il faut les lacer soigneusement, sinon elles se déforment et se déchiquettent. Nous abimons ainsi bien souvent de bonnes bottes américaines par manque de lacets. On peut en obtenir, si on cherche sérieusement, et s’il n’y a pas de lacets c’est par manque d’attention aux détails économiques et l’économie est faite de ces détails.
La mème chose, à un degré encore plus grand, s’applique à la carabine. Difficile à fabriquer, elle est facile à détériorer. Il faut veiller sur sa carabine, la nettoyer et la graisser. Et cela exige une attention permanente, sans relâche, qui exige à son tour un apprentissage, une formation.
On confond souvent chez nous l’attention portée aux petits faits et aux détails avec le bureaucratisme. C’est une très grande erreur. Le bureaucratisme consiste en un souci de la forme vide au détriment du contenu et du problème réel. Le bureaucratisme s’exprime dans le formalisme, dans les bagatelles et pas du tout dans les détails concrets. Au contraire, ces détails concrets dans lesquels se concrétise le problème lui-même, le bureaucratisme d’ordinaire les contourne en se souciant seulement de boucler l'affaire sur le papier.
L'exigence de ne pas cracher et de ne pas jeter les mégots dans les escaliers et les couloirs est certes un détail, une petite exigence, et pourtant elle revêt une énorme importance éducative sur le plan économique. L’homme qui crache dans l’escalier ou sur le plancher dans sa chambre est un malpropre et un gâcheur. On ne peut pas compter sur lui pour le redressement de l'économie. II ne graissera pas ses bottes, en trouera les semelles par inattention et transmettra avec [ses bottes] le pou porteur du typhus.
La question est de savoir comment et pourquoi l'expropriation universelle d’abord décidée – concentration de tous les moyens de production, à l'exception de ceux appartenant aux paysans – a été ensuite abandonnée, «pour en libérer» une part considérable: pour répondre à cette question, comme le font souvent certains, en évoquant la nécessité de passer à une époque de construction pacifique, cela revient a parler en termes trop généraux.
Nous nous tournons vers notre théorie marxiste et demandons ce qu’elle nous a appris sur la manière dont nous devrions nous attaquer à la construction socialiste une fois que la classe ouvrière aura pris le pouvoir entre ses mains.
Le marxisme a dit ce qui suit. La transition vers le socialisme est une affaire extrêmement lourde et difficile. La classe ouvrière, aprés avoir pris le pouvoir, s’engagera progressivement dans cette voie : elle procédera d’abord à l'expropriation des grands capitalistes, en s’emparant des moyens de production les plus importants, puis s’occupera progressivement des industries de taille moyenne. A mesure que la classe ouvrière s’organisera, elle passera à l'expropriation des moyens de production de taille moyenne.
Quant aux moyens de production à petite échelle, elle démontrera concrètement, par expérience, aux petits propriétaires producteurs, les avantages de la grande économie d’Etat. Par conséquent, pour les plus grands bourgeois, le moyen de s’approprier les moyens de production doit être la contrainte directe, l'expropriation par la force armée. En ce qui concerne les moyens bourgeois, ce sera en partie la même chose, dans la mesure où ils oseront résister. Quant à la petite bourgeoisie, avec elle ce sera une question de pression mentale plutôt qu'économique.
Avons-nous suivi cette route ? Non, nous avons immédiatement entrepris l'expropriation des propriétaires. Nous avons exproprié indistinctement la bourgeoisie – les grands bourgeois, les bourgeois moyens et les petits-bourgeois. Cela signifie-t-il que nous nous sommes ainsi écartés du marxisme? Cela signifie-t-il que nous avons violé nos propres fondements théoriques?
Cela pourrait être dit si le marxisme était un évangile, une Ecriture sainte pour tous les temps et toutes les nations. En réalité, le marxisme est une certaine méthode d’orientation dans les conditions ambiantes, un instrument intellectuel au moyen duquel nous décidons des tâches d’un moment donné dans un pays donné.
Du point de vue de l'organisation socialiste de la production, il aurait certainement été plus avantageux de procéder systématiquement, en procédant de manière progressive à l'expropriation de la bourgeoisie : du grand bourgeois au moyen bourgeois, puis au petit-bourgeois, la route que j'ai indiquée.
Si la classe ouvrière avait été an pouvoir en Allemagne et si nous avions eu une garantie fiable en Occident que nous ne devrions pas y intervenir, nous aurions pu traiter avec la petite bourgeoisie et peut-être aussi avec le moyen bourgeois patiemment et pédagogiquement. […]
Mais ce qui nous aurait été utile du point de vue économique s’est avéré fatal du point de vue de notre propre politique de conservation. […]
Par conséquent, dans ce cas d’espèce, la nécessité politique du pouvoir prolétarien de se préserver était en conflit avec les besoins de la construction économique. l y avait sans doute une contradiction ici. Comment l’avons-nous résolue ? Nous avons dit : avant tout et à tout prix, nous devons consolider le pouvoir étatique de la classe ouvrière ! Comment? Nous avions un ennemi – le capital. Nous avons dû écraser l’ennemi à l’intérieur, à l'arriere de la classe ouvrière. Comment? En privant la bourgeoisie de ses racines économiques, en lui retirant ses biens par expropriation. Nous avons dû exproprier la bourgeoisie moyenne, non pas parce que nous étions en mesure d’organiser une production a grande échelle à partir de ses entreprises, mais parce que nous devions vaincre un ennemi de classe politique. Quant aux entreprises, nous avons dit : essayons, dans la mesure de nos possibilités et de nos moyens, de les organiser de manière socialiste. Nous avons eu très peu de succès dans cette direction, bien sûr.
L’économie politique marxiste est incontestablement une science, mais ce n‘est pas la science de la gestion d’une entreprise, de la concurrence sur le marché ou de la formation de trusts. C’est une science qui explique comment à une certaine époque, certaines relations économiques (relations capitalistes) se sont développées et quelles étaient les conditions internes et les lois qui régissaient ces relations. Les lois économiques établies par Marx ne sont pas des vérités éternelles, elles ne sont caractéristiques que d’une époque particulière du développement économique humain et, en tout état de cause, elles ne sont pas des principes éternels tels qu’énoncés par l’école bourgeoise de Manchester […].
Le marxisme est une méthode scientifique, c’est-à-dire la connaissance de phénomènes objectifs dans leurs relations objectives. Comment peut-on dés lors échafauder des procédures du commerce militaire ou de l'art par la méthode marxiste ? C’est comme essayer de construire au moyen du marxisme une théorie de l’architecture ou un manuel de médecine vétérinaire. Une histoire de la guerre, tout comme une histoire de l'architecture, peut étre écrite dans une perspective marxiste, puisque l'histoire est une science. Mais la soi-disant théorie de la guerre, c’est-A-dire la «direction pratique», est tout autre chose. A les amalgamer, on obtiendra, non pas une conception unitaire du monde, mais la plus grande des confusions.
King: Comment le gouvernement soviétique espère-t-il rétablir les relations commerciales avec d’autres pays lorsqu’il refuse de reconnaitre ses anciennes dettes ?
Trotsky: Nous payons et continuerons de payer nos propres dettes, mais nous ne souhaitons pas payer celles des autres. […] Cela peut sembler injuste, mais les planteurs des Etats du Sud, pendant la guerre civile des années 1860, ont également considéré comme injuste cet acte de guerre civile par lequel les propriétaires d’esclaves noirs étaient privés de leur droit de propriété. Cependant, c’est grâce à la victoire remportée dans cette guerre civile que l’Amérique a grandi jusqu’a sa puissance actuelle. L’histoire n’avance pas conformément à la ligne tracée dans les manuels de Droits international. On peut déplorer ce fait, mais la vie ne repose pas sur la jurisprudence. Est-il permis cependant de saper, en raison du passé. Les potentialités d’un travail en commun dans le présent et le futur ? […]
Nous, pour notre part, nous sommes prêts à donner toutes sortes d’assurances aux entreprises américaines sérieuses qui souhaitent faire des investissements à long terme dans notre industrie. Les avantages découlant de cela seraient mutuels. Les relations entre Etats, surtout lorsque leurs systèmes sociaux sont différents, ne peuvent être fondées sur des considérations sentimentales. Nul besoin de cela. Nous sommes évidemment très reconnaissants au peuple américain pour l’aide généreuse qu’il a apportée à nos victimes de la famine. Mais les relations commerciales ne peuvent pas être basées uniquement sur des sentiments de gratitude. Ils doivent être régis par des considérations d’avantage mutuel. La situation géographique relative de nos deux pays exclut toute menace de nature militaro-impérialiste. Par conséquent, les relations entre nous peuvent être régies par des considérations purement économiques. Je suis fermement convaincu que le monde commercial et industriel américain va très vite reconnaitre l’importance du marché russe. […]
Afin ne pas réduire la production, les Etats-Unis doivent trouver des marchés extérieurs. Grace a la politique de Poincaré, l’Europe est condamnée à se ruiner de plus en plus pendant de nombreuses années. Les marchés européens des Etats-Unis ne vont pas se développer, ils vont se contracter. La Russie est plus pauvre que l’Europe, mais la Russie n’est pas en train de sombrer dans la ruine, elle s’améliore; par conséquent, la Russie et l’ensemble de l’Union soviétique constituent un marché naturel pour l’industrie américaine. […]
Les entreprises américaines pourraient accélérer notre développement et, ce faisant, générer des profits très importants pour elles-mêmes.
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