Comme je suis d'un naturel aimable, je vous mets la partie concernant Angelica. De toute façon, les deux autres parties concernent des noms qui ne me disent rien : Alfred Rosmer et Pierre Monatte, qui c'est?
Allez, voici la partie sur madame Angélica Balabanoff ou Balabanova, et ça fait bien plaisir.
Angelica Balabanoff
Notre vénérée amie, qui fut déléguée du Parti socialiste italien à l' exécutif de la ne Internationale, puis secrétaire de la Conférence de Zimmerwald, retrace 1' atmosphère optimiste et  illusionniste des milieux socialistes  d'avant 1914 : personne ne croyait à la  possibilité de la guerre, et pourtant, en  tant que marxistes, les dirigeants socialistes auraient dû être mieux préparés à  comprendre les causes de la guerre. Elle refait donc cette "préhistoire" en  soulignant que les difficultés et les insuffisances étaient celles d'une  avant-garde encore trop isolée dans sa  propre classe.
Stuttgart (1907) et Bâle (1912) admettent néanmoins l'hypothèse de  l'éclatement de la guerre. En ce sens, il  faudra "utiliser les contradictions du  régime pour passer à la société socialiste". Seul, le parti italien, en organisant la lutte contre la guerre coloniale  en Tripolitaine, avait, en 1914, à la réunion ultime de Bruxelles, un certain  prestige sur ce point. Le discours  d' Annini fut acclamé, et Bebel alla  embrasser Angelica en lui disant : "En  écoutant la délégation italienne, j'ai  entendu la voix de l'Internationale."  Mais c'était le peuple italien qui, d'instinct, s'était montré internationaliste (il  l'est encore aujourd'hui, affirme A.  B.), alors que, dans les autres pays,  l'angoisse et la résignation tragique  prévalaient ; on s'avouait la vérité  cruelle : l'action internationaliste commune, en juillet 1914, apparaissait  comme impossible. Victor Adler (1)  paraît vaincu et désespéré, Hugo Haase  (2), pur, humain, pressent la tragédie.  Angelica parle de la grève générale internationale et Cipriani lui réplique :  "Alors, les pays les plus évolués vers  le socialisme seront écrasés par ceux  où il n'y a pas de mouvement ouvrier  conscient. " 
C'est Jaurès et Rosa Luxembourg  qui rédigent le dernier manifeste de la  Ile Internationale. Et Jaurès allait être  assassiné. L'effondrement fut total.  Mais la stupéfaction des militants internationalistes fut à son comble lorsqu' on apprit le vote des crédits de  guerre : c'était incroyable et dramatique. Il fallait réagir : puisque l'Internationale était morte, puisque cette division créée par les impérialismes dans  les rangs du prolétariat international  était tellement contraire à l'idée socialiste essentielle, il fallait reprendre le  contact entre tous ceux qui n'acceptaient pas cette faillite.
La Hollande, la Suisse, 1' Amérique  lancèrent des appels. Mais c'est surtout  un ouvrier typographe suisse, Robert  Grimm, qui prit l'initiative des premières réunions, d'abord entre socialistes suisses et italiens, clandestinement, à Lugano, au début de 1915. Là,  pour la première fois, des ouvriers socialistes ont affirmé le caractère impérialiste de la guerre en cours et rappelé  que les travailleurs de tous les pays  avaient les mêmes intérêts. Au moment  où tous les journaux, dans tous les  pays, déclaraient exactement le  contraire, cette affirmation avait un caractère révolutionnaire.
Naturellement, ceux qui mentaient,  et qui savaient qu'ils mentaient, déclenchèrent les plus effroyables calomnies contre ces travailleurs honnêtes.  Tous étaient dénoncés comme des  "vendus" à l'Allemagne. Angelica était présentée comme un agent du Kaiser,  payée 10 millions ! Mais le fait historique fondamental est là : la fraternité  entre les ouvriers conscients des différents pays n'avait pas été entamée par  les mensonges et les horreurs de la  guerre ; les plus ardents parmi les  "conspirateurs" étaient les socialistes  et les bolcheviks russes. Mais ceux-ci  pensaient déjà à créer une autre Internationale.
Les ennemis les plus acharnés de  cette "fraternisation internationale"  étaient les dirigeants des partis socialistes officiels. Il faut comprendre cet  aspect du drame : l'unité et la discipline, dans les partis, constituaient 1' expression nécessaire du mouvement de  classe lui-même. La minorité non  conformiste était donc devant une responsabilité terrible. Il y eut d'abord  une réunion internationale des femmes  socialistes à Berne. Il fallut beaucoup  de courage aux minoritaires pour  continuer leur tâche, et le travail avec  les  bolcheviks, qui remettaient  constamment en cause les décisions  prises en commun, était très ingrat.
Un appel aux femmes du monde entier fut donc rédigé à Berne: "Où sont  vos fils, vos frères, vos fiancés, vos maris ? Et à quoi donc sacrifient-ils leur  vie ?" Le contenu politique du manifeste ne convenait pas aux bolcheviks :  ils exigeaient une autre Internationale.  On dut se séparer. Puis on reprit le travail chez Lénine et on aboutit à un  compromis. La même scène se reproduisit quelques semaines plus tard à  Berne, cette fois avec des jeunes socialistes, qui, tous, risquaient le peloton  d'exécution. Mêmes discussions entre  socialistes et bolcheviks. Les larmes  dans les yeux, un jeune ouvrier allemand demande: "Qu'est-ce que je  pourrai dire à mes camarades, en rentrant,  si, ici,  une dizaine de personnes  ne peuvent pas se mettre d'accord?"
Dans le petit village de Zimmerwald, enfin, 1' idée internationaliste  s'est affirmée avec succès ; échappant  aux policiers et espions de tous les  pays, qui pullulaient en Suisse, les délégués de vingt partis socialistes (des  minorités, sauf pour le parti italien,  alors unanime) se sont rencontrés. Au  moment où la haine chauvine dressait  partout Allemands contre Français, très  émus, mais très fraternels, Hoffmann  et Ledebour (3) tendirent la main à  Merrheim et Bourderon. Tous les  quatre, aujourd'hui disparus, s'assirent  à la même table et travaillèrent avec  une volonté farouche à faire oublier les  aberrations des directions des partis officiels : "Ce n'est pas vrai que les  peuples soient des ennemis. Et voici les  vraies raisons de cette guerre ! " 
Leur élan internationaliste était tel  qu'à certains moments, ils pouvaient se  passer d'interprète et se comprenaient  directement ! 
Ouf, pour un peu, notre interprète préférée ,était virée… Mais elle sera aussi à Kienthal, ça, on le sait déjà. Poursuivons…
Tel fut le début d'un vrai mouvement international faisant la preuve de  la possibilité d'entente entre prolétaires  même au milieu des horreurs et des  mensonges de la guerre.
Puis ce fut Kienthal (1916). Et puis  le bureau fut transféré à Stuttgart. Et  puis ce fut Stockholm, en 1917, conférence extrêmement intéressante et qui  mériterait, à elle seule, toute une étude ;  le dialogue entre mencheviks et bolcheviks était encore possible : la révolution russe était en danger, comme le  reconnaissait Radek. Et comme Angelica part en Russie, son vieil ami Axelrod (4), dont elle rappelle la grande pureté et le magnifique dévouement à la  cause de la révolution, la met en garde :  "Ce n'est pas une vraie révolution,  c'est tout autre chose ! En encourageant les bolcheviks, vous allez commettre un crime. "
"Il avait raison, déclare Angelica,  mais nous ne pouvions pas faire autrement ! " Déjà, pour les décisions prises  en commun, à Zimmerwald, les difficultés avec les bolcheviks avaient été  très pénibles : le Manifeste devait être  appris par cœur et les transmissions  avaient pour objet de sonder les différents prolétariats afin de déterminer,  après cette consultation, la décision  d'une grève générale internationale  contre la guerre. Mais les bolcheviks  avaient volé un exemplaire du Manifeste et ils le publièrent en Finlande :  c'était une violation d'un engagement  contracté, car ni les Français ni les Allemands n'avaient encore pu être  consultés. Et les camarades chargés de  cette consultation risquaient naturellement leur vie dans chaque pays.
Après octobre, l'idée de créer une  Troisième Internationale dominait les  préoccupations : Tchitcherine (5) envoya Angelica en Ukraine pour maîtriser son opposition. Il y eut donc, en  mars 1919, une conférence à Moscou,  mais les représentants des prolétariats  n'avaient pas qualité pour les envoyer.  Eberlein, Allemand (fusillé ensuite),  suppliait d'attendre. Angelica refusa  d'engager ses amis socialistes italiens,  sans les avoir consultés. Sadoul, pour  la France, n'avait aucune expérience  politique.
Cette Troisième Internationale, à sa  naissance, était un bluff. Mais Angelica refusa de transmettre les archives de  Zimmerwald à la Troisième Internationale, car les deux choses sont de nature  différente.
Il reste que Zimmerwald, petite  étincelle au milieu des tempêtes, a  prouvé qu'il pouvait en sortir des  flammes, dont on ne sait jamais jusqu' où elles pourront aller. Puisque,  seuls, les militants du Cercle Zimmerwald de Paris demeurent fidèles à cette  tradition de lutte contre la guerre par la  solidarité révolutionnaire des travailleurs, c'est à eux que revient ce  modeste héritage : que 1' exemple de  cette étincelle ne soit pas perdu par les  jeunes et qu'il éclaire les hommes et  les femmes conscients pour les diriger  vers le socialisme.