par Plestin » 28 Avr 2020, 07:45
Sanofi a publié des résultats préliminaires de sa première étude clinique de phase II, menée aux États-Unis, sur le sarilumab. Je rappelle que c'est un anticorps dirigé contre l'interleukine 6, habituellement employé pour traiter la polyarthrite rhumatoïde mais étudié ici pour ses effets potentiels contre la "tempête de cytokines", la réaction inflammatoire qui tue certains patients atteints par le SARS-CoV-2 même quand le virus a lui-même disparu.
L'essai a été commencé en mêlant des patients à un stade "sévère" (besoin d'un supplément d'oxygène avec simple masque) et d'autres à un stade "critique" (besoin d'une ventilation mécanique, d'une oxygénation à haut débit ou d'une intubation). Les résultats sur les marqueurs de l'inflammation sont tous bons mais les résultats sur l'état clinique des patients sont très contrastés et amènent Sanofi à revoir son protocole :
- D'une part, les résultats montrent une tendance négative pour les patients au stade "sévère" de la maladie (il n'est pas précisé si "négatif" signifie aucun résultat ou une aggravation mais je ne serais pas surpris d'une aggravation vu que les résultats exacts ne sont pas communiqués...) et pour les patients au stade "critique" recevant le plus bas dosage (200 mg) (aggravation par rapport au placebo).
- D'autre part, les résultats montrent une tendance positive pour les patients au stade "critique" mais seulement avec les plus fortes doses du médicament (400 mg).
Résultats chez les seuls patients au stade "critique" :
Décès : il y a eu 27% de décès sous placebo (soit 12 patients sur 44 recevant un placebo), 36% de décès au dosage 200 mg (soit 34 patients sur 94 recevant ce dosage) et 23% de décès au dosage 400 mg (soit 20 patients sur 88 recevant ce dosage).
Améliorations cliniques : il y a eu 41% d'améliorations cliniques avec le placebo (soit 18 sur 44), 51% d'améliorations cliniques avec le dosage 200 mg (soit 48 sur 94) et 59% d'améliorations cliniques avec le dosage 400 mg (soit 52 sur 88).
Sorties de l'hôpital : il y a eu 41% de sorties de l'hôpital avec le placebo (soit 18 sur 44), 39% de sorties de l'hôpital avec le dosage 200 mg (soit 37 sur 94) et 53% de sorties de l'hôpital avec le dosage 400 mg (soit 47 sur 88).
L'essai américain se poursuit sous la forme d'un essai de phase III sur plus de 600 patients, mais uniquement au stade "critique" et à la plus forte dose. Les résultats seront connus en juin. Cet essai est partiellement financé par les autorités sanitaires civiles et militaires des États-Unis.
Un autre essai de phase III similaire est prévu avec environ 400 patients en cours de recrutement en Italie, Espagne, Allemagne, France, Russie, Israël, Canada et Japon. Ses premiers résultats ne seront pas disponibles avant le 3ème trimestre 2020 ce qui peut vouloir dire septembre.
Si l'essai réussit, le sarilumab ne serait donc pas une panacée mais une option ultime au stade le plus avancé, permettant d'éviter quelques décès et d'obtenir des résultats un peu meilleurs.
Un médicament similaire du laboratoire Roche, le tocilizumab, étudié à l'AP-HP, a fait lui aussi l'objet de résultats préliminaires. Ils semblent un peu plus favorables mais n'ont porté pour l'instant que sur 129 patients souffrant d'une pneumonie "moyenne ou sévère", contre 226 patients pour le seul stade "critique" pour Sanofi. C'est encore très insuffisant pour en tirer des conclusions.
Rappelons que ce sont des médicaments onéreux :
Kevzara (sarilumab) à 200 mg de Sanofi : 801,55 € la boîte de 2 stylos injectables préremplis ou de 2 seringues préremplies. Il faut 1 injection toutes les 2 semaines dans la polyarthrite rhumatoïde.
RoActemra (tocilizumab) à 162 mg de Roche : 822,13 € la boîte de 4 seringues préremplies. 4 injections toutes les 4 semaines dans la polyarthrite permettent de traiter un patient de 80 kg.
Le dosage Kevzara à 400 mg n'existe pas dans le commerce et si les essais réussissent il sera réservé au traitement de la Covid-19.
Les formats utilisés dans la Covid-19 n'auront pas forcément les mêmes prix mais ils seront assurément chers et inaccessibles à bien des patients dans le monde.
Enfin, ces médicaments ont beaucoup d'effets secondaires dont, par exemple, des pneumonies...