par conformistepote » 12 Oct 2003, 11:06
2 textes en lien avec cette question :
le premier du père des 2 lycéennes qui, quand il ne parle pas de Lutte ouvrière, peut écrire des choses intelligentes, le second, de Benoît Mély, date un peu (10/95) :
CITATION Déclaration de Laurent Lévy, père de Lila et Alma
Les tenants de l'intolérance radicale peuvent être satisfaits. Et les membres de l'équipe 'éducative' du lycée Henri-Wallon d'Aubervilliers que tourmentait le 'problème du foulard' vont enfin retrouver un sommeil paisible : ce 'problème' est résolu.
Alma et Lila ne franchiront plus les murs de leur lycée : ils sont parvenus à imposer à ces jeunes filles cette incroyable violence, les chasser du système. Peu importe la honte qu'ils imposent ainsi à l'école de la République. Ils ont choisi de transformer cet instrument dont la vocation est de forger des citoyen-ne-s libres, dignes et égaux, en une terrible machine à exclure. Ils ont choisi l'apartheid scolaire.
Les débats devant le conseil de discipline, dont on comprend lorsqu'on les a vécus qu'on ait lâchement refusé qu'ils bénéficient conformément au droit d'une publicité aussi restreinte soit-elle au risque de rendre nulle une décision déjà prise, l'ont pourtant bien montré : Lila et Alma sont deux élèves sérieuses et sans problèmes. Parfaitement adaptées et insérées dans leurs classes respectives, éveillées et attentives en cours, ne posant à leurs professeurs aucun problème pédagogique. Personne n'aura même cherché à expliquer en quoi leur comportement vestimentaire (le port d'un foulard cachant leurs cheveux, leurs oreilles et leur cou) posait à l'école un problème si grave que seule la plus grave des sanctions disciplinaires pouvait leur être appliquée. La hiérarchie des sanctions chère aux circulaires de l'éducation nationale a été bien malmenée.
Le 'problème' du foulard est ainsi résolu, et l'école, abdiquant sa mission éducative dès le 24 septembre (qui a dit que la pédagogie devait s'inscrire dans le temps long ?) a retrouvé sa sérénité un temps troublé, et l'on est réduit à espérer que certains garderont au moins la mauvaise conscience d'avoir apporté leur concours au rejet brutal de ces enfants.
Pour un incident survenu en cours d'éducation physique et sportive, parce qu'on avait frauduleusement fait croire aux professeurs que le port du foulard était 'interdit' dans leur discipline ; pour un foulard noué derrière la tête, ne laissant voir ni la racine des cheveux ni le lobe de l'oreille ; pour un col roulé ou une écharpe cachant leur cou ; pour une simple participation à un rassemblement spontanément organisé par des élèves légitimement exaspérés du renvoi de leurs condisciples (rassemblement qui n' a par hypothèse eu lieu qu'après que la décision de leur interdire l'accès au cours avait été rendue publique - et était déjà mise en ouvre), on prive comme si elles étaient des abstractions, enjeux d'un débat abstrait, deux enfants, Lila et Alma, être réels faits de chair et de sang, jeunes filles studieuses et aimées de leurs condisciples, respectueuses et tolérantes, pleines d'esprit critique - qualités que tous ceux qui ont fait la démarche de parler avec elles leur reconnaissent - des bienfaits de l'école de la République.
Cette conséquence ultime de l'islamophobie qui ronge la société française déshonore ceux qui l'ont provoquée.
Quant à la véritable question du voile, l'oppression symbolique et réelle qu'il représente pour des millions de femmes ; quant au problème posé à la société par la montée des religions dans un monde devenu sans repères ; quant à la difficulté d'être de tout adolescent (personne n'a évoqué le cas de cette jeune fille qui a tenté de se trancher les veines dans ce lycée, l'après midi-même ou plutôt que de soucier du bien-être des adolescent qui leurs sont confiés, le proviseur et ses deux proviseurs adjoints 'surveillaient' - dans un ridicule achevé - la consultation que j'avais pu - après force insistance - obtenir du dossier de mes filles) - toutes ces questions demeurent en l'état. Mais les membres doctrinaires, intolérants et indignes de l'équipe 'éducative' ont gagné une grande victoire ; car si ces questions là ont l'avantage de ne troubler en rien leur confort moral ils seront par contre enfin débarrassés du spectacle - apparemment insupportable - de mes enfants.
Je remercie tous ceux, simples particuliers ou personnes publiques - parmi lesquels de très nombreux membres du corps enseignant - organisations et mouvements, qui m'ont soutenu, soit moralement, soit par leurs prises de positions publiques, soit par de simples manifestations de sympathie, de leur courage et de leur aide
Je me réserve de donner à cette affaire scandaleuse toutes les suites judiciaires qu'elle comporte.
Laurent Lévy
Le 11 octobre 2003[/quote]
CITATION Personne ne m'ayant demandé récemment ma position sur le foulard, je vous la livre quand même.
Si j'étais confronté (le jour où je serai confronté) à une affaire de foulard, je ne sais pas comment je réagirai(s). Deux réflexes élémentaires :
- se battre pour que tous les profs soient au moins unis pour refuser toute intervention de média (le premier journaliste qui se pointe, on le vire).
- aucune négociation possible sur le principe d'assistance à tous les cours.(1)
Cela dit (et fait), je ne suis plus sûr que la position consistant à dire : "tu te dévoiles ou tu es virée" soit la plus intelligente à défendre. Bien sûr, face à un "problème de foulard", il faut d'abord "tout faire" par le dialogue auprès des familles et (dans le secondaire) des jeunes pour que d'elles-mêmes, elles retirent le voile. Impossible d'être indifférent à ce que je vivrai(s), comme beaucoup, comme une agression personnelle (2). Mais si le dialogue ne marche pas ? L'exclusion ? Parfois oui, parfois non. Une réponse générale est pour moi impossible.
Je n'ai évidemment pas trop d'effort à faire (que Khaleda Messaoudi se rassure) pour me représenter ce que signifie le voile comme 1) facteur de dissolution de la laïcité 2) symbole de la claustration féminine.
Mais nous ne sommes pas en Algérie, mais en France. Ce qui signifie que dans cette affaire, il y a une dimension n° 3 : le réflexe "identitaire" anti-maghrébin. Derrière les discours "100 % laïques" de certains, la "communauté nationale" n'est pas loin. Une "communauté laïque" ? Quel paradoxe ! Croyant lutter pour les principes de Condorcet, Hugo, etc.... on peut se retrouver à semer des graines dans le jardin électoral de Chenevière (3) et de ses amis FN. (D'autant que le dévoilement "de force" des algériennes a déjà été essayé, en Algérie même, dans les années 30 et 40, par les militaires français. Avec les résultats que l'on sait).
Ma position est donc qu'il faut prendre les devants. si on ne veut pas se laisser piéger, en entraînant "le débat public" et le discours du prof sur notre terrain . C'est à dire :
- 1) La laïcité à l'école ne doit pas seulement être défendue, elle doit être rétablie. Que l'arbre islamique ne nous cache pas la forêt catholique.
Pendant que l'attention se braque sur le voile musulman (je sais, on dit voile islamique. On peut aussi employer le synonyme. Pour qu'on n'entende pas "islamiste", ce qui ferait trop plaisir à ceux de la place Beauvau), d'autres femmes entrent tranquillement la tête voilée dans des écoles
publiques, en toute légalité, pour y donner des cours d'instruction religieuse confessionnelle. Cela se passe en France, entre Metz et Strasbourg. C'est-y-pas deux poids, deux
[/quote](1) Claude Pair est ce qu'il est (Ancien directeur des lycées sous Savary, ancien recteur ... ) mais H a raison d'insister sur "la pierre de touche" "la participation à tous les cours, l'obligation fondamentale qui s'impose à l'école, aux jeunes et à leurs familles " (Courrier ds Le Monde, 12 nov 94).
(2) Mais la présence de képis dans les établissements secondaires devrait être aussi vécue comme une agression. Or selon les accords armée-éducation...
(3) Lequel a déposé un projet de loi à l'Assemblée le 28 juillet 1994 visant à interdire tout signe ostentatoire religieux, philosophique ou politique.
Les attendus de ce projet de loi (article du Monde fin 1994, prêté par Francis) sont nauséabonds : devant la "vague migratoire", etc... CITATION
mesures, ça ? Plus généralement, à quoi ressemblerait une lutte laïque contre les foulards qui ne serait pas indissolublement une lutte contre la rechristianisation de l'école laïque ?
C'est à dire :
- pour l'abrogation du statut spécial Alsace Moselle, mais aussi
- pour la suppression de la circulaire Monory autorisant les aumôneries dans les externats ;
- pour faire capoter l'opération "enseignement d'histoire des religions" visant de façon particulièrement vicieuse à faire prendre en charge par l'école publique la transmission d'une culture religieuse que les Eglises (chez nous, la catholique) sont aujourd'hui de moins en moins capable d'inculquer aux jeunes.
Et ceux qui aujourd'hui dénoncent cette rechristianisation progressive de l'école (profs qui dénoncent la mise en place d'aumônerie dans leur établissement, par ex.), ne peuvent se faire entendre. Là est l'autre danger Sans oublier que la laïcité n'est pas seulement violée par les jeunes filles en question, mais par le Ministre lui-même, quand il finance (combien de
milliards cette année ?) les écoles confessionnelles. Une circulaire contre les foulards (mais non les croix) un jour, une subvention à l'école Sainte Gudule le lendemain . "Laïcité"à deux vitesses, je vous dis. (1)
2) Quels moyens l'école offre-t-elle aujourd'hui aux élèves (de toute origine) de s'informer et de réfléchir sur les questions essentielles en jeu à travers l'affaire des foulards (femmes et sociétés, liberté de conscience-laïcité-refus des dogmatismes?) ? Beaucoup d'enseignants traitent ± de ces questions, c'est sûr. En traitent ils suffisamment ? Avec des
outils adaptés ? Avec des méthodes appropriées ? (2) Dans un but "émancipateur" clairement assumé ? C'est moins sûr.
Que faire ? Au delà de la pratique du prof dans sa classe, ces deux volets du problème mettent directement en cause... vous avez deviné : la responsabilité des syndicats enseignants. Le 16 janvier 1994 était l'occasion de relancer la lutte laïque en France : ils ont étouffé toutes les potentialités. La réconciliation du syndicalisme enseignant français avec les Eglises (tout le blabla sur la laïcité-tolérance-valeur d'intégration de notre société) permet au piège "foulard" de se refermer sur les profs. A défaut de pouvoir y changer grand chose, il est essentiel de le
dire (et de situer les responsabilités syndicales à ce sujet).
Préventivement.
Sinon, le jour où Martinez, futur Ministre de l'Education du gouvernement Le Pen, fera passer une loi interdisant "tout signe ostentatoire religieux, philosophique ou politique" à l'école, on aura l'air malin.
Benoît MELY
Le 30 10 95
[/quote](1) Sans oublier aussi les profs du privé maintenant membres de droit des jurys d'examens, les dispenses de cours pour le Shabbat (depuis l'arrêt du conseil d'Etat de mai 95), la formation aux DEUG de théologie en fac de Lettres depuis la réforme Jospin des DEUG, etc...
(2) - "Des méthodes appropriées", qu'entendez vous par là, M. Mély ?
- Eh bien voila, c'est à la fois très simple et très compliqué, comme dit le capitaine Haddock dans Tintin au Pays de l'or noir. Vous devriez lire cet ouvrage. Et justement, p. 32, on voit Tintin et Haddock qui se déguisent en femmes voilées pour échapper aux méchants qui les poursuivent. Ca pourrait être une entrée pédagogique sur cette question, vous ne croyez pas ? Non ?
Bon, je vais essayer de trouver autre chose, alors.[QUOTE]