Jimmy's hall

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Message par artza » 07 Juil 2014, 15:10

Le dernier Ken Loach, de droite à gauche la critique s'entend pour dire que ce n'est pas le meilleur Ken Loach, peut-être.
Ne serait-ce pas plutôt que la critique se lasse des films à sujets sociaux où les petits se rebiffent?.. et encore bien peu comme dans ce film.

Mieux vaut avoir une idée de l'histoire de l'Irlande pour goûter au mieux le film et aussi le point de vue de Loach.


Nous sommes au début des années 30.
La crise mondiale frappe l'Irlande comme tous les pays et en plus les mandats des immigrés aux Etats-unis se tarissent.
Jimmy combattant républicain à du s'exiler en Amérique justement après la terrible guerre civile qui ravagea l'Irlande entre les partisans d'un compromis important avec la Grande-Bretagne et les républicains irréductibles.
Cette guerre civile de 11 mois fit plus de victimes que la guerre contre l'Angleterre pendant deux ans.

Elle laissait de nombreuses cicatrices, divisant comme on dit les familles, les voisins les anciens frêres d'armes. Mais surtout elle laissait intacte l'antagonisme entre les classes, ici les propriétaires fonciers héritiers de la conquête britannique trois siècles auparavant et les fermiers exploités.

Que se passe-t-il quand un riche propriétaire expulse une famille de ses fermiers. On voit l'Etat issu du soulèvement national mais assujetti encore à l'impérialisme, les curés et toute une partie des combattants petits-bourgeois nationalistes se dresser contre les paysans expulsés, réprimant tout mouvement de riposte.

Il y aurait beaucoup à discuter et apprendre à partir de ce film et aussi sur le point-de-vue de Loach qui semble s'identifier à celui du héros qui ne sait où sont vraiment les ennemis, les faux amis etc...
Le local de Jimmy se revendique à la fois de Connolly le socialiste et le syndicaliste de Dublin et de Pearse le petit-bougeois nationaliste mystique!
Unis pour l'insurrection de Pâques 1916 tous les deux vaincus seront fusillés.

Par ailleurs Loach me semble bien gentil avec les deux curés et leurs discussions me semblent peu vraisemblables, mais bon la aussi il faut connaître.
En tout cas un film à voir une bonne désintox après cette déferlante chauvine de foot prostitué.
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Re: Jimmy's hall

Message par yannalan » 07 Juil 2014, 18:49

James Gralton dans la vraie vie a été dirigeant pour son comté du Revolutionary Worker's group qui a donné le PC irlandais après.
Sur les combattants, il est normal qu'après l'indépendance, les lignes de classe réapparaissent. Des membres de l'IRA comme O'Duffy ont fondé un parti fasciste Chemises Bleues), avec les gens comme O'Keefe (celui qui fouette sa fille dans le film) et ont envoyé 250 hommes combattre chez les franquistes, d'autres ont été dans les Brigades Internationales.
Le poids de la religion catholique à l'époque était énorme (1 million de pèlerins au Congrès Eucharistique !) Dans le film, le héros essaie de faire survivre son oeuvre malgré eux.
D'accord avec Artza pour dire que la moue satisfaite des critiques (encore du social...) est idiote. Allez-y !
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Re: Jimmy's hall

Message par yannalan » 08 Juil 2014, 11:03

Sur la scène où le curé, au bord de la route, note le nom de ceux qui vont chez Jimmy : un copain qui était instit en 67 à Augan (est Morbihan) avait surpris le curé local en train de faire ça près de la fête de l'école publique. Le saint homme avait fini dans la mare voisine. (Augan, c'est près de Ploermel, le genre de coin où il y a 140 élèves dans le public et 150 chez les cathos)
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Re: Jimmy's hall

Message par artza » 09 Juil 2014, 08:53

Souvent nous voyons des prêtres catholiques dans les films de K. Loach, le poids de ces individus dans la vie quotidienne, leur intrusion grossière dans la vie des familles et l'intimité des personnes n'a jamais manqué de me choquer. C'est impensable ici, la génération de mes grands-parents (ouvriers parisiens) criait "croah" sur le passages des ratichons et lançait des cailloux aux élèves des jésuitières. La photo (muette ;) ) montrant Benjamin Péret injuriant un prêtre n'était en rien "surréaliste"!

L'image donné des prêtres par K. Loach, n'a rien à voir avec cet anti-cléricalisme. Elle est toujours bien mesurée, au bout du compte ils ont leur raison, leur foi et un fond d'humanité.
Bien sur c'est le reflet du respect populaire supposé mais n'est-ce pas aussi celui de K. Loach lui même?

Les films de K. Loach nous touchent car ils parlent des nôtres de nos problèmes, parfois de nos luttes comme les voit K. Loach et là il y a aussi à discuter.
Ces films nous touchent dans leur simplicité et l'empathie sincère du réalisateur pour les humbles, pour ceux d'en bas.

Reste l'orientation politique de K. L qui est toujours en fond sourd et là on peut percevoir toute la différence entre vision "de gauche" ou prolétarienne.
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Re: Jimmy's hall

Message par Antemonda » 31 Juil 2014, 13:45

artza a écrit :Le dernier Ken Loach, de droite à gauche la critique s'entend pour dire que ce n'est pas le meilleur Ken Loach, peut-être.
Ne serait-ce pas plutôt que la critique se lasse des films à sujets sociaux où les petits se rebiffent?.. et encore bien peu comme dans ce film.


C'est exactement ce que je me suis dit !

Je suis allé voir ce film avec une très bonne connaissance à moi, un jeune de mon âge, militant au NPA. Le passage où la population locale vient reprendre possession du dancing, dégageant avec aisance le petit groupe de réactionnaires qui faisait jusque là la loi, 5-6 brutes, qui dégagent bien vite en voyant la foule arriver sur eux, a fait revivre ensuite autour d'un verre une discussion que l'on avait eu sur ce que c'est, le vrai antifascisme...

Sinon, fait curieux, à aucun moment Jimmy ne dit lui-même dans le film : "Je suis communiste", mais tout le monde le dit de lui. Cela m'a tout de suite interpellé, et m'a rendu son personnage un peu ambigu au début. Ça me fait bizarre, c'est comme si Ken Loach laissait sous-entendre que de dire de quelqu'un qu'il est communiste, c'est le calomnier, et qu'il faut essayer d'outrepasser ce "surnom"... C'est un exemple qui illustre un peu tout le film, et je trouve le point de vue de Ken Loach en général, c'est-à-dire un truc un peu honteux, qui va pas jusqu'au bout, qui ose pas se poser franchement, mais qui ne peut s'empêcher de quand même dire de quel bord il est.
Enfin plein de petites choses comme ça dans le film qui le rendent à mes yeux pas parfait.

Tout comme pour les Dardenne, j'ai du coup pris toute la filmographie de Ken Loach passée sortie en dvd (pareil, si vous voulez des liens, pour les avoir gratuits avec un peu de patience si on est pas premium, demandez :)), et j'ai pu voir enfin Land and freedom, The navigators, ou encore The wind that shakes the barley dont Jimmy's hall semble se poser chronologiquement comme la suite.

Reste l'orientation politique de K. L qui est toujours en fond sourd et là on peut percevoir toute la différence entre vision "de gauche" ou prolétarienne.


Je suis complètement d'accord.
Par exemple Land and freedom (qui est complètement incompréhensible à celui qui n'est pas un peu documenté sur la guerre civile espagnole), où il nous pousse un peu à croire que le fond du problème, c'est le manque d'unité entre le P.O.U.M. et le PC - enfin c'est ce que beaucoup de spectateurs ont du en retirer. De même encore pour Le vent se lève, où il semble plus regretter que les partisans du compromis avec la couronne britannique sont en guerre avec "leurs frères irlandais" républicains, nous suggérant à demi-mot qu'ils auraient pu et du s'entendre. Or, la politique de la conciliation, c'est ici clairement celle à chaque fois d'un certain camp, et pas celui que l'on souhaiterait... C'est "on se concilie, donc VOUS baissez les armes, et vous nous laissez [conduire le front contre Franco à notre manière/signer l'accord avec la couronne]"...
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Re: Jimmy's hall

Message par com_71 » 18 Oct 2014, 03:47

Je viens de le voir, et je ne ferais pas tant de réserves.
Certes on peut déceler des réticences de KL. à "trancher dans le vif" mais les situations qui l'inspirent, dans ce film comme dans d'autres, ne comportent pas l'activité d'un parti révolutionnaire prolétarien. (*) Alors les "réticences" sont aussi [surtout ?] celles des dirigeants des partis ouvriers, et les militants locaux, comme ici Jimmy, n'y peuvent pas grand chose. Si un jour il traitait de la révolution russe, là on pourrait voir comment il montrerait une situation et un parti vraiment révolutionnaire.
En attendant "Jimmy" nous dit bien des choses sur ce qu'on peut attendre de l'église et des nationalistes, y compris ceux qui ont pris les armes. On voit bien aussi l'usage qu'ils peuvent faire de "symboles unificateurs". Là c'est la danse au son de la harpe, ailleurs c'est la passion pour le tambour et l'appel de la conque de lambis...

(*) Une exception pour son film sur les espoirs de 1945 (oublié le titre) où il fait l'éloge de la politique d'un gouvernement bourgeois, se prétendant de gauche.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Re: Jimmy's hall

Message par com_71 » 18 Oct 2014, 04:12

Pour rester un peu dans l'ambiance, billet retour à Belfast, sur France 24.

http://www.france24.com/fr/20141010-bil ... rotestant/
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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