Accaparement des terres agricoles

Dans le monde...

Message par Vania » 29 Oct 2011, 15:41

Comme bien des régions d’Afrique, la vallée du fleuve Sénégal (côté mauritanien comme côté sénégalais) est touchée par la vente de vastes surfaces de terres agricoles à de grandes multinationales. Ces ventes sont effectuées par les gouvernements africains, sous la pression des grandes compagnies (trusts de l’agro-alimentaires, mais aussi banques ou sociétés d’assurance à la recherche de nouveaux placements). Les populations paysannes découvrent souvent ces projets concoctés dans leur dos à la dernière minute et se font exproprier.
L’article ci-dessous parle d’une telle vente (ici 20 000 ha) de terres agricoles dans la région de Podor, située sur la rive sénégalaise du fleuve.

a écrit :Sénégal - Affrontement meurtrier autour de terres vendues à des étrangers
Fanaye Diéry, commune rurale située dans la vallée du fleuve Sénégal, a été le théâtre d’affrontements meurtriers le 26 octobre. La réunion du Conseil rural qui a décidé de l’attribution de 20.000 hectares de terres à des investisseurs italiens pour un projet agricole de production d’éthanol (agrocarburant), rejeté par la grande majorité des habitants, a été à l’origine de ces effusions de sang, rapporte le journal sénégalais Le Populaire.
Les affrontements ont entrainé la mort d’un individu et occasionné 21 blessés, dont dix dans un état grave. Quatre morts d’hommes ont été annoncées mais pour l’heure, seul un cas de décès a été confirmé. La victime est un notable paysan de Fanaye Diéry. Il a été abattu avec un fusil de chasse.
Les blessés ont été atteints par des armes à feu et des armes blanches notamment des sabres, des coupe-coupe, des haches, des couteaux mais aussi par des jets de pierres et des coups de bâton. L'intervention de la gendarmerie a réussi à limiter les dégâts. Les blessés sont actuellement admis à l’hôpital principal du département où ils reçoivent des soins.
Selon des témoins, tout serait parti de la décision d’une partie de la population de s’opposer à la tenue d’une réunion du Conseil rural. Elle avait été convoquée par le président de la communauté rurale, Karasse Kane. Contrairement à la décision d’octroyer progressivement des terres à la société Senéthanole, une industrie agro-alimentaire autour de la culture de tournesol et la transformation industrielle de bioéthanol, Karasse Kane avait finalement attribué tous les 20.000 ha à la suite d’une délibération tenue secrète, renseigne Le Quotidien. La décision des populations d’empêcher la tenue de la réunion n’a pas été du goût des partisans de Karasse Kane qui s’étaient préparés à une telle éventualité et s’étaient déjà armés en conséquence.
De violents heurts ont éclaté et le siège du conseil rural a été mis à sac et incendiée. Son président a été sauvé in-extremis par les gendarmes.
Depuis quelques mois le risque de ces affrontements violents planait. Les quelques 25.000 habitants de la localité refusent que leurs terres soient affectées à des étrangers. D’autant plus que le cimetière de Fanaye Diéry, qui date de plus de 100 ans, allait se retrouver dans le domaine cédé aux Italiens. 
Amadou Thiaw, président du comité local de défense des terres de Fanaye Diéry, a rappelé que le président du conseil rural (PCR) avait pris quelques jours auparavant la décision d’octroyer à la société Senéthanole 19.700 ha de terres pour compléter les 300 ha de terres qui lui avaient déjà été affectées au mois de juin dernier. Mais les propriétaires terriens ont estimé qu’en donnant leurs champs pour ce projet italien d'agrobusiness, le PCR n’a pas privilégié la concertation. Karasse Kane a lui défendu ardemment le projet qu'il considère comme une «occasion rêvée» pour développer la communauté rurale.
Le calme est revenu à Fanaye Diéry où un impressionnant dispositif de gendarmes a été mis sur place. Mais ses habitants sont déterminés à aller jusqu'au bout de leur combat pour ne pas céder au bradage de leurs terres.


Le lien : http://www.slateafrique.com/60175/senegal-...parement-terres

a écrit :APRES LES VIOLENCES DE MERCREDI
"Suspension du projet agricole de Fanaye", annonce le Premier ministre

NETTALI.NET - Le Premier ministre Souleymane Ndéné Ndiaye a annoncé vendredi 28 octobre l’arrêt du projet d’affectation de 20.000 ha pour la production de biocarburants à Fanaye, dans le département de Podor, où des affrontements entre conseillers ruraux ont viré au drame avec un mort et des dizaines de blessés.

"Le projet est suspendu", a annoncé le chef du gouvernement après la prière à la Mosquée Omarienne de Dakar où le Collectif pour la défense des terres de Fanaye a mobilisé des ressortissants de la zone pour protester contre le projet.

Jeudi, lors de la réunion hebdomadaire du conseil des ministres, le président Wade a demandé "une note circonstanciée" aux ministres concernés.


Le lien : http://farmlandgrab.org/post/view/19535

En lisant l'article du journal "Le Quotidien" auquel fait référence le premier article de Slate, il semble que les communautés paysannes de Fanaye aient su trouver y compris des alliances auprès de ruraux originaires de la région et partis chercher du travail à Dakar ou à Saint-Louis. Le même article du Quotidien affirme en revanche que les patrons de ce projet agricole ont réussi à entraîner une partie de leurs ouvriers avec eux, les envoyant ainsi faire le coup de poing contre les paysans expropriés.
Avec la multiplication de tels projet d'achat de vastes surfaces de terres, des luttes de paysans, il y en aura bien d'autres. Qu'ils trouvent l'oreille et l'alliance consciente des ouvriers agricoles comme des ouvriers des villes, cela deviendra peut-être vite vital.
Vania
 
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Message par Vania » 08 Nov 2011, 20:00

a écrit :Foncier-Sénégal: Dérives foncières du pouvoir

Comment le Sénégal devient un pays miné - Que restera-t-il du capital foncier sénégalais lorsque le régime libéral ne sera plus là ? La question mérite d'être posée après les précédents de Mbane, Sangalkam, Diokoul, pour ne citer que ces cas-là. La boulimie foncière est telle que, aujourd'hui, la question foncière elle-même est devenue une bombe sociale à retardement. Tels des vautours fonciers, ministres, hommes d'affaires, directeurs de sociétés, sous le régime libéral, font le festin foncier. Mais, à un niveau beaucoup plus important, c'est le phénomène d'accaparement des terres qui commence à gangrener le milieu rural. Une stratégie de prédation qui prend des dimensions plus importantes, avec l'accaparement des terres, sur des centaines de milliers d'hectares par des multinationales et des pays émergents qui se transforment en nouveaux colons.

Beaucoup de pays africains en souffrent, le Sénégal n'est pas en reste. Le président Wade et son régime laissent déjà un grand trou noir dans leur bilan qu'ils savent d'ailleurs justifier par les parades de la Goana, du plan Reva, du découpage administratif, etc. Ainsi, depuis le 19 mars 2000, date à laquelle accéda au pouvoir le régime libéral d'Abdoulaye Wade, beaucoup de milliers d'hectares de terre sont passés sous leur propriété privée au détriment des paysans. Conséquence, cette façon de s'enrichir des terres de pauvres paysans, sous Wade, s'est souvent soldée par morts d'hommes. La dernière en date s'est déroulée avant-hier dans la communauté rurale de Fanaye où partisans et adversaires de l'octroi d'une superficie de 20 mille hectares à la société italienne Senethanol a viré au drame. Bilan : deux morts et une vingtaine de blessés graves.

Cette affaire n'est que la face visible de l'Iceberg. Sous la conduite du ministre de la Décentralisation et des Collectivités locales, Aliou Sow, 19 délégations spéciales ont été en mises en place en lieu et place des élus installés après les élections locales de mars 2009 marquées par une victoire de l'opposition dans la plupart des grandes villes et des zones à enjeux multiples. Objectif clairement affiché : faire main basse sur la terre.

Dans la communauté rurale de Mbane qui ne fait pas exception à la règle, des surfaces totales de terres de deux cent deux mille quatre cent dix-sept (202 417, 20) hectares, ont été bradées.

Ainsi, en l'espace de trois (3) années seulement de Goana et Reva, ce furent cent quatre-vingt-neuf mille cent quatre-vingt dix (189 190) hectares qui ont été spoliés, correspondant exactement à la surface totale de la Communauté rurale (190 600 ha).

En effet, la surface de la communauté rurale de Mbane s'élève à 190 600 hectares seulement. Après, le décompte donne 233 208 hectares de terres qui ont été distribués.

Soit quarante-deux mille six cent huit (42 608,32) hectares de plus. Cette communauté rurale gagnée par l'opposition s'est, par décret, retrouvée sous l'escarcelle de l'administration - les mauvaises langues diront de la Coalition Sopi - avec le découpage de Mbane.

C'est également le cas Sangalkam, devenue collectivité locale en 1985, où l'enjeu foncier aura provoqué la mort du jeune Malick Bâ, tué d'une balle dans la tête, lundi 30 mai par la gendarmerie lors d'une manifestation populaire contre cette politique de saucissonnage du territoire communautaire de Sangalkam qui s'étend sur une superficie de 195 km2.

Si la logique boulimique libérale et suicidaire s'éclipse face à une réflexion lucide, il est constaté qu'en réalité, il n'existe plus ni pâturages, ni zones d'habitations, encore moins de forêts classées dans cette Communauté rurale.

Forts de cela, les paysans de la communauté rurale de Diokoul ont battu en juillet dernier le macadam sur 2Km, en 1 h 30 mn, pour exiger la restitution de leurs champs. Leurs terres sont accaparées par la ferme Mame Tolla du Président de la République, Abdoulaye Wade.

Ce sont en tout 2 070 hectares qui ont été affectés à la ferme, spoliant du coup 99 paysans des 4 villages de Diokoul, Nguer-Nguer, Yadiana et Dahra. Ainsi, dépossédés de leurs champs, leurs enfants n'ont trouvé d'autre issue heureuse que de venir alimenter le marché des marchands ambulants de Dakar ou celui des femmes de ménage.

650 mille hectares de terres bradés à dix-sept privés entre 2000 et maintenant

Autre cri du coeur pour la même douleur, c'est l'association 'Sam sa momel' de la communauté rurale de Bambilor qui est, depuis quelques semaines, sur le pied de guerre contre la confiscation des terres de ses membres par la Comico et d'autres promoteurs.

Ces populations qui crient au 'crime' à cause de la destruction de leurs biens terriens construits pendant 30 ans, ont d'ailleurs enclenché des poursuites judiciaires à travers trois plaintes.

La première sera 'contre les militaires de la Comico pour destruction de biens appartenant à autrui'. La seconde plainte sera servie à 'la famille Bertin pour faux, usage de faux et usurpation de fonction'. Enfin, la troisième vise 'l'annulation des titres fonciers attribués aux vampires fonciers', annonçait Birane Cissé, le chargé de communication du collectif.

A la lecture des scandales fonciers répétitifs au Sénégal, depuis l'alternance, l'opposition regroupée au sein de Bennoo estime ceux-ci d'autant plus inacceptables, qu'ils impliquent de grandes personnalités de la République, qui manifestement, dit-elle, piétinent la loi N° 64-46 du 17 juin 1964 relative au Domaine national.

Ces autorités de la République 'se sont fait attribuer des milliers d'hectares, n'ont payé ni des frais de bornage, encore moins entamé une quelconque exploitation de ces terres'.

Dans un entretien accordé à Wal Fadjri, Amadou Kanouté, directeur général de Cicodev, donnait des chiffres qui donnent froid dans le dos. Ce sont en effet, 650 mille hectares de terres qui ont été bradés à dix-sept privés nationaux et internationaux dont des Espagnols et des Italiens entre 2000 et maintenant. A ce rythme, on se demande, ce que l'actuelle pourra léguer aux générations futures.


Le lien : http://farmlandgrab.org/post/view/19540

Le même article publie une photo d'une manifestation des travailleurs de la société Sénéthanol contre la décision de Wade d'annuler le contrat de vente de terres à Fanaye (région de Podor) à cette même société (cf. les deux articles ci-dessus) avec cette légende :

a écrit : Les travailleurs de la société italienne Sénéthanol ont décidé de battre le macadam ce lundi 31 octobre 2011 après la suspension, par l’Etat, du projet de leur société. Selon la Rfm, ces travailleurs veulent la sauvegarde de leur outil de travail.


Visiblement, le pouvoir et les patrons des futures exploitations agricoles semblent parvenir pour l'instant à opposer paysans pauvres et travailleurs des campagnes. Vivement que paysans et travailleurs trouvent un terrain d'alliance pour leurs luttes. Car leurs sorts ne sont pas opposés, mais liés.
Vania
 
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Message par Vania » 09 Nov 2011, 00:42

Sur l'autre rive du fleuve Sénégal, côté mauritanien, dans la région de Boghé, face à Podor (Sénégal, cf. supra).

a écrit :PANA SAS 8 oct 2011

Des villages du Sud mauritanien dénoncent une tentative d'expropriation

Nouakchott (PANA via Mauritanie-web) - Les communautés villageoises du département de Boghé (300 kilomètres au Sud- Est de Nouakchott) ont dénoncé, samedi au cours d’une rencontre avec la presse, l’accaparement de leurs terres au profit d'une entreprise saoudienne, la Société Tabouk El Eziraya, affiliée au groupe Errajihi.

Le chef de la délégation de ces communautés villageoises, Djigo Moussa Abou, estime que cette procédure d’expropriation des 50.000 hectares, engagée par les autorités mauritaniennes, s'effectue "en violation de toutes les règles relatives au foncier et entachées de vices multiples, parce qu'elle prive les habitants de plus de 100 villages de leur principale source de revenus et les expose à l’insécurité alimentaire».

Le problème foncier au sein des communautés villageoises reste un enjeu dans le processus de développement de l’agriculture irriguée dans les pays touchés par le Sahel et présente des dimensions conflictuelles dans ces sociétés fortement attachées à la propriété traditionnelle.

« Ce problème est exacerbé par la spéculation des courtiers au service des investisseurs des pays du Golfe auxquels ils promettent des terres des communautés villageoises, sous prétexte qu’elles ne sont la propriété de personne.

"Des pratiques que le président du Forum national des Organisations des Droits humains (FONADH), Sarr Mamadou, qualifie de "récurrentes dans toutes les régions de la vallée du fleuve", vivement soutenues par des trafics d’influence à travers laquelle ces hommes tentent de persuader leurs interlocuteurs « de leur qualité de personnalités bien introduites » a déploré le président du FONADH.


http://farmlandgrab.org/post/view/19415
Vania
 
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Message par Vania » 14 Nov 2011, 20:35

Cet article ne concerne pas directement l'accaparement des terres agricoles, mais celui des infrastructures portuaires africaines par les grands groupes capitalistes, dont le groupe français Bolloré. Et comme il faut bien de telles infrastructures pour acheminer les productions agricoles, beh, je le poste ici...

a écrit :Transport maritime : bousculade sur les docks africains

Malgré les crises, politiques et économiques, l’intérêt pour les ouvertures maritimes du continent ne faiblit pas. Les grands groupes se livrent une bataille sans merci pour en prendre le contrôle.

Bolloré Africa Logistics aura finalement gagné la bataille contre Getma. Depuis le 29 mars, la concession du port guinéen de Conakry est sienne. Sa treizième, après Freetown en décembre 2010, où il devrait investir 92 millions d’euros. Déjà en 2009, c’est au terme d’une âpre bataille qu’il avait ravi une partie de la gestion du port de Lomé à l’espagnol Progosa.

Ces affaires sont au moins révélatrices d’une chose : l’attractivité des ports africains n’a pas faibli malgré la crise mondiale. Et la croissance économique de 5,8 % prévue par le Fonds monétaire international (FMI) pour l’Afrique subsaharienne en 2012 (5,2 % en 2011) laisse entrevoir un avenir tout aussi radieux. « Les privatisations, accompagnées de nombreux investissements, accentuent le fort développement des ports », analyse Hendrik Lohse, directeur de l’Institut portuaire d’enseignement et de recherche du Havre (Iper). « Tout est à faire, et on se bouscule pour prendre les meilleures positions », poursuit-il. Les grands opérateurs prévoient ainsi d’investir entre 1,3 milliard et 2 milliards d’euros pour moderniser les ports de la façade ouest-africaine.

En Guinée, Bolloré compte allonger 500 millions d’euros sur les vingt-cinq ans que dure la concession, dont 150 millions les trois premières années. Augmentation de la longueur du quai du terminal de 300 à 900 m, profondeur portée à 13,5 m, contre 10 aujourd’hui, connexion au chemin de fer… Le projet est ambitieux et a su séduire le président Alpha Condé, qui remercie par la même occasion le soutien indéfectible du gouvernement français à son élection.

Eldorado

À Pointe-Noire, au Congo, Bolloré a commencé son programme d’investissement, qui devrait atteindre un total de 570 millions d’euros d’ici à 2036 et transformer la presqu’île en premier port d’Afrique centrale, avec 647 000 conteneurs de capacité annuelle de traitement dès 2015. De son côté, APM Terminals (filiale du danois Maersk) entend investir 75 millions d’euros à Monrovia dans les trois ans. À Djibouti, Dubai Ports World (également présent en Algérie, au Sénégal et au Mozambique) a annoncé le 10 octobre l’extension du port d’ici à 2014, pour 240 millions d’euros.

Selon une étude commandée par le cabinet londonien Holman Fenwick Willan, l’Afrique, avec l’Amérique latine, est bel et bien le nouvel eldorado maritime. Si la Chine a connu la croissance en volume la plus spectaculaire de ces dernières années, les nombreux projets de ports chinois sont désormais interdits aux investisseurs étrangers. Cette situation, couplée au fait que les échanges entre l’Afrique et l’Asie ont dépassé depuis 2005 ceux réalisés avec l’Europe, a poussé les grands opérateurs mondiaux vers le continent.

Cap à l’est

Mais contrairement à l’Afrique de l’Ouest, tirée historiquement par son trafic avec l’Europe, « le constat sur la façade est-africaine est sa pauvreté en infrastructures portuaires », relève l’Institut supérieur d’économie maritime (Isemar). Selon le cabinet de conseil allemand Dynamar, le Kenya (700 000 équivalents 20 pieds) et la Tanzanie (400 000) sont probablement les candidats les mieux armés pour recevoir les investissements dont la région a fortement besoin pour soutenir sa croissance.

Le président kényan, Mwai Kibaki, a d’ailleurs appelé de ses vœux, début octobre, la construction d’un port moderne à Lamu et, dans la foulée, d’un corridor (routier et numérique) rejoignant le Soudan du Sud, le Soudan et l’Éthiopie. Au Mozambique voisin, le développement des mines, notamment de charbon, a déjà accéléré la privatisation du port de Maputo, confiée à Dubai Ports World en consortium avec le sud-africain Grindrod et l’État.

« Nous sommes intéressés par tous les ports africains », aime à rappeler le français Bolloré. Et certainement ne laissera-t-il pas les opportunités est-africaines lui passer sous le nez. Il est d’ailleurs déjà présent sur des ports secs en Tanzanie et au Kenya. Il a même annoncé en 2009 vouloir investir pas moins de 500 millions d’euros en Somalie, dans le port de Berbera… mais c’est finalement du nouveau grand partenaire chinois que viendra peut-être le chèque : mi-septembre, PetroTrans a déclaré réfléchir à investir dans le port afin de faciliter ses exportations de gaz naturel éthiopien.

Alors que la Somalie reste en proie à une guerre civile, mettant à genoux les fragiles institutions du pays, est-il opportun d’y investir ? « Pour attirer les investissements, la stabilité politique et sociale est nécessaire », estime Hendrik Lohse. Pour lui, « c’est le problème majeur que l’Afrique doit vaincre pour développer encore ses infra­structures aéroportuaires ». La crise ivoirienne a de fait entamé les résultats du concessionnaire Bolloré – encore lui –, probablement compensés cependant par les résultats des autres sites. Sa détermination, comme celle des autres opérateurs, est en tout cas intacte.


Le lien : http://www.jeuneafrique.com/Articles/Dossi...-africains.html

Cela dit, on retrouve le groupe Bolloré directement impliqué aussi dans la vague de spéculation qui touche les terres agricoles africaines, comme en Sierra Leone, où la police a récemment arrêté plusieurs dizaines de paysans protestants contre la spoliation de leurs terres. ( http://farmlandgrab.org/post/view/19481 )
Vania
 
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Message par Vania » 14 Nov 2011, 21:30

Même si les "solutions" que proposent son auteur ne règleront malheureusement rien au sort du paysannat africain, sans révolution prolétarienne et paysanne, ce texte remue. En tout cas, il m'a ému. L'auteur décrit sobrement la décente aux enfers du paysannat africain après les "indépendances", de préconisations des anciennes puissances tutélaires en disparition des aides d'Etats aux paysans, retour aux mono-cultures, chutes des prix sur les marchés mondiaux, misère qui monte, puis expropriations à grande échelle aujourd'hui.

a écrit :"Nous ne pouvons plus attendre"

Via Campesina, Ibrahim Coulibaly | 29 octobre 2011 | crise alimentaire | Mali

Contribution de Ibrahim Coulibaly sur la Volatilité des Prix Agricoles- CSA - 19 octobre 2011

Il y a près de quarante ans quand j’étais tout petit on ne parlait pas de volatilité. Je me rappelle encore que notre gouvernement donnait des charrues, des bœufs de labour, de l’engrais à crédit à nos parents. A l’époque il y avait un service public l’OPAM qui achetait les produits alimentaires aux familles paysannes à des prix connus d’avance.

Il y a environ trente ans j’étais au collège on nous a dit que c’était mieux de produire pour les marchés extérieurs et nous avons commencé à entendre dans le discours de nos hommes politiques un terme « DETERIORATION DES TERMES DE L’ECHANGE » une véritable complainte à l’époque mais qui n’a eu d’écho nulle part. De quoi s’agissait-il ? En vérité les prix des produits agricoles d’exportation s’effondraient sur le marché international. Les gouvernements d’alors avaient certes commis l’erreur fatale de pousser les paysans à produire plus de produits d’exportation mais quand cela a mal tourné seuls les paysans ont payé le lourd tribu.

L’effondrement de nos économies et l’endettement public dans les années 1980 a amené la BM et le FMI à mettre nos pays sous ajustement structurel.

On nous a dit alors que l’Etat était inefficace et que nous devions donner plus de place au privé. En même temps nos Etats étaient obligés de s’endetter encore plus pour rétablir les équilibres macro économiques. On nous a dit qu’il fallait couper tout soutien à l’agriculture paysanne qualifiée de non-performante, une véritable campagne de démolition contre cette agriculture a alors été engagée par la BM et ses alliés.

On nous a dit de produire encore plus de produits de rentes pour l’exportation, comme le coton, café, arachides à des prix très bas fixés à l’extérieur. Avec ces devises on nous a dit d’acheter du riz d’Asie ou de la farine et du lait en poudre d’Europe, qui aujourd’hui sont devenus si volatiles. La descente aux enfers avait commencé pour les familles paysannes et pour nos Etats surendettés et incapables de payer.

Puis on nous a dit de devenir compétitifs selon les critères des institutions financières internationales, et que nos Etats n'étaient plus autorisés de nous protéger. Tous nos tarifs douaniers ont été démantelés et nos marchés ont été libéralisés, des produits alimentaires venus d’ailleurs ont commencé à se déverser à bas prix sur nos marchés nous rendant encore plus vulnérables à la volatilité des prix. Les habitudes alimentaires ont changé dans les villes; les productions vivrières des familles paysannes ne pouvaient plus se vendre. Ce phénomène a été aggravé en Afrique de l’Ouest par l’avènement de l’UEMOA (Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest) et son Tarif Extérieur Commun connu pour être le tarif douanier le plus faible dans le monde.

Mais aucune de ces « solutions » qui nous ont été imposées ne nous ont sortis de la pauvreté. Pire encore, on est devenus encore plus vulnérables. C’est dans un tel contexte que l’on demande à l’agriculture familiale d’être performante.

Aujourd’hui on doit subir de nouveaux enjeux qui nous tombent du ciel. Le changement climatique, la spéculation financière, les marchés internationaux imprévisibles, de nouvelles politiques de pays développés qui nous accaparent nos terres pour faire des carburants.

Mais par rapport a cela on ne nous dit plus rien. Pourtant ceci est au cœur de la volatilité dont on parle maintenant.

Plutôt que de répondre aux causes de notre pauvreté et de la volatilité on a vu de véritables catalogues de projets et programmes financés au nom du secteur rural. Des milliards de dollars sont mobilisés chaque année mais la réalité est que plus de la moitié des familles paysannes dans la plupart de nos pays ne peuvent pas accéder à 1000 dollars pour se payer une charrue, une paire de bœufs, une charrette, un âne ( étude de la FAO sur la mécanisation agricole au Mali).

Le haut panel d’experts devrait être mandaté pour faire une étude sur l’efficacité de qui est mobilisé au nom des pauvres (quand plusieurs centaines de millions de dollars sont mobilisés, combien arrivent dans les champs des pauvres, aux femmes dont on parle tant ?

Vous serez étonnés des résultats d’une telle étude. Ou peut être pas du tout, parce que depuis le temps qu’on mobilise tous ces millions en notre nom, nous serions tous riches déjà.

Malgré tout cela, sans aides d’aucune forme, sans aucune protection et avec tous les puissants du monde contre elle, l’agriculture paysanne n’a pas disparu.

Malheureusement il a fallu la crise actuelle pour que nos gouvernements reprennent conscience de la nécessité de la sécurité alimentaire sur base de la production alimentaire au niveau national. Cependant les solutions durables se font attendre.

Pour solutionner ce problème de volatilité de prix nous paysans, avec l’appui des autres acteurs de la société civile, pensons qu’il est nécessaire de ;

    * Donner la priorité à nos marchés locaux, à l intégration régionale, plutôt que de laisser nos prix se faire dicter par ces marchés internationaux lointains et imprévisibles. C’est la seule solution pour que nous, paysans, puissions nous nourrir ainsi que nos communautés et nos villes.
    * Il faut arrêter toutes les formes de compétition entre des agricultures et des modes de productions ayant de très grands écart de productivité (la houe contre le tracteur plus la subvention cela passe difficilement). On n’a pas de droit de nous dire qu’on mangera quand on sera compétitif.
    * Il faut arrêter ces politiques qui viennent déstabiliser nos agricultures paysannes. Quand il y a surproduction nous subissons le dumping, quand il y a pénurie nous subissons les restrictions des exportations pour l’alimentation qu’on nous a dit de ne plus produire.
    * Il faut que nos gouvernements aient l’ambition de politiques qui nous sortent de la pauvrette et de la misère, qu’ils protègent nos agricultures paysannes des marchés volatiles et nous soutiennent pour qu’on puisse investir pour nourrir nos populations.
    * On sait comment il faut faire, des instruments existent pour stabiliser les prix : des tarifs douaniers adaptés, des stocks stratégiques à différents niveaux, gérer l’offre et la demande, réguler contre les spéculateurs, … au nom de quel droit l’OMC nous interdit-il de le faire ?
    * Permettre aux paysans, aux femmes, aux groupes vulnérables en milieu rural d’accéder réellement aux fonds mobilisés en leur nom pour acheter du matériel agricole, des fertilisants, des semences, de créer de la valeur sur leurs produits afin qu’ils puissent commencer à vivre dignement de leur travail,

Pour finir je voudrai inciter chacun d’entre nous de méditer quand nous allons nous asseoir devant nos plats de victuailles ce midi, de penser que des humains sont en train de mourir en ce moment même de faim ou de malnutrition parce que des réunions coûteuses sont organisés autour de leur sort sans que les actes qui pourraient les sauver ne soient posés. Nous ne pouvons plus attendre.


Le lien : http://www.grain.org/fr/bulletin_board/ent...s-plus-attendre
Vania
 
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Message par Vania » 16 Jan 2012, 20:31

En plus de grèves ouvrières, l'Indonésie connaît également ces derniers jours des luttes paysannes contre l'accaparement des terres par de grands trusts mondiaux.

a écrit :Les propriétaires terriens en colère

Des milliers de paysans, ouvriers, pêcheurs et chefs de village ont manifesté le 12 janvier dans plusieurs villes de l'archipel, dénonçant les abus et les violences des sociétés minières et des plantations de palmiers à huile et réclamant des réformes agraires, rapporte The Jakarta Post. A Jakarta, 4 500 manifestants, sous la conduite de 77 ONG, ont bloqué la circulation. Ils veulent l'annulation de la loi de 2009 sur les minéraux, l'énergie et le charbon, qui stipule que les propriétaires d'une terre riche en ressources naturelles doivent accepter qu'elle soit exploitée par l'Etat. Une loi qui contredit celle de 1960, qui obligeait l'Etat à respecter la souveraineté des propriétaires fonciers.


Lien : http://www.courrierinternational.com/breve...riens-en-colere

a écrit :Thousands of militant peasants rally to halt landgrabbing in Indonesia

Jakarta, INDONESIA - On January 12, 2012, the Aliansi Gerakan Reforma Agraria (AGRA), a militant and genuine peasant movement in Indonesia, marked the New Year with a big mobilization in front of the Presidential Palace. Thousands of peasants came down from the villages in the rural communities travelling from the mountains and valleys with one battle cry - stop land grabbing!

“We are protesting massive land grabbing practices by the state, landlord and foreign capitalist. We also condemn fascist attack of the government perpetrated by their police and army by interfering in agrarian conflict in Indonesia,” remarked Rahmat Ajiguna, secretary general of AGRA and deputy secretary general of the Asian Peasant Coalition (APC).

“There are hundreds of agrarian cases in Indonesia, mostly by private companies engage in mining, palm oil plantation, and foreign investments.  These agrarian disputes resulted to over a dozen of peasant lives committed by the police and military. The agrarian conflicts in Papua, Mesuji, Sodong, Riau, Jambi, Papua and Bima are intense and the peasants are already furious against the repressive and fascist Indonesian National Army and Police that intervenes in the agrarian disputes,” added Rahmat.

“This is enough! President Susilo Bambang Yudhoyono and Budiono administration is a fascist regime. Whenever we stand up for our right, we always get bullets. Today, we come here to demand to end land grabbing and fascist attacks against us,” Rahmat said.

In front of presidential palace, the peasants are very much angry against Yudhoyono regime and their military. Some of them are trying to break the barb wires that blocked the street in the front of the palace. The protesters said that President Yudhoyono knows that they are coming. Yet, the palace informed them the President is out of town.

From the Presidential palace, the peasants proceeded at the House of Representatives to push the legislators to form special committee to solve agrarian conflict.

The Indonesian policed tried to disperse the peasant rally using water cannon. Despite this, the peasants hold their grounds and maintain their rally. They were able to get the legislators attention and a negotiation was held. More than 20 law makers agreed to form a special committee to solve agrarian conflict.

“The special committee should have two agenda – first, is to initiate a consultative forum in order to formulate agrarian reform,  and second, to evaluate the collaboration between the foreign capitalist with the Indonesian National Army and Police. The legislators need courage in order to do this. We will see what they could do about this.  However, we will continue to defend our land with our lives.” Rahmat ended.

The rally ended at 6 pm and the peasants left the parliament building with much hope and determination to continue their fight for genuine land reform.

The People Struggle Front (Front Perjuangan Rakyat-FPR) or International League of Peoples Struggle (ILPS)-Indonesia Chapter also joined the rally.  Rudy HB Daman, ILPS-Indonesian Chapter said that ILPS-Indonesia fully support the rally and endorse AGRA’s demand.


Lien : http://farmlandgrab.org/post/view/19880

Tant le terme de "propriétaires terriens", pour désigner de petits paysans dans le premier article, que celui de "fasciste" pour désigner le régime indonésien, dans le second, ne sont ceux que j'emploierais. Mais je n'ai trouvé que ces articles pour relater ces luttes paysannes.

Encore un pays où la question agraire sera l'une des tâches de la révolution prolétarienne. Encore une preuve aussi que la faucille et le marteau, pour une grande partie du monde, ce n'est pas qu'un symbole, mais le programme de la révolution à venir, celle qui verra l'alliance du prolétariat et du petit paysannat.
Vania
 
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