A quoi mène l'apolitisme des "indignés"

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Vania » 03 Oct 2011, 20:24

a écrit :Le milliardaire Soros soutient les "indignés" de Wall Street

Les "indignés de Wall Street" se sont trouvé un parrain de choix. Le richissime investisseur américain George Soros a dit, lundi 3 octobre, qu'il éprouvait de la sympathie pour les manifestations anti-Wall Street qui, selon lui, ont été causées par les "super bonus" versés par les banques.

"J'ai de la sympathie pour leurs opinions", a dit M. Soros à l'ONU à propos des manifestants qui ont tenté de bloquer le pont de Brooklyn au cours du week-end. Plus de sept cents d'entre eux ont été interpellés, selon la police de New York, ce qui a provoqué un fort soutien sur Internet et une publicité sans précédent pour le mouvement. Ils ont appelé à de nouvelles manifestations, mercredi, dans le quartier financier de New York.

"JE COMPRENDS LEUR RÉACTION"

Le milliardaire, devenu l'un des hommes les plus riches du monde après avoir fait fortune par la spéculation, a estimé que beaucoup de la colère exprimée par les manifestants anticapitalistes et les ultraconservateurs du Tea party visait les actions des banques. "Je comprends leur réaction, franchement", a dit M. Soros, qui a souligné le sort des propriétaires des petites entreprises qui ont vu les taux d'intérêt de leurs cartes de crédit grimper de 8 % à 28 % après la crise de 2008. "Et puisqu'ils dépendaient de ce crédit pour gérer leurs entreprises, beaucoup d'entre eux ont en réalité dû cesser leurs activités", a-t-il dit.

"Et en même temps, la décision de ne pas injecter de capitaux dans les banques mais en réalité de les soulager de leurs mauvais avoirs et de leur permettre de s'extraire du trou laisse les banques avec des super profits et leur permet de verser des super bonus", a-t-il dit. "Le contraste entre les deux est, je pense, une raison principale" des manifestations anticapitalistes et du Tea party, a encore estimé M. Soros.

S'inspirant à la fois des "indignés" espagnols et des révoltes du "printemps arabe", le mouvement Occupons Wall Street a été lancé à la mi-septembre. Depuis, plusieurs centaines de personnes se rassemblent chaque jour devant la Bourse de New York.
Vania
 
Message(s) : 27
Inscription : 19 Fév 2011, 01:21

Message par redsamourai » 03 Oct 2011, 21:54

ça ne m'empêche pas de trouver encourageant que quelques milliers de personnes commencent à protester publiquement aux USA contre certains aspects au moins de cette saleté de crise (je dis quelques milliers car s'il y a eu 700 arrestations, j'imagine qu'ils étaient bien davantage à l'origine...).

J'ai entendu à la radio un gars qui était interrogé, qui disait qu'il n'avait pas de solution précise à proposer pour arrêter les dégats causés par la crise, mais qu'il avait décidé qu'il fallait refaire la même chose que ceux qui avaient parcouru les USA pour fonder les syndicats, qu'il faudrait bien que les gens refassent de la politique.

un exemple qui est lapidaire et anecdotique, mais c'est histoire de dire que pour ma part, je ne discuterai pas en priorité de ce petit évènement de la manière suggérée par le titre du sujet! :dry:
redsamourai
 
Message(s) : 8
Inscription : 26 Avr 2007, 16:51

Message par Gaby » 03 Oct 2011, 22:02

Entièrement d'accord avec redsamourai. Avoir ce genre d'attitude sectaire uniquement critique dans un contexte aussi difficile que celui américain, c'est se positionner à gauche du précipice, dans le vide...

Par ailleurs, que dit Soros de mal dans cet article ? Un milliardaire peut être sympathique...
Gaby
 
Message(s) : 401
Inscription : 27 Fév 2004, 10:53

Message par Vania » 03 Oct 2011, 22:14

Je suis en partie d'accord avec vous deux, Redsamourai et Gaby. Je me suis aussi réjouit de ces manifs aux States. Ce qui ne doit pas nous empêcher de souligner les limites politiques (et elles sont nombreuses) de ce mouvement des "indignés". Après l'Espagne, Israël, et dans une moindre mesure (en ampleur des manifs) ailleurs en Europe, on a pu constater que d'un pays à l'autre, ces premiers mouvements avaient en commun un apolitisme très affirmé, parfois agressifs envers les militants politiques, voire même simplement syndicaux. La "sympathie" d'un Soros, elle ne sort pas de nulle part. Les Soros de ce monde ont sans doute compris qu'ils n'avaient pas grand chose à craindre de ce mouvement en l'état. Et tant qu'à faire, autant le caresser dans le sens du poil, le flatter, si au passage on peut le domestiquer.
C'est pourquoi ce fil figure en "Histoire et théorie", et pas en "Actualité internationale".
Vania
 
Message(s) : 27
Inscription : 19 Fév 2011, 01:21

Message par Vania » 03 Oct 2011, 22:35

Je t'ai lu trop vite, Gaby.

a écrit :Par ailleurs, que dit Soros de mal dans cet article ? Un milliardaire peut être sympathique...


Sympathique, un milliardaire (et spéculateur notoire...).

Pour le gars Soros, je me souviens qu'il aime spéculer sur les monnaies. La presse lui attribuait la sortie de la Livre Sterling et de la Lire du Système monétaire européen dans les années 90. Il semble aussi que la fortune qu'il possède et les trous d'air que celle-ci provoque lorsqu'il la déplace ait été à l'origine de la chute du Bath thaïlandais, qui allait inaugurer en 1997 ce qui fut nommé "la crise asiatique", en fait une des phases de la crise du capitalisme mondial. J'ignore si son âge canonique lui permet encore de spéculer sur les monnaies, ou sur les dettes d'Etat, comme la Grèce (la presse disait en 2007-2008 qu'il ne comprenait rien à la titrisation...), mais pour ma part, ce genre de spéculateur, de vautour sans scrupule, ne saurait m'être sympathique.
Vania
 
Message(s) : 27
Inscription : 19 Fév 2011, 01:21

Message par jeug » 04 Oct 2011, 12:05

Il y a ambiguïté, pour moi :
a écrit :Les "indignés de Wall Street" se sont trouvé un parrain de choix
Je suppose que c'est une formule de style, qui ne traduit pas du tout la réalité, à savoir que ces indignés ne se sont pas du tout choisi ce parrain-là.
Auquel cas, ce serait un peu fort (même si c'est assez fréquent) de juger un mouvement par ce que veulent en faire nos adversaires.
jeug
 
Message(s) : 35
Inscription : 18 Jan 2007, 16:13

Message par Oel » 30 Oct 2011, 22:14

(Gaby @ lundi 3 octobre 2011 à 23:02 a écrit :


a écrit :Par ailleurs, que dit Soros de mal dans cet article ?

Il parle de manifestations "anticapitalistes" alors que justement là-dedans doit y avoir des cocos, des anars (anticapitalistes) et des alters (donc réformistes), et qu'officiellement le mouvement est apolitique (bien qu'ils veuillent faire de la politique). De toute manière ca pue le sentimentalisme, il doit vite oublier ça quand il spécule...

Ce qui est super avec les indignés c'est que d'un rejet total de la politique, le mouvement veuille justement faire de la politique et a au moins pour revendication que le peuple ait son mot à dire, vire les autocrates magouilleurs et mette au pas les banques et les marchés. Bon tout ça n'est pas très clair et précis, en plus c'est difficilement possible, puis que le capitalisme porte en lui sa propre évolution vers la mondialisation libérale (encore que certains pays d'Amérique Latine puissent être un modèle)... bref au moins on sort du défaitisme, du fatalisme. C'est déjà une étape ! Maintenant, le dernière étape, et là plus difficile à franchir, c'est trouver la racine du mal et trouver la seule alternative valable : le socialisme vers le communisme. Mais bon c'est pas pour toute suite, saluons déjà qu'il y ait ce mouvement
Oel
 
Message(s) : 0
Inscription : 02 Fév 2011, 15:01

Message par Sinoue » 31 Oct 2011, 17:53

(Oel @ dimanche 30 octobre 2011 à 22:14 a écrit : et qu'officiellement le mouvement est apolitique (bien qu'ils veuillent faire de la politique).
Ce qui est super avec les indignés c'est que d'un rejet total de la politique, le mouvement veuille justement faire de la politique et a au moins pour revendication que le peuple ait son mot à dire,


le capitalisme porte en lui sa propre évolution vers la mondialisation libérale (encore que certains pays d'Amérique Latine puissent être un modèle)
Je voulais revenir sur ces deux affirmations.

Ca contredit pas forcément l'ensemble de ce que tu dis, mais c'est surtout pour clarifier ce que moi j'en ai compris. Les indignés ne rejettent pas totalement la politique, c'est surtout la classe politique qu'ils rejettent en bloc. Ils ont parfaitement conscience que se regrouper pour essayer de trouver des revendications économiques communes, ça s'appelle faire de la politique. Ils prétendent seulement faire de la politique de façon autre que les partis traditionnels, par exemple par la pratique de l'horizontalité, c'est sans chef ou représentant.

Concernant l'évolution naturelle vers le libéralisme, je suis pas d'accord. Ceux qui pronent le libéralisme sont en général les pays riches exportateurs qui réclament des meilleurs taux de douane pour l'entrée de leur marchandise. Il y a donc, de façon générale, une minorité de pays qui ont intérêt à ce que le capitalisme adopte un mode d'échange libéral, en l'occurence les pays impérialistes.
On remarque aussi les cas particuliers comme la Chine qui pratique une forme particulière de libéralisme en créant des zones franches pour accueillir des entreprises étrangeres et en leur fournissant la main d'oeuvre. Ceci tout en ayant une économie très étatique où Pekin s'insinue dans tous les secteurs d'industrie et en ayant une politique monétaire agressive.
A mon avis, depuis les crises de 1929 et encore plus celle de 2008, il n'existe plus de partisans du libéralisme, ou en tout cas sous sa forme que l'on qualifie "d'ultra". Je pense que le capitalisme tend naturellement plutôt vers le protectionnisme car la baisse tendancielle du taux de profit pour les capitalistes du monde entier les incite à protéger leur propre jardin. Le libéralisme est bon tant qu'il reste des parts de marché à conquérir (et encore même là les états jouent un grand rôle avec la colonisation ou l'aide a la construction des infrastructures).
Voilà, donc tout ça pour dire que, selon moi, le capitalisme ne tend pas vers le libéralisme, ce n'est là qu'un passage de son développement. Il tend plutôt vers l'accaparement de parts de marché que se disputent les différents états (ou forces impérialistes) au service de leur bourgeoisie respective), menant au protectionnisme de sphères d'influence débouchant nécessairement sur des guerres économiques et militaires.
Sinoue
 
Message(s) : 153
Inscription : 25 Déc 2008, 13:10

Message par redspirit » 01 Nov 2011, 23:25

(Sinoue @ lundi 31 octobre 2011 à 17:53 a écrit : Concernant l'évolution naturelle vers le libéralisme, je suis pas d'accord. Ceux qui pronent le libéralisme sont en général les pays riches exportateurs qui réclament des meilleurs taux de douane pour l'entrée de leur marchandise. Il y a donc, de façon générale, une minorité de pays qui ont intérêt à ce que le capitalisme adopte un mode d'échange libéral, en l'occurence les pays impérialistes.
On remarque aussi les cas particuliers comme la Chine qui pratique une forme particulière de libéralisme en créant des zones franches pour accueillir des entreprises étrangeres et en leur fournissant la main d'oeuvre. Ceci tout en ayant une économie très étatique où Pekin s'insinue dans tous les secteurs d'industrie et en ayant une politique monétaire agressive.
A mon avis, depuis les crises de 1929 et encore plus celle de 2008, il n'existe plus de partisans du libéralisme, ou en tout cas sous sa forme que l'on qualifie "d'ultra". Je pense que le capitalisme tend naturellement plutôt vers le protectionnisme car la baisse tendancielle du taux de profit pour les capitalistes du monde entier les incite à protéger leur propre jardin. Le libéralisme est bon tant qu'il reste des parts de marché à conquérir (et encore même là les états jouent un grand rôle avec la colonisation ou l'aide a la construction des infrastructures).
Voilà, donc tout ça pour dire que, selon moi, le capitalisme ne tend pas vers le libéralisme, ce n'est là qu'un passage de son développement. Il tend plutôt vers l'accaparement de parts de marché que se disputent les différents états (ou forces impérialistes) au service de leur bourgeoisie respective), menant au protectionnisme de sphères d'influence débouchant nécessairement sur des guerres économiques et militaires.
Je pense au contraire que depuis une trentaine d'années le libéralisme économique a été mis en place par les Etats en Europe et aux Etats-Unis dans des proportions historiquement jamais atteintes.

Depuis 30 ans, les politiques économiques et sociales qui se sont développées ont préconisé :
1. Une flexibilisation progressive du droit du travail
2. Une privatisation des services publics
3. La déréglementation de la finance et de l'activité bancaire : libéralisation des marchés, interdiction faite aux états d'émettre de la monnaie (les états perdent relativement le contrôle des politiques monétaires)
4. Le développement de libre-change à l'échelle mondiale (baisse générale des droits de douane, libéralisation des marchés de capitaux...). Le développement du libre-échange a directement permis d'entreprendre des politiques d'austérité de revenus : la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté partout dans le monde. Le libéralisme a permis aux capitalistes un accroissement des gains de productivité plus rapide que l'accroissement des salaires et donc de maximiser leurs profits.

Bien sûr l'état joue encore un rôle fondamental dans nos économiques. Mais les piliers de ce qui a constitué "l'état providence" pendant les 30 Glorieuses (la protection sociale, la régulation des rapports de travail, les services publics, le contrôle de la politique économique...) ont depuis été remis en cause par des politiques d'inspiration clairement libérale reposant sur l'idée qu'il fallait laisser faire les marchés. La conviction de la parfaite efficience des marchés sans entrave extérieure n'a, je pense, jamais eu autant d'adeptes que depuis l'abandon des politiques de type keynésienne au milieu des années 70.

Après, c'est une chose que les marchés soient concurrentiels ou non. Oui, il y a beaucoup d'oligopoles et de barrières à l'entrée dans les faits. Certains aspects peuvent même être tout à fait anti-libéraux, mais fondamentalement ce n'est pas ce qui domine : ce qui a soutenu le développement du capitalisme ces 30 dernières années, ce sont des politiques libérales, et jusqu'à la crise de 2008, le libéralisme n'a jamais eu autant d'adeptes y compris parmi les états.
redspirit
 
Message(s) : 0
Inscription : 25 Mars 2006, 19:07

Message par Sinoue » 01 Nov 2011, 23:40

[quote=" (redspirit @ mardi 1 novembre 2011 à 23:25"]

Depuis 30 ans, les politiques économiques et sociales qui se sont développées ont préconisé :
1. Une flexibilisation progressive du droit du travail
2. Une privatisation des services publics
3. La déréglementation de la finance et de l'activité bancaire : libéralisation des marchés, interdiction faite aux états d'émettre de la monnaie (les états perdent relativement le contrôle des politiques monétaires)
4. Le développement de libre-change à l'échelle mondiale (baisse générale des droits de douane, libéralisation des marchés de capitaux...). Le développement du libre-échange a directement permis d'entreprendre des politiques d'austérité de revenus : la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté partout dans le monde. Le libéralisme a permis aux capitalistes un accroissement des gains de productivité plus rapide que l'accroissement des salaires et donc de maximiser leurs profits.


Tout à fait, et qu'est ce qui a succédé à cette seconde phase de dérégulation des marchés? A l'apport de sommes gigantesques de fric puisées directement dans les caisses de l'état. Cela continue encore sous forme de fonds collectifs défendue encore aujourd'hui par Sarkozy comme la seule solution pour régler la crise.

Tu le signales toi-même: "jusqu'à 2008" le libéralisme n'a jamais eu autant d'adeptes. On constate trois phases du développement du capitalisme depuis l'après-guerre, qu'il serait d'ailleurs intéressant de comparer avec les phases d'avant la première guerre mondiale; d'abord une collaboration étroite entre l'état et les capitaux pour conquérir les marchés, ensuite une déréglementation des marchés afin d'accélérer et faire fructifier les échanges, et enfin une intervention massive des états afin de combler la baisse tendancielle du taux de profit.

C'est du moins ce que j'en pense, mais j'avoue manquer de beaucoup de connaissances en économie. Je crois qu'un certain Jacquemart a des billes dans ce domaine, ce serait bien qu'il se manifeste afin de nous éclairer.
Sinoue
 
Message(s) : 153
Inscription : 25 Déc 2008, 13:10

Suivant

Retour vers Histoire et théorie

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 9 invité(s)