Marxisme et Libre arbitre

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Escape » 06 Oct 2011, 18:41

Bonjour,

je prends cette discussion en cours de route, aussi excusez-moi si je réponds maladroitement à des points qui auront déjà été traités.

Je veux revoir ce qui est dit dans les extraits de Plekhanov et d'Engels, en fait, je voudrais éclairer leurs développements à la lueur de la science contemporaine.

Il y a deux points très intéressants, à mon avis :

1°) en quelle mesure déterminisme et hasard sont-ils compatibles ?

2°) que veut dire dans le propos de Plekhanov que la nécessité est condition de la liberté ?

Une fois ces deux points approchés, on peut tenter d'aborder la question du déterminisme dans les actions du lumpen-prolétariat sous un angle peut-être vivifiant (espoir)...

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1°) en quelle mesure déterminisme et hasard sont-ils compatibles ?

La science contemporaine admet parfaitement que le déterminisme puisse tirer son origine du hasard. En effet, le déterminisme tel que vous l'avez pour la plupart défini (et en tout cas, au sens de Martok), c'est le > : la connaissance de la position et de la vitesse de *toutes* les particules de l'Univers à un instant donné équivaudrait à la connaissance de tous les états de l'Univers à un instant quelconque.

C'est sur la base d'un tel déterminisme, >, qu'on dit souvent : si telle situation est connu en tel état, elle donne *systématiquement* tel type de résultat. Ce déterminisme se retrouve sous une forme plus faible en biologie, en médecine, ou ailleurs (mais pas dans les sciences humaines).

Or, en sciences physiques, on a considéré (et ce, dès le XIXe siècle, à une époque donc où Marx et Engels pouvaient avoir entendu parler de cela) le cas de la Thermodynamique. En Thermodynamique, on a des ensembles de particules en nombre extrêmement grand, qui se comportent toutes "au hasard" [ceci est une façon de parler, en fait, elles ne se comportent pas au hasard, mais on peut faire "comme si" c'était le cas] --- et donc il résulte néanmoins un comportement global parfaitement déterministe.

C'est un peu comme si des humains en grand nombre agissaient selon leur libre-arbitre, mais que, à l'échelle de la société, les grands mouvements sociaux qui en résultent suivent néanmoins des lois aussi immuables que mettons, la dynamique d'un fluide.

Au milieu du XXe siècle, ont été rédigés une série de romans de Science-Fiction, la série >, qui mettait en pratique ce postulat > pour expliquer le devenir d'une société à grande échelle. C'est un peu l'application de la Thermodynamique au roman de politique-fiction.

À l'inverse, il est parfaitement possible qu'une foultitude de petits comportements de base tous déterministes donnent à grande échelle... de l'aléatoire !

Cela paraît absurde, mais l'aléatoire est défini de manière moderne d'après l'idée qu'il s'agit d'un système qu'on ne peut pas > selon une loi plus simple que le seul compte-rendu, en détail, de tout ce que le système fait à l'échelle 1:1 (c'est la théorie de Kolmogorov-Chaitin).

Ainsi, on peut observer que les corps chutent de telle manière, donc établir une loi, qui > notre expérience de la chute des corps, donc la chute des corps ne se fait pas aléatoirement. En revanche, si le monde était tel que chaque chute de corps soit spécifique, avec sa trajectoire bien à elle, --- même si elle était déterminée en long en large et en travers ---, alors nous devrions dire que les corps chutent >.

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2°) que veut dire dans le propos de Plekhanov que la nécessité est la condition de la liberté ?

On peut le voir de cette manière : un groupe humain est fait de gens qui peuvent prendre telles ou telles décisions, mais ma décision à moi ne dépend pas (en général) que de mon bon-vouloir, car je prends aussi en compte les décisions des autres [et aussi leurs vœux, ce qu'ils laissent entendre de ce qu'ils vont choisir, leur idéologie, etc.].

Si les autres étaient entièrement un être aléatoire, me baser sur leurs caractéristiques ne m'apprendrait rien, et donc ne me servirait de rien dans mon processus décisionnel. De même que, si mon ordinateur ne donnait pas toujours le même type de comportement quand je tape la même commande, je ne pourrais pas m'en servir.

Or, ma liberté dépend (aussi) de ma capacité à fonder une action cohérente. Donc, pour que moi je sois libre, il est nécessaire que "les autres" (les autres hommes, aussi bien que les outils, les objets, les institutions, les dispositifs, etc.) soient en partie déterminés.

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Avec ces deux idées : (1°) >, et (2°) >, on arrive je pense, à voir les choses sous un angle assez intéressant.

Mais comment avec cela, juger d'actes tels que l'attaque incendiaire d'un bus dans une zone de lumpen-prolétarisation ? Franchement, je me le demande, et, si vous avez des lumières là-dessus, je suis tout ouïe. Il ne serait pas absurde de connecter tout ça à la vision du monde de Henri Laborit. Peut-être.

--esc
Escape
 
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Message par Matrok » 07 Oct 2011, 20:14

Bienvenue Escape ! :wavey: Si tu veux te présenter c'est ici...

Merci pour tes précisions, très claires et pédagogiques. :smileJap:
Matrok
 
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