Un autre extrait du même texte et auteur, fondamental, à mon avis pour la compréhension de ce qui est le réalisme, son passé et son avenir.
Etant donné que un regard honnête et réel de la société actuelle ne peut donner qu'une conclusion socialiste, c'est pour cela que je pense que l'appeler "réalisme socialiste' (voir comment Lukacs clairement délimite ce qui est le véritable réalisme) est justice.
Mes soulignés
a écrit :Assurément nous rencontrons ici un grand problème de la théorie littéraire dans la société des classes. Ce qu’Engels, parlant de Balzac, appelle « la victoire du réalisme » touche jusqu’aux racines de la création artistique réaliste.
Ce concept montre la signification du réalisme véritable : l’appétit de réalité, le fanatisme de la réalité chez le grand artiste, et l’aspect moral de cela : l’honnêteté de l’écrivain.
Si chez des réalistes aussi éminents que Balzac, Stendhal et Tolstoi, l’évolution artistique intérieure des situations et personnages qu’ils ont imaginés entre en contradiction avec leurs préjugés le plus chers, ou même avec leurs convictions sacrées, ils n’hésiteront pas un instant à écarter préjugés et convictions et décriront ce qu’ils voient réellement.
Cette rigueur à l’égard de leur propre image immédiate et subjective du monde est la plus profonde morale littéraire des grands réalistes, en opposition radicale à ces ces petits écrivains qui réussissent pratiquement toujours à mettre leur conception du monde en accord avec la réalité, c'est-à-dire, à l’imposer à l’image ainsi déformée et faussée de la réalité.
Ces deux pôles de la morale de l’écrivain sont en rapport étroit avec la dualité existant entre la création véritable et la pseudo-création. Les personnages des grands réalistes mènent une vie indépendante de leur créateur dès qu’ils ont germé dans l’imagination de l’auteur ; ils se développent dans une direction, subissent un sort qui leur est prescrit par la dialectique interne de leur existence sociale et psychologique. Celui qui est en mesure de diriger l’évolution de ses propres personnages ne peut pas être un véritable réaliste, un écrivain important.
Mais tout cela n’est encore qu’une description du phénomène. La morale de l’écrivain donne une réponse à la question : que fera-t-il, s’il voit la réalité de telle ou telle manière.
Mais cela ne montre pas encore clairement comment il voit et ce qu’il voit. Ici nous rencontrons les questions le plus importantes de la détermination sociale de la création artistique.
Au cours de cet étude nous montrerons dans le détail quelles différences fondamentales résultent, pour le mode de création artistique des écrivains, du fait qu’ils participent ou non à la vie sociale, prennent part à ses combats ou sont des simples observateurs. Les différences ainsi engendrées déterminent des processus de création totalement opposés ; l’expérience qui est à l’origine de l’œuvre à déjà une autre structure et, par suite, la création de l’œuvre se passe elle différemment.
Et savoir, dès lors, si un écrivain appartient au type qui vit dans la société ou à celui qui se contente d’observer, n’est pas une question psychologique, même pas une question typologique ; mais c’est l’évolution de la société elle-même qui-naturellement pas de façon automatique, de façon fataliste- détermine qui se développera dans telle ou telle direction.