Punir les clients des prostituées ?

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par luc marchauciel » 19 Avr 2011, 07:14

(Puig Antich @ mardi 19 avril 2011 à 01:43 a écrit : [vit dans une société patriarcale, dans laquelle bien souvent le sexe est un instrument de domination masculine, qui est marquée dans le corps des femmes, par un système qui légitime le viol, jusqu'à lui enlever son caractère ouvert de viol dans la notion du " devoir conjugal " qui a perdu sa valeur juridique il n'y a pas si longtemps, mais est bien loin d'avoir perdu sa valeur sociale.


Je trouve que ce passage là de ton argumentation est en décalage avec la réalité de la France de 2011.
Je ne connais pas ici et aujourd'hui de système qui légitime le viol. On peut discuter de la qualification de celui-ci dans la loi française (qui est centrée sur la pénétration), mais je ne vois pas comment on peut dire qu'un acte qui est puni d'au moins 15 ans de prison est "légitimé par le système" :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Viol#L.C3.A9g..._fran.C3.A7aise

La loi ne prévoit (et elle le dit explicitement) aucune circonstance atténuante pour le violeur quand il est époux ou concubin. Bref, la notion de "devoir conjugual" n'existe pas juridiquement, et son existence sociale maintenue me semble extrêmement sujette à caution. L'expression elle-même est complètement désuète, et je n'entends en gros jamais nulle part exprimées des idées qui correspondent à ça (le fait que je ne l'entende pas ne veut pas dire que ça n'existe pas, mais il me semble que ça évacue l'idée d'une sorte de règle non écrite mais largement répandue)

Par ailleurs, je ne connais pas d'exemple (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas) de procès pour viol au cours duquel l'accusé avance sur le terrain : "j'avais le droit de passer outre son consentement". Ou alors, s'il le fait, il peut être sûr d'être condamné à la peine maximale et peut récuser son avocat, parce que celui-ci ne pourra rien pour lui. Par contre, l'argument récurrent est "elle était consentenante", ce qui est le preuve même du consentement comme norme juridique et sociale.
Et, dans la lignée de ce que dit Zelda, je précise que je trouve que c'est une très bonne norme qu'il faut défendre, parce que bien évidemment la société a besoin de normes, de règles et de sanctions. Quelles sont les normes, les règles, et les sanctions, c'est cela ce qui se discute. Pour moi, le droit à la la libre disposition de son corps fait partie des règles fondamentales qui doivent être reconnues et protégées par la loi. Ce qui inclut le droit de le vendre (ou plutôt de le "louer") si on le désire, la prostitution elle-même devant être considérée comme un problème social et non pénal, que ce soit à un bout de la chaîne (la prostituée) ou à l'autre (le client)
Il me semble qu'en termes de normes, la société considère le viol sur une prostituée comme un viol. Et la clandestinisation des relations tarifées ne fait qu'exposer plus encore les prostituées à ce risque, c'est cela qui devrait être au coeur d'une approche "communiste" du problème. Peut être que Kollontaï a écrit au début du sièce précédent des choses sur l'abolitionnisme communiste différent de l'abolitionnisme bourgeois ... so what ? Qu'est ce qu'on fait dans la France de 2011 ? Ne pas rejeter le projet de pénailisation du client reviendra à cautionner la précarité concrète de la condition prostituée et son aggravation. Que cela se fasse au nom dun abolitionnisme prolétarien plutôt que d'un abolitionnisme bourgeois fera une belle jambe aux prostituées.
luc marchauciel
 
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Message par shadoko » 19 Avr 2011, 07:15

a écrit :
Shadoko, pour les aspects quantitatifs, regarde les liens que j'ai donnés de la polémique entre Lilian Mathieu et Attac. Il dénonce justement les statistiques utlilisées par les abolitionnistes pour imposer une certaine image de la prostitution comme étant la généralité ou la quasi généralité, en se demandant même simplement comment il est possible de disposer de statistiques de ce genre.

Je viens de regarder. Peut-être que les chiffres d'Attac sont sans référence, voire même bidons, je n'en sais rien, mais je ne vois aucun autre chiffre avancé. Alors en attendant, si tu veux sérieusement critiquer la phrase de l'article de LO en disant:
a écrit :
La phrase sur le fait qu'avoir recours à la prostitution est "une façon de participer à une traite d’êtres humains." est une généralisation extrêmement abusive. Ce n'est pas tout le temps vrai, et ce n'est même très probablement majoritairement pas vrai.... donc la pharse est globalement fausse.

il faudrait également que tu étayes cette affirmation de "majoritairement pas vrai"... par quelque chose! Alors c'est quoi, tes sources à toi?
shadoko
 
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Message par luc marchauciel » 19 Avr 2011, 07:21

Zelda,

C'est quand même quelque chose de très surprenant qu'il y ait pour toi un machin clairement identifiable et circonscrit qui s'appelle la morale communiste (ce dont je ne suis pas sûr, si l'on entend par morale une sorte de code de conduite achevé. Il y a des principes éthiques communistes tournant autour du refus de toute exploitation et de toute oppression, et de la mise en avant de l'égalité comme principe central, ça oui).... mais que au final cette morale communiste ne te permette pas de te prononcer le moins du monde sur le cas concret auquel nous sommes confrontés ici, à savoir la pénalisation des clients de prostituées.
Comme cela se fait-il que tant de clarté éthique débouche sur tant de confusion pratique ?
luc marchauciel
 
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Message par luc marchauciel » 19 Avr 2011, 07:28

(shadoko @ mardi 19 avril 2011 à 08:15 a écrit :
a écrit :
Shadoko, pour les aspects quantitatifs, regarde les liens que j'ai donnés de la polémique entre Lilian Mathieu et Attac. Il dénonce justement les statistiques utlilisées par les abolitionnistes pour imposer une certaine image de la prostitution comme étant la généralité ou la quasi généralité, en se demandant même simplement comment il est possible de disposer de statistiques de ce genre.

Je viens de regarder. Peut-être que les chiffres d'Attac sont sans référence, voire même bidons, je n'en sais rien, mais je ne vois aucun autre chiffre avancé. Alors en attendant, si tu veux sérieusement critiquer la phrase de l'article de LO en disant:
a écrit :
La phrase sur le fait qu'avoir recours à la prostitution est "une façon de participer à une traite d’êtres humains." est une généralisation extrêmement abusive. Ce n'est pas tout le temps vrai, et ce n'est même très probablement majoritairement pas vrai.... donc la pharse est globalement fausse.

il faudrait également que tu étayes cette affirmation de "majoritairement pas vrai"... par quelque chose! Alors c'est quoi, tes sources à toi?
Tu as évidemment raison de me poser la question comme ça.
Comme je ne retrouve plus mes références (qui correspondent à des souvenirs), je suis incpabale de te répondre et de justifier mon "cela ne correspond pas à la situation majoritaire", qui est donc en l'état un argument faible.
La seule chose que je peux affirmer, c'est que la vision de la prostitution uniquement ou très majortairement comme expression de formes de traites ou d'esclavage est nourrie de chiffres globaux brandis par les abolitionnistes, qui les fabriquent un peu selon leur bon vouloir, et que les travaux de sociologues ou d'anthropologues montrent une réalité de la prostitution très différente de ça.
luc marchauciel
 
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Message par artza » 19 Avr 2011, 08:10

(Zelda @ mardi 19 avril 2011 à 02:46 a écrit :

Maintenant, "Faut-il punir les clients des prostituées ?"

Ribéry? Berlusconi? Albert de Monaco? De Niro? Clinton? Strauss-Kahn?

Roland Dumas?...

Et puis n'oublions pas les morts, Maupassant, Sartre, Simenon, Roland Barthes, Edouard VII...

Une loi, une de plus inefficace et quasi inapplicable!

Messieurs les députés pourraient se contenter de demander à la préfecture de police la fermeture des instituts de soins esthétiques qui prolifèrent dans le 7ème arrondissement de Paris et mettre en place une commission d'enquête parlementaire sur la fréquentation de ces intituts par leurs pairs.
artza
 
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Message par redaxe » 19 Avr 2011, 08:21

Bon, Luc, ta nièce de 18 ans cherche à se faire un peu d'argent pendant les vacances pour se payer un voyage. Tu lui dis, ils cherchent du monde à Carrefour, ou bien, tiens, et si tu te prostituais, ça paye mieux? Faut arrêter quand même, j'en reviens pas que tu persistes à dire que les deux sont comparables!
Sinon, pour moi la morale est claire: dans une société équilibrée, le sexe est une activité gratuite, libre de toute contrainte, indissociable de l'envie, du désir. Ce n'est pas négociable. Alors oui le sexe a un statut particulier, et oui ça change la donne. Mais enfin, d'où est-ce que se libérer de la morale catho signifie considérer comme normal le fait que l'activité sexuelle soit une activité marchande!!??? Je conçois qu'on se prostitue par nécessité. Je conçois qu'on choisisse de se prostituer plutôt que de se faire surexploiter d'une autre façon (tu parles d'un choix...) Qu'il y ait des filles qui justifient cette position d'un point de vue féministe, c'est surement rare mais c'est possible. C'est peut-être aussi une façon de retourner le stigmate. Mais c'est de la connerie! Avoir des relations sexuelles pour du pognon, c'est dégradant pour n'importe qui, point. T'as qu'à essayer! C'est tout le contraire de faire ce qu'on veut de son corps. Sinon alors ok je vais m'automutiler, pour montrer que je fais ce que je veux de mon corps, et que je suis donc féministe? Quelle rhétorique tordue! Les relations sexuelles non désirées, quel que soit le cadre, oui c'est aliénant. se prostituer c'est forcément traumatisant. Quand tu choisis ça, tu te marginalises, tu franchis une limite, tu brises un tabou, et il faut vraiment être naïf pour penser que ça peut être un mode de vie comme un autre, pas plus dommageable qu'un autre. Comme dit une copine à moi, à force d'être ouvert d'esprit on finit par accepter n'importe quoi. Alors qu'on considére les prostituées comme des personnes à part entière qui ont droit à la parole, ça me paraît évident. Qu'on réfléchisse à la meilleure façon de les protéger, soit. Effectivement la comparaison avec la toxicomanie semble pertinente, et pas sur que la répression soit la solution (ceci dit c'est ignoble de criminaliser les prostituées et pas les clients...). Mais il ne faut pas perdre de vue le principe fondamental: non on ne peut pas acheter le corps d'une personne pour en disposer comme bon nous semble et prétendre que tout va bien, et non on ne peut pas céder son corps contre son désir et prétendre que c'est du féminisme.
redaxe
 
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Message par luc marchauciel » 19 Avr 2011, 08:35

Je pense que je conseillerais plutôt à ma nièce de faire caissière parce qu'elle serait beaucoup plus en sécurité dans un supermarché que dans un coin obscur seule avec un mec qui s'il n'est pas forcément un pervers violent, peut en être un.
J'argumenterais comme ça plutôt que de lui faire un cours de morale sur le fait de ne pas vendre son corps.
Et la caissière, elle ne vend pas son corps, si elle vend sa force de travail en exerçant un métier manuel (pénible, répétif, usant) ? Son corps n'est pas abîmé par le travail pour lequel le capitaliste l'a engagée ? La différence vient de la sexualisation ou pas du corps, et je ne suis pas sûr qu'il n'y ait pas une part de morale catho à vouloir y voir une différence si marquée.
Et non, tout ne va pas bien ave cla prostitution, qui a dit ça ? (Badinter un peu quand même, ça me dérange dans son discours) On peut même penser que en moyenne les choses vont vraiment et nettement beaucoup plus mal pour les prostituées que pour les caissières. C'est bien de ça dont on parle. Mais je considère que ne pas s'opposer à la criminislaition de la prostitution via la pénalisation du client revient en pratique à accompagner la misère et la détresse des personnes prostituées, au lieu de mettre en place les conditions d'une amélioration des choses.
luc marchauciel
 
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Message par artza » 19 Avr 2011, 08:42

(luc marchauciel @ lundi 18 avril 2011 à 23:06 a écrit :
2) La phrase sur le fait qu'avoir recours à la prostitution est "une façon de participer à une traite d’êtres humains." est une généralisation extrêmement abusive. Ce n'est pas tout le temps vrai, et ce n'est même très probablement majoritairement pas vrai.... donc la phrase est globalement fausse.


Une question les clients de "l'agence" de Madame Claude ne participaient pas à cette traite?

Serait-on si naïf ici pour penser que des employées de ce genre d'agences de luxe, auraient la liberté de choisir leurs clients, de refuser certaines pratiques...

Et bien sur elles ne sont pas "tenues", par des dettes, du chantage, voir des menaces physiques?

Il est quand même connu que sur ce sujet les enquêtes journalistiques et la médiatisation de "mouvements" de prostituées réclamant des bordels, un statut, la fiscalisation etc. sont largement manipulés de A à Z par les proxénètes et n'ont pour but que de banaliser une saloperie en faisant de l'audience ce qui rapporte.
artza
 
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Message par yannalan » 19 Avr 2011, 09:34

A sa fête, Lo demande à des camarades bénévoles de tenir les caisses aux entrées, je suppose, ou à d'autres endroits.
LO ne prévoit pas d'endroit pour prostituer des camarades, ce qui pourtant rapporterait peut-être.
Je pense que, comme beaucoup, LO a du mal à voir la prostitution comme une activité semblable aux autres, et même si ça doit faire catho, je pense que LO a raison.
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Message par Remarque » 19 Avr 2011, 10:03

Eh ben Luc, si c'est tout ce que tu as à lui dire à ta nièce, seulement lui parler de sécurité", je suis bien content de pas être ta nièce.

Tout me surprends dans ta réponse. Le client éventuel pourrais dis-tu "peut-être être un pervers violent"... ou pas ? Donc ? Si le client sort un cutter et la taillade, c'est un problème, mais s'il se contente de lui filer un petit biffeton pour qu'elle lui permette de tirer son coup, tout va bien ? Mais enfin, Luc !? Et puisque c'est la "sécurité" des prostituées qui te pose problème, si tout cela était réglementé, encadré, etc., si on faisait comme je ne sais plus dans quel pays des maisons closes légales, avec des inspecteurs du travail qui viennent régulièrement, et pourquoi pas des flics à l'entrée pour vérifier que tout se passe bien, tu n'y verrais plus d'inconvénient ?

Tu trouves cela "catho" de raisonner comme on le fait ? Je ne vois pas quoi répondre. Au nom du rejet de la morale catholique, on peut alors tout faire, tout théoriser, tout pratiquer, c'est pratique puisque la morale catholique rejette tout, donc... Tu t'arrêtes où, alors ? Tu sais parfaitement que c'est au nom de ce rejet de la morale bourgeoise et catholique que dans les années 70 des gauchistes ont théorisé que la pédophilie n'était pas un problème. Je ne dis pas que c'est ce que tu dis, mais où est la différence de raisonnement ? "C'est un peu catho", ce n'est pas un argument, désolé. Comme l'a dit Zelda, on ne se définit pas par rapport à une morale catho mais par rapport à une morale communiste.
Toi qui souvent, d'après ce que je lis, combat le relativisme en sciences, là tu es en plein dedans.
Et expliquer que les prostituées, si je comprends bien ce que tu dis, sont des prolétaires comme les autres, c'est ahurissant. D'ailleurs ton exemple caissières/prostituées est faux à d'autres titres : oui, la caissière est soumise à l'exploitation, mais NON, nous ne pensons pas et n'avons jamais pensé que se faire exploiter est dégradant, que travailler pour un patron est dégradant. C'est les anars qui pensent ça, ou plutôt certains anars, et en général ils finissent en faisant la manche dans la rue, déguisés en punks, avant des chiens crados à côté, parce qu'au moins ils sont drôlement libres et ils disent merde à la société qui veut les exploiter.
Je caricature... peut-être, mais c'est à cela que mène ce raisonnement. Se faire prendre plus ou moins de force par des hommes pour de l'argent, c'est dégradant. Se faire exploiter, en vendant sa force de travail pour un salaire, non seulement ce n'est pas dégradant, mais je te rappelle même que nous estimons que les travailleurs peuvent être fiers de travailler sans exploiter personne, fierté que nous essayons de restaurer autant qu'on le peut.
Alors cette comparaison n'a non seulement pas de sens, mais je dirais qu'elle est , par les bouts bouts qu'on puisse la prendre, très opposée à nos idées...
Remarque
 
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