par Front Unique » 28 Jan 2011, 00:27
Informations Ouvrières N° 133, semaine du 27 janvier au 2 février 2011
L'EDITORIAL
La tâche n’est pas achevée
“ On est venu finir la révolution ".
Ainsi s’exprime un jeune instituteur manifestant le 23 janvier devant le siège du gouvernement, à Tunis.
Avec des milliers d’autres, venus comme chaque jour exiger la dissolution du gouvernement dominé par les suppôts de l’ancien régime.
Il faut « défaire le parti qui gouverne et toutes ses structures, ses milices, geler ses avoirs et restituer au peuple tous les biens qui lui ont été volés », revendique le « comité régional de Kasserine pour la protection et l’encadrement de la révolution », qui en appelle à l’instauration « d’un gouvernement national de salut public » qui « doit veiller à l’élection d’une Assemblée constituante pour l’adoption d’une nouvelle Constitution qui rompe avec l’ancien régime ».
La révolution qui a commencé en Tunisie est loin d’avoir achevé sa tâche.
Sa puissance a renversé le clan Ben Ali.
Mais elle est confrontée aujourd’hui à des obstacles intérieurs, mais aussi, et avant tout, extérieurs: les grandes puissances capitalistes, qui, de Paris à Washington, exigent le maintien de leur « ordre mondial » et de la continuité nécessaire à la poursuite de leur juteuse domination.
On notera, en particulier, l’arrogance avec laquelle les représentants du gouvernement Sarkozy comme les dirigeants du Parti socialiste —ceux-là mêmes qui, jusqu’au dernier moment, ont soutenu Ben Ali — offrent aujourd’hui services et conseils pour une « bonne transition ».
Ce qu’ils veulent, en réalité, c’est préserver l’accord d’association entre la Tunisie et l’Union européenne dans le but de poursuivre le pillage de la nation tunisienne et la surexploitation de sa classe ouvrière et de sa jeunesse.
Qui donnera tort à ces travailleurs, jeunes, chômeurs qui veulent « finir la révolution » pour que le peuple tunisien ait pleinement et totalement son sort entre ses mains ?
Certainement pas nous, au Parti ouvrier indépendant, qui avons manifesté aux cris de: « Bas les pattes devant le peuple tunisien ! Aucune ingérence ! C’est au peuple tunisien de décider de son avenir. »
Au-delà, on soulignera que la recherche passionnée par le peuple tunisien des moyens de sa souveraineté amène aujourd’hui les comités de défense comme la centrale syndicale UGTT à revendiquer l’élection d’une Assemblée constituante souveraine.
Cela ne vaut-il que pour la Tunisie ?
La rupture avec les institutions de misère, de chômage et de destruction est une exigence commune à tous les peuples, qui s’exprime sous des formes et à des rythmes qui varient d’un pays à l’autre.
C’est un fait: en France, ceux qui, « à gauche », conseillent au peuple tunisien de rester sous le giron de l’impérialisme, sont les mêmes qui prônent une « alternance » respectueuse de l’Union européenne et de ses exigences de « réduction des déficits publics ».
Pourtant, chaque revendication, aussi minime soit-elle, ramène aux directives de l’Union européenne, à ses plans de rigueur et à ses contre-réformes.
Donc, politiquement, à la nécessité de rompre avec elle.
Cela ne met-il pas à l’ordre du jour, chez nous aussi, le combat pour l’Assemblée constituante souveraine par laquelle le peuple définira son avenir ?
A qui considérerait cette perspective comme peu réaliste, on signalera que toutes les grèves et les manifestations ouvrières en Europe n’ont cessé de converger contre les plans de rigueur et les contre-réformes dictées par le FMI, l’Union européenne et la classe capitaliste.
Et l’on rappellera que quelques semaines avant sa chute, le régime Ben Ali était considéré par tous comme un modèle de stabilité…
Daniel Gluckstein
Secrétaire national du POI