Informations Ouvrières N° 122, semaine du 4 au 10 Novembre 2010
L'EDITORIAL
“Nous ne sommes peut-être pas éloignés du moment où…”
Et maintenant ?
Loin de l’apaiser, le vote de la contre-réforme sur les retraites ne fait qu’approfondir la crise dans les cercles dirigeants de la classe capitaliste.
« Cette déchirure de la société, cette épreuve de la démocratie laissent la nation comme un grand corps blessé (…). Sur des ruines, l’exécutif va devoir tenter de rebâtir un dialogue social. Non pas que celui-ci soit une fin en soi, mais un moyen de réformer », se désolent Les Echos (29 octobre).
Autrement dit : passer à la suite, bouleverser l’édifice de l’assurance maladie, imposer les coupes les plus brutales dans les services publics est impossible sans « dialogue social », c’est-à-dire l’intégration des organisations syndicales.
Peu importe, lui répond Le Figaro (2 novembre), pour qui il faut imposer à marche forcée toutes les contre-réformes anti-ouvrières.
A « gauche », François Hollande n’adresse qu’une critique à Sarkozy: ne pas avoir associé les syndicats.
Il prévient: « Celui qui sera élu à gauche devra faire une séance longue, plusieurs mois même, de dialogue social sur trois enjeux: l’emploi, la protection sociale et les conditions de travail (...). J’appelle ça les assises de la démocratie sociale. »
Résumons: jusqu’en 2012, François Hollande et le PS ne feront rien pour abroger la contre-réforme Woerth ; élu en 2012, le PS n’abrogera pas la contre-réforme, mais organisera le « dialogue social » pour associer les syndicats aux contre-réformes destructrices.
Dans tous ces calculs, un oubli: à sept reprises, par millions, travailleurs et militants ont fait grève et sont descendus dans la rue pour exiger le retrait de la contre-réforme.
Il n’est au pouvoir de personne d’effacer la puissance de ce mouvement qui a bouleversé la donne politique.
Même si certains dirigeants, en refusant de lancer le mot d’ordre de grève jusqu’au retrait, permettent finalement à Sarkozy de faire passer la contre-réforme, cela ne garantit en rien le succès des contre-réformes à venir.
Un autre commentateur des Echos (2 novembre) s’inquiète : « La population française ressent chaque réforme comme un nouveau coup dur (…). L’idée qui l’emporte est certes réductrice, mais simple: le mot “réforme” veut dire en réalité “sacrifice” (…). Comment imaginer qu’il est possible d’imposer toujours plus de sacrifices ? Nous ne sommes peut-être pas éloignés du moment où ceux qui se définissent et se perçoivent comme des victimes permanentes — ils ne sont pas minoritaires — enverront tout promener. »
Là est la source de la crise qui frappe institutions et gouvernement, et aiguise l’inquiétude des uns et des autres.
Tout est bouleversé.
La classe ouvrière, qui n’a pas gagné contre la réforme Woerth, a le sentiment légitime de n’avoir pas perdu.
Une nouvelle phase de lutte de classe se dessine, qui n’attendra pas 2012.
Elle formulera l’exigence de l’abrogation de la contre-réforme Woerth.
Comme le dit cette ouvrière préparant la conférence pour l’unité ouvrière proposée par le Parti ouvrier indépendant: « A chaque fois, on est sorti à 8 ou 9 de l’atelier. Mais à la fin, elles ne sont pas venues parce qu’elles ne comprenaient pas pourquoi il fallait encore aller manifester. On ne s’est jamais mobilisé comme cela, on ne peut pas laisser tomber maintenant. Attendre 2012 et les élections ? Mais non, on ne peut pas attendre: on ne sait pas si on sera encore là en 2012. Je vois mon fils, qui a 17 ans, il n’est plus à l’école, il n’a pas de boulot. C’est maintenant qu’il faut s’organiser et se battre. »
Daniel Gluckstein
Secrétaire national du POI