Les textes de Gill sont effectivement excellents, et offrent une saine riposte aux dérives de Michel Husson.
J'ai aussi remarqué dans le texte "Les faux pas d’Alain Bihr, les dérives de Michel Husson”, excellent à tous autres égards, un problème autour de la définition de la composition organique. Ce n'est pas le même que pouchtaxi - Jacquemart a bien sûr raison de remarquer quand on parle de taux, on parle nécessairement de fractions.
Dans ce passage Gill essaie de contrer le raisonnement de Husson selon lequel la hausse de la "productivité du capital" (c'est à dire l'amélioration des moyens de production) serait un facteur antagoniste à la baisse tendancielle du taux de profit. Husson a effectivement tort, mais Gill lui répond avec une autre erreur : il s'emmêle les pinceaux en remettant en cause la définition de base de la composition organique c/v.
La vraie réponse à cette thèse d'Husson se trouve notamment dans les les travaux d'Andrew Kliman, qui a fait un excellent boulot de rétablissement de la théorie marxiste sur ce point.
On peut la résumer par l'exemple numérique suivant :
En 2000, je suis un industriel parmi d'autres qui fabrique des Bidules.
J'achète 10 machines de 10 000 € chacune pour 100 000 €, paie 10 ouvriers pendant un an et les paie 10 000 € chacun pour l'année, soit 100 000 € dépensés en salaires. Ma production est de 300 000 Bidules, dont le prix unitaire est de 1 €. J'ai donc une composition organique du capital de 1/1, et un profit de (300 000/200 000) -1= 50%, ce qui est le profit moyen de mon industrie.
En 2010 un fournisseur de machines vient me voir et me fait une offre alléchante : il peut me vendre les mêmes machines dont j'ai besoin moitié moins cher. Chaque machine demande un ouvrier, donc je paierais toujours 100 000 € en machines, mais cette fois j'aurais 20 machines, et j'emploierais 20 ouvriers, et paierais donc 200 000 € en salaires. Ma production serait double de celle de 2000 : 600 000 bidules. Leur prix serait toujours le même, car je serais le seul à utiliser ces nouvelles machines bon marché, je ferais donc un profit de (600 000/300 000) - 1 = 100 %.
Très intéressant ! Mais un autre fournisseur me propose quant à lui des machines qui valent un peu plus cher que la précédente, 15 000 € chacune, mais qui permettent de produire deux fois plus de bidules, toujours avec un ouvrier par machine. Je fais mes calculs et opte pour cette solution : 150 000 € en machines, toujours dix ouvriers donc 100 000 € en salaires, production de 600 000 Bidules valant 1 € chacun, profit de (600 000/250 000) - 1 = 140 %. Je suis aux anges
En 2011 cependant je déchante : tous mes rivaux ont eu l'idée simple de me copier, ils ont tous les mêmes machines. En conséquence le prix du bidule décroit. A nouveau, comme en 2000, pour moi comme pour tout le monde chaque année de travail d'un ouvrier ajoute 20 000 € à la valeur du capital constant employé (des machines), dont 10 000 € partent en salaires. J'ai donc toujours 150 000 € en machines, 100 000 € en machines, production de 600 000 Bidules, mais ceux ci ne valent plus que 0,58 centimes chacun, pour une valeur totale de 350 000 €. Mon profit est alors de (350 000/250 000)- 1 = 40 %, nouveau profit moyen de mon industrie.
Cette baisse du profit moyen est directement liée à la hausse de la composition organique (1/1 en 2000, 1,5/1 en 2011). Pourtant le choix du premier capitaliste qui utilise cette composition organique plus élevée est parfaitement rationnel, comme l'est celui de ses concurrents qui s'alignent sur lui pour ne pas lui succomber dans le cadre de la concurrence.
Jacquemart :
a écrit :Soit on laisse tout cela dans le flou en disant que "la loi se vérifie"... sans preuves.
Je ne sais pas à qui tu penses, en tout cas le débat récent sur le taux de profit de la part des différents intervenants - Husson, Bihr, Chesnais, Harman, Kliman, etc. se situe aussi sur le plan empirique, avec différentes statistiques étudiées de part et d'autre, ou les mêmes analysées de différentes manières (une fois de plus se vérifie le principe suivant lequel théorie et constat empirique sont en unité dialectique).