La terre brule en Russie

Dans le monde...

Message par Antigone » 08 Août 2010, 11:15

Cette fois, les reportages de la télévision russe ne montrent plus la jeunesse moscovite se baigner et s'arroser joyeusement dans les fontaines publiques. L'insouciance de l'été et les rires des enfants n'auront pas servi longtemps les desseins de la propagande. Il arrive toujours un moment où il devient inutile de continuer de mentir. Le pouvoir a bien dû se rendre à l'évidence.

Aujourd'hui la fumée des incendies submerge Moscou, s'introduit jusque dans les bureaux, les appartements et rend partout l'air irrespirable. Peu importe si les conditions de vie sont insupportables, si les décès auraient "officiellement" augmenté de moitié par rapport à la normale, les gens doivent continuer de prendre le métro, d'aller travailler, de produire comme si de rien n'était. Aucune distribution de masques de protection, il faut en acheter en quantité pour pouvoir en changer souvent.

Cette situation a valeur de symbole pas seulement pour l'état du pouvoir en Russie mais pour l'utilité du pouvoir et de l'Etat d'une manière générale, tout occupés à faire consommer de l'accessoire sous la contrainte en se moquant d'assurer la sauvegarde des besoins humains essentiels. Logique, ça ne rapporte rien.
En tout cas cette situation n'est pas le résultat d'une stratégie de la terre brulée comme celle qui avait été utilisée pour enrayer l'avancée des armées napoléoniennes,

De ces images d'une capitale en état de suffocation s'échappent les relents putrides de plusieurs décennies de gestion calamiteuse par des élites médiocres mais toutes puissantes, aussi corrompues qu'incapables et complètement dépassées par la situation. Tellement dépassées que dans les campagnes, on ressort les icônes sacrées et s'en remet au ciel; des processions se forment pour implorer la pluie ! En Russie, tu pries, tu laisses cramer et tu attends qu'il pleuve; tu auras plus de chances d'être exaucé qu'en espérant les secours...

Quand on connait la place prépondérante occupée par la glorieuse institution militaire en Russie, c'est quand même marrant d'apprendre qu'une base militaire et 200 avions de chasse top gun ont été abandonnés et transformés en carcasses calcinées faute de canadairs et d'équipements appropriés pour combattre les flammes ! Honteuse, l'administration du Kremlin a attendu cinq jours avant de reconnaitre la nouvelle... mais presque partout ailleurs, le secret défense reste de mise.

Mais comment Poutine et Medvedev peuvent-ils penser venir à bout d'incendies d'une telle ampleur avec les ridicules poches d'eau que transportent leurs hélicoptères ? Leur seule ressource est souvent de faire abattre préventivement des centaines d'arbres autour des sites sensibles. Ils s'obstinent à refuser l'assistance internationale que les autorités soviétiques avaient pourtant acceptée lors de la catastrophe de Tchernobyl ! C'est à peine croyable...

Ces feux de forêts et de tourbière éparpillés sur des centaines de milliers d'hectares se sont étendus jusque dans la taïga aux confins de l'extrème-orient et ont déjà consummé la superficie d'un gros département français. Ils dégagent des fumées de formes volcaniques qui ont atteint la stratosphère. "S'il s'agissait des Etats-Unis, la fumée s'étendrait approximativement de Chicago à San Francisco" a fait remarquer la NASA dans un communiqué. Magnifique, on va bientôt les voir de la lune !

La Russie brule, mais le ministre stratosphérique des "situations d'urgence" (ainsi que des tuyaux percés et des lances défectueuses, mais oui) a eu cette phrase qui mériterait de figurer dans un best off de fin d'année, juste après (ou avant ?) un toast à la vodka (hic): "La situation est sous contrôle !... mais parfois il arrive qu'elle nous échappe." Hahahaha ! J'adore. Ces apparatchiks ont un humour sans équivalent.
Antigone
 
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Message par Zorglub » 08 Août 2010, 13:17

J'ai entendu à la télé, une seule fois depuis le début des incendies (il ne faudrait pas que les journalistes TV fassent tout le temps leur travail), que les forêts et/ou leur entretien ont été privatisés par... Poutine.
Plus de détails dans cette interview intéressante d'une chercheuse CNRS sur la forêt en Russie et la réforme du code forestier.

in Le Monde :
a écrit :Les autorités municipales sont accusées d'avoir sous-estimé les conséquences des incendies. Elles se refusent à dévoiler les chiffres de la surmortalité dûe aux fumées, afin de "ne pas créer de panique".

La Russie a stoppé ses exportations de céréales.
Zorglub
 
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Message par Antigone » 08 Août 2010, 13:33

A propos de l'entretien des forêts, il y a un article intéressant dans Courrier international.

a écrit :Les Izvestia, rapporté par Courrier international - 06 aot 2010
http://www.courrierinternational.com/artic...ees-a-l-abandon

Alors que les incendies de forêts continuent de faire rage dans le pays, la presse commence à s'interroger sur les raisons de la catastrophe. Pour les Izvestia, c'est le démantèlement du système de surveillance et de protection des espaces forestiers qui est en cause.

Des forêts laissées à l'abandon
par Alexeï Aronov

Près de Golovanovo, 5 août 2010.
Pour le moment, tout le monde est au front pour lutter contre les flammes. Il va toutefois falloir commencer à se demander qui est le coupable [de cette catastrophe] ?

Souvenez-vous comment cela se passait à l'époque soviétique. La surveillance des forêts se composait de trois "ceintures de sécurité". Premièrement, dans chaque exploitation forestière, les gardes forestiers, comme des sentinelles, faisaient des rondes permanentes et régulières afin d'accomplir un travail de prévention et de sensibilisation de la population à la protection des forêts.  Deuxièmement, des [milliers de] postes de surveillance permettaient de détecter à temps un feu naissant et réagir en conséquence, rapidement et efficacement. Enfin, des avions dédiés à la protection des forêts patrouillaient en permanence.

La forêt russe est semblable à un enfant abandonné : elle ne bénéficie ni de l'attention de l'Etat, ni de celle du secteur privé. La politique générale de l'industrie forestière est définie par le ministère de l'Agriculture, sa mise en œuvre est à la charge de l'Agence fédérale des forêts et le ministère des Ressources naturelles contrôle les parcs nationaux. Mais aucun de ces organismes n'est patron des pinèdes et des forêts de bouleaux. En vertu du code forestier de 2007, la responsabilité de la surveillance des forêts incombe essentiellement aux exploitants privés. Pourquoi a-t-on désorganisé la protection des forêts [en supprimant 75 000 postes de gardes forestiers] ? Pourquoi a-t-on démantelé un système centralisé, outil efficace de sauvegarde des surfaces boisées ?

L'adoption du nouveau code (en 2007) a conduit à l'apparition d'une nouvelle catégorie d'hommes d'affaires : les locataires privés de forêts. On ne peut évidemment pas leur imputer tous les malheurs, puisque l'activité forestière nécessite d'importants investissements dans la construction de nouvelles routes d'évacuation du bois, de nouveaux stationnements pour les voitures de pompiers, de nouvelles pistes d'atterrissage pour les hélicoptères, l'entretien de matériels contre le feu – que ces exploitants n'ont pas. C'est pourquoi, ils s'adressent en cas d'incendie à des organismes d'Etat, comme le ministère des Situations d'urgence. Et c'est l'Etat qui débourse.

Il semble que les gardes forestiers doivent leur disparition [après 2007] à leur cupidité. On leur avait permis de se charger de l'abattage d'arbres. Le résultat n'a pas tardé : au lieu de travaux de préservation, ils ont effectué ou  autorisé [à des "bûcherons illégaux"] des coupes massives totalement illégales. Après abattage, le reste de la végétation était brûlé pour cacher les traces du désastre. On peut les comprendre : quand on touche un salaire misérable, comment résister à la tentation de profiter de ces richesses immenses qui ne sont finalement la propriété de personne ?

Il ne reste hélas que très peu de bons spécialistes de la forêt. La plupart du temps, une poignée de personnes est en charge de dizaines de milliers d'hectares. En outre, ces mêmes personnes passent le plus clair de leur temps dans les bureaux, à faire de la paperasse. L'un des dirigeants de Greenpeace Russie, Mikhaïl Kreïndline, estime que le flou juridique conduit à des situations absurdes : lorsqu'une surface agricole prend  feu dans une exploitation située à proximité d'une forêt, les gardes forestiers n'ont pas le droit d'intervenir, car ils encourent des sanctions pour gaspillage d'argent.

"Nous avons besoin de gardes forestiers instruits et bien payés", dit Nikolaï Chmatkov, coordinateur du WWF Russie pour les forêts. "Cela nous éviterait d'épuiser les [pauvres quatre] Canadair que possède la Russie [et qui depuis des semaines déversent sans relâche 120 tonnes d'eau par jour]".
Antigone
 
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Message par Bertrand » 11 Août 2010, 21:41

Dans la LO de cette semaine



a écrit :
Russie : ce que révèlent les incendies

Depuis un mois, dix-sept régions de Russie sont la proie des incendies de tourbières et de forêts. Des centaines de milliers d'hectares et des milliers de maisons sont déjà partis en fumée, 77 localités ont été la proie des flammes, on ne compte plus les sans-abri. Moscou étant noyée dans un épais brouillard toxique, par une température qui frise 40°, les centres commerciaux et autres lieux climatisés sont pris d'assaut. Les hôpitaux et les morgues de la capitale débordent, mais les autorités prétendent qu'il n'y a eu que quelques dizaines de morts...

Des dirigeants aux abonnés absents

Pendant deux semaines, les dirigeants régionaux et centraux ont gardé le silence sur ce drame, qu'il s'agisse des plus hauts responsables de l'État, du président Medvedev aux ministres, dont celui des Situations d'urgence, ou du maire de Moscou, restés sur leur lieu de vacances.

Revenu sur le terrain pour soigner son image d'homme proche du peuple, le Premier ministre Poutine a constaté que ledit peuple n'était pas vraiment dupe. « Vous n'avez rien fait pour que cela ne brûle pas », lui ont reproché des villageois près de Nijni-Novgorod.

En fait, non seulement le pouvoir n'a rien tenté pour parer au risque de pareils incendies mais, par son irresponsabilité et son impuissance intéressée devant les mafias qui mettent le pays et ses forêts en coupe réglée, il a aggravé les effets catastrophiques d'un phénomène naturel.

Car les plaines russes, au sous-sol riche en tourbe, peuvent s'enflammer spontanément lorsque l'été est sec et chaud. Le pays totalisant un quart des forêts de la planète, le risque d'incendies est élevé. C'est pourquoi, après la révolution d'Octobre 1917, le pouvoir soviétique avait incité les habitants des districts forestiers à créer des organes de gestion collective de cette richesse hautement inflammable, puis il avait mis en place des kolkhozes forestiers, d'autres exploitant les tourbières, et aussi un corps nombreux de gardes forestiers. Cela n'évitait bien sûr pas les incendies, mais cela en limitait les conséquences en domestiquant la nature.

Les conséquences dramatiques de la fin de l'URSS

Avec la disparition de l'Union soviétique, fin 1991, la plupart de ces services publics utiles à la population ont disparu, car ils ne rapportaient rien aux bureaucrates et nouveaux riches lancés à la curée sur la propriété publique. Toute forme de gestion planifiée de l'économie et de l'environnement a disparu, dans un État déliquescent dont les tenants affichaient ouvertement leur avidité, la priorité étant d'accaparer tout ce qui pouvait rapporter.

C'est pour cette raison qu'en quelques années on a supprimé 70 000 gardes forestiers, au nom, disait Poutine, de « l'optimisation des dépenses ». On a aussi fermé des casernes de pompiers. Et, comme si on avait voulu hâter cette catastrophe annoncée, on a démantelé 70 % des stations météorologiques, avec comme conséquence que, dans bien des régions, on en est réduit à tenter de deviner s'il va pleuvoir sur les tourbières ou si le vent qui attise l'incendie de forêt va l'étendre vers la localité voisine.

Qui plus est, avec la disparition de la gestion planifiée de l'économie et la fermeture de nombre d'entreprises étatisées, la population des régions éloignées des grands centres s'est vite trouvée sans travail ni ressources. Certains ont alors fui les régions de forêts et celles-ci n'ont même plus été un peu entretenues. D'autres, pour survivre, ont loué leurs bras aux margoulins ayant accaparé un bout de forêt.

Le pillage des forêts

Car la Russie n'exporte pas seulement du pétrole, du gaz et des métaux, mais occupe aussi la première place dans l'exportation du bois brut (35 % du total mondial, contre 3,5 % pour le Canada, pays comparable par l'étendue de ses forêts). C'est par un flux incessant de trains, sur le Transsibérien, et de barges chargées à ras bord, sur le fleuve Amour, que le bois russe s'exporte, généralement en toute illégalité. Bien sûr, pour les commanditaires - des firmes occidentales, japonaises ou chinoises - et les responsables de l'État russe qui rendent possible ce pillage, la priorité n'est pas d'entretenir la forêt, mais d'en tirer le maximum au plus vite.

« Après eux, le déluge... » ?

La récente décision de Poutine de confier la gestion des forêts aux autorités régionales n'a fait qu'entériner la situation. Tout ce que cela pourrait rapporter en Russie atterrit sur les comptes à l'étranger des bureaucrates et des affairistes, pas dans les caisses de l'État.

Le gouverneur de la région de Moscou, Gromov, a beau jeu de dire maintenant que l'État fédéral lui refuse des milliards de roubles pour noyer les tourbières des environs de la capitale, ce qui y rendrait l'air respirable : les autorités se renvoient la balle, tandis que la population étouffe.

Pillards, irresponsables, les hommes du pouvoir font en outre assaut de cynisme. À Moscou, la mairie se borne à distribuer des conseils de santé aussi efficaces que : « Ne vous maquillez pas » ou « Ne sortez pas dans la rue sans une bonne raison ». Quant au ministre des Situations d'urgence, avouant que 37 000 localités sont aujourd'hui « hors du rayon d'action des forces anti-incendie », il ne met pas en cause le manque de moyens pour combattre le feu. Non, il affirme : « On aura fait un grand pas en avant pour que cela change quand on aura adopté une loi rendant obligatoire de souscrire une assurance habitation incendie. » Il suffisait d'y penser...

Pour finir, on voit maintenant l'Église orthodoxe tenter de convaincre la population de prier pour qu'il pleuve. Elle ne pouvait manquer cette occasion de rappeler à quel dénuement matériel et spirituel est renvoyée la Russie !


Pierre LAFFITTE

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Message par Gaby » 12 Août 2010, 14:46

"Affairistes", "nouveaux riches"... quelles pirouettes... d'ailleurs, toujours cités après les bureaucrates... Comme si l'enrichissement des politiciens pouvaient approcher celle des Abramovich, Prokorov, Deripaska... Sigh.
Gaby
 
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Message par luc marchauciel » 25 Août 2010, 07:09

La Terre brûle aussi en Bolivie...

Cet été, sur la question des incendies, on a pu voir en Russie les conséquences du rétablissement du capitalisme en termes d'abandon des politiques de gestion du territoire et de prévention.
Là, il semble qu'on observe en Bolivie les conséquences de la glorification des pratiques agronomiques traditionnelles : 2% du territoire aurait déja brûlé. Un "phénomène naturel", dit Morales, qui avait estimé que le tremblement de terre au Chili était lui par contre une punition de la Pachamama en colère.

http://www.latinreporters.com/boliviesoc23082010ag.html

a écrit :
Les fumées couvrent 8 des 9 départements
Bolivie: les incendies ravagent la Terre mère d'Evo Morales

 
LA PAZ, lundi 23 août 2010 (LatinReporters.com) - Les fumées d'incendies provoqués par des brûlis agricoles couvrent huit des neuf départements de la Bolivie a indiqué dimanche le Service national de météorologie. Au moins 25.000 foyers d'incendies ont été recensés depuis deux mois et environ 1,5 million d'hectares ont brûlé, selon l'Autorité des forêts et des terres. Une photo satellite de la NASA illustre ce diagnostic catastrophique pour la "Terre mère" du président Evo Morales.

Une myriade de points rouges désigne les foyers d'incendies sur cette photo prise le 16 août 2010. Depuis, le feu n'a cessé de progresser, ravageant forêts, jachères et parcs naturels. A l'ouest du pays, protégé par la Cordillère des Andes, seul le département d'Oruro n'est pas contaminé.

Plus de 20 aéroports régionaux sont fermés par intermittence à cause de la visibilité insuffisante. Le responsable du Service national d'épidémiologie, René Lenis, s'inquiète de la forte hausse d'infections respiratoires aiguës, surtout dans les régions amazoniennes des départements septentrionaux de Beni et Pando. Il souligne aussi que les fumées provoquent des problèmes de peau et des cas de conjonctivite.

Selon le Service national de météorologie, aucune pluie n'est attendue cette semaine. Le directeur de l'Autorité des forêts et des terres, Cliver Rocha, croit que l'absence de pluies pourrait élever à 50.000 le nombre de foyers d'incendies et à 6 millions d'hectares, soit 6% du territoire national, la superficie sinistrée.

Evo Morales et la "Terre mère"

Le président amérindien de la Bolivie, le socialiste radical Evo Morales, qualifiait le 19 août les incendies de "phénomènes naturels". Admettant qu' "il n'y a pas d'équipements pour combattre les incendies", il se prononçait pour une demande d'aide au Brésil, à l'Argentine et au Chili. Ces pays voisins disposent d'avions et hélicoptères bombardiers d'eau, mais leur aide se fait attendre.

Promoteur de campagnes écologistes internationales et organisateur, en avril dernier à Cochabamba, de la Ière Conférence mondiale des peuples sur le changement climatique et les droits de la Terre mère, Evo Morales y faisait approuver un Accord des peuples qui sera soumis à la prochaine conférence des Nations unies sur le climat, du 29 novembre au 10 décembre à Cancun (Mexique).

Imputant au "système capitaliste" la responsabilité du réchauffement planétaire, cet Accord des peuples recommande notamment la récupération de "pratiques ancestrales" des peuples originaires pour préserver la "Terre mère". L'une des pratiques ancestrales dans l'agriculture bolivienne est le "chaqueo". Ce mot désigne les brûlis d'avant semailles, cause directe de l'enfer qui ravage aujourd'hui la Bolivie.



Voilà ce que ça donne, la conception irrationnelle de l'écologie : un pays qui ne dispose pas d'équipements pour combattre les incendies...
luc marchauciel
 
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Message par Antigone » 12 Sep 2010, 10:08

Le Temps (Suisse) - 10 sep 2010
[url=http://www.letemps.ch/Page/Uuid/e841c3c8-bc51-11df-992b-dbe9b4f6c446/Après_les_feux_on_rebâtit_vite_fait_mal_fait]http://www.letemps.ch/Page/Uuid/e841c3c8-b...e_fait_mal_fait[/url]

Après les feux, on rebâtit vite fait mal fait
par Alexandre Billette

A 140 km au sud-est de Moscou, les faubourgs du village de Beloomout bourdonnent de l’activité de centaines d’ouvriers et de dizaines de machines, qui s’affairent sur un chantier né il y a quelques semaines au bout de la rue du 1er-Mai. Les squelettes de petites maisons sortent de terre par dizaines depuis la mi-août sur ce champ bordé par une vaste forêt, où l’odeur de brûlé est toujours présente depuis la fin des incendies, voilà presque un mois.

Car Beloomout est situé à proximité du petit village de Mokhovoïe, entièrement détruit (LT du 2.8.10) par l’importante vague de feux de forêt qu’a subie la Russie durant l’été. Sommées par le premier ministre, Vladimir Poutine, de reloger, avant l’hiver, toutes les familles ayant perdu leur toit, les autorités se sont activées pour construire des logements, notamment pour les résidents de l’ancien village de Mokhovoïe.

D’un ton blasé, Anatoli Bogdanov, le chef de ce chantier de l’entreprise moscovite MSM-5, énumère les chiffres: «149 maisons, 16 hectares de terrain, huit sortes de maisons différentes, 650 ouvriers…» Lancée dès la mi-août, la reconstruction sera terminée «le 20 octobre», date limite fixée par les autorités pour la fin des travaux, avant l’arrivée du rude hiver. Anatoli Bogdanov, qui refuse d’évoquer les coûts du chantier, assure d’un ton militaire: «Tout est exécuté selon les plans, aucune difficulté particulière à signaler.»

Il suffit pourtant de déambuler sur le chantier pour entendre une autre musique. Le terrain, très boueux, est gorgé d’eau; des planches permettent aux ouvriers de circuler d’une maison à l’autre. Deux employés qui prennent des mesures pour brancher le réseau de gaz s’esclaffent: «C’est un ancien marécage, c’est pas fait pour les hommes, c’est un endroit pour les grenouilles! Les fondations ont été posées à même le sable, à faible profondeur. L’an prochain, on va retrouver les maisons dans la rivière Oka, à côté d’ici!»

Aucun doute cependant sur l’échéance des travaux: «Ça sera fini à temps. De toute façon, c’est l’ordre du président [Medvedev]. Il aurait commandé les maisons dans une semaine, ç’aurait été prêt en une semaine.»

En attendant d’obtenir les clés de leur nouvelle résidence, les réfugiés climatiques de Mokhovoïe qui ne peuvent être hébergés par des proches ont été relogés temporairement dans une caserne militaire, à quelques dizaines de mètres du chantier. Impossible de pénétrer dans l’enceinte du gorodok, le «village» militaire, sans autorisation. «Endroit stratégique», tranche un colonel qui fait obstacle à l’entrée du complexe. Mais «les réfugiés vont bien, ils ont l’eau courante, le chauffage, des sanitaires».

Nombreux sont les anciens habitants de Mokhovoïe, un village qui n’avait aucun commerce, à travailler dans le gros bourg de Beloomout. Olga, une coiffeuse de 42 ans, fait partie des sans-abri qui attendent leur maison. «Les hommes qui vont voir le chantier disent que «c’est terrifiant». Les murs sont mal érigés, ils sont instables et on les fixe grossièrement. Le toit est directement posé sur les murs, il y a des ouvertures entre les planches et les ardoises.»

A cinq kilomètres de l’activité du chantier de Beloomout, l’ancien village ravagé par les flammes est, lui, déserté et silencieux. L’endroit a été en partie nettoyé: les jardins brûlés ont été raclés, ne reste plus que les carcasses des dix immeubles de trois étages. A l’intérieur du jardin d’enfants, tout est resté en place, mais la vie a cessé. Une seule voiture est garée: celle de Tamara Kovalenko, la quarantaine, venue récupérer quelques objets personnels. Réfugiée chez son fils, elle attend une nouvelle maison à Beloomout, sans grand enthousiasme.

Difficile cependant de ne pas accepter la proposition du gouvernement: «Il fallait choisir entre une maison neuve ou une compensation financière de 20 000 roubles (658 francs) par mètre carré brûlé et 200 000 roubles (6580 francs) de dédommagement général», explique Tamara. Une somme nettement insuffisante pour acheter à titre privé une nouvelle propriété. La plupart des victimes n’étaient pas assurées: seulement 10% des résidences russes le sont, essentiellement dans les grandes villes. «S’installer sur un marécage, charmant programme! rumine-t-elle. Cet été, on a failli mourir brûlé, l’an prochain on va périr noyé!»
Antigone
 
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Message par Antigone » 22 Mai 2011, 17:34

Il se pourrait fort que la Russie brûle encore cet été.

a écrit :Canicule: la Russie brûlera-t-elle cet été ?
Le Courrier de Russie - 20 mai 2011
http://www.lecourrierderussie.com/2011/05/...anicule-russie/


Plusieurs millions d’hectares de forêts ont été détruits l’année dernière par les incendies qui ont ravagé la Russie, touchée par la canicule. Quelle sera la situation cet été ? Faut-il déjà songer à fuir le pays pour éviter de respirer, comme l’année dernière à Moscou, l’équivalent de plusieurs paquets de cigarettes en seulement une heure passée dans la rue ?
Avant de crier « sauve qui peut », lecourrierderussie.com a préféré faire un premier état des lieux avec Alekseï Iarochenko de Greenpeace Russie, en charge des questions liées aux incendies de forêts.


En cas de nouvelle canicule cet été, quels seront les risques d’incendies ?
Le risque est très élevé. Plus qu’un risque, c’est une certitude: des incendies se déclareront cet été en Russie. Greenpeace n’est pas une agence de météorologie et ne prétend pas faire de pronostics exacts, mais il est évident que le pays va être de nouveau touché. En fait, les régions de Tomsk et de Kemerovo sont déjà atteintes par des incendies et la situation s’aggrave d’heure en heure. La partie européenne de la Russie, où brûle déjà la tourbe, sera particulièrement touchée par de nouveaux incendies de forêt. D’autres zones sensibles sont le sud de la Sibérie (régions de l’Altaï et d’Omsk) et l’Extrême-Orient russe. Et si rien n’est fait d’ici deux semaines pour éteindre les premiers feux de tourbières, il sera déjà trop tard.

Dans le sud de la Sibérie, des forêts brûlent déjà, mais il s’agit d’incendies provoqués par des pyromanes, ou alors par les administrations des villes elles-mêmes, qui préfèrent anticiper la situation en provoquant des incendies dès le printemps. L’objectif de ces feux provoqués artificiellement par les villes est de pouvoir les maîtriser plutôt que de faire face à des incendies, à n’importe quel moment, pendant l’été. Le problème est que ces incendies sont provoqués sur de très grands territoires, sur lesquels les effectifs humains sont trop faibles pour pouvoir véritablement les contrôler. Les incendies peuvent alors vite devenir immaîtrisables et toucher les villages environnants. Les feux de tourbières ont été causés par ces incendies mal contrôlés. Provoquer des incendies n’est de toute évidence pas le bon moyen de faire face aux incendies naturels.


Quelles mesures concrètes ont été prises suite aux incendies de l’été 2010 ?
Aucune mesure efficace n’a été prise, et les mesures prises, qui n’ont pas été menées jusqu’au bout, ne donneront aucun résultat dans la lutte contre les incendies. Le code forestier a été amendé, il prévoit la création de postes de garde-forestiers. Mais ces postes sont occupés par des fonctionnaires déjà en charge d’autres secteurs, qui ne pourront donc se consacrer à leur nouvelle fonction. Le changement réside surtout dans une augmentation de la paperasserie. Le travail de ces garde-forestiers consiste, pour trois quart du temps, à établir des compte-rendus.

Le gouvernement a prévu une enveloppe de 5 milliards de roubles (environ 125 millions d’euros) ce qui n’est évidemment pas suffisant, d’autant qu’il ne seront pas utilisés efficacement. Les administrations locales devront, en effet, se servir de cette somme pour s’équiper en machines lourde, qui ne sont pas destinées à prévenir les feux mais à éteindre des incendies à un stade déjà bien avancé. Il n’est pas possible, avec de telles machines, difficiles à manier, d’éteindre des débuts d’incendies.

Enfin, se porter comme volontaire pour aider à éteindre les incendies est devenu un véritable parcours du combattant. Les volontaires sont, en effet, considérés comme « indésirables » par le Ministère russe des Situations d’Urgence (MTchS), car ils prouvent l’inefficacité de leurs forces. En outre, ces volontaires, qui pourront alors observer la situation de leurs propres yeux, sont susceptibles de rendre public certaines informations, via leurs blogs, et de provoquer alors des fuites dans l’information officielle communiquée par le service de presse du MTchS.


Est-ce vrai que, puisque que les arbres détruits par les incendies l’année dernière n’ont jamais été déblayés (selon des informations confirmées par le MTchS), les risques d’incendies sont encore plus élevés cet été ?
Tout à fait. Dans la région de Moscou, seulement 10 % des débris provoqués par les incendies de 2010 ont été déblayés. Et la situation est peu ou prou la même dans le reste des régions touchées l’été dernier. Cette situation s’explique par la mise en place, pour pouvoir mettre en œuvre ce nettoyage des débris, d’une procédure bureaucratique compliquée qui s’étend sur deux mois. Le temps d’arriver au bout de la procédure, le bois aurait déjà pourri et il aurait été impossible de le vendre. Il aurait donc fallu que ce travail soit mené par l’État, mais l’État semble avoir d’autres priorités.

La situation s’est encore aggravée depuis avec des ouragans qui ont, cette année, détruit plus de 500 000 hectares supplémentaires de forêts, en Russie européenne, ainsi qu’avec les dégâts provoqués, sur les conifères, par des coléoptères. En définitive, encore plus de débris susceptibles de brûler, en particulier dans l’Ouest du pays.


Quelles seront les conséquences d’une nouvelle vague d’incendies en Russie sur l’environnement ?
Le nombre de morts liées aux incendies de l’été dernier est, en fait, bien plus important que les chiffres qui avaient été communiqués par les autorités. La mortalité a considérablement augmenté à cause de la fumée provoquée par les incendies. Plus que les incendies en tant que tels, dont il est toujours possible de se protéger, c’est la fumée des tourbières qui provoque les dégâts les plus graves.

Les forêts qui brûlent mettront 20 à 40 ans à se reconstituer. Selon les statistiques officielles, chaque année, 1 million d’hectares de forêts disparaissent. Mais selon Greenpeace, c’est 6 millions d’hectares qui partent en fumée annuellement. Et les pertes pourraient être encore plus importantes cette année.
Antigone
 
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