Khrouchtchev un staline aux petits pieds

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par Valiere » 30 Mai 2010, 06:45

HROUTCHEV : UN STALINE AUX PETITS PIEDS !

Des militants et même des historiens ont fait de Khroutchev une icône ou un réformateur mal compris;
les « communistes » chinois l'ont diabolisé en le rendant responsable de tous les maux et notamment de la crise du mouvement communiste international, il aurait été un liquidateur.
Jean-Jacques Marie , historien propose une biographie qui s'appuie sur l'analyse de textes qu'il a traduits lui-même , qu'il s'agisse de procès-verbaux ou de lettres inédites.
Dans son « Khroutchev, la réforme impossible » qu'il a fait publier dans la collection « Biographie Payot », il montre comment ce dirigeant, particulièrement docile sous Staline réussit à effectuer le toilettage nécessaire et indispensable appelé abusivement « la déstalinisation » pour asseoir son propre pouvoir bureaucratique.
Sans avoir étudié ou même lu les grands classiques du marxisme, Khroutchev sut se hausser au plus haut niveau en restant « un exécutant docile un peu benêt », le trait est sévère mais correspond aux différents témoignages recueillis et au jugement que l'on peut porter sur les discours fouillis de ce dirigeant.
A la mort de Staline, l'URSS avait besoin d'un « réformateur » pour maintenir l'essentiel et éviter l'explosion sociale pouvant remettre en cause la domination de cette caste parasitaire qu'est la bureaucratie soviétique...On est loin du socialisme comme le montre l'auteur.
En mai 1957, Khroutchev lui-même livre sa propre vision : « Dans l'activité du camarade Staline nous voyons deux aspects : l'aspect positif que nous appuyons et apprécions hautement et l'aspect négatif que nous critiquons, condamnons et rejetons »... Staline est trop brutal, il fait peur à de nombreux de ces dirigeants qui ont vu le dictateur faire assassiner des centaines de milliers de communistes et « d'opposants ».. Il faut mettre fin à la terreur excessive, effectuer quelques réajustements mais maintenir le cap!
Le rapport «secret » du XX ème congrès du PCUS est bien un texte sévère qui fait l'effet d'une bombe dans le mouvement communiste international et nombre d'intellectuels russes et occidentaux ont pensé que ce document allait mettre fin à une politique répressive et à une orientation politique empêchant les forces productives de se développer.
Il n'en fut rien et la politique de Khroutchev mena le pays à la ruine, ce dirigeant n'hésita pas à liquider physiquement ses opposants comme Béria , à se lancer dans des réformes économiques agricoles et industrielles extravagantes et à réprimer férocement l'insurrection hongroise de 1956.
Comme l'affirme le romancier hongrois Joseph Lengyel qui a passé onze ans au goulag :
« Un appareil semblable ne peut se consolider que s'il écrase tous ceux qui ont la même valeur, honneur ou capacité personnelle....Etre soupçonné d'avoir la moindre qualité-même si la présomption est sans fondement-suffit pour succomber ».
Khroutchev n'hésitera pas à mâter une révolte ouvrière qui coûtera la vie à trente travailleurs de Novotcherkassk en 1962.
Il fallait stopper toute velléité de contestation pouvant remettre, en cause une autocratie devenue anti ouvrière et réactionnaire.
Quand Khroutchev devient un frein et risque par son impopularité et sa politique à conduire la population à s'en prendre au régime même, ses « amis » sont prêts à s'en débarrasser, ce qu'ils font en 1964 en le démettant « démocratiquement de ses fonctions »
« les clans bureaucratiques, libérés de toute peur, ont commencé à se dessiner des fiefs, sans que Khroutchev fasse réellement obstacle aux aspirations de la couche sociale dont il était le mandant »...

Mais il s'agit là du début du commencement de la fin lente d'un régime qui a trahi la révolutions d'octobre et mené à la dislocation de l'URSS et au dénouement que l'on sait !

Jean-François CHALOT
Valiere
 
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Message par pelon » 30 Mai 2010, 08:55

Khrouchtchev a été l'arbitre de la bureaucratie dirigeante qui voulait garder son pouvoir sans risquer sa tête. Dans l'article suivant sur le rapport Khrouchtchev on comprend bien ce qui était en jeu. On comprend aussi pourquoi les PC du monde, à commencer par le PCF, ne se sont pas empressés de reconnaître ce rapport. Eux, qui depuis des années vouaient un véritable culte au petit père des peuples, avec la propagande à l'avenant dans toute leur presse, à commencer par l'Humanité, auraient eu quelques difficultés.
a écrit :
Février 1956 : Le rapport «secret»de Khrouchtchev
Le 24 février 1956, alors que le 20ème congrès du Parti Communiste de l'Union soviétique (PCUS) s'achevait, son premier secrétaire, Nikita Khrouchtchev y lut, à huis clos, devant des délégués auxquels il fut interdit de prendre des notes, un «rapport sur le culte de la personnalité et ses conséquences». Bien que ce rapport fût qualifié de «secret», son contenu ne tarda pas à filtrer.

Quand il fut mis sur la place publique en Occident car –en URSS il ne fut jamais publié– il fit l'effet d'une bombe, car il reconnaissait la véracité de faits que les partis staliniens avaient, pendant des décennies, présentés comme des calomnies anticommunistes. Il jeta le trouble chez nombre de militants, en particulier chez les intellectuels, et suscita aussi beaucoup d'illusions à gauche chez tous ceux qui voulurent y voir l'amorce d'une démocratisation profonde du régime.

En fait, le climat politique avait commencé à évoluer en URSS dès le lendemain de la mort de Staline, le 5 mars 1953.

Son pouvoir, Staline l'avait conquis, dans les années de reflux de la révolution, en s'appuyant sur la nouvelle couche de privilégiés qui s'était formée en URSS, administrateurs de l'État, de l'économie, du parti, cadres militaires, et avait usurpé le pouvoir de la classe ouvrière.

Mais la situation de cette couche dirigeante était fragile. Elle était menacée par un éventuel réveil politique de la classe ouvrière, perspective qu'incarnait les meilleurs éléments du parti bolchevique, défenseurs des idéaux communistes de la révolution d'Octobre. Mais aussi par un retour possible au pouvoir des anciennes classes possédantes, appuyées sur les armées des puissances impérialistes.

Dans cette situation difficile, où n'importe quel débat aurait pu permettre à la classe ouvrière de faire entendre sa voix, la bureaucratie avait besoin d'un arbitre suprême, tranchant tous les problèmes, et donc jouissant de tous les pouvoirs. La dictature personnelle de Staline fut le complément obligé de la dictature de la bureaucratie sur le pays. Et les purges qui frappèrent aussi la caste dominante, le prix que celle-ci dut payer au défenseur de ses privilèges.

Staline mort, aucun de ses lieutenants ne pouvait prétendre exercer d'emblée la totalité du pouvoir qui avait été le sien. Ils se mirent d'accord pour se débarrasser du prétendant au pouvoir suprême le plus dangereux, le chef de la police politique Béria, qui fut paraît-il exécuté en pleine réunion du Bureau politique, en juin 1953. Et ils se prononcèrent pour une «direction collégiale», ce qui était une condamnation implicite de la manière dont le défunt dictateur avait dirigé le pays.

Les membres de cette «direction collégiale» avaient été les plus infâmes agents de la dictature. Ils n'ignoraient bien sûr rien des crimes de Staline. Ils en avaient été les complices, et les bénéficiaires puisqu'ils lui devaient leur accession au faîte de la pyramide du pouvoir. Khrouchtchev avait ainsi intégré le Bureau politique en 1938, après deux ans de purges gigantesques, dont les procès de Moscou avaient été l'aspect le plus visible, qui avaient libéré d'innombrables places de cadres à tous les niveaux.

Mais comme tous les bureaucrates ils aspiraient sans doute à un régime où ils pourraient jouir tranquillement de leurs privilèges, sans avoir à craindre qu'on les leur enlève en même temps que la vie. Car Staline n'avait pas épargné ses plus proches collaborateurs. Dans les semaines qui suivirent sa disparition, on libéra les proches de membres du Bureau politique (la femme de Molotov, deux des cinq fils de Mikoyan) que Staline avait envoyés en camp, pour s'assurer leur fidélité.

Mais la «direction collégiale» tant vantée en 1953 n'était pas viable. La bureaucratie avait besoin d'un arbitre.

Khrouchtchev ne figurait qu'au huitième rang de la direction, en mars 1953. Mais ses nouvelles fonctions de secrétaire général lui permirent, comme à son prédécesseur, d'évincer ses concurrents. Et quand il prononça son fameux rapport en 1956, il était déjà le numéro un du régime. C'était au contraire une manière d'affirmer sa puissance, en même temps que l'assurance donnée à ses pairs de ne pas recourir aux méthodes de Staline.

De fait si Molotov, Malenkov, et d'autres furent évincés de la direction du parti sous l'accusation d'avoir formé un groupe «anti-parti», aucun ne joua sa tête à cette occasion. Molotov fut nommé ambassadeur en République Populaire de Mongolie. Malenkov fut envoyé diriger une centrale électrique dans le Kazakhstan.

Khrouchtchev allait bénéficier lui aussi de ce changement de méthode au sein de la couche dirigeante, quand, accusé des difficultés politiques et économiques que traversait l'URSS, il fut simplement mis à la retraite par l'équipe Brejnev-Kossyguine qui l'écarta du pouvoir.

Mais que le rapport Khrouchtchev n'ait aucunement signifié la fin de la dictature de la bureaucratie, les faits en assénèrent la démonstration sanglante, quelques mois après qu'il eut été prononcé, quand les tanks soviétiques écrasèrent en octobre-novembre 1956 la révolte du peuple hongrois, et mirent fin à l'existence des conseils ouvriers qui étaient nés de celle-ci.

Pierre LAFFITTE

http://www.lutte-ouvriere-journal.org/inde...&num=1961&id=40
pelon
 
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Message par Valiere » 30 Mai 2010, 11:45

Dans le livre de JJ Marie, il y a aussi la "description" de la montée, orchestrée d'un nouveau culte de la personnalité.
Quant à la "mise à la retraite de Khroutchev", l'ouverture des archives et leur traduction directe par JJ Marie montre clairement que Khroutchev a été limogé et que le bloc qui l'a mis sur la touche a profité pleinement du fait que le vieux bureaucrate, vieilli et conscient des rapports de force ne s'est pas défendu.
Vraiment ce livre est une mine pour les trotskistes .
Valiere
 
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Message par yannalan » 30 Mai 2010, 17:15

Je n'ai pas lu ce livre, mais ce qui en est dit ne montre pas ce qu'il y a de nouveau pour les trotskistes... à part pour des courants qui se seraient fait des illusions.
Khrouchtchev a éé un fidèle exécutant, adepte des méthodes staliniennes, il l'a montré pendant les grandes purges en Ukraine avant guerre.
yannalan
 
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Message par Gaby » 30 Mai 2010, 20:00

(yannalan @ dimanche 30 mai 2010 à 18:15 a écrit : Je n'ai pas lu ce livre, mais ce qui en est dit ne montre pas ce qu'il y a de nouveau pour les trotskistes...

On ne juge pas la qualité d'une démonstration au parti-pris de ses conclusions.
Gaby
 
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Message par luc marchauciel » 30 Mai 2010, 20:08

J'ai entendu JJ Marie présenter son livre sur 2000 ans d'Histoire, et je l'ai trouvé tout à fait intéressant.
Je crois que "l'utilité pour les trotskystes" n'est pas la bonne approche, et qu'il faut se demander si c'est un bon travail d'historien. Je suis parfois un peu sceptique sur les approches de Marie (qui s'attarde beaucoup sur les anecdotes. Je suis en train de lire son Lénine, et cet aspect m'irrite un peu), mais c'est un très bon connaisseur des archives russes, qui je crois fait progresser la connaissance historique (dans ce domaine, parce que ce qu'il peut écrire sur le trotsksyme, c'est par contre la catastrophe)
luc marchauciel
 
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Message par Ottokar » 31 Mai 2010, 06:29

sans jouer mes Capello, je signale au passage qu'il ne fait pas oublier un des deux "ch" à Khrouchtchev, il y a deux lettres traduites de cette façon (un genre w écrit droit) dans son nom en alphabet russe.
J'ai pris la liberté de corriger le titre.
Ottokar
 
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Message par Valiere » 31 Mai 2010, 07:52

Jean Jacques Marie réussit le tour de force d'écrire une biographie politique qui est aussi intéressante et vivante qu'un roman et les anecdotes sont un plus.
Le livre montre et prouve que les trotskistes avaient raison: les "réformes" de Khrouchtchev avaient une fonction politique précise : soulever le couvercle afin que la casserole n'explose pas et mette à bas le système bureaucratique et continuer comme avant.
Il dévoile aussi certains épisodes du combat interbureaucratique, moins connu.
Valiere
 
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Message par yannalan » 31 Mai 2010, 08:52

(Gaby @ dimanche 30 mai 2010 à 20:00 a écrit :
(yannalan @ dimanche 30 mai 2010 à 18:15 a écrit : Je n'ai pas lu ce livre, mais ce qui en est dit ne montre pas ce qu'il y a de nouveau pour les trotskistes...

On ne juge pas la qualité d'une démonstration au parti-pris de ses conclusions.
J en critique pas Marie qui écrit de très bons livres sur l'URSS en général,, je dis simplement que l présentation qui en est faite ne montre pas la spécificité de son travail sur Khrouchtchev.
yannalan
 
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Message par Valiere » 31 Mai 2010, 11:11

La spécificité de son travail, c'est notamment de reprendre les écrits, les lettres, les témoignages et de démontrer que le successeur de Staline n'avait qu'une voie possible pour garder l'essentiel c'est à dire le régime bureauctatique, policier.
Maintenant à toi de jouer...
Valiere
 
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