Violentes manifestations en Thaïlande

Dans le monde...

Message par Matrok » 26 Nov 2008, 21:20

http://www.liberation.fr/monde/0101268670-...ouvoir-corrompu

a écrit :La foule des «chemises jaunes» affole un pouvoir corrompu
DE NOTRE CORRESPONDANT

Thaïlande. Une violente manifestation a ravivé hier une crise politique qui divise la société.

BANGKOK, de notre correspondant ARNAUD DUBUS

Un pouvoir en déliquescence. C’est l’impression qu’a donnée hier l’Etat thaïlandais, au cours d’une folle journée, où la crise politique, engagée il y a près de trois ans, s’est emballée. Près de 30 000 manifestants antigouvernementaux ont assiégé le Parlement pour faire avorter une session parlementaire conjointe : les élus devaient discuter d’une série d’amendements constitutionnels qui pourraient permettre le retour de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra. Ultracorrompu, celui-ci est en fuite à l’étranger pour échapper à un procès. «Notre système électoral est mauvais, car ceux qui achètent les votes sont élus», s’agace Vichai Iamvanareeram, un jeune manifestant. Une fois la session parlementaire reportée, les militants anti-Thaksin de l’Alliance du peuple pour la démocratie (PAD) ont voulu acculer le gouvernement, dirigé par Somchai Wongsawat, le beau-frère de Thaksin, dans ses derniers retranchements.

Burlesque. Ils se sont dirigés vers l’ancien aéroport international de Bangkok, dans le nord de la capitale, où siège le gouvernement depuis la fin août - quand les «chemises jaunes» (les anti-Thaksin) ont entamé l’occupation des jardins du Palais du gouvernement. Dès lors, la situation a oscillé entre le dramatique et le burlesque. Craignant les hordes vociférantes, des ministres se sont enfuis de leur bureau et ont jeté costumes et cravates aux orties pour avoir moins de chance d’être reconnus. Le chef adjoint de la police de Bangkok a été battu à coup de bouteilles en plastique et abreuvé de jurons par des harpies en tee-shirt jaune. Le général a été secouru par ses collègues, craignant qu’il ne soit roué de coups par une «douzaine de gaillardes», comme les aurait sans doute appelées Georges Brassens.

De Lima, où il s’est imprudemment rendu pour participer aux soporifiques réunions du Forum de coopération Asie-Pacifique (Apec), le Premier ministre Somchai a répété qu’il ne démissionnerait pas, comme l’exigent les manifestants, et que les «moyens pacifiques» devaient prévaloir pour résoudre le conflit. Mais plus le temps passe, plus une solution pacifique paraît improbable. On assiste à la montée des passions chez les deux parties en conflit. Depuis environ six mois, les «chemises jaunes» (les opposants à Thaksin, encore très populaire parmi les Thaïlandais démunis) et les «chemises rouges» (les partisans de l’ancien Premier ministre, des travailleurs du secteur informel) s’affrontent à coup d’invectives et de grenades.

En apparence, le conflit porte sur le choix de régime politique : faut-il maintenir ou non un système électoral à l’occidental (un homme, une voix) qui a porté Thaksin au pouvoir de 2001 à 2006 ? En fait, il s’agit ni plus ni moins d’une transformation profonde de la société thaïlandaise, bloquée dans ses contradictions.

Les classes moyennes urbaines s’inquiètent de la politisation des pou noi, c’est-à-dire des petites gens - aussi bien des chauffeurs de taxis venus du Nord-Est que des riziculteurs exploités depuis des décennies par les intermédiaires sino-thaïlandais, ou des vendeurs ambulants de la capitale.

Impasse. Par ses programmes populistes, Thaksin a provoqué ce réveil de la «masse informelle», les rendant conscients du pouvoir de leur bulletin de vote. Cette fois-ci, l’habileté légendaire des Thaïlandais à contourner les problèmes les plus délicats semble trouver ses limites. Dans le passé, c’est le roi Bhumibol Adulyadej, sur le trône depuis 1946 et très respecté, qui faisait figure de dernier recours en cas d’impasse politique sérieuse. Mais le souverain, qui fêtera ses 81 ans le 5 décembre, est affecté par la perte récente de sa sœur aînée, la princesse Galyani. Sa santé n’est pas bonne et il semble être plus que las des enfantillages politiques de ses sujets.

«Le roi garde toujours son charisme et tout le monde l’écoute. Mais comment peut-il intervenir pour résoudre cette crise ? C’est un peu délicat. Il semble qu’il aimerait que la justice suive son cours», estime Gothom Arya, président du Conseil national économique et social (Nesac). Mais le système judiciaire, qui a condamné Thaksin à deux ans de prison ferme en octobre et sa femme à trois ans de prison avec sursis en juillet, est plus politisé que jamais.

Quant aux grandes figures, comme l’ex-Premier ministre Anand Panyarachun et l’hématologue Prawase Wasi, ils ont perdu de leur crédibilité en se rangeant derrière l’Alliance du peuple pour la démocratie. Les Thaïlandais sont ainsi laissés à eux-mêmes dans une atmosphère de haine réciproque. L’histoire des dernières décennies est émaillée de bouffées de violence sauvage, motivées par des intérêts politiques et économiques.


Voila, je recopie l'article de Libé, mais j'avoue que je ne comprends pas trop ce qui se passe. J'aurais quelques questions, je prend le temps de les rédiger puis je les poste...
Matrok
 
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Message par Matrok » 26 Nov 2008, 21:45

Bon, voila mes questions :
Selon le journaliste de Libé, l'ex premier ministre Thaksin a été démocratiquement élu. Il serait populaire "parmi les Thailandais démunis". Ce serait un "populiste". Bon, c'est vague... Qu'est-ce qui lui vaut cette popularité ? Pure démagogie, promesses, ou mesures réelles ? Dans ce cas lesquelles ?

Le journaliste écrit également que les "classes moyennes urbaines" s'inquiètent de la politisation des "petites gens". Encore une fois c'est vague ! On ne sait pas trop s'il entend "classes moyennes" au sens parfois utilisé en France c'est à dire (pour aller vite) l'ensemble des personnes ni vraiment pauvres ni vraiment riches, ou bien l'équivalent de l'anglais "middle class", c'est à dire la bourgeoisie. Et qu'en est-il de la "politisation des pou noi" ? Quelles formes prend-elle qui puisse à ce point inquiéter les "classes moyennes urbaines" ?

Le paragraphe le plus bizarrement rédigé est celui-là:
a écrit :En apparence, le conflit porte sur le choix de régime politique : faut-il maintenir ou non un système électoral à l’occidental (un homme, une voix) qui a porté Thaksin au pouvoir de 2001 à 2006 ? En fait, il s’agit ni plus ni moins d’une transformation profonde de la société thaïlandaise, bloquée dans ses contradictions.

Si je comprends bien, donc, les "chemises jaunes" sont pour se débarrasser du "système électoral à l'occidental" (sic). C'est à dire ? Retour du pouvoir au roi ? Coup d'Etat militaire... ou fasciste ?

Sinon, il y a des communistes révolutionnaires en Thaïlande ? Quelle est leur position ?
Matrok
 
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Message par sylvestre » 27 Nov 2008, 12:21

Un article d'Inprecor qui permet peut-être d'y voir plus clair.
sylvestre
 
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Message par roudoudou » 27 Nov 2008, 18:27

Vue l'article mis en ligne par Sylvestre c'est bonnet blanc et blanc bonnet dans cette histoire . :dry:
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Voltaire
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roudoudou
 
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Message par Matrok » 27 Nov 2008, 20:14

En effet, cet article et ceux qui sont en lien sur la même page répondent à pas mal de mes questions. Merci Sylvestre donc !
Matrok
 
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Message par Matrok » 28 Nov 2008, 23:03

Un autre article, toujours de Libé, qui complète bien ceux d'Inprecor:

http://www.liberation.fr/monde/0101269128-...chemises-jaunes

(Libération a écrit :La contre-révolution des «chemises jaunes»

Attelage de militaires, de bureaucrates et de membres de la classe moyenne urbaine, l’Alliance du peuple cherche à rétablir leur hégémonie.

BANGKOK, de notre correspondant A.D.

Pour résumer en une formule les bouleversements qui agitent la Thaïlande ces derniers mois - et tout particulièrement ces derniers jours -, on peut dire qu’il s’agit de «la révolution française de 1789, mais à l’envers». Comme la France de l’Ancien Régime, la Thaïlande du XXIe siècle est une société bloquée dans ses contradictions, percluse d’archaïsmes, fortement hiérarchisée, où la notion d’égalité est d’importance secondaire. Mais là où les Mirabeau et les Robespierre du tiers état réclamaient un affaiblissement de l’institution monarchique, plus d’égalité et de justice, les Sondhi Limthongkul et les Chamlong Srimuang de l’Alliance du peuple pour la démocratie (PAD) - le mouvement antigouvernemental à Bangkok, les «chemises jaunes» - réclament moins d’égalité, moins de démocratie et un renforcement de l’institution monarchique dont l’autorité morale est déjà considérable en Thaïlande.

«Autosatisfaction». Quelle est la ligne de séparation entre les «chemises rouges» (les partisans de l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra) et les «chemises jaunes» (les opposants au politicien milliardaire) ? Elle est avant tout sociale et régionale. Les «jaunes» sont constitués par tout ce que la Thaïlande comporte de forces conservatrices : bureaucrates, militaires, magistrats, aristocrates, classes moyennes sino-thaïlandaises, petits employés et modestes hommes d’affaires des zones urbaines. Les «rouges», eux, sont les forces politiques qu’a réveillées Thaksin : les riziculteurs dont la voix a toujours été ignorée dans le processus politique, travailleurs migrants venus du Nord-Est pour conduire des taxis ou vendre des brochettes à Bangkok.

«Les membres de la classe moyenne citadine, très souvent d’origine chinoise, sont plein d’autosatisfaction. Ils se perçoivent comme plus civilisés que les gens des provinces rurales, ils considèrent être dans une position dominante dans la société», explique Pasuk Ponpaichitr, économiste à l’université Chulalongkorn. La montée en puissance de la démocratie électorale dans les années 90, puis 2000, a rendu cette petite élite urbaine mal à l’aise. «Elle a essayé de protéger ses intérêts quand elle a vu le développement de la démocratie électorale et, surtout, que Thaksin Shinawatra fondait la puissance de son parti, Les Thaïlandais aiment les Thaïlandais, sur les gens des campagnes et commençait à parler de réforme fiscale», analyse l’historien britannique Chris Baker, auteur d’une dizaine d’ouvrages sur la Thaïlande.

Parallèlement à ce conflit sociologique se greffent des querelles d’intérêt plus étroitement économiques. Thaksin est issu de cette classe d’hommes d’affaires sino-thaïlandais, descendants de paysans chinois qui avaient migré au Siam, poussés par la pauvreté des campagnes du Sud de la Chine. Mais après être arrivé au pouvoir, il a trahi sa classe. «Thaksin, sa famille et son clan ont essayé de contrôler tous les secteurs de l’économie, un par un, puis de détruire les firmes qui dominaient ces secteurs», explique une femme d’affaires impliquée dans le commerce international du riz. Peu à peu, les milieux d’affaires sino-thaïlandais, toujours plus à l’aise avec les dictatures militaires ou les bureaucraties autocratiques, ont commencé à trouver que le plus brillant de leur représentant, parvenu au sommet du pouvoir politique, devenait trop gourmand. La vente défiscalisée pour 1,5 milliard d’euros de la firme Shin Corp, appartenant à la famille de Thaksin, à la firme gouvernementale singapourienne Temasek, en janvier 2006, a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

Bataille d’egos. Considéré comme «manquant d’éthique», comme «manquant de respect vis-à-vis du roi Bhumibol» et comme faisant la part trop belle au 20 % les plus démunis de la population, Thaksin est devenu l’ennemi numéro 1 de l’Alliance du peuple pour la démocratie, dirigé par Sondhi Limthongkul, patron de presse aux fortunes diverses qui a longtemps été un partenaire d’affaires (malheureux) de Thaksin. A son niveau le plus élevé, la crise politique thaïlandaise est un changement en profondeur de la société et des relations entre les divers groupes qui la composent. A son niveau le plus visible, elle est une bataille d’ego entre des hommes qui n’hésitent pas à sacrifier des vies pour satisfaire leurs ambitions personnelles.
Matrok
 
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Message par Matrok » 20 Mai 2010, 18:27

Je remonte ce vieux fil, car la situation en Thailande a évolué de façon dramatique ces derniers mois, et tout particulièrement ces derniers jours. Je poste d'abord un article d'Inprecor du 21 mars dernier :
a écrit :Nouvelle étape dans la « guerre de classe  »
Danielle Sabai

Cela fait maintenant plus d’une semaine que les « chemises rouges » manifestent dans les rues de Bangkok. Venus principalement des provinces du nord et de l’est, jusqu’à 150 000 manifestants ont défilé toute la semaine dans le calme et la bonne humeur pour demander la tenue d’élections législatives anticipées et le retour de la démocratie. Les événements actuels montrent qu’il ne s’agit plus d’une opposition entre différents secteurs de la bourgeoisie ou une opposition ville/campagne comme cela a souvent été présenté.

Les manifestants sont regroupés sous la bannière du « Front uni pour la démocratie et contre la dictature » (UDD), un mouvement large composé de supporters de l’ancien premier ministre Thaksin Shinawatra (chassé par un coup d’État en septembre 2006), de républicains et de militants pour la restauration de la démocratie.

Cette « guerre de classe », comme la nomment les manifestants, est révélatrice de la profonde crise que traverse la Thaïlande depuis le coup d’État de septembre 2006. Le pays reste plus que jamais divisé entre les élites de Bangkok et les milieux populaires et les pauvres, principalement des paysans et des ouvriers, qui vivent dans les provinces du nord et de l’est du pays.

En fomentant un coup d’État en 2006, les militaires thaïlandais, avec l’aval de la monarchie, avaient pour objectif de rétablir l’ancien ordre politique — accaparé par la monarchie, la bureaucratie, les militaires et le parti démocrate — et sérieusement ébranlé par cinq ans de gouvernement Thaksin : Arrivé au pouvoir pour défendre ses propres intérêts de milliardaire, Thaksin avait réussi en quelques années à dominer la vie politique et économique. Dans un pays où business et politique sont étroitement mêlés, Thaksin menaçait directement les intérêts économiques et financiers de la famille royale et de « grandes familles financières » non liées à son clan. Dans le même temps, il avait eu l’habileté de mener une politique en faveur des plus démunis, ce qui n’était jamais arrivé en Thaïlande. Cela lui a valu un soutien indéfectible des classes populaires, soutien qui rentrait directement en concurrence avec la popularité du roi et cela, les élites de Bangkok ne pouvaient le supporter. Le roi est le garant de « l’unité du pays », ce qui dans les faits s’est jusqu’à récemment traduit par un étouffement de toutes revendications des classes populaires et le maintien du système en faveur de l’establishment.

Thaksin a appris à ses dépens qu’il est difficile et risqué de bouleverser les équilibres de pouvoir dans le système politique thaïlandais. Les élites ne sont pas prêtes à accepter le verdict des urnes s’il ne va pas dans le sens du maintien de l’ordre traditionnel.

Depuis le printemps 2006, trois gouvernements démocratiquement élus, tous liés à Thaksin, ont été renversés par les militaires ou le pouvoir judiciaire avec l’appui de la monarchie. Le gouvernement actuel, dirigé par le chef du Parti démocrate Abhisit Vejjajiva a été mis en place par les militaires en favorisant un renversement d’alliance au sein du parlement en décembre 2008. Ce parti est minoritaire dans le pays et n’a pas remporté d’élections depuis plus d’une décennie. Il a soutenu le coup d’État de 2006. Depuis, Abhisit s’est révélé un précieux allié de l’armée sur de nombreux sujets. Mais, pour l’armée et la royauté, les problèmes sont à venir. Dans un an, des élections législatives auront lieu et le Parti démocrate ne semble pas en mesure de les remporter.

C’est, dans ce contexte politique, qu’il faut comprendre la décision de Justice rendue à la fin du mois de février : 46,6 des 76,6 milliards de baths de Thaksin et de son ex-femme Pojama, gelés depuis le coup d’État de 2006, ont été saisis par la Justice. C’est un nouvel épisode dans la lutte que l’establishment mène contre Thaksin. Les militaires ont d’abord cherché à détruire le parti de Thaksin en ayant recours au pouvoir exorbitant de la Justice thaïlandaise. La nouvelle Constitution de 2007, écrite sous la dictée des militaires, offre en effet la possibilité de dissoudre un parti si la Justice considère que l’un de ses membres a commis une faute. Cette possibilité a déjà été utilisée deux fois depuis 2006 à l’encontre de Thaksin et de son parti, le Thai Rak Thai (TRT, "les Thaïs aiment les Thaïs") et ensuite de son héritier le People’s Power Party (PPP, "Parti du pouvoir du peuple"). Malgré son exil, les militaires et la monarchie n’ont pas réussi à faire disparaître Thaksin de la vie politique thaïlandaise, ils cherchent donc maintenant à s’attaquer à son autre instrument de pouvoir, l’argent, afin d’empêcher l’émergence de toute autre alternative politique.

Cette condamnation judiciaire a été vécue dans les classes populaires comme profondément injuste et montrant combien la Justice thaïlandaise est à deux vitesses. Celle-ci n’a toujours pas traduit en justice les responsables de la prise d’assaut de l’aéroport Suvarnabhumi, il y a plus d’un an et demi maintenant, tous des soutiens du coup d’État…

C’est à la suite de ce verdict que les dirigeants de l’UDD ont décidé d’organiser les mobilisations actuelles. L’objectif numérique affiché, réunir un million de manifestants à Bangkok, est loin d’être atteint et le gouvernement ne cédera pas à la demande de dissolution de l’Assemblée. Mais, contrairement à ce qu’écrivent de nombreux commentateurs qui relaient l’information des classes dominantes, ce mouvement a atteint de nombreux objectifs politiques de première importance. En premier lieu, les « chemises rouges » sont définitivement entrées sur la scène politique nationale et les vieilles élites ne peuvent plus ignorer leur poids et leurs revendications. En rassemblant 150 000 personnes, l’UDD a montré sa capacité de mobilisation et sa réelle popularité. Un tel mouvement, historique selon certains analystes, n’avait jamais été vu depuis que le pays est devenu une monarchie constitutionnelle en 1932. Autre avancée, le Front a été capable d’élargir sa base sociale. On ne peut plus dire que cette lutte oppose les « rouges enragés » et « hordes rurales» des campagnes aux élites et classes moyennes de Bangkok. Ces qualificatifs méprisants ont été employés par le Bangkok Post pour parler des « chemises rouges ». Une partie de ces classes moyennes a pris conscience du coût élevé du coup d’État, tant en termes politiques qu’économiques et elle soutient maintenant un mouvement qui cherche à rétablir la démocratie. Le système politique actuel est en pleine décomposition et la mort du roi, qui à l’âge de 82 ans est depuis plusieurs mois hospitalisé pour insuffisance respiratoire, pourrait précipiter son effondrement. Les « chemises rouges » ne sont plus les seuls à penser que seule une élection libre et un minimum de dévolution du pouvoir aux provinces permettraient d’apporter des solutions à la crise politique.

La popularité acquise par les « chemises rouges », l’élargissement des soutiens au mouvement, sont une étape nouvelle dans la longue lutte pour le rétablissement de la démocratie et de la justice sociale. Les événements actuels montrent qu’il ne s’agit plus d’une opposition entre différents secteurs de la bourgeoisie ou une opposition ville/campagne comme cela a souvent été présenté. Les divisions sont profondes et basées sur une remise en cause des privilèges des classes dominantes, autrement dit sur des différences de classe. Reste que les classes populaires thaïlandaises sont orphelines d’un parti politique qui représente réellement leurs intérêts. Ce mouvement est un premier pas qui met fin à l’exclusion des travailleurs de la sphère politique. Mais pour qu’il y ait une réelle démocratisation de la société thaïlandaise, il leur faudra s’affranchir complètement des populistes du type Thaksin et élaborer un véritable programme de transformation sociale.

21 mars 2010


On lira aussi avec profit les autres articles d'Inprecor et déclarations de la IVème internationale (SU) qui sont en lien sur la page dont j'ai donné le lien plus haut...
Matrok
 
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Message par Matrok » 20 Mai 2010, 18:44

Un reportage paru dans Libération, la veille de l'assaut de l'armée contre le camp des chemises rouges, qui a eu lieu hier.

a écrit :Le camp rouge asphyxié, les Thaïlandais indignés

Bangkok. A mesure que la répression contre les manifestants se durcit, le mouvement prend des airs de révolte populaire.

Par ARNAUD DUBUS De notre correspondant à Bangkok

Une odeur âcre d’urine et d’ordures flotte sur le camp des «chemises rouges» dans le quartier de Rajprasong, le cœur commercial de Bangkok. Les employés municipaux ne viennent plus collecter les déchets ni vidanger les toilettes mobiles depuis que l’armée a commencé, jeudi, le blocus du camp, où les manifestants antigouvernentaux se sont installés il y a six semaines.

Barricades. Les petits commerçants, qui vendaient du jus de canne à sucre ou du poulet grillé, sont devenus rares. Les médicaments commencent également à manquer et le don organisé lundi par la Croix-Rouge thaïlandaise a été vivement applaudi par les chemises rouges. «Nous sommes maintenant obligés de nous faire envoyer la nourriture par petites quantités apportées par des motos», confie Kopkeo Pikulthong, un des leaders du mouvement de contestation. Aux barrages, des soldats prennent aux sympathisants des chemises rouges les vivres qu’ils essaient d’introduire dans le «camp rouge». «Mon plus gros problème, ce sont les habits, surtout les sous-vêtements. Avant je partais du camp à 6 heures du matin pour me changer chez moi, mais maintenant, c’est beaucoup plus difficile. Cela fait cinq nuits que je dors au milieu de la rue», indique Nid Sawangkeo, une guide touristique.

Les militaires ont peu à peu resserré leur étau sur le camp, s’établissant à une cinquantaine de mètres à peine des premières barricades. Au barrage de Siam, près du secteur commercial du même nom, un garde, une matraque glissée dans le pantalon, observe, à travers un entassement de pneus, les soldats déployer des rouleaux de fer barbelé en travers de la rue. «Le gros des militaires est stationné dans le stade. D’après les journalistes, ils sont nombreux», explique le garde. Mais si le camp de Rajprasong subit durement les effets du siège, le lourd bilan depuis début avril (65 tués, dont 61 civils et quatre militaires) a alimenté une vague de ressentiment dans les quartiers périphériques de la capitale. Du labyrinthe de ruelles des quartiers du monument de la Victoire, de Klong Toey, de Din Daeng ou de Lard Prao, des milliers de résidents ont bâti des estrades et dénoncent ce qu’ils qualifient de «massacre» par le gouvernement.

«Très innocents». Une portion de l’avenue Rama IV a ainsi été surnommée «Snipers Alley» : quiconque s’y expose se fait immédiatement tirer dessus. En fait, le mouvement des chemises rouges commence de plus en plus à ressembler à une révolte populaire, ce qui l’amène à s’étendre à de nombreux quartiers.

Réfugiés dans une base militaire, le Premier ministre Abhisit Vejjajiva et les porte-parole militaires multiplient les communiqués pour dénoncer les «terroristes», mais même des Bangkokiens des classes aisées commencent à s’indigner. «Je suis venu pour voir la situation de mes yeux. Ces gens sont très innocents. Tout ce qu’ils veulent, c’est la dissolution du Parlement, mais le gouvernement les traite de terroristes», déclare Sirivan Koo-amphorn, directrice marketing d’une entreprise commerciale.
Matrok
 
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Message par Matrok » 20 Mai 2010, 19:04

Hier, donc, l'armée a donné l'assaut sur le camp des chemises rouges à Bangkok. On trouvera une chronologie ici.

Un résumé des évènements : Le matin du 19 mai, l'armée a donné l'assaut sur le camp des chemises rouges. Les leaders du mouvements se sont rendus, mais les manifestants ont incendié de nombreux bâtiments, notamment la Bourse de Bangkok, une banque, plusieurs centres commerciaux, les locaux d'une chaîne de TV... Des affrontements et des incendies ont également eu lieu dans le Nord-Est du pays. Le soir, le gouvernement Thailandais était bien obligé de reconnaître que la situation n'était pas complètement sous contrôle.
Matrok
 
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Message par Inna » 26 Mai 2010, 22:17

a écrit :La Thaïlande émet un mandat d'arrêt contre Thaksin Shinawatra
LEMOND

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 25.05.10 | 09h16  •  Mis à jour le 25.05.10 | 12h58
 

Portrait de Thaksin Shinawatra trouvé dans le campement des chemises rouges, à Bangkok, le 21 mai 2010.
REUTERS/SUKREE SUKPLANG
Le gouvernement d'Abhisit Vejjajiva accuse Thaksin Shinawatra de soutenir financièrement le mouvement des "chemises rouges".

Le bras de fer entre le gouvernement thaïlandais et l'opposition menée par Thaksin Shinawatra se déplace sur le terrain judiciaire."Un tribunal a approuvé la requête du département des enquêtes spéciales (DSI) d'émettre un mandat d'arrêt" pour terrorisme contre l'ancien premier ministre en exil Thaksin Shinawatra, indique, mardi 25 mai, Naras Savestanan, chef-adjoint du DSI, précisant qu'il existait "suffisamment de preuves". 

Thaksin Shinawatra a réagi dans un communiqué à ce mandat d'arrêt, évoquant la répression par l'armée en 1976 d'un mouvement d'étudiants pro-démocratie à Bangkok, qui avait fait des dizaines de morts."En 2010, c'est arrivé de nouveau. Mais, cette fois, les manifestants pro-démocratie sont des paysans et le gouvernement actuel, appuyé par les militaires, les qualifie de terroristes", déclare Thaksin. L'ex-premier ministre thaïlandais en exil a estimé que le mandat d'arrêt pour terrorisme émis à son encontre était "motivé par des raisons politiques" et a accusé le pouvoir à Bangkok d'atteintes aux droits de l'homme. "Le mandat arrêt à mon encontre est injuste. Je suis prêt à prouver que je ne suis pas un terroriste et que l'accusation est motivée par des raisons politiques", a déclaré Thaksin dans un communiqué transmis par son conseiller à Bangkok. "Durant l'ensemble de ma carrière, j'ai adhéré au principe de la non-violence et de la monarchie constitutionnelle", a-t-il poursuivi. "Je n'ai jamais soutenu l'usage de la violence."

COUVRE-FEU PROLONGÉ

Icône de nombreuses "chemises rouges" qui réclament son retour en Thaïlande et au pouvoir, Thaksin Shinawatra, homme d'affaires converti à la politique, a gouverné la Thaïlande pendant plus de cinq ans avant d'être renversé en 2006 par un coup d'Etat militaire sans effusion de sang. Il vit depuis 2008 en exil, le plus souvent à Dubaï, pour échapper à une condamnation dans son pays à deux ans de prison ferme pour malversations financières. Le gouvernement d'Abhisit Vejjajiva l'accuse de soutenir financièrement le mouvement des "chemises rouges". Thaksin Shinawatra a démenti mercredi avoir sapé les négociations entre les "chemises rouges" et le gouvernement, affirmant qu'il n'était pas le "cerveau des terroristes".

Le gouvernement thalandais a annoncé mardi la prorogation pour quatre jours, jusqu'à samedi inclus, du couvre-feu décrété la semaine dernière à Bangkok et dans vingt-quatre provinces du pays, de crainte de possibles troubles. Le gouvernement n'a toutefois pas accédé à la demande de l'armée thalandaise, qui souhaitait une extension d'une semaine. "Nous avons réduit la période de sept à quatre jours parce que nous voulons limiter l'impact (de la mesure) sur la population", a déclaré le vice-premier ministre, Suthep Thaugsuban. Cette mesure d'exception avait été prise le 19 mai en raison des émeutes et pillages qui avaient suivi la dispersion par l'armée de la longue occupation du quartier des affaires de la capitale par des manifestants anti-gouvernementaux.
Quiconque viole le couvre-feu est passible d'une peine de deux ans de prison maximum ou d'une amende de 40 000 baht (environ 1 000 euros). Les violences de mercredi seules ont fait au moins 16 morts et une centaine de blessés, pour 88 morts et 1 900 blessés pour l'ensemble de la crise depuis mi-mars.
Inna
 
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