(Vérié @ dimanche 8 novembre 2009 à 19:28 a écrit :Ces cas ne sont pas uniques. Les guérilleros reconvertis sont légions en Amérique latine : on en trouve au Chili, en Argentine, au Pérou, au Brésil etc. Tous ne sont d'ailleurs pas classés "à gauche".
C'est un phénomène politico-social qui ressemble beaucoup à l'évolution d'anciens gauchistes, comme Dray, July, Weber etc, en France. Tous sont généralement d'origine bourgeoise ou petite bourgeoise et ont conservé des liens dans leur classe d'origine. Le chemin semble certes plus long entre la jungle et les salons ministériels, qu'entre les meetings du quartier latin et les mêmes salons, en raison de la répression féroce subie par les mouvements de guérillas, mais cette différence correspond à celle qui sépare des pays où les affrontements de classes sont sanglants de pays où règne un relatif consensus social comme la vieille Europe...
Bien entendu, les militants radicaux de toutes espèces passés avec armes et bagages (en oubliant les armes) de l'autre côté de la barrière, cela n'a rien de nouveau. Ce qui est plus rare (le cas du Nicaragua est différent) c'est qu'il ne s'agit pas ici d'individus mais du parti lui-même.
En Uruguay, en 1982, pendant la dictature, les militaires relachèrent des militants moins lourdement condamnés. Ils faisaient un test. Ce fut un peu la résurgence du parti qui était complètement détruit. Ces premiers militants relâchés menèrent un travail moléculaire de réorganisation. On imagine le difficulté de la tâche compte tenu de la période. En 1984 le réseau reconstitué comptait 400 militants. Ils se présentèrent avec d'autres militants d'EG revenus d'exil (dont une partie était des anciens tupamaros) à des élections en novembre et obtinrent 20,77% des voix, ce qui était assez spectaculaire.
Mais c'est en général en 1985, lors de la libération de la grande majorité des prisonniers politiques (mille personnes quand même) que l'on fait remonter la réorganisation du MLN (le nom du parti des Tupamaros) même si comme je l'ai écrit c'est un peu plus compliqué. Lors de leur sortie ils sont accueillis par de grandes manifestations. 63 qui avaient été condamnés pour des crimes de sang restaient en prison. Ils ont été libérés quelques jours plus tard, les militaires faisant un calcul savant (ils comptaient 3 ans pour une année passée en prison) leur permettant de ne pas avoir à les amnistier. L'un des 63 est un ami et c'est de lui que j'ai tiré mes informations.
Les manifestations après la libération des prisonniers n'est pas du qu'au boulot de mobilisation des militants mais au ras-le-bol de la population. les militaires comprennent, comme en avril 82 an Argentine (après la défaites de la guerre des Malouines) qu'il est temps de laisser le pouvoir.
Je ne vais pas refaire toute l'histoire mais disons que dans le front élargi, qui a gagné les élections législatives, le MLN est un élément essentiel. Et que le futur président de l'Uruguay est l'ancien tupamaro, mais toujours MLN, Mujica. Disons aussi qu'ils n'ont pas renié leur passé guérillériste.
Des guérillas urbaines nées dans les années 60 ou 70 dans le sud de l'Amérique latine, le PRT et les Montoneros (Argentine) ont disparu, le MIR s'est dissout en 89. On m'a dit que l'ELN (Bolivie) existait toujours mais était moribond. Il ne s'est jamais remis de l'aventure de Guevara.
L'Uruguay, de ce point de vue, est donc une exception.