Ce qui se passe en Iran

Dans le monde...

Message par Sterd » 17 Juin 2009, 07:35

(Matrok @ mercredi 17 juin 2009 à 01:59 a écrit : Là dessus je pense qu'il n'y a guère de doutes: il y a quand même quelques reporters sur place, et sans ça l'information circule via internet, il y a de nombreuses images des manifestations qui montrent clairement qu'on a affaire à des foules énormes. Alors 1 million je ne sais pas, mais c'est pas impossible a priori.

Tu sais avec les possibilités de trucage une photo ne constitue pas un élément de preuve, aller coller des éléments d'une technoparade sur une image des rues d'Ispahan, c'est pas compliqué et presque indécelable.

Les médias nous mentent effrontément sur des évènements qui se passent sous notre nez, alors leur degré de fiabilité pour des trucs qui se passent à des milliers de kilomètres, et qui en plus servent tellement à propos les intérêts de l'impérialisme, je continue a trouver ça suspect
Sterd
 
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Message par Vérié » 17 Juin 2009, 07:55

a écrit : Luc Marchaudel
Bref, grosso modo, il me semble que quand des chiffres sont donnés pour un nombre de personnes (manifetsants, militants..), on peut les "ressentir" comme on le ferait pour la France.



Sauf que la France n'est pas soumise à une dictature, qu'on ne risque pas sa peau en descendant dans la rue et que les flics ne tuent pas 7 (? chiffre officiel) personnes après chaque manif...

Les trucages à la TV ? Je n'y crois pas trop. La foule semblait vraiment énorme. Ce qu'il faudrait savoir, c'est la composition sociale de ces manifs. S'il y avait vraiment un million de personnes (certains disent même 1,5 ou 2 millions, mais ces chiffres ne sont de toute évidence pas plus fiable que ceux des élections), ça semble difficile d'imaginer que ces manifs ne réunissent que la petite bourgeoisie pro-occidentale...Ce qui n'empêche pas que c'est peut-être la petite bourgeoisie pro occidentale qui donne le ton. Pas le PCOI, n'en déplaise à Polo...
Vérié
 
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Message par Matrok » 17 Juin 2009, 10:43

On dévie par rapport à la revue de presse pour passer dans l'analyse de fond... il faudrait ouvrir un autre fil. Mais bon, je réponds à Sterd ici pour le moment: il est évident que les Etats-Unis, ou au moins certains aux Etats-Unis, voient d'un très bon oeil la contestation des résultats en Iran. Néanmoins il ne faudrait pas tomber dans la théorie du complot: si je te suis tous les chiffres et toutes les photos des manifs ont été gonflées artificiellement, tous les reporters sur place seraient aux ordres de Washington, tous les blogueurs soit-disant iranien seraient quelque part aux Etats-Unis, etc.

C'est peu crédible ! D'autant plus que les quelques infos qu'on peut avoir ne vont pas forcément dans le sens d'une confrontation grandissante et d'une fraude massive. En fait les journaux français ont beaucoup donné d'écho à ces fameux résultats officieux tandis que les journaux anglais et américains les ont pris avec beaucoup de circonspection. Hier un reportage depuis Téhéran sur BBC4 signalait que les manifs "officielles" en support à Ahmadinejad avaient réuni probablement plus de monde hier que celles en soutien à Moussavi, où les manifestants étaient beaucoup moins nombreux que les jours précédents, quelques milliers tout au plus - il faut dire qu'avant-hier ça s'est fini de façon violente, les basijis ont tirés sur la foule, on trouve beaucoup de photos et de vidéos de ces violences.

Quant à twitter, les journaux ont rappelé que de nombreux sites web, réseaux de téléphonie, radios et télés ont été coupés ou brouillés au fur et à mesure que la contestation s'amplifiait, ça a même commencé avant l'annonce des résultats apparemment. Mais bizarrement pas twitter dans un premier temps, et plusieurs journaux signalent (mais sur quelle base ?) que ce site a effectivement permis au moins dimanche à faire circuler l'information. Rien d'étonnant, le gros des électeurs de Moussavi d'après toutes les enquêtes, y compris celles qui prévoyaient les résultats officiels, c'est les jeunes de Téhéran, en particulier les étudiants, qui sont (c'est un fait sociologique connu, on peut trouver plein d'articles là dessus) de gros utilisateurs d'Internet, des blogs et des réseaux sociaux en particulier. Mais c'est aussi, et ça tout les journaux le reconnaissent, le lieu de la rumeur et du bluff par excellence: visiblement il y a un courant de sympathie pour les contestataires iraniens chez les internautes du monde entier, et particulièrement aux USA, et l'info y est en général douteuse. Le slogan "la révolution ne sera pas télévisée, elle sera twitterisée" y a fait florès. On y a lu plein de rumeurs bidons :des descriptions de manifs de 3 millions de personnes, l'arrestation de Moussavi, la déclaration officielle de l'invalidation des élections... Un autre exemple de la "légèreté" du machin: hier un utilisateur suggérait aux autres de changer leur localisation et leur fuseau horaires pour ceux de Téhéran, soit disant pour rendre plus difficile la localisation des contestataires iraniens. Je l'ai lu de mes yeux et c'est rapporté sur le site du New-York Times. On imagine ce que pourrait être le résultat: des milliers d'américains se faisant passer pour des iraniens et partageant leurs fantasmes de révolution en toute bonne foi... En fait je n'ai trouvé aucun reporter pour affirmer que les iraniens ont toujours accès à twitter. J'avais d'ailleurs trouvé une photo d'une manif à Ispahan via twitter, qui montrait une foule immense (mais désolé polo, pas de drapeau rouge, toujours du vert): je ne l'ai pas postée ici parce que justement cette source est trop douteuse, et sa mauvaise qualité (genre photo de téléphone portable ou de mauvais compact numérique) faisait qu'elle était très facilement truquable... La demande du département d'Etat américain à twitter de remettre à plus tard sa mise à jour est plus une opération de communication à destination des américains que des iraniens, sans doute.
Matrok
 
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Message par Matrok » 17 Juin 2009, 11:57

Suite de la revue de presse, ce matin dans Libération une interview de Bernard Hourcade, présenté ainsi:

a écrit :Bernard Hourcade est géographe au CNRS et spécialiste de l'Iran. Très prudent au départ sur les accusations de fraudes formulées à l'encontre de Mahmoud Ahmadinejad, il a étudié les résultats électoraux et estime aujourd'hui que la fraude est avérée.


L'interview oscille entre description savante de la situation politique en Iran, supputations sur l'avenir, et tentatives d'expliquer la fraude électorale, sans d'ailleurs (c'est une constante) tenter de la prouver. Intéressant pour voir comment le discours sur la fraude se construit à partir des faits et des chiffres connus, mais sans véritablement d'information factuelle supplémentaire. Je cite la fin (le reste de l'interview est sans aucun intérêt à mon avis, on n'y lit strictement rien de nouveau ni de définitif):

a écrit :Vous avez analysé en détail les résultats électoraux du scrutin présidentiel. Dans quelle mesure y a-t-il eu une fraude?

On a toujours surestimé la capacité de révolution en Iran. Je me méfie d'ailleurs énormément du wishful thinking. Au départ, les résultats donnés par Ahmadinejad étaient «crédibles». Mais désormais, on constate qu'une fraude lourde a été organisée et planifiée. Le dépouillement, semble-t-il, s'est déroulé normalement. Il n'y a pas eu de bourrage d'urnes. C'est au bureau centralisateur de Téhéran que cela s'est mal passé, dans la nuit de vendredi à samedi.

Comment les résultats ont-ils été truqués?

Des gens proches du pouvoir sont venus remplacer les fonctionnaires chargés de centraliser les résultats. Ils se sont basés sur la géographie électorale de l'élection présidentielle de 2005, en laissant à Moussavi des zones gagnantes, pour que la carte des résultats soit crédible. Mais on a multiplié le précédent résultat d'Ahmadinejad par x. Il est passé de 20% lors du premier tour de 2005 à 62% cette année. Les partisans d'Ahmadinejad ont paniqué au cours des quinze derniers jours de campagne quand ils ont vu la montée de Moussavi. En quelque sorte, ils ont trop bien réussi leur fraude.


Notez bien l'attitude du journaliste: "dans quelle mesure y-a-t-il eu une fraude". Il ne lui demande pas si il y a eu une fraude, encore moins comment prouver qu'il y a eu une fraude, mais tout de suite il l'interroge sur le comment et l'ampleur de la fraude. Pour le moins curieux... mais il est vrai qu'il y a des faits qui vont dans ce sens.
Pour Bernard Hourcade la fraude massive a bel et bien eu lieu "au bureau centralisateur de Téhéran," non pas au niveau du dépouillement. Il dit également qu'il n'y a pas eu de bourrage d'urnes: comment le sait-il ? mystère. Tout cela va dans le sens de la thèse qu'il y a effectivement des résultats réels quelque part qui seraient différents des résultats officiels.
Il fait référence à "des gens proches du pouvoir venus remplacer les fonctionnaires". J'ai déjà lu ça quelque part ces derniers jours, il faudra que je recherche. Si c'est avéré en effet cela donne corps à des fraudes probables à ce niveau là, et sans doute massives... et vérifiables aussi sans doute, le dépouillement n'a-t-il pas eu lieu ? n'y-a-t-il aucun journaliste qui a chercher à vérifier la différence entre les résultats de certains dépouillements et les résultats annoncés officiellement ?
Quant à la "montée de Moussavi" de nombreux reporters y faisaient référence avant le scrutin et la puissance des manifestations des 14 et 15 juin à Téhéran vont dans ce sens. La "panique" des "partisans d'Ahmadinejad" n'est pas impossible, en tout cas les bassidji ont été fortement mobilisés et ce sont eux, autant voir plus que la police, qui assurent la répression ces derniers jours.
On constate qu'il ne dit pas un mot au sujet des résultats parus dans la presse ces derniers jours (dernièrement dans El Pais ce matin même).
Matrok
 
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Message par Matrok » 17 Juin 2009, 12:34

(Matrok @ mercredi 17 juin 2009 à 10:57 a écrit : Il fait référence à "des gens proches du pouvoir venus remplacer les fonctionnaires". J'ai déjà lu ça quelque part ces derniers jours, il faudra que je recherche.
C'est tout simplement dans l'article de JPP cité plus haut:

a écrit :D’après des informations glanées au ministère de l’Intérieur, des bassidji («volontaires» des milices islamiques) sont venus, le jour du scrutin, remplacer certains fonctionnaires chargés de collecter les résultats.

Le moins qu'on puisse dire c'est que la source est floue, et dans un article qui multiplie ce genre de procédé...
Matrok
 
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Message par Matrok » 18 Juin 2009, 10:56

Un article dans Libé nous éclaire un peu sur les conditions de travail pour les journalistes en Iran:

a écrit :Monde 17/06/2009 à 16h54 (mise à jour à 17h44)
«En Iran, les journalistes exercent dans une zone de guerre»
INTERVIEW - Pour Arash Salehi, journaliste iranien, la période de relative liberté d'expression en Iran a laissé place à une atmosphère de terreur.

Recueilli par Sylvain Mouillard et Arnaud Bertrand

Arash Salehi, 31 ans, est un journaliste iranien. Il travaille actuellement à Radio Free Europe, un réseau (radio/internet/tv) basé à Prague. Suite à l'élection d'Ahmadinejad en 2005, il a quitté l'Iran pour venir travailler en France, puis aux Pays-Bas et en République Tchèque.

D'après votre expérience, est-il difficile d'exercer le métier de journaliste en Iran?
En temps normal, on peut écrire ce que l'on veut dans la presse iranienne. Si la télévision d'Etat est une machine de propagande, tout comme certains journaux, l'existence de différentes factions en Iran permet tout de même un pluralisme. Karoubi, par exemple, a son propre journal. Pendant les mandats de Rafsandjani et Khatami, les journalistes avaient la possibilité de critiquer le gouvernement. Cette atmosphère de débat et d'opposition au gouvernement n'est pas un phénomène nouveau. Mais, il n'y a pas de garanties. Aujourd'hui, tu peux être arrêté si tu franchis certaines lignes rouges. Ainsi, il n'est pas sans dangers de critiquer le Guide suprême ou d'écrire sur le programme nucléaire iranien...

Est-il possible aujourd'hui de parler de presse indépendante en Iran?
Avant l'élection, il y a eu une période d'extrême liberté. C'était un moment unique. Ahmadinejad était critiqué dans les médias, il s'est d'ailleurs plaint d'un acharnement à son encontre. Mais à partir de samedi dernier, le gouvernement a durci le ton. Tout a été interdit. Certains journaux ont été fermés, on a ordonné à d'autres de changer leurs titres. Actuellement, la censure est incroyable en Iran. Le Guide suprême a perdu sa légitimité et veut empêcher la couverture des évènements. Chose impossible car tout le monde a un téléphone portable et peut s'informer, transmettre des infos. D'autant plus que si le cœur de la mobilisation est à Téhéran, il y a un mouvement de solidarité à travers le pays. Internet permet une liberté incroyable, c'est du journalisme citoyen, avec les blogs, des vidéos, des photos... Mais la sécurité de ceux qui écrivent sur ce média n'est pas toujours assurée.

Concrètement, comment se manifeste la reprise en main des médias par le gouvernement?
Le gouvernement installe actuellement en Iran une atmosphère de terreur pour les journalistes. Les services secrets, les forces de sécurité créent fréquemment des problèmes pour la partie de la société civile qualifiée de «réformiste». Désormais, les journalistes exercent dans une zone de guerre. Ils doivent, par exemple, changer de résidence tous les jours. Selon RSF, dix journalistes ont été emprisonnés depuis cinq jours. Mais c'est beaucoup plus, au moins une centaine d'activistes et de journalistes ont déjà été arrêtés.


Une précision nécessaire qui n'est pas dans l'article: "Radio Free Europe" est un réseau financé par le congrès américain, selon le site "Arrêt sur Image" que j'ai cité il y a deux jours. Allez ici pour voir ce qu'ils disent d'eux-mêmes. Cela n'a pas forcément d'importance pour le contenu de cet article mais perso je n'appelle pas ça un "média indépendant", vraiment pas plus que la BBC ou Radio-France.
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Message par Matrok » 18 Juin 2009, 11:22

Quelques nouvelles d'hier glanées dans divers médias français (Libération), anglais (BBC) et américains (New-York Times) qui se recoupent et disent à peu près la même chose:

Hier a eu lieu un autre rassemblement présenté par ces médias comme étant des "supporters de l'opposition", les quelques images montrant comme d'habitude des manifestants dont la moyenne d'âge est relativement jeune, portant souvent les foulards et rubans verts devenus maintenant symboliques et habituels, des portraits de Mousavi, ainsi que des fleurs. Par contre, désolé polo, toujours pas le moindre drapeau rouge... D'après la BBC "les estimations varient entre 70,000 et 500,000 manifestants". Il n'y aurait pas eu de violences.
Une anecdote reprise un peu partout: un match de foot a eu lieu en Corée du Sud et 6 des footballers de l'équipe nationale iranienne portaient également des rubans verts aux poignets.
Mousavi aurait appelé à une nouvelle "marche de deuil" aujourd'hui "pour les sept civils morts lundi dans des heurts entre manifestants et miliciens islamistes".

Une brève intéressante dans Libé, mais un peu floue:
a écrit :9h37: Alors que des centaines de milliers de manifestants crient à la fraude en Iran après l'élection présidentielle, les experts peinent à vérifier la régularité du scrutin et à déceler, faute de preuves, l'existence d'une éventuelle manipulation.

Les capitales occidentales ont exprimé leurs inquiétudes quant à la régularité du scrutin, l'Allemagne estimant même qu'il y avait eu des «irrégularités» et le président français Nicolas Sarkozy dénonçant «l'ampleur de la fraude».

Mais alors qu'une poignée seulement d'observateurs indépendants étaient sur le terrain pour rendre compte du déroulement du vote, les experts de l'Iran qui se sont penchés sur les résultats sont dans l'embarras pour établir une analyse claire de la situation et, le cas échéant, révéler une éventuelle fraude.

Vu que Libé ces derniers jours prenait la fraude pour acquise et ne se penchait plus que sur l'explication du comment de la fraude, ça sonne comme un aveu ou au moins une retraite prudente...
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Message par Matrok » 18 Juin 2009, 11:34

Une autre brève qui vient de tomber :

a écrit :11h55:  Les trois candidats battus au scrutin présidentiel du 12 juin ont déposé plainte pour un total de 646 irrégularités, indique le porte-parole du Conseil des gardiens de la Constitution, Abbas Ali Kadkhodaï, à la télévision. Dans le même temps, L'Assemblée iranienne des experts, l'organe religieux le plus important du régime, salue la participation massive à la présidentielle du 12 juin mais passe sous silence la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad.

Va-t-on vers une reconnaissance officielle qu'il y a eu fraude ?
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Message par Matrok » 18 Juin 2009, 12:16

Un article de Libération au titre prometteur... et au contenu toujours peu convaincant. Il répète ce qui était dit dans les articles précédents, en identifiant cependant une des personnes ayant donné quelques infos aux journalistes puisqu'il vient d'être arrêté -ce qui en soit ne prouve rien. Et en ajoutant un récit aussi mal sourcé que d'habitude relatant la main basse des bassidji sur les urnes. Bref, le doute subsiste toujours sur la falsification ou non des résultats, quel que soit le titre ronflant que choisit Libé...

a écrit :Les preuves de la falsification du régime de Téhéran
RÉCIT - Le fonctionnaire à l’origine de la fuite sur la victoire de Moussavi a été arrêté.

Le haut clergé chiite est à son tour entré dans la bataille… Après les grands ayatollahs Hossein Ali Montazeri, Nasser Makarem Chirazi et l’ayatollah Asadollah Zanjani, un quatrième haut religieux, l’ayatollah Abdolkarim Moussavi Ardebili, a adressé une injonction au pouvoir islamique lui demandant d’examiner avec soin les plaintes des candidats contestant les résultats de l’élection présidentielle et de rendre un «verdict convaincant». Ces prises de position sont pour le moins inhabituelles, la haute hiérarchie chiite répugnant, sauf lorsque la situation est gravissime, à commenter publiquement les affaires politiques. Ces exhortations ne vont pas jusqu’à demander l’annulation du scrutin et un nouveau vote, comme l’exige Mir Hossein Moussavi, mais elles laissent clairement entendre qu’il y a eu une lourde fraude aux élections.

C’est Montazeri, une des plus hautes autorités spirituelles chiites, qui est allé le plus loin mardi dans sa dénonciation du trucage en décrivant les résultats comme «quelque chose qu’aucun esprit sain ne peut accepter».«Malheureusement cette excellente opportunité [de l’élection, ndlr] a été utilisée de la pire façon qui soit», écrit le religieux, qui fut pressenti pour succéder à l’imam Khomeiny avant d’être écarté du pouvoir et longtemps assigné à résidence.

Manipulation. Jour après jour, de nouveaux éléments témoignent de l’ampleur de la manipulation. Selon des informations recueillies par Libération, l’après-midi du scrutin, vers 17 heures, des bassidji («volontaires» des milices islamiques) ont pris le contrôle des terminaux de totalisation des votes au ministère de l’Intérieur, chassant les fonctionnaires qui travaillaient à ce poste. C’est un fonctionnaire de ce même ministère qui a prévenu le camp réformateur. D’autres fuites vont révéler les vrais chiffres obtenus par les quatre candidats (Libération de mardi) : en tête vient Moussavi avec un peu plus de 19 millions des suffrages (sur 42 millions), devant le second candidat réformateur, le religieux Mehdi Karoubi, avec plus de 13,38 millions de voix ; Ahmadinejad n’arrive qu’en troisième position avec 5,77 millions de voix ; le quatrième candidat, Mohsen Rezaï, ex-leader historique des pasdarans - les gardiens de la révolution - occupe la dernière position avec 3,74 millions de voix.

Prévenu qu’il est arrivé en tête, Moussavi va immédiatement se proclamer victorieux avant d’être rapidement démenti par Ahmadinejad, puis par le Guide suprême Ali Khamenei, qui va entériner le succès du président sortant, parlant même de victoire tombée du ciel.

L’auteur des «fuites», fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, semble avoir été arrêté dès le lendemain. Des témoins l’ont vu empoigné par des policiers au moment où il s’apprêtait à sauter du neuvième étage du bâtiment. Depuis, on ignore ce qu’il est devenu.

Toujours selon nos informations, les bassidji ont aussi fait main basse sur une partie des urnes qu’ils ont fait disparaître - ce qui explique que les résultats ville par ville et région par région ne sont toujours pas connus, même ceux de Téhéran. L’agence officielle Irna a remplacé les résultats manquants par des chiffres totalement abracadabrants, allant jusqu’à affirmer que Moussavi, Karoubi et Rezaï avaient été battus dans leurs villes natales.

Intimidation. Si les urnes ne sont pas rendues, on voit mal dans ces conditions comment le Conseil des gardiens de la Constitution pourrait procéder à un réel recomptage des voix. D’où l’hypothèse que l’annonce de celui-ci ne servirait en fait qu’à gagner du temps. En attendant, l’intimidation reste de rigueur. Hier, un religieux, intervenant à la télévision nationale, a fait savoir que toute fitna (sédition) était passible de «la peine de mort».
Matrok
 
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