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L'ex-président péruvien Fujimori condamné à 25 ans de prison
La Cour suprême l'a jugé coupable de crimes contre l'humanité, commis au nom de la lutte contre les guérillas d'extrême gauche
Lima Correspondance
Après seize mois d'audiences, le verdict est tombé mardi 7 avril : l'ancien président péruvien Alberto Fujimori a été jugé coupable de violations des droits de l'homme et condamné à vingt-cinq ans de prison. Les trois magistrats de la Cour suprême ont reconnu à l'unanimité la responsabilité de l'ancien président dans deux tueries perpétrées par le " groupe Colina ", composé de militaires, qui avaient fait 25 morts au début des années 1990, dont des femmes et des enfants. La cour a aussi retenu les chefs d'accusation de séquestration d'un entrepreneur et d'un journaliste, des faits qui s'étaient déroulés à la même époque.
" Ces délits constituent des crimes d'Etat, et les deux premiers des crimes contre l'humanité ", a précisé le président du tribunal, Cesar San Martin, justifiant la peine infligée à M. Fujimori, " la plus grave et la plus lourde autorisée par le code pénal ".
Arrêté en 2005 au Chili - où il s'était rendu après s'être réfugié pendant cinq ans au Japon -, puis détenu au Pérou après avoir été extradé en septembre 2007, l'ancien président, aujourd'hui âgé de 70 ans, ne devrait pas sortir de prison avant le 10 février 2032. Il a déposé un recours en nullité.
Visiblement tendu à son entrée dans la salle d'audience, M. Fujimori a reçu la sentence la tête penchée sur un cahier sur lequel il prenait des notes. Derrière lui, sa fille Keiko, députée, est restée impassible. Par mesure de sécurité et pour éviter tout débordement, la cour avait exigé que seules la famille de l'accusé et celles des victimes des massacres faisant l'objet du procès puissent accéder à la salle. Le reste des proches de chaque camp était réuni dans un local annexe, afin de suivre le déroulement de l'audience sur un écran géant, aux côtés d'observateurs internationaux.
Les juges ont justifié leur décision dans un document de 700 pages. A leur avis, les nombreux éléments apportés durant le procès ont prouvé que M. Fujimori était au courant de l'existence du groupe Colina, qui a assassiné plus de 50 personnes en 1991 et 1992, et qu'il était à la tête de ce commando mis en place pour éliminer de manière extrajudiciaire les membres de la guérilla maoïste du Sentier lumineux, au nom de la lutte antiterroriste.
" Ce qu'il est important de noter, c'est qu'Alberto Fujimori n'a pas été condamné pour les crimes commis par le groupe Colina, mais pour ce qu'il a fait, qui a permis à cet escadron d'agir ", précise Michael Reed du Centre international pour la justice transitionnelle (ICTJ). " Qu'un tribunal considère qu'un président démocratiquement élu a été responsable d'organiser un appareil de pouvoir responsable de crimes d'Etat, c'est réellement historique ", se félicite Eduardo Bertoni, directeur de l'organisation non gouvernementale (ONG) Due process of Law (DPLF). " C'est une victoire des droits de l'homme, une décision emblématique ", renchérit Maria MacFarland, de l'ONG Human Rights Watch.
" C'est un grand jour dans la lutte contre l'impunité, la justice s'est imposée ", affirme le directeur de l'Association péruvienne pour la défense des droits de l'homme, Francisco Soberon, qui soutient les familles des victimes depuis le début de leur combat. " Dix-sept ans de lutte acharnée ", résume Raida Condor, qui a encore du mal à réaliser ce qui vient de se passer.
Depuis 1992, cette femme se bat pour que les meurtriers de son fils, étudiant à l'université de la Cantuta, à Lima, soient condamnés. " Aujourd'hui, je suis heureuse et soulagée ", confie cette mère de famille. Comme les autres parents, elle a été émue par un paragraphe du jugement indiquant qu'aucune des victimes n'avait de lien avec les organisations terroristes de l'époque. " Les partisans de Fujimori ont toujours dit que les étudiants avaient été assassinés car ils appartenaient au Sentier lumineux, souligne l'avocate de la partie civile, Gloria Cano. Le tribunal a prouvé le contraire. "
Raida Condor, elle, a le sourire aux lèvres : " Mon garçon a retrouvé sa dignité aux yeux de tous. Il peut maintenant reposer en paix. "
Chrystelle Barbier
Pour les criminels, il vaut mieux rester au pouvoir. Le président actuel, Alan Garcia, l'était déjà avant Fujimori, de 85 à 90, pendant la guérilla du Sentier Lumineux.
47 paysans furent assassinés à Accomarca en août 1985 par l'armée péruvienne; à Cayara, en mai 1988, 30 personnes sont tuées et des dizaines d'autres sont tuées.
Suite à des mutineries de prisonniers politiques, à Lima, dans 3 prisons, plus de 200 détenus sont littéralement exécutés sur ordre d'Alan Garcia.