Guadeloupe-Martinique

Message par jeug » 04 Mars 2009, 13:37

Le témoignage intéressant d'un participant à un récent meeting du LKP (celui de dimanche).

(trouvé sur chien créole a écrit :Dimanche 1er mars, au 40ème jour de grève, tout le monde disait le mouvement agonisant. On avait vu depuis quelques jours l’activité économique reprendre, les centre commerciaux faire le plein de consommateurs avides, les bouchons revenir sur les routes, beaucoup de gens aller à leur travail. Je m’étais rendu à la Mutualité en soirée en traînant les pieds.
Le LKP demandait à la base de se prononcer sur la poursuite ou la suspension de la grève générale. Je craignais que nous n’entérinions la reddition, alors même que rien n’était signé et que parmi les points à traiter en priorité, beaucoup restaient en suspens. Si nous suspendions le rapport de force, c’était joué d’avance, tout ce pour quoi nous nous étions battu risquait de ne jamais voir le jour…
Ce soir-là, nous étions des milliers et des milliers, serrés à ne plus pouvoir se retourner.

A voir cette foule immense, j’ai interpellé un ami, retrouvé sur place : « autant de monde, ça veut dire quelque chose ! Qui peut encore parler de démobilisation quand on voit ça ?

Plusieurs protagonistes du LKP ont pris la parole sur la petite estrade et finalement, c’est Jean-Marie Nomertin, le porte-parole de la CGTG qui a lancé :

« Bon maintenant on va parler en français pour que les journalistes comprennent bien : que ceux qui sont pour la poursuite de la grève lèvent la main. »

Une forêt de bras s’est levée, pas une partie décidée et les autres qui auraient suivi. Non, d’un seul élan, comme un seul homme, et sans l’ombre d’une hésitation, nous avons tous levé la main, par milliers. D’y repenser j’en ai la chair de poule. Une telle détermination après 40 jours de grève, ça force le respect. Ca démontre aussi à quel point le LKP a eu raison de faire confiance à sa base en la consultant avant la prise de décision. Comme l’a très justement rappelé Nomertin : « Nous sommes vos représentants, c’est vous qui décidez. »

Lundi, nous avons manifesté devant Carrefour Destreland, très nombreux. Les gendarmes protégeaient l’accès au centre commercial. Les forces de l’ordre au service de la population et du citoyen qu’ils disent…

Ce face à face était édifiant : des espèces de Robotcops armés et carapacés de partout, au service des intérêts privés d’un des plus grands exploiteurs des Antilles, en tous cas, sa plus grosse fortune, faisant face à une population qui se bat pour ses droits.

Après que plusieurs ont pris la parole devant l’ancien continent, nous sommes tous remontés dans les voitures et nous sommes rendus à Jarry, la grande zone industrielle. Les innombrables voitures ont provoqué d’impressionnants bouchons sur la quatre voie, puis nous avons manifesté dans Jarry pour demander aux patrons qui ne sont toujours pas signataires de ratifier l’accord Jacques Bino.

L’actvité economique s’est quasiment arrêtée à notre arrivée. Dans le même temps, nous avons appris que le GITL (Groupe d’Intervention des Travailleurs en Lutte), émanation de la CTU, avait réussi le même exploit rue Frébault, la grande rue commerçante de Pointe-à-Pitre.

Aujourd’hui, j’apprends non seulement que Carrefour est fermé parce que ses employés sont en grève mais qu’une première entreprise a été occupée, à Jarry. Il est 3h00 du matin et j’en rentre à l’instant. Il s’agit du centre d’appel d’orange, entreprise affiliée au MEDEF, situé en face de la Librairie Générale. Là encore, c’est le GITL qui l’occupe pour exiger la signature de l’accord Bino.

Autrement dit, le mouvement, loin de s’essouffler est en train de durcir ses actions, de se radicaliser. Je publierai demain la longue entrevue qu’Alex m’a accordée, parce que pour l’heure, il faut que j’aille me reposer.

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Message par Proculte » 04 Mars 2009, 14:13


(AFP a écrit :Antilles: des négociations poussives et toujours la grève


Les négociations tant en Guadeloupe qu'en Martinique étaient toujours mercredi poussives tandis que la grève générale continuait à paralyser les deux îles faisant craindre au patronat d'importantes déconvenues économiques.

En Martinique, le président du Medef local, Patrick Lecurieux-Durival, a estimé ainsi "au bas mot à 10.000" le nombre de suppressions d'emplois en 2009 sous les effets combinés de la crise mondiale et de la grève qui entrera vendredi dans sa cinquième semaine. La Martinique compte 75.000 emplois.

Dans cette île, la plupart des magasins demeuraient fermés et les barrages paralysaient toujours l'activité économique.

Le réapprovisionnement des stations-services engendrait encore un afflux d'automobilistes qui devaient patienter souvent au moins une heure pour atteindre une pompe.

Après plusieurs soirées "ville morte" à la suite des émeutes de la semaine dernière et l'appel du préfet Ange Mancini à ne pas circuler après 19H00, l'atmosphère était néanmoins à une relative détente : des forces de l'ordre moins visibles et des gens qui recommençaient à prendre le frais une fois la nuit tombée.

Côté négociations, la commission sur les salaires a débuté ses travaux pour mettre en musique l'accord cadre signé dans la nuit de lundi à mardi par la majorité des syndicats composant le "Collectif du 5 février" et le patronat.

Parmi les trois non signataires, FO s'est finalement rallié à cet accord qui prévoit une augmentation de 200 euros nets par mois pour les bas salaires jusqu'à 1,4 smic. En revanche, la CGTM et la CGTM-FSM ont refusé de le parapher après consultation de leur base.

Toutefois, la CGTM - composante dure du Collectif, qui avec ses 38% de représentativité pourrait mettre en péril l'accord en utilisant son pouvoir de minorité de blocage- a assuré oralement à ses partenaires qu'elle ne s'opposerait pas à l'accord.

En Guadeloupe, où le conflit est entré dans sa septième semaine, le LKP maintient la pression, malgré l'adoption samedi d'un accord contenant l'essentiel de ses revendications, notamment la plus emblématique, sur la hausse de 200 euros des bas salaires.

Le chef du collectif, Elie Domota, s'est rendu mardi après-midi à la préfecture de Guadeloupe, à Basse-Terre, pour "relire le texte" de l'accord conditionnant l'issue de la grève générale entrée dans sa 43ème journée.

Il a estimé que le texte ne serait pas signé avant mercredi. "On va essayer de se mettre d'accord sur le texte parce que les mots ont leur importance", a-t-il déclaré mardi soir à l'AFP, peu avant d'entrer en réunion avec le préfet Nicolas Desforges.

Pour l'instant, pas un mot sur l'éventualité d'une suspension du mot d'ordre de grève.

Le Medef guadeloupéen, qui dénonce les "intimidations" et "menaces" du LKP, rejette toujours plusieurs points de l'accord, mais son président Willy Angèle a "recommandé" à ses membres de "verser des primes de vie chère qui évolueront entre 50 et 100 euros, de manière que cette problématique de bas salaires soit traitée".

Dans les deux îles, des tractations se poursuivaient également sur l'élaboration d'une liste de produits de la grande distribution dont les prix seront soumis à une baisse de 20%.

A plusieurs milliers de kilomètres, un nouveau front s'est dessiné, un collectif rassemblant une quarantaine d'organisations appelant les Réunionnais à descendre dans la rue jeudi pour une importante journée de grève, avec, comme aux Antilles, pour revendication principale une hausse de 200 euros nets des bas salaires.
Proculte
 
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Message par jeug » 04 Mars 2009, 15:15

Les négociations sur les prix entre le LKP et la grande distribution, dès lundi, ont achoppé sur la question des « familles » de produits, comme en Martinique.
Un compromis est donc en cours : élargissement de la baisse du prix à toute la famille pour 56 produits consommés au quotidien (huile, sel, beurre, lait, pâte, farine, riz, etc.). Pour les autres produits, la baisse sera pratiquée sans être étendue à toute la famille.
Par ailleurs, « l'Etat s'est engagé à fournir les prix sortant du port, un élément qui permettra au LKP de connaître les marges pratiquées par les importateurs ».
Concernant le montant des prix, le LKP demande qu’ils « ne dépassent pas de plus de 10% les prix de la métropole ».
Un « bureau d'étude ouvrière composé des syndicalistes et des associations de consommateurs » sera créé pour faire ses propres enquête sur les prix « et veiller pour que les prix baissés ne remontent pas dans six mois. »

Extrait d’une interview d’un patron d’une petite enseigne :
a écrit :
Que pensez-vous de la demande du LKP de pratiquer des prix ne dépassant pas 10% des prix de la métropole ?
Je pense qu'ils vont étudier en fonction des listes qu'ils auront et vont les réajuster selon la réalité économique des commerces, selon leur taille et leur chiffre d'affaires. Au LKP, il y a des gens très bien renseignés. Ils ont comparé les prix de départ et d'arrivée et auront vite remarqué que les frais d'approche sont très élevés. De notre côté, nous avons décidé de jouer la transparence. Nous avons donné nos prix de vente et, sur certains produits, notre marge.
C'est à partir de cela que l'on devrait étudier ce qu'il sera possible de faire. Le LKP nous a demandé des listes pour voir et pour décider. Ils ont annoncé 10% supérieur à la métropole.


Le détail des 56 familles :

a écrit :PRODUITS LAITIERS 1. Lait et yaourts 2. Beurre 3. Margarine 4. Crème fraîche 5. Fromage 6. Crème glacée
EPICERIE 7. Céréales petit-déjeuner 8. Chocolat en poudre 9. Café 10. Thé 11. Compote 12. Biscottes 13. Biscuits 14. Confiture 15. Pâte à tartiner 16. Pain de mie 17. Petit pot pour bébé 18. Repas pour bébé 19. Jus et boissons aux  fruits 20. Soda 21. Sirop 22. Ketchup 23. Sel 24. Huile 25. Concentré de tomate 26. Conserve de poisson et cru 27. Conserve de fruits 28. Légumes secs 29. Purée 30. Pâtes alimentaires 31. Riz 32. Farine
CHARCUTERIE, VIANDE ET POISSON 33. Viande 34. Viande de volaille
HYGIENE 35. Dentifrice 36. Gel douche 37. Savon 38. Shampooing 39. Déodorant femme 40. Déodorant homme 41. Lait corporel 42. Défrisant 43. Papier hygiénique 44. Serviettes hygiéniques 45. Tampons hygiéniques 46. Couches pour bébé 47. Lingettes pour bébé 48. Liquide vaisselle 49. Lessive 50. Adoucissant 51. Nettoyant multi-usages 52. Sac poubelle 53. Insecticide 54. Piles
PRODUCTION LOCALE 55. Sucre 56. Yaourt

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Message par com_71 » 04 Mars 2009, 22:40

4 articles sur la lutte des travailleurs antillais dans le dernier Lutte ouvrière
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par Matrok » 04 Mars 2009, 23:39

(com_71 @ mercredi 4 mars 2009 à 09:36 a écrit : Les JT de FRance Ô Guadeloupe, Martinique et Réunion du 03 03 sont en ligne


http://www.rfo.fr/v4_player_jt.php3?ids=1
http://www.rfo.fr/v4_player_jt.php3?ids=2
http://www.rfo.fr/v4_player_jt.php3?ids=3

:secret: Le troisième est celui de St Pierre et Miquelon... Celui de la Réunion est ici :
http://www.rfo.fr/v4_player_jt.php3?ids=6
Matrok
 
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Message par com_71 » 05 Mars 2009, 00:48

(reuters 00h a écrit :Elie Domota annonce que le LKP va signer l'accord en Guadeloupe

Le leader du collectif LKP, Elie Domota, a annoncé sur RFO son intention de signer dans la soirée le "protocole de suspension du conflit" en Guadeloupe, après plus de six semaines de grève.

La signature de cet accord est prévue à 19h30 locales (00h30 heure de Paris).

L'annonce samedi par le préfet d'un protocole d'accord approchant les 200 euros de hausse salariale réclamés par le LKP a provoqué une "certaine forme de démobilisation" dans la population après six semaines de paralysie, avait-on auparavant déclaré de source syndicale.


Plus exactement il a déclaré que la signature devrait intervenir après consultation des participants à un grand meeting au port de PaP.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par jedi69 » 05 Mars 2009, 02:49

Wesh les amis !!!

Bien ou bien ?


Effectivement :

("www.france-info.com" a écrit :

La grève suspendue en Guadeloupe
France Info - 01:45

Le leader du LKP, Elie Domota, a signé dans la nuit un accord appelant "à la reprise de l’activité normale" en Guadeloupe, après plus de six semaines de grève, mais les négociations continuent. Et dans l’île voisine de la Martinique, les discussions restent poussives.

Après 44 jours de grève générale, le collectif LKP (Lyannaj kont pwofitasyon) a finalement paraphé avec les représentants de l’Etat, représenté par le préfet Nicolas Desforges, de la région (avec Victorin Lurel), et du département (représenté par Jacques Gillot), l’accord conditionnant l’issue de la grève générale en Guadeloupe. Le LKP avait fait de ce document, recensant les avancées obtenues lors des négociations, le préalable à toute décision. Sa signature avait été reportée à plusieurs reprises, pour relectures notamment.

"Dans les mois et semaines à venir, il y a beaucoup d’autres combats à mener, sur la formation, l’emploi... Nous restons mobilisés," a déclaré Elie Domota dans une ambiance festive. C’est un premier pas, car une sortie de grève permettra enfin à l’économie locale, exsangue, de repartir après une paralysie faisant craindre au patronat des pertes importantes. Mais le Medef local rejette toujours plusieurs points de l’accord, même si son président Willy Angèle a "recommandé" à ses membres de "verser des primes de vie chère qui évolueront entre 50 et 100 euros, de manière que cette problématique de bas salaires soit traitée".

En Martinique, où la grève a démarré le 5 février, la plupart des magasins sont restés fermés hier et les barrages paralysent toujours l’activité économique. Côté négociations, la commission sur les salaires a débuté ses travaux pour mettre en musique l’accord cadre (qui prévoit une augmentation de 200 euros nets par mois pour les bas salaires jusqu’à 1,4 Smic) signé dans la nuit de lundi à mardi par la majorité des syndicats composant le "Collectif du 5 février" et le patronat. Mais la partition connaît encore quelques "couacs". Deux syndicats, la CGTM et la CGTM-FSM ont refusé de parapher l’accord après consultation de leur base.

Dans les deux îles antillaises, des tractations se poursuivent également sur l’élaboration d’une liste de produits de la grande distribution dont les prix seront soumis à une baisse de 20%.

A plusieurs milliers de kilomètres, un nouveau front s’est dessiné avec la création d’un collectif rassemblant une quarantaine d’organisations sur l’île de la Réunion. Le Cospar appelle les Réunionnais à descendre dans la rue aujourd’hui pour une importante journée de grève, avec, comme aux Antilles, pour revendication principale une hausse de 200 euros nets des bas salaires.

Anne Jocteur Monrozier, avec agences


Le copains de COMBAT OUVRIER vont avoir du boulot de recrutement ... bientôt, ils seront peut être les premiers à diriger les premières îles socialistes. :roll: J'espère que les indépendantistes du LKP(UGTG-ARN et d'autres) ne vont pas s'opposer à ça. :boxing: à travers 6 semaines de grève, les travailleuses, travailleurs ont démontré une grande patience, une grande détermination, une grande discipline, ils ont appris énormément de choses. Ça servira pour les prochaines luttes.

Dommage qu'on les ai pas accompagné dans le reste des DOM-TOM et surtout en métropole ... les syndicats, les partis politiques nous font attendre jusqu'au 19Mars ... heureusement qu'il y a les étudiants qui n'attendent pas, ils font, faut absolument que le 19 Mars soit dépassés.

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Message par com_71 » 05 Mars 2009, 08:17

(jedi69 @ jeudi 5 mars 2009 à 02:49 a écrit :Les copains de COMBAT OUVRIER vont avoir du boulot de recrutement ... bientôt, ils seront peut être les premiers à diriger les premières îles socialistes. :roll:

Jedi, je crois franchement que ce genre d'auto-félicitations est hors de propos.
Par rapport aux tâches à réaliser les révolutionnaires sont "peanuts", y compris aux Antilles. Et pour eux, jouer les matamores, ce serait la meilleure manière, justement, de gêner leurs progrès.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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Message par nicoestla » 05 Mars 2009, 08:42

Sur les 200 Euros, seulement une minorité des salariés de l'ile sera concerné.
Etendre les 200 euros a tous, si le medef ne veut vraiment pas, que fera le LKP. Aujourd'hui, je crois savoir qu'il y a une journée de greve a la Reunion ! Quelqu'un a des infos sur cette journée ?

La greve general de la guadeloupe, n'etait-elle pas la greve la plus longue depuis le debut du capitalisme ?
nicoestla
 
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Message par com_71 » 05 Mars 2009, 09:17

(Humanité hier a écrit :
Guadeloupe. Domota : « Ce que nous voulons »

outre-mer . Alors qu’à la Martinique un premier accord a été conclu sur les 200 euros et qu’à la Guadeloupe le MEDEF s’est isolé dans le refus, le porte-parole de Liyannaj kont pwofitasyon (LKP) revient sur le mouvement qui peut être bientôt victorieux.

Comment pouvez-vous faire appliquer l’accord sur une augmentation de 200 euros des bas salaires aux entreprises affiliées au MEDEF et à la CGPME, non signataires ?

Élie Domota. Nous ne contraignons personne à signer. Simplement, dans les entreprises dont les organisations patronales n’ont pas signé l’accord, les salariés sont en grève.

Cet accord prévoit que la majeure partie de l’augmentation salariale est prise en charge par les finances publiques. Cela ne vous pose-t-il pas problème ?

Élie Domota. Les entreprises ont toujours été subventionnées par l’argent public. Les lois successives sur l’outre-mer ont ménagé une large place aux exonérations de cotisations patronales. Les grandes entreprises bénéficient depuis des années des aides de l’État. Le dispositif sur lequel nous avons abouti a été proposé par les petites entreprises de Guadeloupe. Pour se relancer, pour répondre aux revendications salariales, elles ont besoin d’un soutien de l’État et souhaitent accéder aux marchés publics.

Pensez-vous que dans trois ans les entreprises prendront effectivement le relais en assumant la totalité de ces hausses de salaires ?

Élie Domota. Bien entendu. Il faudrait poser la question aux organisations patronales signataires. Il me semble que ce sont des patrons prévoyants, prêts à honorer cet engagement dans trois ans.

Le MEDEF agite la menace d’une explosion du chômage à la Guadeloupe, due aux conséquences de la grève. François Fillon prédit des « conséquences catastrophiques » de ce conflit sur l’économie. Cela vous inquiète-t-il ?

Élie Domota. Depuis quarante ans, le taux de chômage est de 40 % à la Guadeloupe. Cela n’a jamais inquiété le grand patronat. D’ailleurs, les entreprises du MEDEF préfèrent recruter ailleurs qu’en Guadeloupe. C’est bien la première fois que le MEDEF s’inquiète de la situation de l’emploi en Guadeloupe.

Comment expliquez-vous la différence de comportement patronal en Guadeloupe avec la Martinique, où le MEDEF est signataire de l’accord sur les salaires ?

Élie Domota. Peut-être veulent-ils répondre à notre attitude, plus revendicative, par davantage d’intransigeance. Ils sont toujours dans le même état d’esprit. Pour eux, il est hors de question que les nègres se rebellent pour réclamer des augmentations de salaires.

Laurence Parisot se dit prête à concéder une « prime ». Qu’en pensez-vous ?

Élie Domota. Une prime, ce n’est pas une augmentation de salaire. Laurence Parisot ferait mieux de demander à ses amis des colonies de signer l’accord conclu.

Comment percevez-vous les dénonciations des « méthodes musclées » du LKP ?

Élie Domota. Ce discours relève du mensonge. De telles accusations visent à discréditer le mouvement en faisant passer les Guadeloupéens pour des sauvages. Elles émanent de gens qui n’ont jamais mis les pieds en Guadeloupe et ne connaissent rien à nos problèmes. Lorsque, dans un pays, la quasi-totalité des habitants soutiennent un mouvement, la moindre des choses est de les respecter.

Une reprise du travail est-elle possible d’ici à la fin de la semaine ?

Élie Domota. Nous avons rendez-vous avec le préfet pour finaliser l’accord. Il faudra un peu de temps pour travailler sur chaque article, mais nous pensons pouvoir y arriver.

Comment ce mouvement a-t-il réussi à préserver son unité si longtemps ?

Élie Domota. L’unité vient du puissant soutien de la population guadeloupéenne. Le rassemblement à la base a poussé les organisations à l’union. On peut sonder toutes les couches de la population, le soutien au combat mené par le LKP est unanime.

Ce mouvement porte-t-il l’aspiration des Guadeloupéens et des Martiniquais à davantage de responsabilité ? Peut-il déboucher, à l’avenir, sur des évolutions institutionnelles ?

Élie Domota. Le débat institutionnel n’a jamais été posé par le LKP. Seulement la presse, M. Sarkozy et quelques politiciens l’ont posé. Le peuple guadeloupéen demande plus de respect, plus de dignité, du travail, la fin de la discrimination raciale, l’augmentation des salaires et des formations pour assurer l’avenir de la jeunesse. Voilà ce que nous voulons. Le débat institutionnel, lui, a été monté de toutes pièces pour noyer le poisson. Ce n’est pas une évolution statutaire ou institutionnelle qui réglera ces problèmes sociaux.

Comment appréciez-vous la convocation par le gouvernement d’états généraux de l’outre-mer ?

Élie Domota. Nous sommes habitués aux grandes annonces. Depuis une trentaine d’années, loi après loi, la défiscalisation, les exonérations de cotisations patronales dans les DOM n’ont eu aucune incidence positive sur l’emploi et sur le développement économique. Le bilan de ces politiques de cadeaux aux patrons est désastreux. La Guadeloupe s’est enfoncée dans une économie d’import-distribution. L’agriculture a été laminée. Ces états généraux seront-ils un tournant ? Nous attendons de voir ce qui sera proposé.

Les grévistes se sont montrés très sévères envers la politique conduite par Nicolas Sarkozy. Comment sera-t-il accueilli lors de sa visite dans quelques semaines ?

Élie Domota. Je n’en sais absolument rien. M. Sarkozy est président de la République française. Il a le droit de venir en Guadeloupe quand il le souhaite. Une éventuelle visite relève de sa décision. Mais je ne peux pas prédire l’accueil qui lui sera fait.

Ce mouvement va-t-il imprimer des changements profonds à la société guadeloupéenne ?

Élie Domota. C’est l’objectif. Il faut, maintenant, des changements dans tous les compartiments de la vie. Il faut surtout des changements dans les organigrammes des administrations et des entreprises pour permettre aux jeunes Guadeloupéens diplômés d’accéder aux postes à responsabilité.

Demain, les Réunionnais seront en grève à leur tour. Vont-ils prendre le relais de ce mouvement ?

Élie Domota. Je crois surtout qu’ils sont confrontés à des problèmes similaires aux nôtres. Si la mobilisation touche aujourd’hui la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion, ce n’est pas un hasard. Ces sociétés sont bâties sur un modèle colonial. Voilà des pays qui veulent, à l’avenir, être reconnus en toute dignité, en tout respect.

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui
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