allez donc mourir ailleurs

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par canardos » 25 Sep 2008, 13:26

un petit essai de Caroline Fourest dans le Monde sur l'hopital de demain:

a écrit :

Allez donc mourir ailleurs !


par Caroline Fourest
LE MONDE | 25.09.08 |       

Les scénaristes américains sont doués pour le suspens. Mais leur talent ne doit pas tout à l'imagination. Prenez ces moments d'intense émotion où le héros arrive mourant à l'hôpital. On ne sait pas s'il va survivre. Et là, au lieu de l'amener au bloc en toute hâte, l'infirmier lui réclame sa carte bancaire pour s'assurer de sa solvabilité... A côté, les séries françaises ronronnent. Tout le monde se doute que notre héros, qu'il soit riche ou pauvre, sera admis et soigné dans un hôpital public. Mais réjouissons-nous. Dans quelques années, les séries françaises seront aussi palpitantes qu'aux Etats-Unis. Avec un peu de chance, on fera même grimper la courbe des infarctus. Notamment parce que les malades au bord de l'arrêt cardiaque auront mis un certain temps à trouver un hôpital qui veuille bien les admettre.

Au nom de la "culture du résultat" et d'une conception managériale de l'hôpital public, le président de la République souhaite en effet "responsabiliser" les établissements de santé. Comment ? En rendant public un tableau qui les classera selon des "indicateurs simples" comme le "taux d'infection" et le "taux de mortalité". "Je veux des résultats concrets", a-t-il prévenu.

Les hôpitaux qui obtiendront un bon score seront récompensés, les autres sanctionnés. Pour obtenir de bons points (entendez : des budgets), les hôpitaux publics devront donc veiller à ne pas admettre trop de malades susceptibles de trépasser, comme les victimes d'un carambolage sur l'autoroute, sous peine de faire chuter leur classement au tableau d'honneur.

Loin des discours censés mettre un peu de raison dans la foi en l'utralibéralisme, celui tenu sur la "réforme des soins" montre que le président tient à appliquer une grille de lecture commerciale au monde médical. L'hôpital y est envisagé comme une entreprise, et la santé publique comme une marchandise. Notamment lorsqu'il explique : "Je ne vois pas pourquoi une politique d'intéressement, à laquelle je crois tant dans le secteur privé, ne s'appliquerait pas dans le secteur hospitalier." Il menace de sanctionner les hôpitaux en déficit, mais propose d'intéresser le personnel hospitalier en cas d'"excédents" : "Pourquoi ne pas permettre aux hôpitaux qui sont à l'équilibre, grâce aux efforts de tous leurs personnels, de redistribuer une partie des excédents ?"

Mais de quels excédents parle-t-on ? A quoi ressemblera l'hôpital public si son personnel est censé réfléchir en termes de profits, voire refuse les mourants pour rester compétitif ? Pour faire des profits, faut-il souhaiter plus de malades, augmenter les tarifs, faire de l'abattage ? Dans l'hypothèse absurde où le personnel médical travaillerait 24 heures sur 24 sans tuer trop de malades, que signifie de vouloir redistribuer les profits ainsi engrangés au personnel ? Y a-t-il trop d'argent dans les caisses de l'Etat que l'on puisse s'en passer ? D'ailleurs, au fond, que signifie cet "intéressement" ? Suffirait-il que les équipes hospitalières travaillent plus ou soient plus motivées pour que les hôpitaux publics soient excédentaires ?

Comme souvent avec les déclarations du président, tout est dans ce que les Américains appellent le subtext (le sous-texte) : le sens caché d'une phrase. Tout comme les franchises médicales, l'intéressement est une façon non avouée de désigner les personnels hospitaliers et les malades comme étant coresponsables des déficits de santé, pour mieux faire oublier qu'ils sont surtout imputables au désengagement de l'Etat et à ses priorités budgétaires.

Pourtant, le président l'admet lui-même, les difficultés que rencontrent les hôpitaux publics français - parmi les meilleurs au monde - tiennent surtout à l'augmentation de la demande : le vieillissement de la population va de pair avec un surcroît de consultations, d'hospitalisations, et donc un besoin grandissants en lits. Or que fait l'Etat ? Sous prétexte de faire des "économies d'échelle", il a passé l'essentiel de ces dernières années à supprimer des lits et à fermer des services. Loin d'être ralenti depuis la crise de la canicule et loin des mises en gardes du Syndicat des urgentistes de Patrick Pelloux, ce phénomène s'est accéléré depuis que les hôpitaux sont passés d'un système de dotation globale - qui permettait une certaine souplesse dans la répartition des financements entre les différentes activités - à un système de tarification par activité.

Jadis, un chef d'établissement hospitalier était responsable de son établissement et s'organisait de façon à proposer toute une palette de soins coordonnés. Aujourd'hui, il reçoit ses ordres de la part de technocrates travaillant pour des pôles de santé régionaux, dont l'obsession est de faire des économies d'échelle et non d'offrir un service public de proximité. Le plan Hôpital 2007 a foncé dans cette voie.

Officiellement, il était question d'accompagner cette réorganisation sur un mode entrepreneurial par un plan de relance ambitieux en termes d'équipement et d'infrastructures. Mais, d'après les syndicats, la construction de nouveaux équipements et bâtiments s'est faite aux deux tiers grâce à des autofinancements, c'est-à-dire en prenant sur les budgets des hôpitaux, qui ont dû sacrifier des activités moins rentables ou supprimer du personnel pour s'ajuster. Les critères d'évaluation du président ne disent rien de ces "équilibres"-là. Il existe des transparences absurdes qui ressemblent à des écrans de fumée.


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Caroline Fourest est essayiste et rédactrice en chef de la revue ProChoix.

canardos
 
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Message par Crockette » 27 Sep 2008, 16:23

cette culture du résultat alias faire marcher les salariés par le bâton et la carotte se développe ds tous les secteurs.

et je dois dire que sur le terrain c'est hyper efficace pour ceux qui ont le pouvoir :

les entretiens d'évaluation (digne enfant de cette culture du résultat) ont des effets catastrophiques :
- effacement des solidarité entre salariés
- moussage à tout va des salariés qui développent (soi disant) les meilleurs projets
- stigmatisation des salariés pas assez dynamiques par rapport à leur collègues
- compétition exacerbée ds le privée pour pas se faire jeter comme une merde grace (plutot à cause de) à la "libre séparabilité" notamment...
- compétition entre fonctionnaires par le développement des primes en fonction du résultat des entretiens individuels annuels... : plus tu as une bonne note et plus ta vitesse d'augmentation est importante.
- honte voir culpabilisation des salariés syndiqués vus comme des personnes qui refusent de collaborer au projet de l'entreprise du moins pour des syndicats comme la CGT ou SUD mais ça viendra vite aux autres...
cette pensée philosophique du résultat à tout prix, s'infiltre partout jusqu'à l'hôpital en effet.

Nous sommes tous infantilisés, notés, évalués, suivis dans les moindres gestes de notre boulot ou le sprocédures deviennent de plus en plus importantes...pour la moindre pacotille ce qui ne fait qu'augmenter le stress des salariés.

5 millions de salariés disent avoir eu un épisode de dépressif au cours des 12 derniers mois (entendus à la radio)...
Crockette
 

Message par regivanx » 27 Sep 2008, 18:01

Je réponds spécialement à Crockette qui rapporte ce qu'il a entendu à la radio :

a écrit :
5 millions de salariés disent avoir eu un épisode de dépressif au cours des 12 derniers mois (entendus à la radio)...


Ces 5 millions de salariés sont premièrement une extrapolation statistique parce que ça m'étonnerait que quelqu'un soit aller sonder 5 millions de salariés. Deuxièmement, la seule chose qu'ont fait ces sondés c'est d'avoir fait une croix dans une case, par exemple sur 5 ou 6 items ; ce qui ne signifie absolument pas qu'ils soient capables de diagnostiquer leurs propres "épisodes dépressifs".

Aujourd'hui, on assiste à une médicalisation de la souffrance et du malheur, en particulier sous couvert de dépression : c'est tellement plus commode de se sentir malade plutôt que de chercher d'où vient vraiment le problème...

5 millions... Vous savez ce que cela représente ? Il y a 23 millions de salariés en France. ça fait de 22%. Whou ! Juteux marché pour l'industrie pharmaceutique. On avait jamais vu une prévalence aussi forte depuis la grippe espagnole ou la peste bubonique ! Et dire qu'il y a 20 ans, personne ne s'en souciait.

La récolte est mauvaise. Pensez-vous que le diable y soit pour quelque chose ? oui/non/sans opinion.
Solution : priez plus.

La conjoncture est mauvaise. Pensez-vous être atteint de troubles dépressifs ? oui/non/sans opinion.
Solution : prenez du prozac.
regivanx
 
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Message par canardos » 27 Sep 2008, 19:53

(regivanx @ samedi 27 septembre 2008 à 19:01 a écrit :

Aujourd'hui, on assiste à une médicalisation de la souffrance et du malheur, en particulier sous couvert de dépression : c'est tellement plus commode de se sentir malade plutôt que de chercher d'où vient vraiment le problème...


tu as raison, sauf que à defaut de pouvoir aider les gens à reprendre leur vie en main, à regler les problemes qui leur pourrissent la vie, on ne peut quand meme pas quand meme pas les laisser sans assistance medicale.

Pour limiter l'usage du prozac et des autres antidepresseurs, faisons d'abord en sorte que la misere, la souffrance au travail et ailleurs reculent, plutot que de dire simplement qu'il ne faut pas donner de petite pilule rose...

parce que si des fois ça vaut mieux que rien à defaut de pouvoir faire autre chose....ou en attendant de pouvoir faire autre chose....
canardos
 
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Message par regivanx » 28 Sep 2008, 12:09

On a besoin d'une assistance médicale quand on est malade, pas "quand on a besoin de reprendre sa vie en main" ni "pour régler des problèmes qui nous pourrissent la vie". Faut arrêter avec cette mentalité. Et puis qui va prendre au sérieux une enquête médicale basée sur des autodiagnostiques ? L'année dernière, les chiffres étaient à 7%. Auparavant, on n'avait jamais eu l'idée de demander aux patients de faire eux-même leur diagnostique (on évaluait la prévalence de la dépression à moins de 1%). Ces 22% ne seraient-ils pas l'effet du le battage médiatique qu'on a fait autour de la dépression ?

Aujourd'hui, on a encore de la propagande mais cette fois-ci pour la réduction des dépenses publiques dans le domaine de la santé. L'état a commencé sa campagne par une bourde énorme en annonçant qu'il allait rendre obligatoire la publication des taux de mortalité et des infections nosocomiales (ce qui est un progrès) mais qu'il allait se servir de ces statistiques pour stigmatiser les établissements défaillants.

Selon le Figaro, Sarkozy aurait même affirmé : «ne pas vouloir mettre en place un classement des meilleurs hôpitaux, mais plutôt pointer du doigt les plus mauvais résultats».

Mais il est débile ou quoi ? Ce genre de statistiques devraient justement servir à encourager les meilleurs hôpitaux et à aider ceux en difficulté ! Au lieu de ça, il fera une mauvaise publicité à ces derniers, leur fera perdre des patients et de l'argent. Le résultat sera la falsification des résultats, la baisse de la qualité et une haine bien légitime des soignants envers l'état.

Mais bon, il va se rattraper, la campagne n'est pas fini. Aujourd'hui on nous parle de 144 000 hospitalisations qui pourraient être "évitables". J'y reviendrai dès que je me serai un peu renseigné.
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Message par canardos » 28 Sep 2008, 12:54

la depression est une vrai maladie, avec des consequences graves, y compris en terme de mortalité, meme si elle est provoquée par des stress d'origine sociale, souffrance au travail, etc...
canardos
 
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Message par regivanx » 28 Sep 2008, 14:16

La dépression n'est pas une maladie, mais un syndrome qu'on retrouve dans plusieurs maladies. Je n'ai jamais voulu dire que la dépression n'existait pas ou n'était pas grave. Mais il ne faut pas confondre syndrome et maladie. Lorsque vous savez que quelqu'un a de la fièvre et des insomnies par exemple, vous ne connaissez pas encore sa maladie. De même la dépression est le syndrome de maladies très diverses : de la psychose aux brûlures. Il est donc évident qu'on ne peut pas se baser uniquement sur elle pour décider d'un traitement. De plus, la dépression est souvent difficile à diagnostiquer : il arrive parfois que la personne traverse seulement une passe difficile et qu'il faut simplement la soutenir et réconforter ; il arrive aussi qu'elle mette en scène sa souffrance, mais qu'il ne s'agisse pas véritablement d'une dépression (hystérie, névrose d'échec, certaines psychoses...).

La tristesse ou le mal-être ne sont pas des degrés de la dépression. Ce sont des affections pénibles, mais tout à fait normales, non-pathologiques. La dépression nerveuse, au sens clinique, ne concerne que moins de 1% de la population, syndrome d'autres maladies. Les 7 et 22 % qu'on découvre comme par magie maintenant (où étaient-ils avant ? On ne s'en était jamais aperçu) ne sont que la mesure de la propagande dont nous rebat les oreilles l'industrie pharmaceutique pour nous vendre des médicaments (et avec succès : les ventes d'antidépresseurs ont été multipliées par 7 en 20 ans). D'ailleurs le fait qu'elle puisse publier des enquêtes sur des auto-diagnostiques mesure bien le degré de sa malhonnêteté.
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Message par regivanx » 28 Sep 2008, 16:15

(Prévalence de moins de 1% ? Je n'arrive plus à retrouver ce qui m'a fait dire cela. C'est peut-être une erreur. Mais je ne croix pas que ce soit ni 22 ni 7 %)
a écrit :
La dépression est un trouble dont la prévalence, la charge de morbidité et le coût sont importants. Dans cette enquête, la prévalence à un an des épisodes dépressifs caractérisés (EDC) s’élève à 7,8 %, ce qui représente plus de trois millions de personnes chaque année. À cela s’ajoutent les personnes qui souffrent de troubles subsyndromiques, qui représentent 18,8 % de la population chaque année, soit plus de huit millions de personnes.

source
regivanx
 
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Message par Crockette » 30 Sep 2008, 09:51

ragivanx tu argumentes bien et avec l'avantage des chiffres, mais moi de mon petit opinion de petit salarié de rien du tout tout en bas de l'échelle, je constate à la louche une hausse des suicides au travail depuis 2006 et cela ds tous les secteurs...
j'en trouve les causes ici :

- flexibilité des horaire qui cassent les rythmes biologiques de l'être humain sans parler de sa vie sociale.(horaires coupés, trvail d enuit en alternance avec les postes dejour)
- horaires maximum hebdomadaires souvent dépassés...
- pression hiérarchique en nette augmentation à cause de ces putains d'entretien individuels d'évaluation notation, je rappelle qu'officiellement ces entretiens sont passés ds uneloi (récente) sur le développement du parcours professionnel et des compétences... laloi fixe un entretien tous les deux ans, mais certaines boites ont déjà passé ces entretiens à un par trimestre ! et bien sûr le theme central n'est plus tes formations envisagées mais qu'est ce que tu vaux par rapport à tes collegues...
j'ai déjà eu des échos par mes collegues : certains sont devenus pilote de projet et se retrouvent à des km de chez eux pour des formations qu'ils n'vaient pas enviede faire...d'autresont de multiples remarques : vous êtes trop ds le bureau pas assez sur le terrain, d'autres c'estl'inverse, d'autres c'est "vous etes souvent malades...vous avez des problèmes perso ??".
tout cela avec l'impuissance de la médecine du travail et de l'inspection...et les syndicats avec deux trains de retard comme d'habitude

donc le boulot provoque des dépressions mais il s'enchevetre ensuite ds la vie d'une personne avec des tas d'autres problèmes (dettes, divorce, etc..).
les patrons s' en privent pas pour noyer le poisson
:sleep: :dry:
Crockette
 


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