a écrit :Angers : Colère des ouvriers de la fonderie de l’Authion
Une quinzaine de bonbonnes de gaz. Une pyramide de pièces en aluminium dressée devant. Un dispositif de mise à feu. Les ouvriers de la fonderie de l’Authion, aux portes d’Angers, veulent négocier à tout prix les conditions du dernier plan social qui frappe la fonderie.
Sautera, sautera pas ? La question s’est posée toute la journée, hier, près d’Angers. Les grévistes de la fonderie de l’Authion se disent las des rachats successifs de l’entreprise.
« C’est con d’en arriver là, on en connaît les conséquences, mais on n’a pas le choix ! » Rassemblés à l’entrée de leur usine, les ouvriers de la fonderie de l’Authion, aux Ponts-de-Cé, près d’Angers, viennent de décider à la quasi-unanimité de ressortir les bouteilles de gaz.
Il est midi passé, hier. La consigne du préfet est balayée. Et la brève assemblée générale terminée. Le responsable syndical CFDT, qui tentait de calmer le jeu, n’a pas été entendu face à son collègue de la CGT.
Près de dix jours de grève
En quelques minutes, la quinzaine de bonbonnes reprennent place sur la pyramide de pièces en aluminium dressée devant la fonderie. « Un trésor de guerre » composé de 13 000 collecteurs destinés à Volkswagen. « C’est la production de cinq ou six jours. » Bidons d’essence, pneus, câbles électriques reliés à une batterie. « Le dispositif de mise à feu est prêt. » Un ultimatum est fixé à 16 h.
En grève depuis près de dix jours, les ouvriers en colère semblent déterminés. « De toute façon, dans six mois c’est fermé », estime la plupart d’entre eux, découragés. Et las des rachats successifs de leur entreprise. Le dernier en date remonte à la fin de l’année dernière.
Née au début des années 1950, l’ancienne fonderie familiale, qui compte aujourd’hui quatre-vingt-onze salariés, est depuis entre les mains d’Helveticast, un groupe adossé à Vistal Capital, un fonds d’investissements suisse.
« Après le rachat, quarante collègues ont été licenciés, rappelle Patrick Choletais, le délégué syndical CGT. Aujourd’hui, ils veulent faire partir 18 copains supplémentaires, et toujours dans les mêmes conditions, c’est-à-dire avec rien ! »
C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. « Au lendemain du rachat, notre plus gros client, Peugeot PSA, est parti ; la direction a fait un procès et a obtenu près de 700 000 €. Cet argent devrait servir en partie à financer le plan social. » Le personnel demande une compensation de 15 000 € par personne licenciée.
La direction exige la levée de l’ultimatum
Assis dans la cour de l’usine, au milieu de palettes brûlées, chacun s’impatiente de n’avoir aucun signe de la préfecture, en contact téléphonique avec la direction de l’usine.
À 15 h, cette dernière adresse un message écrit pour faire savoir aux salariées qu’elle « refuse de négocier alors que l’usine est sous la menace de bonbonnes de gaz ». Elle exige « la libération des stocks ».
Du côté des grévistes, la réponse est ferme : « C’est hors de question. » L’ultimatum est momentanément suspendu. Le temps que les représentants du personnel se réunissent, excédés. « On se fout de nous ! »
Michel Bouyer, représentant départemental de la métallurgie, n’en revient pas : « Les gars ne refusent pas le plan social, ils sont même prêts à étudier des passages à mi-temps et à être mis au chômage technique. Et ils ont droit à quoi comme réponse ? Rien, le silence. »
Restés jusque-là discrets, une poignée de policiers en civil arrivent sur les lieux, environ une demi-heure plus tard, pour rencontrer les élus du personnel.
Ils en profitent pour jeter un oeil au dangereux dispositif. Puis tournent les talons. Les ouvriers flairent l’évacuation contrainte et forcée.
La fin de journée s’étire lentement jusqu’à 20 h. Moment où les ouvriers ont finalement décidé, « dans un souci d’apaisement », de repousser leur ultimatum à ce midi, exigeant d’obtenir une rencontre en préfecture dans la matinée. Ils prévoyaient de surveiller leur dispositif au cours de la nuit.
Ouest France, 23 septembre 2008