a écrit :RÉPONSE AUX COLLECTIFS ANTILIBÉRAUX
Avec ou sans le PS, il faut choisir
La contribution de la Coordination des collectifs unitaires pour une alternative au libéralisme, parue dans Rouge la semaine dernière, met en évidence de nombreuses convergences avec les préoccupations de la LCR. Elle fait aussi apparaître des points de discussion voire de désaccord, sur les initiatives politiques à prendre.
L’ampleur et la violence des attaques menées par Sarkozy et son gouvernement ne font sûrement pas débat entre nous. L’effet des contre-réformes menées peut remodeler la société française et modifier les rapports de force en faveur des classes possédantes. Cela rend plus urgent que jamais l’émergence d’une force anticapitaliste. À attaque globale, réponse globale. Le désaccord entre nous n’est donc pas sur la nécessité d’une telle force, mais sur la possibilité de la réaliser dès maintenant et sur les délimitations qui la définissent.
Dans votre tribune, vous regrettez que nous ne nous inscrivions pas dans le projet que vous portez d’états généraux afin, « dans un premier temps, de créer un cadre d’action, de réflexion et d’expression politique ». Pour notre part, nous pensons qu’il est possible de commencer à construire d’ores et déjà ce nouveau parti. De ce point de vue, il est dommage que vous n’ayez pas rappelé votre décision et vos raisons de ne pas vous engager dans le processus du nouveau parti anticapitaliste (NPA), comme nous vous l’avions proposé lors de notre dernière réunion commune.
Ainsi, la motion adoptée à votre réunion des 29 et 30 mars indique, entre autres, que « les collectifs n’ont pas vocation à être, en tant que tels, partie prenante de la construction du NPA ». Vous écrivez : « Le projet de NPA, déjà lancé, ne correspond pas à notre démarche unitaire et de rassemblement, telle qu’elle a été définie lors de nos assises ». Plusieurs centaines de collectifs pour un nouveau parti, leur composition, le nombre de militants regroupés démontrent qu’il est temps d’avancer concrètement sur ce terrain. Les forces militantes déjà accumulées dessinent les contours d’une organisation qui ne sera pas simplement un « élargissement de l’actuelle LCR ». À cela, ajoutons que la radicalité sociale qui s’exprime dans ce pays ne peut se réduire à la réorganisation de ce qui existe. C’est le sens de notre formule, changer de gauche et non changer la gauche.
Ce n’est guère une nouveauté, mais parce que nous voulons construire un parti de rupture avec l’ordre existant, l’indépendance vis-à-vis du PS est une question essentielle. Le récent désastre italien, qui a vu le Parti de la refondation communiste (PRC) se faire laminer après son soutien au gouvernement Prodi, est venu conforter notre orientation de stricte démarcation par rapport à ce parti. Cette orientation n’est pas partagée par tous les partenaires que vous envisagez pour vos états généraux. C’est évidemment le cas du Parti communiste, qui a conclu des accords avec le PS, dès le premier tour, dans la plupart des municipalités.
À ces mêmes élections, si nous avons pu conclure de nombreux accords avec des collectifs antilibéraux, nous devons aussi constater que cette question de l’indépendance par rapport au PS demeure une question ouverte en votre sein. En témoignent les alliances, dès le premier tour, avec le PS, y compris dans de grandes villes comme Aix-en-Provence. Il en est de même pour certains courants politiques investis dans les collectifs : ainsi, à Nantes, la section locale des Alternatifs s’est retrouvée au premier tour sur la liste du Parti socialiste conduite par… le député-maire Jean-Marc Ayrault, dont on ne peut pas dire qu’il est à la gauche du Parti socialiste.
À la fin de votre contribution, vous évoquez les élections européennes de 2009. Pour notre part, nous aborderons cette élection avec une volonté d’ouverture, mais dans la clarté et la cohérence sur le fond politique. Il existe parfois, dans certains secteurs de la gauche antilibérale, un syndrome des années paires et impaires : années impaires, rassemblement antilibéraux, démarcation en paroles vis-à-vis du PS ; années paires, le temps des élus et des listes dès le premier tour avec ce même PS. Le calendrier électoral, souvent redoutable, est ainsi fait : les européennes de 2009 s’inscrivent entre les municipales de cette année et les élections régionales de 2010. On ne peut combattre le projet de construction européenne défendu par le Parti socialiste et gérer loyalement villes et régions avec ce même parti.
Léonce Aguirre et Guillaume Liégard
a écrit :Point de vue
Gauche radicale, chiche !, par Philippe Corcuff, Pierre-François Grond et Anne Leclerc
LE MONDE
C'est bien volontiers par cette réponse à votre "adresse" publique (Le Monde du 30 mai) que nous engageons le débat sur notre initiative visant à lancer un "nouveau parti anticapitaliste". Le Parti socialiste dérive vers un parti démocrate à l'américaine, tandis que le Parti communiste se détermine en dernier ressort par l'alliance électorale avec celui-ci. Si le PS semble bien en peine de s'opposer avec efficacité aux politiques brutales imposées par Nicolas Sarkozy, c'est parce que, accélérant sa mutation néolibérale, il partage désormais avec la droite une vision analogue de la société.
L'anticapitalisme est alors pour nous la valeur cardinale autour de laquelle doit se réorganiser une vraie gauche. Nous entendons par anticapitalisme les luttes du monde du travail contre l'exploitation, une nécessaire rupture écologiste avec un capitalisme destructeur des ressources naturelles, les aspirations individuelles à la reconnaissance et à la créativité bafouées, comme le combat contre toutes les formes de domination et d'oppression. L'anticapitalisme n'est pas une posture défensive, mais la proposition d'une rupture avec ce système, appelant la construction d'une autre société.
Avons-nous toutes les réponses et un projet clés en main pour répondre à ce défi ? A l'évidence, non ! Et c'est d'ailleurs un des objectifs de ce parti d'élaborer le programme et la stratégie de l'émancipation de demain. Nous voulons ainsi allier contestation et propositions. Une démarche que nous ne pourrons d'ailleurs pas mener dans un cadre strictement hexagonal, tant la globalisation marchande appelle une internationalisation des luttes et des alternatives.
Nous ne considérons pas que les institutions actuelles constituent un cadre démocratique suffisant pour rendre possible une véritable rupture avec le système grâce à la seule victoire électorale. Car il n'y a pas deux sphères étanches, celle de l'économie capitaliste d'un côté et celle de l'Etat de l'autre, mais les intérêts sociaux dominants contribuent à structurer les logiques étatiques. Par ailleurs, c'est un constat historiquement assez banal que ceux qui ont conquis le pouvoir gouvernemental pour changer la société ont souvent été pris par lui, oubliant la transformation sociale. On ne peut donc plus faire aujourd'hui l'économie d'une critique libertaire dans le rapport au pouvoir d'Etat.
Toutefois, il ne s'agit pas pour nous d'évacuer la question du pouvoir. La LCR a d'ailleurs déjà dit depuis plusieurs années qu'elle était prête à soutenir une expérience gouvernementale qui inverserait le cours néolibéral des politiques dans la perspective d'une sortie du capitalisme. Nous mettons simplement en garde contre les illusions électoralistes, qui feraient l'impasse sur les affrontements face à la résistance prévisible des classes dominantes comme sur l'inertie bureaucratique des institutions existantes. Ce qui appelle des mobilisations sociales d'ampleur comme l'invention à la base de formes d'auto-organisation qui cassent la logique hiérarchique des relations entre gouvernants et gouvernés, dans le développement des libertés individuelles.
Sur ce plan, l'indépendance vis-à-vis du PS constitue une condition de base. Cela n'exclut pas des combats communs contre la droite. Mais le "nouveau parti anticapitaliste" n'a pas vocation à être une force supplétive et finalement subordonnée au PS : nous voulons bâtir une hégémonie émancipatrice parmi les opprimés. Sans raccourci. Par contre, la discussion que vous souhaitez sur "les conditions et les formes" de l'indépendance à l'égard du PS est nécessaire.
Vous nous interrogez également sur la sincérité de notre démarche. C'est pleinement légitime, tant il est rare qu'une organisation prenne l'initiative de son autodissolution dans une force plus large. La LCR seule ne serait-elle pas tentée par un ravalement de façade plutôt que par la création d'un véritable nouveau parti pluraliste ? Si un ou plusieurs partenaires nationaux font aujourd'hui défaut pour donner plus de dynamique au processus, c'est sans doute davantage par absence d'accord politique, ou par conservatisme, que par manque de volonté de notre part. Nous avons discuté et interpellé la plupart des forces à gauche du PS. Nous ne cesserons pas d'ailleurs ce processus de discussion.
Le nouveau parti a vocation à regrouper les anticapitalistes, les révolutionnaires, les écologistes radicaux, les féministes, ceux qui refusent les discriminations systématiques qui affectent les populations issues de l'immigration, les antilibéraux, les altermondialistes, des militants communistes et socialistes, des anarchistes, des syndicalistes, des animateurs d'expériences alternatives locales, mais aussi les "héros du quotidien", celles et ceux qui ne sont plus représentés. Bien loin de la seule "matrice trotskiste"...
En fait, nous n'avons pas posé une opération de recomposition politique entre divers courants organisés comme préalable à la reconstruction d'une force anticapitaliste. Nous sommes avertis des échecs passés : les premières tentatives de ce type dans la renaissance d'une gauche de gauche datent déjà d'une quinzaine d'années. Vous soulignez comme nous les limites des constructions par le haut, ce qui ne veut pas dire que des décantations politiques ne pourront pas surgir à tel ou tel moment du processus.
L'urgence, c'est toutefois d'agir et de proposer une alternative. Discutons de tous ces problèmes ensemble, comme le font des milliers de femmes et d'hommes dans les collectifs d'initiative en ce moment même. Nous y sommes prêts dès maintenant. Sur ces bases, le processus est en construction, non bouclé à l'avance, et nous espérons que vous pourrez y participer.
a écrit :
Philippe Corcuff : J’avais remarqué, ça n’avait pas fait forcément plaisir à nos camarades trotskistes, que le programme d’Olivier Besancenot aux dernières élections présidentielles est beaucoup plus réformiste que le programme commun de la gauche. […] Moi, j’ai toujours été social-démocrate…
Jacques Julliard : Moi aussi ! moi aussi !
Philippe Corcuff : … J’ai été dix-sept ans au Parti socialiste et je défends la social-démocratie…
(Maurice @ mercredi 18 juin 2008 à 08:47 a écrit : la division des révolutionnaires et des réformistes est une réalité qui freine les luttes.
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Tu veux dire entre révolutionnaires ? Sans être d'accord on comprendrait mieux.L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
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