mariage annulé pour non-virginité

Tout ce qui touche de près ou de loin à l'actualité politique en France

Message par yannalan » 30 Mai 2008, 12:18

Un divorce coûte toujours cher à tout le monde. Le gars aurait trouvé autre chose que ça, genre lui rendre la vie impossible jusqu'à ce qu'elle craque. Tous les gens que je connais qui sont passés en procédures de divorce ont raqué un max.
Pour ce qui est du retour à sa famille, la dame en question est majeure, elle peut se rendre dans un service social ou une asso qui pourra l'aider à se construire une vie loin de sa famille, ce qui serait la meilleure solution.
yannalan
 
Message(s) : 303
Inscription : 15 Déc 2005, 17:37

Message par piter » 30 Mai 2008, 12:22

que ce soit valable ou pas juridiquement n'est pas tellement la question, ce qu'on voit c'est justement que les lois ou en tout cas le fonctionnement de la justice, les moeurs, etc...sont ignobles. c'est ça qui est en question. et si une loi qui permet un tel jugement existe c'est scandaleux et ignoble que certains estiment devoir la faire appliquer.

évidemment on voit aussi que c'est dans le fond les traditions et en particuleir le mariage qui est en cause et qui sont ignobles, réactionnaires, oppressives, etc...
mais etre contre le mariage n'empéche pas de devoir défendre celles qui souffrent de ses aspects les plus odieux.
peut etre on peut faire un parallèle (au niveau du raisonnement) avec la question des salaires. on est contre le salariat, contre le fait que la force de travail soit vendu comme une marchandise, cela n'empéche pas qu'on soit pour que les travailleurs se battent pour vendre leur force de travail au meilleur prix possible...
piter
 
Message(s) : 0
Inscription : 18 Jan 2006, 11:16

Message par com_71 » 30 Mai 2008, 17:48

(agence Reuters a écrit :Débat autour du mariage annulé pour non-virginité


PARIS (Reuters) - L'annulation par un juge civil de Lille en avril d'un mariage entre deux musulmans pour cause de non-virginité de l'épouse a provoqué un débat juridique à distance entre l'UMP et le ministère de la Justice, après les protestations de la gauche et des féministes.
(Publicité)

L'UMP a demandé d'abord au ministère de la Justice d'engager une démarche juridique pour obtenir l'annulation de ce jugement, puis le conseiller politique de Nicolas Sarkozy, Dominique Paillé, a proposé de supprimer toute possibilité d'annuler un mariage dans la loi, pour ne plus conserver que le divorce.

"Il est impensable qu'une quelconque jurisprudence fasse référence à la virginité, qui est un critère suranné. S'il y a ambiguïté dans la loi, alors il faut la modifier", dit-il dans un entretien sur Le Point.fr.

Selon Patrick Devedjian, secrétaire général de l'UMP, la décision de Lille revient en effet à introduire la "répudiation" religieuse de l'épouse dans la loi. Des associations comme Ni putes ni soumises et la philosophe Elisabeth Badinter avaient dénoncé jeudi un recul du droit des femmes.

En marge d'un déplacement à Agen, la ministre de la Justice Rachida Dati a estimé de son côté que la dissolution civile d'un mariage était aussi un moyen de protéger les personnes.

"Le fait d'annuler un mariage est aussi un moyen de protéger la personne qui souhaite peut-être se défaire du mariage", a-t-elle dit à la presse. Elle a émis l'hypothèse que la jeune femme concernée par la décision de Lille avait souhaité se séparer assez rapidement.

Saisi à la demande d'un mari de confession musulmane, le tribunal de Lille a annulé le mariage en estimant qu'il y avait "erreur sur les qualités essentielles" du conjoint, estimant donc que le non-respect d'une promesse sur la virginité entrait dans cette catégorie définie par le Code civil.

VOIE JURIDIQUE INCERTAINE

Cette déclaration de Rachida Dati a relancé la polémique à gauche, où le PCF l'a accusé de cautionner une "logique communautariste".

La voie juridique pour l'éventuelle annulation du jugement de Lille était très incertaine. Appel, pourvoi du parquet général de la Cour de cassation dans "l'intérêt de la loi" - sur un principe - rien n'était tranché place Vendôme en milieu de journée.

Les protestations se sont encore multipliées vendredi. La Ligue des droits de l'Homme a dénoncé un acte discriminatoire. Selon le porte-parole de l'UMP Frédéric Lefebvre, "que dans notre pays, un mariage soit annulé au motif de non virginité avant le mariage, est profondément choquant !"

"C'est une mise en cause de l'égalité homme-femme, les hommes ne pouvant être mis en cause pour les mêmes motifs", ajoute le porte-parole dans un communiqué.

Laurence Rossignol, secrétaire chargée des droits des femmes au Parti socialiste, a estimé jeudi que cette décision "portait atteinte au principe constitutionnel d'égalité entre les hommes et les femmes et de non-discrimination car elle ne peut être prononcée qu'à l'encontre d'une femme".

"Si le Code civil a pu fonder une telle décision, il est urgent de le changer et un projet ou une proposition de loi doit être très rapidement inscrite à l'ordre du jour du Parlement avant qu'elle ne serve de point d'appui pour enfermer encore davantage les jeunes filles et les femmes", avait-elle ajouté dans un communiqué
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 6381
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Message par rudy » 30 Mai 2008, 21:45

Quand j'ai entendu cette info ce matin, ma 1ere réaction à été de dire, la justice est pourri comment un juge peut savoir si une femme est vierge à tel moment?
Mais apres réflexion je me demande si ce ne serait pas elle la gagnante dans cette affaire. Elle se débarrasse d'un (gros mots) pas d'un "prince charmant".
N'ayant aucune connaissance des faits précédent le mariage qui peut être forcé ou arrangé mais certainement pas d'amour, ce n'est pas forcément ce jugement qu'il faut montrer du doigt.
rudy
 
Message(s) : 0
Inscription : 03 Avr 2007, 20:06

Message par luc marchauciel » 31 Mai 2008, 07:18

Sur un autre forum, j'ai vu quelqu'un défendre cette décision de justice, en estimant en gros que la justice n'a pas tranché sur le fond mais sur la forme, et qu'elle était dans son rôle (et que le vrai problème, c'est la connerie du mariage, ce qui est vrai...). Cet argument a une certaine pertinence au regard du droit, certes. Mais, en même temps, je continue de penser que cette décision est absolument scandaleuse cf si le juge doit trancher à partir de l'idée qu'un conjoint aurait menti sur une "qualité essentielle", il valide de fait l'idée selon laquelle être vierge au mariage est une qualité essentielle POUR UN MARIAGE CIVIL (cf le juge n'est pas un curé, aux dernières nouvelles). Donc, on peut le prendre par tous les bouts, mais le juge a bien tranché sur le fond d'une manière ou d'une autre.... OK, la loi qu'il doit appliquer est (vague et) débile, mais il est pas forcé de l'appliquer d'une manière débile...
Imaginons que dans ma communauté, ne pas avoir joué au foot (sport impur et hérétique) est une qualité essentielle. Or, je découvre peu après m'être marié que ma conjointe a tapé dans le ballon rond dans son jeune âge. Ben, le juge, il va faire quoi, il va casser le mariage parce que ma femme a joué au foot ????
C'est vrai que l'urgence, là, c'est de changer cette loi idiote et d'laigner le mariage sur le PACS : un couple se sépare à partir d'un moment où l'un des deux veut la spéarartion, pour une raison qui ne regarde que lui (et qui n'ont pas à être validées ou pas par la société), et point à la ligne. Sinon, on est forcément amené à trancher sur des questions surréalistes comme la virginité au moment du mariage...
luc marchauciel
 
Message(s) : 73
Inscription : 12 Avr 2008, 18:37

Message par Valiere » 31 Mai 2008, 07:55

POSITION ETONNANTE S'IL EN EST DE PROCHOIX

La mariée n’était pas vierge (Caroline Fourest)

---------------------------------------------------------

Il y a quelques semaines, un tribunal de grande instance de Lille
accordait l’annulation d’un mariage à la demande d’un conjoint qui
estime avoir été trompé sur la marchandise : il pensait avoir une
femme vierge et elle ne l’était pas. La décision suscite un débat
passionné, que nous allons tenter d’examiner avec un peu de sang-froid.

Dans un pays où il est relativement facile et simple de divorcer, la
procédure visant à annuler un mariage est plutôt rare mais elle
existe. Le ministère public l’utilise notamment pour annuler des
mariages blancs ou des mariages forcés. Des conjoints peuvent
également saisir l’article 180 du Code civil s’ils estiment avoir été
trompés sur l’une des « qualités essentielles de leur conjoint ». Il
arrive par exemple qu’un conjoint l’obtienne parce qu’il a découvert
que son partenaire était homosexuel, anciennement prostitué ou
impuissant.

En l’occurrence, le mari pensait avoir épousé une femme qui lui « a
été présentée comme célibataire et chaste». Il est ingénieur, elle
est étudiante, et tout se passait plutôt bien jusqu’à la nuit de
noce. Vers 4h du matin, le mari est revenu furieux parmi les derniers
convives en parce que le drap n’était pas tâché de sang ! Le père de
la mariée s’est senti déshonoré et a donc ramèné la mariée, un peu
comme retourne un produit avarié. On imagine ce qu’elle a pu ressentir.

Dès le lendemain, son époux a cherché à faire annuler le mariage. En
principe, la difficulté consiste a prouvé qu’on a été induit en
erreur sur l’une des qualités essentielles de son conjoint. Ici, la
question ne s’est pas posée puisque devant le tribunal, la jeune
femme a reconnu avoir eu des relations sexuelles avant le mariage. «
La jeune mariée avait caché la vérité, convaincue que son fiancé ne
l’aurait jamais épousée s’il avait connu la réalité», note le
commentateur de la publication juridique relatant l’affaire.

Au vu du Code, les juges pouvaient difficilement faire autrement que
d’accorder l’annulation dans la mesure où la mariée avait menti sur
une « qualité essentielle » aux yeux de son mari. C’est d’ailleurs
l’argument invoqué par le plaignant : "Je ne peux pas faire une union
solide, basée sur un mensonge." Les juges lui ont donné raison non
pas parce que la mariée n’était pas vierge mais en raison de ce
mensonge.

Il ne s’agit donc pas d’un accommodement raisonnable, comme on le
pratique au Québec, c’est-à-dire une concession au communautariste
religieux sous prétexte de tolérance ou du multiculturalisme. Cette
affaire est moins troublante en raison du jugement qu’en raison de la
nature de la plainte. Car elle révèle au grand public ce que tous les
gynécologues et les militants du Planning familial savent : à savoir
qu’en 2008, alors que les hommes se vantent volontiers d’être
expérimentés, on continue à considérer une femme comme un produit
dont la date de validation serait périmée dès lors qu’elle a eu une
vie sexuelle et amoureuse avant le mariage. Certaines jeunes femmes
vont même jusqu’à débourser 2700 euros pour se faire recoudre l’hymen
en cachette. La technique est relativement nouvelle, mais pas la
motivation. Cette tradition sexiste consistant à faire peser
l’honneur d’une famille entre les cuisses des femmes a une histoire
au moins aussi longue que le péché originel. Des grand-mères ayant
connu la France des années 50, celle d’avant mai 68 et le mouvement
féministe de 70, vous racontent qu’elles étaient surveillées comme le
lait sur le feu pour arriver vierges jusqu’au mariage et se marier en
blanc.

Aujourd’hui, encore, il existe des mouvements comme « l’Amour vrai
attend » qui invite de jeunes chrétiens à rester vierges jusqu’au
mariage et même à signer des certificats de virginité par lequel ils
s’engagent, je cite, « à rester purs par la grâce de Dieu ». Mais au
moins le devoir de chasteté s’applique aux hommes comme aux femmes et
les familles ne vont pas frapper aux portes des gynécologues pour
exiger des certificats de virginité. En revanche, il existe des
catholiques qui demandent l’annulation de leur mariage plutôt que de
divorcer lorsqu’ils apprennent que leur conjoint a été déjà marié.

En l’occurrence, ce jeune couple était musulman. Et ne soyons pas
hypocrite, les familles qui se préoccupent encore de savoir si la
mariée était vierge sont désormais plutôt musulmanes. Mais il ne
s’agit pas forcément de familles intégristes. Ce qui est peut-être
encore plus consternant. Les jeunes femmes que l’on soumet à ce test
de la virginité ont grandi en France, ne porte généralement pas le
voile. Elle ne se plie à cette coutume par peur de fâcher leur
famille ou d’avoir mauvaise réputation. Cette obsession familiale
tient moins à la religion qu’au fait d’avoir émigré après les années
70, de ne pas avoir connu Mai 68, le mouvement de libération des
femmes et de vivre dans une image totalement figée des coutumes
patriarcales de son pays d’origine. Ce qui est choquant, donc, c’est
moins le jugement de Lille que la persistance épuisante de coutumes
sexistes. Reste à savoir comment ce jugement sera perçu par toutes
celles à qui l’on donne le sentiment que mentir sur sa virginité est
une faute, même aux yeux des tribunaux de la République.

Caroline Fourest
Valiere
 
Message(s) : 0
Inscription : 07 Mars 2004, 22:35

Message par luc marchauciel » 01 Juin 2008, 16:20

Sur les histoires d'ordre judiciaire, j'aime bien consulter le blog de Maitre Eolas.
Voir pour cette affaire le lien suivant :

http://www.maitre-eolas.fr/2008/05/30/969-...ssent-se-marier

Je recopie ci dessous le corps de son billet, qui va dans le sens de ce que disait Yannalan et qui affaiblit l'argumentation que moi et d'autres avons pu développer. Merde, et si on avait cédé à l'emballement médiatique et à ses déformations ?

a écrit :
N'y a-t-il que les vierges qui puissent se marier ?
Par Eolas, vendredi 30 mai 2008 à 13:17 :: General :: permalien #969

Bon, au début, je souriais, mais le pétage de plomb généralisé qui saisit la classe politique ne m'amuse plus. Le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Lille le 1er avril dernier (cette date n'aurait pu être mieux choisie) annulant un mariage à la demande du mari ayant découvert que son épouse en savait un peu trop donne lieu à un festival d'outrances comme j'en ai rarement vu. D'autant plus que l'unanimité n'est que de façade, car personne ne le condamne pour les mêmes raisons. Et pour cause, il y a gros à parier que personne ne l'a lu, ce jugement. Car il ne casse pas trois pattes à un canard boîteux, comme disait ma grand-mère, qui, elle était vierge (ascendant sagittaire).

Et là où je commence même à ressentir les premiers symptômes d'un agacement certain, c'est quand on répète en boucle que les époux étaient musulmans. Argh, l'Islam nous impose sa loi (la virginité de l'épouse n'ayant jamais préoccupé les chrétiens, c'est connu), les juges plient, la République est en danger, la laïcité agonise, que fait la police ? Ah, oui, elle est occupée.

Alors de quoi s'agit-il ?

Tout d'abord, l'époux est Français. L'épouse, je l'ignore, le jugement est muet là-dessus. Pour des raisons philosophies et religieuses, que précisément la laïcité républicaine nous interdit de juger, il voulait absolument épouser une jeune femme de la même confession, et vierge.

Il rencontre une jeune femme qui répond au premier critère et qui, leur relation devenant sentimentale, lui affirme qu'elle répond aussi au second, alors qu'il n'en est rien. Pourquoi ? Je l'ignore. Toujours est-il que son fiancé ne lui a jamais caché l'importance que ce critère représentait pour lui et qu'elle a prétendu mensongèrement le remplir.

Vient la nuit de noce, et le mari découvre que son épouse lui a menti, et sur un point dont il n'a jamais caché l'importance qu'il lui attachait. L'épouse lui révèle alors qu'elle a déjà eu une relation sentimentale qui, si elle n'a pas eu de fruit, lui a coûté une fleur.

L'époux ne veut plus de cette union qui s'est construite sur un mensonge. Dès le soir des noces, il se sépare de son épouse et veut faire dissoudre ce mariage.

Il saisit donc la justice, mais par une procédure fort rare, la nullité du mariage. Quasiment tombée en désuétude depuis la libéralisation du divorce en 1975, elle n'est plus enseignée à la faculté que comme une curiosité, ses effets divergeant de la nullité contractuelle de droit commun.

Cette nullité repose sur l'article 180 du Code civil :

Le mariage qui a été contracté sans le consentement libre des deux époux, ou de l'un d'eux, ne peut être attaqué que par les époux, ou par celui des deux dont le consentement n'a pas été libre, ou par le ministère public. L'exercice d'une contrainte sur les époux ou l'un d'eux, y compris par crainte révérencielle envers un ascendant, constitue un cas de nullité du mariage.

S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage.

Cet article protège le consentement des époux, qui doit être libre et sincère. C'est là un point essentiel du mariage. Le mariage tient en effet à la fois du contrat (un accord de volonté qui fait naître des obligations) et de l'institution (certains de ces effets et sa dissolution sont fixés par la loi et ne sont pas laissés à la liberté de choix des époux). Sa nature contractuelle exige un consentement pur : monsieur veut vraiment épouser madame.

Cela exclut que monsieur soit menacé de mort s'il ne dit pas oui (je n'invente pas : c'est une jurisprudence de la cour d'appel de, je vous le donne en mille : Bastia, 27 juin 1949), ou subisse quelque pression que ce soit. C'est le sens de la question posée par le maire : voulez-vous prendre pour époux … ?

Outre la violence faite aux époux, l'alinéa 2 prévoit que le consentement d'épouser la personne porte non seulement sur son identité mais sur qui elle est vraiment. Tout couple, a fortiori un couple qui se lie par le statut contraignant du mariage, repose sur la confiance en l'autre. Si cette confiance a été trahie avant même le mariage, la loi considère que le consentement au mariage peut en être atteint.

Mais la loi se garde de définir ces qualités essentielles, et la jurisprudence de la cour de cassation laisse le juge décider si, selon lui, les qualités invoqués sont ou non essentielles. On appelle cela le pouvoir souverain du juge du fond, la cour de cassation n'étant pas juge du fond mais du droit. Seules exigences de la jurisprudence : l'erreur doit être objective et déterminante, c'est-à-dire reposer sur un fait et être telle que, sans cette erreur, l'époux ne se serait pas marié.

On a donc une collection de décisions qui donnent des exemples ponctuels. Ont ainsi été considérés comme qualités essentielles :l'existence d'une relation extraconjugale que l'époux n'avait nullement l'intention de rompre ; la qualité de divorcé (qui fait obstacle à la tenue d'un mariage religieux chrétien) ; la qualité d'ancien condamné ; la qualité de prostituée ; la nationalité ; l'aptitude à avoir des relations sexuelles normales (le jugement ne définit pas la relation sexuelle normale, pour la plus grande tristesse des étudiants en droit) ; la stérilité ; la maladie mentale ou le placement sous curatelle.

Venons-en à notre jugement. Sa lecture est fort instructive. Dommage que les spécialistes de l'indignation sur commande s'en soient manifestement passés.

Premier point intéressant. Contrairement à ce que Libé laisse entendre en écrivant «Dès le lendemain, l’époux cherche à faire annuler son mariage », les époux n'ont pas fait preuve d'un empressement frénétique. L'époux a délivré son assignation fin juillet 2006, soit trois semaines après le mariage, et il ne va plus rien se passer pendant plus d'un an. Ce qui va faire que le tribunal, lassé d'attendre va radier l'affaire le 4 septembre 2007, qui sera rétablie pour être jugée en octobre 2007. Mais bon, le mari musulman qui répudie sur le champ sa femme pas assez chaste, c'est plus vendeur, n'est-ce pas ?

Une procédure en nullité de mariage, c'est un procès presque comme un autre. Il y a un demandeur. Ici, c'est le mari. Il expose au juge ses prétentions, que voici :

il demande l' annulation du mariage sur le fondement de l'article 180 du code civil, que chacune des parties supporte ses propres dépens. Il indique qu'alors qu'il avait contracté mariage avec [son épouse] après que cette dernière lui a été présentée comme célibataire et chaste, il a découvert qu'il n'en était rien la nuit même des noces. [son épouse] lui aurait alors avoué une liaison antérieure et aurait quitté le domicile conjugal. Estimant dans ces conditions que la vie matrimoniale a commencé par un mensonge, lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux pourtant essentielle dans le cadre de l'union conjugale, il demande l' annulation du mariage.

Il y a un défendeur. Ici, c'est l'épouse. Et que dit-elle pour sa défense ? Voilà ce que tous les indignés oublient de dire ou ignorent :

Elle demande au tribunal de lui donner acte de son acquiescement à la demande de nullité formée par [son époux], dire que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens, ordonner l'exécution provisoire du jugement.

Bref, l'épouse consent à la procédure de nullité.

Le mariage, en France, comme tout ce qui touche à l'état des personnes, est d'ordre public : la procédure doit être communiquée au parquet pour qu'il indique sa position. Il faudra qu'un jour je fasse un billet sur le rôle civil du parquet, qui est très important et méconnu, on ne lui connaît que son rôle pénal de poursuite des infractions.

Dans ce dossier, le parquet dit : « Je m'en rapporte à la sagesse du tribunal », ce qui signifie que ça ne lui pose aucun problème.

Mettons nous un instant à la place du juge : il a un demandeur qui lui demande d'annuler son mariage car son épouse l'a trompé. Il a un défendeur qui lui demande d'annuler son mariage car il a trompé son époux. Il a un procureur qui dit de ne pas l'ennuyer avec ce dossier, car il y a un nouveau billet sur le blog d'Eolas. Et il a un article 408 du Code de procédure civile qui lui dit :

L'acquiescement à la demande emporte reconnaissance du bien-fondé des prétentions de l'adversaire et renonciation à l'action.

Pourquoi diable le juge rejetterait-il cette demande qui ne pose de problème à personne ?

Certes, le même article 408 précise que :

[L'acquiescement] n'est admis que pour les droits dont la partie a la libre disposition.

Ce qui n'est pas le cas de la nullité du mariage qui est d'ordre public. Il a le pouvoir légal de rejeter cette demande et l'obligation légale de la justifier s'il y fait droit.

Il va décider d'y faire droit, en motivant sa décision ainsi :

D'abord, il rappelle le droit tel qu'il va l'appliquer.

- Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 180 du code civil, s'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage ; que, par ailleurs, l'article 181 - dans sa rédaction issue de la loi du 4 avril 2006 applicable à la cause - précise qu'une telle demande n'est plus recevable à l'issue d'un délai de cinq ans à compter du mariage ou depuis que l'époux a acquis sa pleine liberté ou que l'erreur a été par lui reconnue ;

Simple rappel des textes en vigueur.

- Attendu qu'il convient en premier lieu de constater qu'en l'occurrence, l'assignation a été délivrée avant l'expiration d'un délai de cinq années suivant la célébration du mariage et la découverte de l'erreur ; que l'action en annulation du mariage s'avère dès lors recevable ;

Premier point qu'il doit vérifier : la demande est-elle recevable, doit-il l'examiner ? La réponse est oui. Deuxième question, la demande est-elle fondée ? Ce qui induit la question : quelles sont les règles applicables ?

- Attendu qu'en second lieu il importe de rappeler que l'erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l'empire d'une erreur objective, mais également qu'une telle erreur était déterminante de son consentement ;

C'est-à-dire que l'erreur ne vient pas de celui qui l'invoque mais était connu de l'autre époux, et que sans cette erreur, il n'aurait pas consenti au mariage.

Ces règles posées, le juge va constater qu'elles s'appliquent, et ce par un raisonnement fort habile qui fait que ce juge mérite plus des applaudissements que les injustes lazzis dont il fait l'objet :

Attendu qu'en l'occurrence, [l'épouse] acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s'en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de [l'époux] au mariage projeté ; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint.

L'habileté échappera à qui n'est pas juriste, mais je m'y attarde car c'est un superbe cas pratique pour des étudiants de première année (tiens ? Les partiels approchent…)

L'acquiescement de l'épouse à la demande en nullité n'était pas possible, car la matière est d'ordre public : art. 408 alinéa 2 du code de procédure civile. Alors que fait le juge pour faire droit à cette demande ? Étudiants en première année, prenez le temps de réfléchir, c'est un beau cas pratique du droit de la preuve.

Il déduit de cet acquiescement inefficace un aveu judiciaire : article 1356 du Code civil. L'épouse dit acquiescer à la demande de son mari. Elle ne le peut pas, mais ce faisant, elle avoue devant le juge qu'elle savait que son hymen importait à son époux et qu'elle savait qu'elle ne l'avait plus (son hymen, pas son mari ; quoique maintenant elle n'a plus ni l'un ni l'autre).

Le juge y trouve donc une preuve irréfutable (l'aveu judiciaire ne peut être rétracté) du caractère objectif et déterminant de l'erreur. Ite missa est, comme ne dit pas le Coran.

Et hop, mariage annulé.

Ce qui est une action d'une banalité affligeante, faite sur un fondement anecdotique, est devenu en quelques jours un scandale national car chacun y projette ses fantasmes, la religion musulmane des intéressés n'y étant pas pour rien, la palme revenant à ce communiqué de l'association Ni Putes Ni Soumises, que j'ai connue plus inspirée, et qui aboutit à faire dire à ce jugement que les femmes non vierges n'ont plus le droit de se marier.

Ce jugement ne dit absolument pas que le mariage d'une femme non vierge est nul, ni que la virginité est une qualité essentielle de la femme. Il dit ceci et rien d'autre. Madame Y… a menti à Monsieur X… sur un point qu'elle savait très important pour lui. Elle savait que si Monsieur X… avait su la vérité, il ne l'aurait probablement pas épousé. Et d'en tirer les conséquences légales que lui demandent les deux époux dans ce qui après tout est leur vie.

Là où les indignés des micros se muent tous en Tartuffe, c'est quand on se demande ce qu'il serait advenu en cas de rejet de la demande. Ces époux seraient-ils restés mariés et auraient-ils vécu heureux avec beaucoup d'enfants ? Non, ils auraient divorcé. Par consentement mutuel, puisqu'ils étaient d'accord pour se séparer. Consentement mutuel qui exclut que soient abordés les raisons du divorce. Donc dissolution du mariage, mais l'honneur est sauf : on ne saurait pas pourquoi.

Bref, prenez ce mouchoir et cachez-moi cette virginité que je ne saurais voir. Tartuffe est toujours face à Dorine.

luc marchauciel
 
Message(s) : 73
Inscription : 12 Avr 2008, 18:37

Message par com_71 » 01 Juin 2008, 18:07

(Eolas a écrit :Ce jugement ne dit absolument pas que le mariage d'une femme non vierge est nul, ni que la virginité est une qualité essentielle de la femme. Il dit ceci et rien d'autre. Madame Y… a menti à Monsieur X… sur un point qu'elle savait très important pour lui. Elle savait que si Monsieur X… avait su la vérité, il ne l'aurait probablement pas épousé. Et d'en tirer les conséquences légales que lui demandent les deux époux dans ce qui après tout est leur vie.


Non, la loi ne dit pas
a écrit :sur un point qu'elle savait très important pour lui
, elle dit
a écrit :S'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne


le juge a admis qu'il y avait erreur (ou tromperie) sur les "qualités essentielles de la personne", et peu importe que ce soit avec l'assentiment de l'autre partie.

maintenant on peut toujours remarquer que des décisions aussi discutables ou scandaleuses sont passées comme des lettres à la poste
a écrit :On a donc une collection de décisions qui donnent des exemples ponctuels. Ont ainsi été considérés comme qualités essentielles : l'existence d'une relation extraconjugale que l'époux n'avait nullement l'intention de rompre ; la qualité de divorcé (qui fait obstacle à la tenue d'un mariage religieux chrétien) ; la qualité d'ancien condamné ; la qualité de prostituée ; la nationalité ; l'aptitude à avoir des relations sexuelles normales (le jugement ne définit pas la relation sexuelle normale, pour la plus grande tristesse des étudiants en droit) ; la stérilité ; la maladie mentale ou le placement sous curatelle.
et que celle-ci n'est peut-être portée sur le devant de l'actualité qu'en raison du caractère "musulman" des protagonistes. c'est possible.

Mais si l'opinion publique (ou ceux qui veulent la manipuler) a laissé passer un grand nombre de décisions scandaleuses, ce n'est pas une raison pour que celle-ci ne soit pas exposée. Et à ceux qui ne veulent pas se limiter à dénoncer la complaisance de la justice envers des conceptions inhumaines affichées surtout, maintenant, dans des milieux musulmans (mais pas seulement), de généraliser le propos à d'autres "qualités essentielles" restant effectivement en dehors de l'indignation générale.
L’intérêt ne pense pas, il calcule. Les motifs sont ses chiffres. K. Marx, « Débats sur la loi relative au vol de bois » 1842.
Avatar de l’utilisateur
com_71
 
Message(s) : 6381
Inscription : 12 Oct 2002, 00:14

Message par Valiere » 02 Juin 2008, 07:55

a écrit : le texte quasi intégral de ce fameux jugement

LE TRIBUNAL : - Exposé des faits et de la procédure : - X..., de nationalité française, s'est marié avec Y... le 8 juillet 2006 à [...]. Par acte du 26 juillet 2006, il a fait assigner Y... devant le tribunal de céans, arguant avoir été trompé sur les qualités essentielles de sa conjointe. L'affaire a fait l'objet d'une radiation le 4 septembre 2007 pour défaut de diligences des parties, avant d'être réenrôlée à la demande de X...

Prétentions des parties : - Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 31 octobre 2007, X... sollicite : l' annulation du mariage sur le fondement de l'article 180 du code civil, que chacune des parties supporte ses propres dépens. Il indique qu'alors qu'il avait contracté mariage avec Y... après que cette dernière lui a été présentée comme célibataire et chaste, il a découvert qu'il n'en était rien la nuit même des noces. Y... lui aurait alors avoué une liaison antérieure et aurait quitté le domicile conjugal. Estimant dans ces conditions que la vie matrimoniale a commencé par un mensonge, lequel est contraire à la confiance réciproque entre époux pourtant essentielle dans le cadre de l'union conjugale, il demande l' annulation du mariage.

Selon ses dernières écritures signifiées le 4 septembre 2007, Y... demande au tribunal de : lui donner acte de son acquiescement à la demande de nullité formée par X..., dire que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens, ordonner l'exécution provisoire du jugement.

La procédure de mise en état a été clôturée par ordonnance du 8 janvier 2008. Après avoir reçu communication de l'affaire, le Ministère public a visé la procédure le 26 octobre 2007 et a déclaré s'en rapporter à justice.

Sur ce :
- Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article 180 du code civil, s'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage ; que, par ailleurs, l'article 181 - dans sa rédaction issue de la loi du 4 avril 2006 applicable à la cause - précise qu'une telle demande n'est plus recevable à l'issue d'un délai de cinq ans à compter du mariage ou depuis que l'époux a acquis sa pleine liberté ou que l'erreur a été par lui reconnue ;
- Attendu qu'il convient en premier lieu de constater qu'en l'occurrence, l'assignation a été délivrée avant l'expiration d'un délai de cinq années suivant la célébration du mariage et la découverte de l'erreur ; que l'action en annulation du mariage s'avère dès lors recevable ;
- Attendu qu'en second lieu il importe de rappeler que l'erreur sur les qualités essentielles du conjoint suppose non seulement de démontrer que le demandeur a conclu le mariage sous l'empire d'une erreur objective, mais également qu'une telle erreur était déterminante de son consentement ;

Attendu qu'en l'occurrence, Y... acquiesçant à la demande de nullité fondée sur un mensonge relatif à sa virginité, il s'en déduit que cette qualité avait bien été perçue par elle comme une qualité essentielle déterminante du consentement de X... au mariage projeté ; que dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de nullité du mariage pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint ;

Sur les dépens : - Attendu que conformément à l'accord des parties, chacune conservera à sa charge les dépens qu'elle a exposés dans le cadre de la présente instance ;

Sur la demande d'exécution provisoire : - Attendu que les parties s'accordant pour voir prononcer l' annulation de leur mariage, l'exécution provisoire du jugement sera ordonnée ainsi que l'a requis Y... ;

Par ces motifs, le tribunal, statuant en audience publique, contradictoirement et en premier ressort, après communication de l'affaire au ministère public, prononce l' annulation du mariage célébré le 8 juillet 2006 à [...] (acte n° 50) entre X... et Y..., ordonne la transcription du présent jugement en marge de l'acte de naissance des parties et de l'acte de mariage [...].

COMMUNIQUÉ LDH
Paris, le 30 mai 2008

La virginité n’est pas un objet de justice

En annulant un mariage à la demande d’un mari car sa femme n’est pas vierge, la justice a rendu une décision discriminatoire.

Quelle que soit la volonté des époux, ni la loi, ni la jurisprudence ne peuvent consacrer ce symbole de la domination masculine.

Au-delà des interprétations juridiques, au-delà des adhésions personnelles à une foi ou à une philosophie, il n’appartient pas à la justice de la République de cautionner une atteinte au principe d’égalité entre hommes et femmes.
Valiere
 
Message(s) : 0
Inscription : 07 Mars 2004, 22:35

PrécédentSuivant

Retour vers Politique française

Qui est en ligne ?

Utilisateur(s) parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit et 2 invité(s)