Comment "Combat Ouvrier" pose le problème des rapports avec les militants ouvriers nationalistes :
(Combat Ouvrier 19 04 2008 a écrit : Guadeloupe
Élie Domota, nouveau secrétaire général de l'UGTG
L'Union Générale des Travailleurs de Guadeloupe (UGTG) a tenu son 12ème congrès du 2 au 5 avril dernier. C'est Elie Domota qui a été choisi par les ugtgistes pour succéder à Raymond Gauthierrot, le secrétaire général sortant. Elie Domota, cadre de l'ANPE, est un militant connu de l'UGTG qui a participé et dirigé diverses grèves en Guadeloupe et pas seulement à l'ANPE.
Lors de ce 12ème congrès, la direction de l'UGTG a tenu à bien expliquer qu'elle situait son action dans le cadre de la lutte de classe mais aussi avec l'indépendance Nationale de la Guadeloupe comme principal objectif. Donc, rien de nouveau par rapport aux années précédentes. On sait que ce qui fait la force de syndicat c'est sa réputation justifiée de combativité, et notamment le fait qu'il est capable, face à des patrons retors, d'aider les travailleurs à tenir le temps qu'il faut pour arracher tout ou partie de leurs revendications. C'est d'ailleurs plus là-dessus que sur l'affichage de ses convictions indépendantistes qu'est fondée sa popularité. Au moment où le principal mouvement indépendantiste de Guadeloupe, l'UPLG, avait subi des revers et un réel recul, les militants les plus convaincus, les plus combatifs s'étaient regroupés autour des syndicats nationalistes et avaient renforcé l'UGTG, faisant de celle-ci une véritable force combattante au sein des travailleurs.
Pour l'instant, son appartenance au camp indépendantiste n'a pas d'incidence politique sur la situation politique, pour la raison simple que les sentiments autonomistes ou indépendantistes dans la population ont en partie reculé. Car l'état colonial français, en tant qu'état d'une puissance riche, a joué sur les investissements divers et les améliorations matérielles de tous ordres pour faire reculer les anti-colonialistes, tout en leur donnant satisfaction sur certains points (reconnaissance politique de leurs organisations et leaders, reconnaissance officielle du créole, etc...).
Aujourd'hui, contrairement aux années 60 et 70, on peut être officiellement indépendantiste et faire partie des gestionnaires des institutions officielles (mairie, Région, département, assemblée nationale). Rappelons nous qu'en 1960 des anti-colonialistes divers de la fonction publique avaient été mutés d'office hors d'ici, pour avoir affiché leurs convictions autonomistes!
On n'en est plus là mais la population, dans ses diverses couches, a trouvé au travers des luttes et manifestations une façon de composer avec le dit colonialisme qui lui-même a fait donc des concessions et s'y prend de façon plus modérée, plus indirecte pour maintenir sa mainmise sur ses dits DOM et TOM. Il y a mis beaucoup plus d'argent, mis fin à certaines discriminations criantes et fait beaucoup de promotion des uns et des autres.
Mais il n'est pas dit qu'il pourra toujours continuer à mener cette politique. Notamment, en ce moment où le président français lui-même affirme qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses et que les économies sont nécessaires. L'Etat, aujourd'hui, a tendance à rogner sur toutes les dépenses publiques. Il y a fort à parier que les dépenses pour les DOM-TOM sont celles qui seront parmi les premières à sérieusement diminuer. Quoiqu'il en soit on voit déjà - par la décentralisation - un véritable désengagement de l'Etat qui aura des conséquences sur l'emploi et le niveau de vie des populations de nos territoires.
En maintenant son drapeau indépendantiste, au travers de son activité syndicale, l'UGTG espère bien qu'à un tournant de la situation, à un moment donné, en tant qu'organisation indépendantiste, elle pourra reprendre l'initiative politique, et avec beaucoup plus de poids car s'appuyant sur le mécontentement des travailleurs, comme le faisaient les nationalistes dans les années 60/70 à 80.
Pour notre part, en tant que militants communistes, nous espérons et nous agissons pour que les poids des travailleurs, leur expérience de lutte, leurs organisations leur permettent de jouer un rôle primordial pour faire triompher leur point de vue sur l'organisation de la société. Ce qui est indispensable pour ne pas voir, à un tournant de la situation, des hauts fonctionnaires et politiciens de l'Etat colonial simplement remplacés un jour par des notables en mal de pouvoir et chargés de préserver les intérêts des capitalistes et possédants locaux et internationaux sévissant dans nos territoires. Et cela au détriment des intérêts des masses travailleuses et pauvres.
Il se pourrait que les deux positions que mettent en avant les militants de l'UGTG, à savoir la lutte de classe et l'indépendance nationale, deviennent, pour eux, contradictoires dans le développement de la lutte des travailleurs. L'UGTG sera-t-elle alors plus nationaliste que partisan de la lutte de classe? La question sera posée à travers la lutte des travailleurs. La classe ouvrière doit chercher à renverser la société bourgeoise et à mettre à sa place une organisation sociale contrôlée par les travailleurs en vue de leur émancipation. Ce n'est donc pas pour eux uniquement un problème «d'indépendance» qui se posera. Il s'agit bien finalement de leur propre émancipation à travers une société contrôlée par eux dans leurs entreprises, leurs quartiers.
Il est clair que si l'indépendance consiste à ce qu'une bande de notables, fussent-ils blancs, noirs, indiens et autres bourgeois compradors ou internationaux, se servent de la lutte des travailleurs pour mettre en place un pouvoir politique pour leur propre compte, les travailleurs devront s'y opposer et tenter par tous les moyens de construire leur propre pouvoir, en prenant la tête de toutes les formes de protestations anticolonialistes et de toutes les luttes sociales! Les travailleurs n'opposeront pas à leur propres buts les aspirations anti-colonialistes ou nationales, si elles se font jour. Mais agiront à l'intérieur de celles-ci pour parvenir à leurs propres buts conformes aux intérêts des larges masses, opposés à ceux d'une minorité de possédants, de notables et d'affairistes internationaux divers.
Aujourd'hui, on est évidemment loin d'une situation où ces problèmes se posent réellement, autrement qu'à l'état d'évaluation et de prise de position théorique, compte tenu de l'état des forces, du niveau des luttes aux Antilles et en France. Mais autant que l'UGTG insiste pour préserver son orientation indépendantiste, ce qui est son droit, autant il est nécessaire dans le camp des travailleurs de maintenir tout aussi clairement ce que sont les objectifs propres des travailleurs de ce pays, indépendamment de ceux des notables nationalistes de toute obédience, face aux problèmes politiques qui se posent aujourd'hui ou pour demain.