Haro sur les totos

Message par Guadarango » 20 Avr 2008, 14:43

http://www.anartoka.com/encre_noire/portal.php

L’Encre Noire n°1 - Avril 2008

Haro sur les Totos

Depuis quelques mois, ceux qu’on appelle les autonomes sont dans la ligne de mire. Dans la ligne de mire de l’Etat et de la flicaille, mais également dans la ligne de mire des léninistes et autres citoyennistes. Anarchistes et autonomes régulièrement investis dans le luttes ont été rendus responsables de nombre de débordements. Etats, gauchistes et syndicats regrettent le bon vieux temps où les luttes étaient pacifiées et stérilisées par leurs bons soins. La résurgence de groupes « autonomes » radicalisés dans les luttes, qui dans le même temps se radicalisent elles-mêmes bien au delà de ces groupes et de leur seule action, fait peur.

La lutte anti-CPE, la résurgence d’un mouvement squat « politique » même relativement restreinte fait couler beaucoup d’encre, et tomber beaucoup de monde.

La période électorale a vu pas mal d’actions de sabotages avoir lieu.
Pas mal de permanences électorales, de cibles étatiques ou privées
ont été vandalisées, attaquées à l’engin incendiaire ou à l’explosif.
Des arrestations se sont multipliées suite à ces actions sur Avignon,
Paris… Des squats sont perquisitionnés sans mandats dans le cadre d’enquêtes anti-terroristes. Le Chatô, squat de Montreuil depuis vidé par le GIPN, est visité par la police, les disques durs, agendas et autres portables des habitant-e-s pillés.
Durant cette période, Le Parisien relaie une campagne, d’évidence
liée à des informations directement fournies par la police et les renseignements
généraux, contre la mouvance « anarcho-autonome » et les « squats politiques ».

Fin janvier les « anarcho-autonomes » inquiètent dans les médias nationaux. Ouest-France fait état de l’arrestation de 3 personnes.
Elles auraient été les auteurs d’un dépôt d’explosif aux douanes
rennaises en novembre et se réclameraient d’un groupuscule anarchiste : « Ces trois jeunes hommes revendiquent, selon la police, une appartenance à un groupe anarchiste peu connu et auraient motivé leurs méfaits de la sorte ».

Le 2 février, Le Monde est aussi affirmatif que ses informateurs :
« Les renseignements généraux sont formels : on assiste, en France,
à la résurgence d’une mouvance, qualifiée pour l’heure d’»anarcho-autonome», violente, qui prospère sur le terreau des conflits sociaux
touchant les jeunes tels que l’opposition au contrat première embauche (CPE), en 2006, et à la loi LRU, en 2007 ». La suite de l’article de Gérard Davet revient
sur cette menace. On sent que c’est ici la police qui parle. Davet
revient sur l’arrestation à Toulouse dans la nuit du 24 au 25 novembre 2007 de deux hommes et une femme qui venaient d’utiliser de l’explosif dans un champ. « A leur domicile toulousain, les enquêteurs retrouvent une importante documentation «anarchiste», avec des noms évocateurs : L’Insurrection qui vient, ou Organe de liaison au sein du parti imaginaire. Sur le disque dur de leur ordinateur, quelques phrases comme : « C’est ici qu’on se rassemble pour tout faire partir en cendres.» » Qui plus est, ces individus « sont rattachés à la mouvance «autonome» de la région
nantaise, en particulier à Baptiste H., très en vue, à l’automne 2007, lors du blocage de l’université Rennes-II contre la loi LRU. Les services de renseignements le suspectent même d’avoir tenté de constituer à l’époque un groupe armé ». Ces anarcho-autonomes ont été vus dans des squats politiques, des luttes anti-carcérales, des luttes sociales. Un indice supplémentaire sans doute… La police souligne que les explosifs utilisés par les toulousains sont de même
nature que celui utilisé contre des cibles nantaises plus tôt : « Le TATP a été utilisé, en mars 2006, contre deux distributeurs de billets installés près de Nantes, mais aussi lors d’une manifestation contre la construction de l’établissement pénitentiaire
pour mineurs d’Orvault (Loire-Atlantique) ». Le lundi 28
janvier, la Dépêche du midi dans une enquête spéciale (si, si !) souligne pourtant qu’aucun lien n’est encore établit entre la série d’attentats commis quelques mois plus tôt et les personnes interpellées. Il n’empêche que toute la suite de
l’article les considère comme coupables et multiplie les amalgames
douteux. L’article du Monde poursuit sur d’autres affaires : « Cela aurait pu être le cas, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), le 19 janvier. Ce jour-là, Damien B., Yvan H. et Bruno L. sont arrêtés en possession d’un pochon avec des clous tordus, des rouleaux de Scotch, un sachet de poudre blanche, un produit allume-feu, ainsi qu’un bocal contenant 2,28 kg de poudre blanche. Envoyée au laboratoire de la préfecture de police de Paris, il s’avère que cette poudre est un mélange hautement explosif de sucre et de chlorate de soude. Pour les experts, l’association de ces éléments peut conduire à la confection d’un «engin explosif à fragmentation et à potentialité létale». Comme à Toulouse, les enquêteurs saisissent en perquisition de la documentation «anarchiste». Déférés et mis en examen, deux des jeunes sont écroués. Là encore, les services stigmatisent «la montée en puissance d’une nouvelle génération d’agitateurs, en phase de radicalisation». D’autant que, quelques jours plus tard, à Bourges, le 23 janvier, un autre militant, Franck F., est retrouvé porteur de deux sacs d’un kilogramme de chlorate de soude et de plusieurs documents, dont l’un, rédigé en italien, détaille la fabrication d’une bombe. Il était en compagnie d’une jeune femme dont le profil ADN correspond aux traces retrouvées, en mai 2007, à Paris, sur un engin explosif placé sous une dépanneuse de la préfecture de police. Les douaniers ont retrouvé dans leurs affaires trois plans de l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Porcheville (Yvelines). ».

Le ministre de l’Intérieur, des chercheurs en science politique sont appelés à la rescousse pour faire des analyses d’une pertinence rare. Action directe est régulièrement cité. «L’affaiblissement à droite comme à gauche des partis politiques
qui permettent d’exprimer les frustrations sociales se traduit,
l’histoire de France et de ses voisins le montre, par l’apparition de mouvements radicaux et violents», indique au Monde Michèle Alliot-Marie, ministre de l’intérieur. Dans le Figaro du 1er février dernier, au détour d’une interview sur l’islamisme, elle déclare également :

« Croyez-vous à une résurgence de
tels groupes en France ?

Nul ne peut le prévoir. Mais la situation évolue extrêmement vite.
En quelques mois, depuis l’élection présidentielle, on est passé
des slogans radicaux aux cocktails Molotov et aujourd’hui à la volonté
de fabriquer de véritables enginsexplosifs.

A-t-on une idée de l’importance de
cette mouvance violente ?

Ce sont quelques dizaines d’individus rassemblés dans des petits
groupes informels à l’idéologie assez sommaire. Ils se caractérisent par leur rejet de toute espèce d’expression politique démocratique et leur discours extrêmement violent. Autant de motifs qui m’ont poussée à renforcer leur surveillance par les services de renseignements et de police judiciaire. »

Mais il n’ y a pas que les médias et le ministère de l’Intérieur qui s’intéressent
aux autonomes. De jeunes trotskystes également. Sur un forum d’adhérents de la LCR où la faucille s’amourache allégrement du marteau, la chasse aux « totos » est également ouverte. Ceux ci seraient responsables de l’échec du mouvement « anti-LRU » et il faudrait les calmer par tous les moyens nécessaires. Même physiques.

De leur côté les instances universitaires, notamment le Président de la fac de Rennes, fustigent les totos et les anarchistes. Ainsi, Gontard, Président de rennes 2, dénonce les khmers rouges et les néo-situs qui occupent les bâtiments. Il en appelle au combat physique lors de l’occupation. Le samedi 26 janvier, lors d’une AG un militant est embarqué. Il est accusé de violence sur un enseignant et interdit de territoire sur le département de l’Ille-et-Vilaine. A Perpignan, ce sont un militant de la coordination des groupes anarchistes et un militant de Sud qui sont poursuivis pour dégradations. Ils sont interdits de séjour sur le campus et dans le même temps interdits de sortir du département. Pratique pour des étudiants…

Bref la chasse aux totos, aux anars et autres radicalisés a commencé. Leurs réseaux : Infokiosk, les squats politiques, les collectifs informels… Des lectures présentées comme bréviaires : L’insurrection qui vient, l’Organe du parti imaginaire… Et finalement surgit une figure caricaturale de l’autonome avec une homogénéité. Pourtant, les « autonomes » sont loin d’être liés en des structures homogènes. La réalité est beaucoup plus diffuse et nombre de gens dits « autonomes » se définissent souvent différemment ou tout simplement pas, et n’ont de communs que leur refus de rejoindre les organisations révolutionnaires constituées. Les organisations anarchistes (les CNT, la FA et AL) sont implicitement appelées dans certains articles de presse à se dissocier. Des coupables aux innocents, les interpellés méritent pourtant toute notre solidarité…
Guadarango
 
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Message par Jacquemart » 20 Avr 2008, 14:48

a écrit :dans la ligne de mire des léninistes et autres citoyennistes.

:33:

Bon, et à part tout ça, une question simple : les gars qui ont par exemple saccagé l'EHESS pendant le mouvement du CPE, c'était des intellectuels engagés qui méritent toute notre admiration, ou des pauvres types avec un vocabulaire anarchisant à qui un mouvement un tant soit peu conscient devrait se faire une fierté de démolir le portrait ?
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Jacquemart
 
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Message par Guadarango » 20 Avr 2008, 19:58

Même si c'est vrai qu'il y avait eu un peu de casse avant l'arrivée des flics, c'est surtout les CRS qui ont saccagé l'EHESS, en défonçant systématiquement toutes les portes des bureaux dont la porte était fermée à clef.

Pour le reste, je dirais que les occupants de l'EHESS étaient surtout des étudiants mais il y avait aussi beaucoup de chômeurs.

Mais ton raisonnement est assez bourgeois : on dirait que d'après toi seuls l'engagement des intellectuels serait "respectable"... La révolte des prolétaires ne mériterait que les coups de matraque du parti...

Sur le fond, je dirais que l'occupation de l'EHESS était une initiative qui allait dans le bon sens mais que la plupart des occupants ont été incapables de s'autogérer et se sont comportés en consommateurs, ce qui fait que l'occupation a donné le chaos que l'on sait. La vérité c'est que les autonomes eux-mêmes ont été complètement débordés !
Guadarango
 
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Message par Gaby » 20 Avr 2008, 20:10

(Guadarango @ dimanche 20 avril 2008 à 20:58 a écrit : Mais ton raisonnement est assez bourgeois : on dirait que d'après toi seuls l'engagement des intellectuels serait "respectable"... La révolte des prolétaires ne mériterait que les coups de matraque du parti...
:sygus:
Gaby
 
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Message par titi » 20 Avr 2008, 20:44

A bas l'Etat, les flics et les patrons !

zéro (conscience de classe) + zéro (volonté de la faire croitre) = la tête à toto !
titi
 
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Message par Apfelstrudel » 20 Avr 2008, 20:54

(Guadarango @ dimanche 20 avril 2008 à 20:58 a écrit :La vérité c'est que les autonomes eux-mêmes ont été complètement débordés !

:sygus:

Celle-là on ne me l'avait jamais faite.
Apfelstrudel
 
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