Voici les éditos de bulletins de cette semaine de la Fraction et de LO Majorité. Les deux bulletins mettent l'accent sur l'essentiel : ce sera la lutte qui changera la situation des travailleurs.
Toutefois, dans l'édito de LO Majo, comme dans le communiqué déjà mis en ligne, on chercherait en vain une critique contre la gauche, ou même une réserve. Visiblement, il ne faut pas froisser les nouveaux alliés.
On peut discuter des termes employés, de la structure de ces éditos etc, mais, sincèrement, sur le fond, celui de la Fraction est tout de même beaucoup plus juste, en rappelant qu'on ne peut pas compter sur cette gauche si satisfaite d'avoir gagné des places.
a écrit :
Edito Fraction
Et maintenant, passons aux choses sérieuses…
Ce second tour des municipales est incontestablement une claque pour la droite et Sarkozy. Ce qui fait toujours plaisir.
La gauche traditionnelle parle d’un « raz-de-marée », car elle rafle en effet la grande majorité des villes et des départements (les cantonales ont eu lieu en même temps). Mais en termes de voix, la gauche ne l’emporte globalement que par 49 % des suffrages, contre 47,5 % à la droite. Pour relativiser encore ces résultats, il faut noter que le taux d’abstentions à ce deuxième tour, 33,54%, est encore plus fort qu’au premier, du jamais vu paraît-il depuis 1959 ! Décidément, si la droite se prend une baffe, difficile de prétendre que le PS a suscité l’enthousiasme des foules…
Il faudrait, il est vrai, qu’il propose bien autre chose pour emporter une franche adhésion populaire.
Une tranquille cohabitation
Les résultats de la gauche aux municipales et aux cantonales ont permis au chef du PS, François Hollande, de déclarer que « la gauche sera dans une certaine mesure au pouvoir, mais au pouvoir dans les villes et les départements », en oubliant d’ailleurs de préciser qu’elle l’est déjà dans les régions depuis 2004, puisqu’elle en détient 20 sur 22. Eh oui : en fait, nous vivons une forme de cohabitation entre la droite et la gauche. A Sarkozy le bling-bling présidentiel et la déferlante des « réformes » anti-populaires, et à la gauche la tâche de les gérer au niveau des régions, des départements et des villes grandes ou petites ! Ce qu’elle fait sans rechigner.
Car il faut bien se rendre compte qu’au niveau local, départemental ou régional, la gestion des élus de droite ou de gauche n’est guère différente, ni en matière de rénovations urbaines qui se font au détriment des plus pauvres, de subventions aux entreprises, de transports, de fiscalité etc., comme le relevait d’ailleurs une enquête nationale du journal Le Monde de samedi dernier. De toute façon, les pouvoirs des municipalités se réduisent à gérer tant bien que mal les décisions prises centralement par la bourgeoisie et le patronat, en faveur des riches et au détriment des plus modestes.
La mobilisation des salariés, la gauche se garde bien d’en parler
Et qu’est-ce qu’elle propose, cette gauche qui se vante au soir des élections d’être « dans une certaine mesure au pouvoir » ? L’ancien premier ministre socialiste, Laurent Fabius, par exemple, se contente de dire très gentiment : « Si le gouvernement est lucide et honnête, il faut qu’il réoriente sa politique ». Attendre de Sarkozy qu’il soit lucide et honnête ! Sans compter que le même Fabius se garde bien de dire en quoi il faut réorienter ladite politique. Lui-même, comme ses collègues socialistes, se dit en fait pour les prétendues « réformes » gouvernementales, à la seule condition, et la formule est vague à dessein, qu’elles soient « justes », comme si l’on pouvait maquiller la scélératesse de tout ce chantier législatif mis en œuvre contre les retraites, le droit du travail, les acquis des salariés, l’éducation publique et le reste, de façon plus juste.
L’urgence de l’heure, 40 ans après mai 68
S’il y a quelque chose de vraiment de bon augure, dans ces dernières élections, ce n’est pas tellement le fait que la gauche puisse crier victoire, pour en somme gérer la politique de la droite. C’est plutôt les scores relatifs de l’extrême gauche qui au premier tour a souvent totalisé, là où elle se présentait, plus de 5 %, et même en bien des endroits plus de 8 et 10 %, non pas sur de fausses promesses, mais en en appelant à la combativité des travailleurs.
Ce mardi 18 mars, les profs, parents d’élèves et élèves font grève et manifestent contre les suppressions de postes. Les semaines précédentes, des salariés de différentes entreprises ont fait grève pour les salaires. La vraie sanction contre Sarkozy et sa politique, elle viendra de la généralisation des grèves et des manifestations de rue pour les salaires, les retraites, contre les licenciements et la précarité. Elle viendra, d’un nouveau mai 68, qui mettrait de toutes autres réformes à l’ordre du jour, celles qui annoncent une véritable révolution dans les rapports de force entre la bourgeoisie, le patronat et ses représentants gouvernementaux d’un côté, et le monde du travail de l’autre.
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Edito LO Majorité
APRES LE REJET DANS LES URNES, IL FAUT LE REJET DANS LES LUTTES SOCIALES
Les résultats du deuxième tour des élections municipales ont confirmé et amplifié ceux du premier tour. La gauche progresse encore d'un tour à l'autre au détriment de la droite. Les ministres ont beau jongler avec les mots, insister sur le caractère local de ces élections, les résultats constituent un revers pour le gouvernement et sa politique.
En menant une politique contraire aux intérêts de la majorité de la population et au service d'une petite minorité de riches, le gouvernement a non seulement renforcé le dégoût et l'exaspération de ceux qui, à la présidentielle, avaient voté contre Sarkozy, mais il a déçu une partie de ceux-là même qui l'avaient élu. Le désaveu est clair, et il était nécessaire.
Le soir même des élections, Fillon affirmait pourtant : "la politique de la France, les électeurs l'ont majoritairement choisie à l'occasion des élections présidentielle et législatives (...) et nous allons poursuivre cette politique".
La référence de Fillon aux élections de l'année dernière est doublement mensongère. Sarkozy n'avait obtenu au premier tour que 31 % des votes. Même au deuxième tour, compte tenu des abstentions et des votes blancs, il n'a été suivi que par 43 % des électeurs. Se prévaloir du soutien de la majorité de la population est d'autant plus tendancieux qu'une fraction importante des salariés, les travailleurs immigrés, concernés pourtant et ô combien par les mesures anti-ouvrières et réactionnaires du gouvernement, n'a pas le droit de voter. Et puis, l'élection de Sarkozy ne signifie pas qu'il a un chèque en blanc sur tout et n'importe quoi pour les cinq ans à venir .
Mais ce qu'on appelle la démocratie est ainsi fait que le président de la République et le gouvernement qu'il désigne peuvent poursuivre comme si de rien n'était la politique que la majorité rejette.
Les travailleurs n'attendront pas les échéances électorales de 2012, dans quatre ans ! Ils ne peuvent pas laisser le gouvernement continuer à prendre des mesures anti-ouvrières, celles déjà annoncées comme celles qui sont encore dans les dossiers ministériels. Une nouvelle attaque contre les retraites est déjà programmée avec le passage à 41 du nombre d'annuités de travail pour avoir droit à une retraite complète. Est déjà programmée la réforme des contrats de travail, destinée à faciliter les licenciements et à rapprocher un peu plus encore les CDI des contrats précaires.
Et il y aura ce que l'on n'a pas osé annoncer avant les élections, la hausse de la TVA pour compenser les cadeaux fiscaux aux plus riches, des mesures d'austérité qu'on baptisera autrement et dont on nous dira qu'elles sont imposées par la crise financière qui s'aggrave.
Les travailleurs ne peuvent pas attendre que leur pouvoir d'achat s'effondre avec les hausses de prix. Ils ne peuvent pas subir les fermetures d'usines, les suppressions d'emplois, y compris et surtout par les entreprises les plus riches dont les actionnaires se partagent des profits fantastiques. Ils ne peuvent pas se contenter des statistiques bidons qui osent afficher une diminution du chômage du simple fait qu'on multiplie les contrats précaires à peine payés qui ne compensent pas les emplois en CDI supprimés.
La poussée électorale vers la gauche qui se traduit par le changement de la majorité municipale dans plusieurs dizaines de villes, entraînera peut-être des conséquences dans la gestion des villes concernées. Le sort des classes populaires ne changera pas fondamentalement pour autant.
Ce que l'on peut souhaiter, c'est que le rejet de la politique de la droite n'en reste pas à sa seule expression électorale mais qu'il se traduise sur le terrain social. Les urnes ont exprimé les sentiments des classes populaires. Mais, pour faire reculer le gouvernement et le grand patronat, il n'y a d'autre moyen que l'explosion sociale, que les luttes amples et déterminées, à même de faire ravaler à Sarkozy-Fillon leur prétention à continuer une politique catastrophique pour les salariés, les chômeurs et les retraités.
Arlette Laguiller