De l'argent, il y en a...

Message par manu31 » 01 Fév 2008, 14:53

Personnellement, l'argument que je tire de cette affaire est plutôt:

on nous dit qu'il n'y a pas d'argent, que les caisses sont vides, qu'il faut se serrer la ceinture, et voici qu'on apprend que la SG est capable d'éponger en une année une perte sèche de 5 Mds d'euros, soit un demi-trou de la sécu ou le PNB de je ne sais combien d'états africains, ou bien les autres exemples (complètement nuls d'ailleurs si ce n'est le plan banlieue) donnés par Libé.

D'où le titre de ce fil.
manu31
 
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Message par Vérié » 01 Fév 2008, 15:24

(manu31 @ vendredi 1 février 2008 à 14:53 a écrit :
on nous dit qu'il n'y a pas d'argent, que les caisses sont vides, qu'il faut se serrer la ceinture, et voici qu'on apprend que la SG est capable d'éponger en une année une perte sèche de 5 Mds d'euros,

Le problème, c'est que ça n'a plus aucune signification de dire aujourd'hui :" De l'argent, il y en a." Comme si on avait affaire à un petit patron qui compte ses billets ou ses pièces d'or avant de distribuer les paies au 19ème siècle.

Ces sommes, dont le montant dépasse l'imagination, sont purement virtuelles. Les banques et les diverses institutions financières, fonds de pension etc sont aujourd'hui des machines à fabriquer de l'argent. Quant aux banques centrales, elles peuvent en émettre à leur grè, de la même façon qu'on pouvait émettre des assignats sous la révolution française.

Mais ces sommes démesurées et virtuelles ne correspondent strictement à rien. Elles sont déconnectées de l'économie réelle, c'est à dire de la production. Elles ne correspondent pas à des produits ni même à des services disponibles sur le marché. Ce qui ne signifie pas qu'elles ne peuvent pas avoir d'impact sur l'économie à un moment ou un autre. Mais, si ces sommes étaient, par miracle, distribuées à la population, il en résulterait immédiatement de toute évidence une inflation gigantesque. Seule une petite partie est effectivement distribuée à des classes et catégories privilégiées, par exemple les patrons et grands cadres de banque et... les fameux traders. Bouton, patron de la SG, gagne à lui seul 10 Millions d'euros par an en + de son salaire, et 40 autres cadres de la SG gagnent davantage ! (Ce matin sur France Inter).

Autrement dit, de moyen d'échange représentant à l'origine de la monnaie or et des marchandises, la monnaie virtuelle s'est totalement émancipée de la sphère de la production. Le rééquilibrage s'effectue de temps à autre sous la forme de crises financières, par exemple celle de la bulle internet. La crise financière permet de détruire des stocks d'argent, de la même façon que la crise économique - et la guerre ! - permet de détruire des marchandises et des forces productives (dont des hommes). Chaque "agent économique" essaie de reporter sur les autres les consèquences de ces crises financières, c'est à dire de faire en sorte que ce soit l'argent des autres qui soit détruit et non le leur, par exemple
celui des petits épargnants - comme cela s'est passé lors des crises en Argentine et en Russie. La possibilité de faire porter sur les classes moyennes et les classes populaires les conséquences des crises financières est évidemment une question de rapport de forces. C'est pour cela que les Etats, qui essaient d'intervenir pour limiter les dégats, sont tout de meme prudents. Si, demain, on annonçait que les économies déposées à la caisse d'épargne ne valent plus rien, il y aurait peut-être un tsunami social qu'ils redoutent par dessus tout.

La crise financière débouche-t-elle obligatoirement sur une crise économique tout court, genre crise de 29 avec fermetures massives et brutales d'entreprises ? Pas forcèment, ça n'a pas été le cas jusqu'à présent. Tout dépend, comme le disent nos doctes "économistes" auto-proclamés, si l'économie "réelle" est saine. C'est à dire par exemple s'il y a surproduction, impossibilité d'écouler les marchandises etc. Force est de constater que cela n'a pas été le cas jusqu'à présent, même si une partie des classes populaires morfle : UN MILLION DE MENAGES AMERICAINS ONT PERDU LEUR LOGEMENT A LA SUITE DE LA CRISE DES SUBPRIMES.

Néanmoins, le réajustement économie virtuelle/économie réelle s'est fait jusqu'à présent sans déclencher de crise généralisée. Jusqu'à quand ? La période de développement du capitalisme consécutive à la 2ème guerre mondiale est-elle terminée ? Personne n'est capable de le dire. De même que personne n'était capable de prévoir l'extraordinaire développement économique de la Chine (qui s'est encore accéléré en 2007) et qui représenterait un des moteurs de l'économie mondiale, notamment en permettant de fournir à bas prix toutes sortes de produits aux populations des pays capitalistes riches et de limiter ainsi les luttes revendicatives.

Ce qui est certain, c'est que LA LUTTE DE CLASSES SERA UN DES FACTEURS DE LA CRISE. Tant que les travailleurs acceptent de payer les frais, catégorie après catégorie, le système continue à fonctionner. S'ils se révoltent la machine risque de se gripper.

Quant aux employés de la Société Générale qui ont manifesté contre une éventuelle reprise de leur banque et espère ainsi sauvegarder leur emploi, ils semblent avoir encore beaucoup d'illusions dans le système financier.

Mais ça n'a guère plus de signification de dire "de l'argent il y en a" (sauf comme mot d'ordre d'agitation discutable) que de dire "les caisses sont vides", comme le dit Sarkozy...
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Message par pedro » 01 Fév 2008, 17:44

Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à dire "de l'argent il y en a". Certes, on parle beaucoup d'économie virtuelle, de spéculation, mais les grandes fortunes n'ont rien de virtuel, les dividendes que vont toucher les capitalistes, au mois de mars, sont bien réels (et pas amputés par la crise), les salaires des grands patrons, toujours plus mirobolants, ne sont pas virtuels non plus.
pedro
 
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Message par Vérié » 01 Fév 2008, 18:06

(pedro @ vendredi 1 février 2008 à 17:44 a écrit : Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à dire "de l'argent il y en a".

Je ne dis pas que c'est choquant, mais que ça ne permet pas vraiment de comprendre la réalité économique. Quand Sarkozy dit : "Les caisses sont vides", c'est vrai dans l'absolu, puisque l'Etat est en déficit permanent. Mais ce déficit permanent n'a pas grande signification non plus. L'Etat le plus riche du monde, les Etats unis, ont aussi le plus gros déficit du monde. Donc, on ne tient pas compte de ce déficit pour revendiquer, ni du déficit réel ou imaginaire d'une entreprise dont les comptes sont hyper complexes et nous échappent. On revendique en fonction des besoins des travailleurs, que la société a aujourd'hui les moyens matériels de satisfaire. Ce n'est pas une question de quantité d'argent, qui n'a guère de sens.

On peut tirer argument du fait qu'une entreprise a fait X milliards d'euros de profits, mais, quand on bosse dans une entreprise qui perd de l'argent, on ne revendique pas ? A la société générale, on ne doit pas revendiquer parce qu'ils ont, semble-t-il, à peine équilibré les comptes en raison de cette perte de 5 Mrd€ ?
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Message par manu31 » 01 Fév 2008, 22:55

Je suis d'accord avec ce que tu dis Vérié mais tout de même: la SG a bel et bien payé ses créanciers auprès desquels elle s'était endettée à hauteur de 5 Mds, et ce, avant l'annonce du scandale.

La presse a rappelé à l'occasion que cette somme correspondait peu ou prou à leur bénéfice de 2006.

C'est là que je vois bien la preuve que "de l'argent, il y en a".
manu31
 
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Message par Vérié » 02 Fév 2008, 09:05

(manu31 @ vendredi 1 février 2008 à 22:55 a écrit :
C'est là que je vois bien la preuve que "de l'argent, il y en a".

De l'argent, il y en a toujours, puisque l'Etat -enfin la BCE - a la faculté d'en créer ou de creuser un peu son déficit chronique, ce qui revient au même. Mais il n'y en a pas forcèment sur le compte de telle ou telle entreprise, et ce n'est pas ce qui va nous empêcher de revendiquer.

Ce que je veux souligner, c'est que c'est une façon de raisonner qui perd de plus en plus toute signification. Ce n'est pas comme, par exemple au Moyen âge, quand un seigneur conservait des quantités de blé dans ses silos alors que les paysans crevaient de faim. Dans un cas on a une quantité précise de marchandises vitales à saisir et distribuer, dans l'autre il ne s'agit que d'une comptabilité complètement artificielle. On ne va pas saisir de l'argent virtuel : on répartira les biens disponibles d'une autre manière (en utilisant l'argent au début, mais seulement comme moyen de répartition.)

On peut bien entendu dénoncer telle ou telle dépense (armements etc), tel ou tej cadeau fiscal aux riches et aux patrons, mais nous n'avons pas à nous préoccuper de la quantité d'argent créé par la bulle financière qui est purement virtuelle. Par exemple, toutes ces histoires de comptes équilibrés, de trou de la sécu etc. Il faut éviter de discuter sur ce terrain. Le trou de la sécu, c'est uniquement en fonction d'une certaine façon de le calculer. Et, quand bien même y aurait-il un gouffre à la sécu, notre santé vaut davantage que leurs profits !
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Message par shadoko » 02 Fév 2008, 12:55

a écrit :
Autrement dit, de moyen d'échange représentant à l'origine de la monnaie or et des marchandises, la monnaie virtuelle s'est totalement émancipée de la sphère de la production. Le rééquilibrage s'effectue de temps à autre sous la forme de crises financières, par exemple celle de la bulle internet.

Je suppose que tu vois que la deuxième phrase contredit directement la première.
shadoko
 
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Message par Vérié » 02 Fév 2008, 13:15

(shadoko @ samedi 2 février 2008 à 12:55 a écrit :
a écrit :
Autrement dit, de moyen d'échange représentant à l'origine de la monnaie or et des marchandises, la monnaie virtuelle s'est totalement émancipée de la sphère de la production. Le rééquilibrage s'effectue de temps à autre sous la forme de crises financières, par exemple celle de la bulle internet.

Je suppose que tu vois que la deuxième phrase contredit directement la première.

Pardonne-moi, mais je ne vois pas cette contradiction. La sphère financière a une autonomie évidente et indiscutable, elle fonctionne selon ses propres lois etc. Mais je n'ai pas dit qu'elle était pour autant détachée ad vitam aeternam de l'économie réelle. C'est pour cela que la bulle explose de temps à autre.

Ce que j'ai écrit, c'est que ces sommes gigantesques et virtuelles qui se balladent sur le net d'un continent à l'autre, produits de la spéculation pure, n'ont plus aucune signification en ce qui concerne la richesse réelle de la société, car elles ne représentent plus des marchandises. Il y a un décalage monstrueux entre la richesse virtuelle et la richesse réelle. Et nous constatons que, quand la bulle éclate pour combler ce décalage, parfois ça n'a pas ou peu de conséquences sur l'économie réelle, parfois cela en a davantage. Jusqu'à présent, ces conséquences n'ont pas suffi à déclencher une crise comparable, même de très loin, avec la crise de 29. Ce qui ne veut pas dire non plus que ça n'arrivera pas. Personne n'en sait rien... Mais il semble que les causes prodondes se situent à un autre niveau : surproduction, baisse du taux de profit etc; l'éclatement de la bulle n'étant que la mèche de la bombe à retardement. Ou la petite bombe classique qu'on place dans les bombes H pour les faire péter...

Vérié
 
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Message par Matrok » 02 Fév 2008, 15:07

Toute cette discussion est passionante. Je ne vais pas m'immiscer dans le débat "argent fictif ou pas" (because je suis une tanche en économie), mais il me semble en tout cas que cette affaire de la SG est une bonne occasion pour populariser l'idée de la levée du secret bancaire et commercial.
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Message par pedro » 02 Fév 2008, 17:30

On est bien d'accord, Vérié, sur le fait qu'il ne suffit pas de dire aux gens "de l'argent, il y en a". C'est évident.
Mais tu reconnais quand même qu'il y en a, ou du moins, qu'il en est fabriqué :

a écrit :De l'argent, il y en a toujours, puisque l'Etat -enfin la BCE - a la faculté d'en créer ou de creuser un peu son déficit chronique, ce qui revient au même. Mais il n'y en a pas forcèment sur le compte de telle ou telle entreprise, et ce n'est pas ce qui va nous empêcher de revendiquer.


Plusieurs centaines de milliards d'euros ou de dollars ont été réinjectés, pour soutenir les banques, par les banques centrales. Celui-ci n'est évidemment pas virtuel.

Ceci dit, tout comme matrok, je ne suis pas un super as en économie.
pedro
 
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