(Libération a écrit :
Olivier Besancenot. Alors que la LCR entame sa refondation dans un nouveau mouvement, le très populaire trotskiste n’entend pas en prendre la tête pour éviter le piège de la personnalisation.
La gauche, c’est lui ? «A gauche, il n’y a plus que vous.» Cette phrase, Olivier Besancenot l’a beaucoup entendue à l’automne dans la bouche des cheminots en grève contre les régimes spéciaux, de salariés en lutte ou d’étudiants venus à une des «réunions fourmilières» de la LCR pour participer à la création du «parti d’Olivier». Alors que le 17e congrès de la Ligue communiste révolutionnaire, qui s’ouvre aujourd’hui à la Plaine-Saint-Denis, en banlieue parisienne, doit procéder à la mise sur orbite d’une nouvelle formation, son «Lider maximo» se retrouve face à un véritable casse-tête : mettre sa popularité grandissante au service de son entreprise, tout en évitant le piège de la personnalisation. «Ce ne sera surtout pas le parti d’Olivier Besancenot. Ce serait un échec politique et personnel, précisait l’intéressé, hier, à Libération. Dans les réunions publiques, ce qui plaît, c’est l’idée pour ceux qui luttent de se représenter eux-mêmes dans un parti anticapitaliste. Un parti qui veut révolutionner la société, à plusieurs visages, dont je ne serai que l’un des porte-parole. Le risque serait de continuer à surfer sur ce qui s’est passé depuis six mois.»
Figure d’opposition. Certes, depuis ses 4,08 % à la dernière présidentielle - le double du score de Marie-George Buffet (PCF) -, Besancenot occupe l’espace de la radicalité. Mais il s’est imposé, au-delà des franges traditionnelles de l’extrême gauche, comme l’une des principalesfigures d’opposition à Nicolas Sarkozy. Dans les cortèges, comme sur les plateaux télés, où il rive leur clou aux ténors de droite. «Il n’y a personne entre Sarko et Besancenot», feignait de croire, en novembre, un député UMP. Lui répète qu’il ne «tortille pas», à l’inverse du PS, qui s’oppose «sur la forme, parce qu’il est d’accord sur le fond» avec les réformes du gouvernement. En pleine crise du pouvoir d’achat, la popularité de Besancenot fait aussi écho à son discours sur la nécessaire redistribution des richesses entre salariés et actionnaires. Résultat, dans le dernier baromètre Libération-LH2 des «meilleurs leaders», les sympathisants de gauche placent le leader de la LCR en troisième position, derrière Royal et DSK, mais devant Delanoë.
Jean, tee-shirt, baskets. A 33 ans, avec son immuable panoplie jean, tee-shirt et baskets noirs, le voilà «porte-voix de ceux qui luttent», se délectent ses deux mentors de la LCR, Alain Krivine et François Sabado. Et Paris Match de qualifier de «Che sans les poils» ce fils d’un professeur de physique et d’une psychologue scolaire retraitée, Geneviève Besancenot, candidate sur la liste LCR aux municipales de Louviers (Eure). «Olivier a commencé à militer à l’âge de 15 ans sur l’antiracisme et a été politisé par un prof d’allemand qui militait à la Ligue», raconte Krivine. Olivier Besancenot y adhère en 1991, à 15 ans. Après une licence d’histoire à Nanterre, il entre à La Poste en 1997. Aujourd’hui employé à temps partiel au centre de Neuilly-sur-Seine, il gagne 1 000 euros net. «Olivier bosse les mercredi, jeudi, vendredi et un samedi sur deux», précise Krivine. Ce qui, depuis 2002, lui a permis de sillonner les «boîtes en lutte», de Citroën à Playtex, de la Snecma à Well, et de devenir, selon un camarade, une sorte de «superdélégué du personnel pour tous les salariés qui souffrent».
Posture. Sur une ligne gauchiste radicale depuis ses débuts à la LCR, Besancenot se rapproche de Krivine, dont il est l’assistant au Parlement européen, au début des années 2000. Le convainc que la posture «révolutionnariste», 100 % indépendante du PS, sera payante. D’où le dézinguage par la direction de la LCR de la tentative de candidature unique antilibérale à la présidentielle. Et le refus de s’adresser à la palette des sensibilités antilibérales au sein du PCF, du PS et des écologistes pour monter le nouveau parti. «Besancenot a crevé l’écran par son talent, regrette Christian Picquet, de la minorité «unitaire» de la LCR. Si seulement il le mettait au service d’une ligne d’ouverture, il casserait la baraque. Au lieu de s’enfermer dans une logique de rabougrissement autour d’une Ligue élargie et relookée.»
Pour ne pas donner l’impression que tout est ficelé, la LCR, qui espère tripler ses effectifs actuels (3 000 adhérents) et jure qu’elle se dissoudra dans la nouvelle structure, annonce un congrès constituant à l’automne. Et reste floue sur le nom du nouveau parti, tout comme sur son contenu. «Guévariste, syndicaliste révolutionnaire, altermondialiste, féministe… et pourquoi pas garagiste», ironise un dirigeant d’Alternative libertaire. Un flou qui oblige beaucoup de sympathisants à qualifier la future formation de «parti d’Olivier». Et condamne pour l’heure Besancenot à en rester l’étendard.