Certains connaissent ?
a écrit :TELERAMA :
Documentaire de Heidi Specogna (Allemagne/Suisse, 2006). 90 mn. Inédit. José Antonio Gutierrez aurait normalement dû rester anonyme. Un numéro parmi les trois mille cinq cents (et quelques autres...) soldats américains morts en Irak. Mais il se trouve qu’il a été le premier de la liste, victime à l’âge de 23 ans d’un tir « ami », le 21 mars 2003, quelques heures après le déclenchement de la guerre ; qu’il n’avait pas, détail intrigant, la nationalité américaine ; et, surtout, qu’une cinéaste s’est intéressée à son histoire. Portrait, enquête, reportage, voyage ? Peu importe, Heidi Specogna fait œuvre magistrale en partant sur les traces de l’ex-enfant des rues guatémaltèque, grandi dans un orphelinat entre dictature et guérilla, immigré illégal aux Etats-Unis, qui relève la promesse de Bush d’une naturalisation en échange d’un engagement… La quête du marine perdu devient road-movie aux côtés des migrants clandestins qui tracent leur chemin vers la terre promise, de trains de marchandise en halte dans les refuges, jusqu’à la barrière de Tijuana ; entre deux témoignages, on s’attarde, sans exotisme, sur un paysage urbain désolé ou sur le visage d’un enfant ravagé. A l’arrivée, le tableau n’est pas à charge, dégage une vérité complexe – oui, José Antonio Gutierrez a bénéficié de toutes les aides financières, a été pris en charge par des familles d’accueil, a eu accès à la scolarité et même à l’université –, mais accablante : non, le gamin « ne rêvait pas d’entrer dans les marines » mais d’être architecte ; il était bien le produit de la politique catastrophique des Etats-Unis en Amérique centrale ; il n’a eu qu’une attestation posthume de naturalisation ; et sa dernière famille d’accueil négocie les droits d’un film avec Hollywood. La courte et lamentable vie du marine Gutierrez a devant elle un bel avenir… Vincent Remy