par regivanx » 05 Oct 2007, 12:52
Je pense que l'appréhension de Puig Antich n'est pas injustifiée. Le fait que la signature de Besancenot apparaît sur le même document que celle de Villepin pose une question qui mérite d'être éclaircie.
Cette question est « pourquoi Besancenot et Villepin ont pu signer un même document au sujet de l'immigration ? » On pourrait répondre dans un premier temps : parce qu'il existe un dénominateur commun à leurs conceptions. Mais cela paraîtrait bizarre : si on avait dit dans le passé que des membres de la LCR et de l'UMP signeraient un document commun au sujet d'un accord partiel sur l'immigration ; tout le monde aurait été bien étonné. Le fait que ce document soit une pétition et que l'accord porte précisément sur l'ADN ne change rien à l'affaire.
L'insuffisance d'une telle interprétation prise abstraitement provient du fait qu'il n'existe pas que des raisons positives pour signer un pétition, mais aussi des raisons négatives pour ne pas la signer. Ces raisons peuvent-être que la pétition n'est pas révolutionnaire ou qu'elle est réformiste. De plus, un contenu qui autorise Villepin à signer une pétition est une des raisons pour ne pas la signer.
Certains diront : on ne pouvait pas savoir à l'avance que des personnes aussi peu recommandables que Villepin allaient la signer. Il faut donc prendre ses responsabilités et signer en son âme et conscience, quelques soient les autres personnalités qui pourraient le faire. On pourrait dire que cette réponse est honnête. Cependant, le fait qu'une personne comme Villepin signe le même document que Besancenot sanctionne aussi que :
_ soit Villepin a signé contre son intérêt un document favorisant la prise de conscience révolutionnaire,
_ Soit Besancenot a signé contre son intérêt un document défavorisant la prise de conscience révolutionnaire,
_ Soit Villepin est un révolutionnaire,
_ Soit Besancenot est un réformiste.
Dans le cas contraire, il faudrait admettre que des révolutionnaires et des réactionnaires pourraient avoir les mêmes intérêts sur une partie d'un problème aussi cruciale que l'immigration.
Si la LCR était révolutionnaire, elle aurait demander que la pétition soit reformulée avant d'accepter de la signer. Ça n'aurait rien eu d'extraordinaire de la part d'une organisation comme la LCR. Elle aurait pu demander que la pétition soit rédigée de telle sorte Villepin ne puisse pas la signer. En effet, quel intérêt de faire l'agitation d'un document signé et par Besancenot et par Villepin ? Faire croire que les émigrés ont certains intérêts communs avec les gaulistes de la vieille école ? Ce serait éroder la conscience de classe. Avoir le plus grand nombre de signatures ? Ce serait faire croire que des signatures puissent faire bouger le gouvernement. Pire encore, cela pourrait faire croire que c'est l'association des signatures de droite et de gauche, indépendamment de la classe social, qui pourrait tout changer. À moins que ce soit pour une raison encore plus opportuniste, sans arrière pensée : c'est simplement pour la publicité. Tout le monde parle de la loi sur l'ADN, alors ce serait bien d'apparaître sur une pétition qui est contre et qui est populaire, quel que soit son contenu politique.
La pétition est effectivement rédigée de telle sorte que n'importe qui puisse la signée. Naturellement, on ne pouvait pas en demander plus à Charlie Hebdo. Elle ne contient aucune revendication révolutionnaire, pas même réformiste : elle est pour le maintient de ce qui est. C'est pourquoi la satisfaction de ses revendications n'apporteraient strictement rien à la classe ouvrière ou aux émigrés, seulement ce qu'on pourrait appeler un « manque à perdre ». Ce qu'aurait pu apporté Besancenot, et qu'il n'a pas fait, c'est de demander que la pétition exige la régularisation de tous les sans papier, ce qui serait un réel progrès (même réformiste).
Mais on dira : peut-être que Charlie Hebdo aurait refusé, sûrement même ! Il aurait été engagé par ses propres signatures et aurait dût reconnaître son erreur (ce qui n'arrive jamais à notre époque). Et la LCR n'aurait pas pu signer une pétition populaire. Que voulez-vous, c'est aussi ça prendre ses responsabilités. Cependant la LCR aurait pu ne pas en rester là. Elle aurait pu à son tour dénoncer Charlie Hebdo à la classe ouvrière et aux émigrés : voyez Charlie Hebdo qui prétend défendre les immigrés, ils refusent de revendiquer la régulation de tous les sans papiers, ils veulent que tout reste comme maintenant, il préfère s'allier à la droite ! Si vous vous résigner à vous soumettre à votre condition présente, le gouvernement n'hésitera pas à vous écraser encore plus, et la loi sur l'ADN, et d'autres lois encore plus dures seront adoptées. Ne signez pas la pétition !
Ce qui aurait été l'occasion par exemple, pour la LCR, de lancer sa propre pétition. Avec notamment les mots « régularisation de tous les sans papier ». Clauswitz disait qu'on ne pouvait se contenter d'un but purement passif pendant la guerre : l'ennemi vous rognerait progressivement jusqu'à votre anéantissement. Mais cette pétition aurait été signée par beaucoup moins de personnes ! Peut-être. Elle aura été justement expurgée de tous les droitiers et d'une partie des sociaux démocrates irrécupérables. Si en effet une personne refusait de signer une pétition avec cette revendication positive sous prétexte que la pétition rassemblerait moins de signatures qu'une autre, il ne signerait certainement pas en son âme et conscience ! Du reste il n'est pas certain qu'une pétition demandant, en plus du retrait du projet de loi, la régularisation de tous les sans papiers, aurait moins de signatures qu'une autre ne le demandant pas. Si une telle pétition avait été lancée par la LCR, on peut même tabler sur l'inverse.
La signature d'une pétition n'a de sens que si elle permet à ses signataires et aux autres de prendre conscience de leur communauté d'intérêts et de vus sur une question particulière. Se découvrir une communauté d'intérêt avec Villepin, ça ne fait pas avancer la conscience de classe. En même temps, elle ne doit pas faire passer l'illusion qu'à elle seule la pétition pourrait modifier les choses. La LCR ne satisfait ni l'une ni l'autre de ces conditions dans le traitement du problème des pétitions.