Mais pourquoi le nationalisme Corse ?

Marxisme et mouvement ouvrier.

Message par bidule » 09 Sep 2007, 20:34

(Artza sur le fil "il faut décoloniser la France" a écrit :Le problème de la Corse depuis cinquante c'est pas d'être une colonie mais qu'il n'y ait plus de colonie.

Ah, du temps de l'Indochine, avec le boy et la congaï, les "petites maisons" de Cholon, l'apéro rue Catinat et les journées à se prélasser au Cap-St-Jacques. Après ces années au service de la mission civilisatrice de la France , le retour avec la pension.


Tu as l'air d'en connaître un rayon.

Si là est le fond de toute l'affaire, à savoir la fin des retombées du colonialisme :ohmy: , ça la fout mal pour les nationalistes. Il va me falloir du doigté pour y faire allusion sans que cela passe comme une allégation trop provocatrice :17:

Je sais qu'effectivement la Corse a fourni un nombre important de candidats à l'aventure coloniale.

Mais rien de ce que je sais n'a de "chair" : ni film, ni roman pour illustrer les "spécificités" de ce que les Corses ont pu vivre.

l'autre phénomène qui a effectivement marqué la Corse, et particulièrement le mouvement nationaliste : le retour des pieds-noirs (probablement ceux originaires de Corse).

Le mouvement nationaliste semble avoir décollé suite aux conséquences de ce retour, ou peut-être à la politique de l'Etat français en Corse vis à vis de ce phénomène (du type "diviser pour régner"), je ne sais pas.

Sur un site présentant une chronologie très sommaire du nationalisme ("le portail politique de la lutte de libération nationale"), la première date citée est : 1957 et des plans de développement du tourisme d'une part et de l'agriculture d'autre part, avec des subventions à la clef.

Ensuite, on saute en 1964, avec le "problème des pieds noirs" sans préciser lequel.

L'acte de naissance du nationalisme est souvent cité comme étant "la prise d'Aléria" en 1975
(http://storiacorsa.unita-naziunale.org/H1975.htm a écrit :
Le 17 août 1975 : à CORTI, 8000 personnes se sont réunies sous le chapiteau lors d'une réunion de l'ARC, c'est le neuvième congrès

Le 21/21 août 1975 : "LA PRISE D'ALERIA"
Après l'arrivée des "pieds-noirs" en Corse en 1962 et à la suite de magouilles dans les caves viticoles, des autonomistes de l'A.R.C., conduits par EDMOND SIMEONI prennent en otages les ouvriers de la cave DEPEILLE à ALERIA.
Deux membres des forces de répression sont tués par des tireurs isolés, aucun coup de feu mortel n'est parti de la Cave viticole : le maréchal des logis MICHEL HUGEL et le gendarme GIRAUD et plusieurs blessés dont un grave : PETRU SUSINI, militant de l'A.R.C.

Présent dans la cave : EDMOND SIMEONI, PETRU SUSINI, PETRU POGGIOLI

Le soir du 22 août à BASTIA, un automobiliste est blessé à l'épaule par un coup de feu d'un CRS trop nerveux.

Le mercredi 27 août 1975 : après la prise d'ALERIA, dissolution de l'ARC dans l'après-midi.

Dans la nuit du 27 août 1975 au jeudi 28 août 1975 : le soir même des incidents opposent les forces de répression et les manifestants, au départ des jets de bouteille en verre, puis des patrouilles de fourgons chargés de CRS, les pierres volent, les premiers blessés matraqués par les CRS, un directeur de garage et son fils, le bar LE RALLYE est pris d'assaut par les flics, les pierres et autres objets font front contre les grenades lacrymogènes. Plus de deux heures durant, le jeu du chat et de la souris, les vitrines du Crédit Agricole, du BIAO, de la BNP et autres officines de l'Etat volent en éclats. A deux heures trente du matin, le sang coule à BASTIA au cours d'une véritable insurrection où les armes à feu prennent le relais des pierres. Quatre CRS blessés au premier coup de feu, puis un CRS est tué.

La "nuit rouge de BASTIA", à l'appel de l'ARC, c'est la révolte contre les "forces d'occupations étrangères".


Première action coup de poing (cette chronologie ne dit pas si elle a été décidée à l'occasion du 9è congrès de l'ARC, mais la proximité des dates le suggère fortement), premier affrontement avec l'Etat français et sa police. Des blessés, des tués, une "insurection".
La chronologie ne dit pas non plus s'il s'agit d'une insurection des "manifestant" ou de la population du quartier de Bastia où les affrontements ont lieu.

(herodote.net a écrit :Des militants de l'ARC (Action de la Renaissance de la Corse), un groupuscule dirigé par le médecin Edmond Simeoni, avaient occupé la veille une cave viticole de la plaine d'Aléria, qui appartenait à un réfugié pied-noir d'Algérie. Ils exigeaient que soient mieux pris en considération les intérêts des Corses et mis fin à une certaine «colonisation» de l'île.

Depuis le retour des pieds-noirs d'Algérie, treize ans plus tôt, le gouvernement français avait en effet facilité l'installation de plusieurs d'entre eux, anciens exploitants agricoles de la plaine de la Mitidja, dans les friches de la plaine d'Aléria.

Le matin du 22 août, trois escadrons de gendarmerie venus du continent, au total un millier d'hommes, prennent position autour de la cave. Une réaction de fermeté qui surprend par sa démesure, de la part du gouvernement de Jacques Chirac, Valéry Giscard d'Estaing étant président de la République.

Face aux forces de l'ordre, les militants sont au nombre d'une douzaine, armés de fusils de chasse. Ils refusent de se rendre et l'assaut est donné à 16 heures. Plusieurs assiégés sont blessés. Deux gendarmes sont tués.

Quelques jours plus tard, une manifestation à Bastia fait à nouveau un mort dans les forces de l'ordre. C'est le début d'une longue période de troubles dont l'île de Beauté peine à sortir.

Edmond Simeoni est condamné à 5 ans de prison dont deux avec sursis.


On a d'un côté la volonté des nationalistes de montrer leur force et leur détermination sur un sujet... les "magouilles de pieds-noirs en Corse"
De l'autre celle de l'Etat français de manifester leur fermeté à ne pas tolérer l'activisme des nationalistes - ou celle de protéger les pieds noirs ?.

Au fait, en quoi a consisté la première "action" médiatisée des bolchéviks ?

- l'agitation dans les usines conduisant à des grèves et par réaction à la répression tsariste et l'arrestation des militants ? Pas une grève "fameuse" en particulier ?

- les campagnes pour les élections legislatives et l'obtention de députés bolchéviks au parlement tsariste ?

- la révolution d'octobre 1917 (en 1905, ils n'étaient pas, je crois, sur le devant de la scène) ?
bidule
 
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Message par bidule » 09 Sep 2007, 21:05

Tiens, je tombe sur un texte très intéressant :
Origine Historique du Nationalisme Corse
(Roger Caratini % Histoire du Peuple Corse % Éditions Criterion % Paris 1995 a écrit :lorsque le gouvernement français commence à s'interroger sur la Corse (vers 1955), il y voit une terre d'accueil pour les futurs Français rapatriés des colonies sur le point d'être perdues. Pour la première fois depuis 1768, une volonté politique tendant au développement de la Corse se manifeste... mais ce n'est pas le peuple corse qui doit en profiter !

a écrit :l'État français crée une société d'économie mixte pour la mise en valeur agricole de la Corse (réclamée par les insulaires depuis près de deux siècles), la SOMIVAC (en 1957), et une autre pour son développement touristique, la SETCO

a écrit :Vers 1962 débarquent à Bastia et Ajaccio les premiers "rapatriés" d'Algérie, qu'on nomme les "Pieds-Noirs".

Au total, ils ne sont pas très nombreux : une vingtaine de mille sans doute, femmes et enfants compris (soit 10% de la Corse).

La SOMIVAC leur avait préparé le terrain. La plaine orientale, où régnait jadis la malaria, assainie par les Américains au cours de la Seconde Guerre mondiale, a été aménagée, viabilisée. De vastes travaux d'irrigation, de retenue d'eau dans les montagnes qui la dominent, d'électrification, ont fait de cette étendue de ronces et d'eaux stagnantes une plaine agricole, avec 43 000 hectares cultivables qui fournissent (jusqu'en 1984 environ) 70% des vins corses, 80% de la production fruitière de l'île et 85% de ses agrumes. Les terres furent divisées en lots et cédées aux agriculteurs rapatriés, qui bénéficièrent d'importantes aides financières.

Tout cela fut réalisé au vu des insulaires qui n'entrevoyaient pas, dans les années soixante, les possibilités économiques de l'agriculture et du secteur agroalimentaire, et qui croyaient encore, pour la plupart, en la valeur des débouchés administratifs traditionnels
.


a écrit :Les entreprises des rapatriés semblaient florissantes, certes, parce que ceux-ci y travaillaient d'arrache-pied, mais non pas uniquement pour cette raison. L'aide gouvernementale aux investissements, l'utilisation d'une main-d'oeuvre maghrébine à bas salaires, un certain laxisme fiscal et social, le sens des arrangements - voire des combines- et le jeu des influences, tout cela contribuait pour une très grande part au succès des "Pieds-Noirs".


Donc :
- les Corses préfèrent encore la fonction publique à l'agriculture et au tourisme (comme source de revenu), même si, comme le fait remarquer Arzta, les places dans l'administration coloniales n'existent plus qui leur valaient de substantielles pensions
- Les pieds noirs rapatriés d'Algérie (ou d'ailleurs ?) prospèrent, qui ont dû apporter quelques... traditions coloniales dans l'agriculture et dans les rapports avec l'administration ("pures" suppositions). Avec l'aide de l'Etat.
Les choses vont plutôt bien.

Et puis patatras :
a écrit :Les causes de l'explosion nationaliste sont nombreuses et confuses. La crise économique qui s'annonçait, vers 1970-1972, en est une des plus sérieuses : à partir du moment où les Corses allaient renoncer à s'expatrier, faute de débouchés, ils allaient se heurter, fatalement aux "Pieds-Noirs" et autres non-Corses qui occupaient déjà le terrain encombré de l'agriculture et du tourisme (80% des entreprises contrôlées par des non-Corses).


a écrit :Les évènements de mai 68 avaient axalté les jeunes Corses qui faisaient leurs études de droit ou de médecine à Paris, Aix-en-Provence, Montpellier ; un certain romantisme nationaliste, comparable à celui des intellectuels italiens du Risorgimento, les emportait vers les rêves les plus fous 'en apparence) que soutenait la rhétorique des leaders.

Dès lors, partis, mouvements, comités vont se former, autour de quelques personnalités, qui militaient pour la défense de la Corse et de sa culture, avec des prises de position politiques plus ou moins assurées, orientées généralement vers le centre gauche, la gauche ou le gauchisme, alors à la mode...


"Ces personnalités qui militaient pour la défense de la Corse" étaient apparues quelques années plus tôt parmi les étudiants corse à Paris, qui ne défendaient alors qu'un nationalisme culturel
a écrit :en 1960 est créé la revue Union Corse et l'année suivante, toujours à Paris, se forme l'Union des étudiants corses (1961) ; le mouvement traverse la méditerrannée et à Vivario, au centre de la Corse, loin de toute université, est fondé l'Union nationale des étudiants corses (UNEC)... des étudiants que l'isolement scolaire de l'île oblige à s'expatrier pour étudier, comme aux temps génois. Dans ces mouvements, il n'est pas encore question d'autonomie, encore moins d'indépendantisme, ni même de reconnaissance d'un quelconque >. Ce qui est en cause, dans ces milieux, c'est l'identité culturelle, la léthargie économique de la Corse, la réforme de la société, etc...


L'indépendantisme corse issu de mai 1968 et de la crise de 1973 ?

Les choses deviennent un peu plus claires...

Mais quelle proportion de rapatrié est venue s'installer en Corse ?

Y-a-t'il eu en métropole un phénomène de rejet des pieds-noirs ? Des aides autres que les logements, nombreux, qui ont été construits à cette époque ?
bidule
 
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Message par Wapi » 09 Sep 2007, 21:29

On peut rajouter un autre élément.

Quand les "parrains corses" du continent, qui ont prospéré sous de Gaulle, comme les célèbres frères Guérini entre autres, ont fini par ne plus tenir le haut du pavé du Milieu parisien et marseillais, ils se sont repliés sur l'île pour y développer leurs activités maffieuses à partir des années 70-80. Les groupes nationalistes ont offert alors à certains une niche écologique tant il est vrai que ces mouvements ont besoin d'argent et ne sont pas très regardant parfois sur sa provenance...

Un bon bouquin sur le sujet, en particulier sur les premières périodes, avec ses limites journalistiques toutefois :

Les Parrains corses.
Wapi
 
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Message par bidule » 09 Sep 2007, 23:09

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Message par yannalan » 10 Sep 2007, 09:39

Ce que dit Artza sur les fonctionnaires coloniaux est un peu caricatural, mais assez vrai quand même. Les pensions n'étaient pas mirobolantes à ce point, mais on le sobtenait assez vite dans la mesure où dans certaines colonies une année pouvait compter double voire triple, en cas de campagne militaire, selon pénibilité du boulot et du climat.
En dehors des corses, on trouvait des gens originaires en général des régions pauvres (bretons, catalans,...) Mes deux grands-pères, le catalan et le corse sont allés là-bas, mais en tant que fonctionnaires civils au Maroc, ça ne rapportait pas autant.
Historiquement la Corse est en Frace depuis moins longtemps que la Martinique, par exemple. Il y a une série d'usages locaux qui perdurent, le fait d'être une île qui isole un peu. L'intégration n'a pas été paisible.
Politiquement, l'île a été gérée par deux ou trois familles qui régnaient et règnent encore sur leurs réseaux de clientèle.
Sur l'arrivée des pieds-noirs : parler de "retour" me semble un peu abusif, la plupart ne connaissaient pas la métropole, sinon pour y avoir combattu en 43/45
et peu étaient d'origine corse. Les terres de la Plaine Orientale leur ont en effet été vendues et ils ont fait venir leurs anciens ouvriers. Le comportement a pu faire en effet prendre conscience aux corses que des gens venaient les occuper et entraîner des assimilations au colonialisme , le fonctionnement de la France faisant que tout est décidé à Paris.
Après, comme le rappelle Bidule, les étudiants ont commencé à se regrouper et à lire les mêmes livres que leurs camparades du continent, en pleine période tiers-mondiste. Je résupme et on arrive à Aleria, qui est l'"acte fondateur", suivi par des affrontements violents à Bastia, causés en partie par une réponse hyper violente de l'Etat qui a envoyé blindés et helicoptères sans négocier ou presque. Après le mouvement nationaliste s'est développé, bien accueilli à cette époque, je le voyais bien dans ma famille et chez les voisins, dans la mesure où il osait aussi metre en cause les vieilles familles dominantes, dites, "les clans".
Après 30 ans, le bilan est sombre pour eux : il reste le STC qui a une grosse influence en terme de résultas aux prudhommes par exemple. Les groupes politiques sont complètement éclatés, les organisations armées aussi, au point que l'on ne sait plus qui est qui.
Pour ce qui est des parrains, ils n'ont riend e spécilaement nationalistes, lls ont toujours entretenu des liens avec les pouvoirs en place : Defferre à Marseille pour les Guérini, les gaullistes à la Pasqua pour les "africains" comme Colonna, etc... Avec les nationalistes, il y a eu des frictions assez dures comme l'affaire Orsoni.

Alors la Corse doit-elle être en France ? Moi, perso, ça m'est assez égal. J'aurais tendance à dire qu'une séparation pousserait à chercher un financement ailleurs que dans des subventions qui s'évaporent mystérieusement. Mais ça ne ferait ni avancer ni reculer la révolution
yannalan
 
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Message par bidule » 12 Sep 2007, 19:21

Merci Yannalan, pour ton témoignage.
(Yannalan a écrit :qu'une séparation pousserait à chercher un financement ailleurs que dans des subventions qui s'évaporent mystérieusement.

Tu penses à quoi ? Quelles nouvelles sources de financement ?
bidule
 
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Message par yannalan » 13 Sep 2007, 08:40

(bidule @ mercredi 12 septembre 2007 à 19:21 a écrit : Merci Yannalan, pour ton témoignage.
(Yannalan a écrit :qu'une séparation pousserait à chercher un financement ailleurs que dans des subventions qui s'évaporent mystérieusement.

Tu penses à quoi ? Quelles nouvelles sources de financement ?
De toutes façons, dans le cadre du capitalisme. Que les gens qui ont du pognon là-bas l'investissent et s'en servent. A Malte, ils arrivent à s'en tirer sans continuité territoriale et sans fonctionnaires payés par la métropole.
Je rapprocherais assez les DOM de cette situation.
yannalan
 
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