Ci-dessous un article du dernier numéro de "Convergences Révolutionnaires" (1€50
) que je trouve pas mal du tout... :wub:
a écrit :LCR et LO en chemin vers un parti ?
Les résultats des présidentielles ont montré qu’un courant électoral se maintient en faveur de l’extrême gauche : 2 millions de voix pour les révolutionnaires, à comparer aux 1 million et demi de 1995 et aux 3 millions de 2002. Revient donc naturellement la question de savoir si ce ne serait pas l’occasion et le moment de capitaliser cette sympathie pour faire un pas dans la construction du parti ouvrier révolutionnaire que nous appelons de nos vœux ?
C’est en tout cas l’opinion exprimée par la LCR, sortie en meilleure position que LO des péripéties électorales : « Pour s’opposer à cette droite arrogante, il est temps que les salariés disposent d’un parti aussi fidèle à leurs intérêts que l’UMP l’est à ceux du Medef. La LCR consacrera tous ses efforts dans les mois qui viennent à ce qu’un tel parti anticapitaliste voit le jour rassemblant tous ceux et toutes celles qui veulent que s’affirme une gauche de combat. »
Alléchant ! Mais cela demande pourtant quelques clarifications. D’abord pourquoi des militants communistes devraient-ils limiter leurs prétentions aujourd’hui à vouloir construire un parti « anticapitaliste » ? Car l’ambiguïté de la formule laisse en suspens une question de taille : l’objectif est-il de s’opposer à certains méfaits du capitalisme ou de le renverser ? Et dans ce dernier cas, par des réformes ou par la révolution ?
Parti anticapitaliste ?
On peut certes imaginer des situations où une organisation regroupant trotskistes et réformistes radicaux serait une étape nécessaire pour construire le parti révolutionnaire. Encore faudrait-il que ces réformistes radicaux, sans être convaincus au départ de la nécessité de la révolution… n’en soient pas des adversaires acharnés et irréductibles, absolument pas susceptibles d’être convaincus dans le cours de la lutte de classe.
La LCR pense trouver ses futurs partenaires parmi « ceux qui veulent que s’affirme une gauche de combat ». Elle vise même à rassembler « tous ceux-là ». Mais aujourd’hui le terme de « gauche », recouvre une grande variété de courants dont la plupart ne défendent pas les intérêts des travailleurs, quand ils ne vont pas carrément à leur encontre (mais qui peuvent quand même se prétendre « de combat », c’est si facile quand on ne précise pas de quel combat il s’agit… ). Alors à quelle fraction de la gauche la LCR adresse-t-elle sa proposition ? Où voit-elle des réformistes radicaux et les travailleurs qu’ils influencent pour former une organisation commune ?
La LCR les a pourtant cherchés activement depuis le référendum de 2005. Elle a voulu trouver, dans les « collectifs antilibéraux », un accord pour présenter un candidat commun avec le PC et la mouvance de Bové. C’est-à-dire qu’elle a déjà tenté de construire une force politique avec eux. Cette expérience a été un échec. Et heureusement de notre point de vue puisque la suite a montré dans quelle impasse Buffet et Bové auraient entraîné la LCR : la première a fait une campagne « responsable », affirmant vouloir « reconstruire une majorité de gauche », le second a renié son indépendance affichée le lendemain du premier tour en… acceptant une mission pour Ségolène Royal ! Quant à la campagne de la LCR, en tant que telle, sur le programme d’urgence pour les travailleurs, elle a été bien plus efficace auprès de l’électorat populaire.
Elle n’a pas fière allure la dite « gauche de la gauche » ! Si c’est avec elle que la LCR entend faire le parti anticapitaliste, l’histoire simplement se répétera. Si c’est avec d’autres, c’est avec des politiciens encore plus à droite, sortis du PS par exemple. Certes, il y a fort à parier que durant la « rénovation » annoncée du parti, des « jeunes lions » voire des vieux chevaux ou éléphants de retour se draperont dans l’anticapitalisme et prétendront appeler de leurs vœux une gauche plus combative, une « gauche de combat ». Céder à leurs sirènes, comme l’ont fait les sections sœurs de la LCR en Italie dans le Parti de la refondation communiste ou au Brésil dans le Parti des travailleurs, loin de constituer une avancée vers un parti ouvrier révolutionnaire pourrait signifier un grand pas en arrière pour l’extrême gauche comme, plus grave, pour les travailleurs de ce pays.
Et si ce n’est pas là le projet de la LCR, alors à qui s’adresse-t-elle ? À des individus, à son public proche, à ses électeurs, à ceux qui sont déjà autour d’elle ? Le « parti » anticapitaliste ne serait alors que la LCR un peu grossie. Ou bien ira-t-elle au bout de la logique de sa position, en reconnaissant qu’il n’y a aujourd’hui en France « d’anticapitalistes » que les révolutionnaires et en s’adressant donc à eux, en particulier à Lutte ouvrière ?
Ou parti ouvrier révolutionnaire ?
Coïncidence ou pas, à l’occasion de cette même campagne législative, notre organisation, Lutte ouvrière s’est aussi prononcée sur la question : « [notre] but est de réussir à créer un parti qui soit réellement au service des intérêts sociaux et politiques, présents et à venir, de l’immense camp des travailleurs. » (tract d’appel au meeting parisien du 5 juin). La formulation de LO, déjà avancée en 1995, a l’avantage de refuser par avance des alliances contre-nature avec la prétendue « gauche de combat », et d’affirmer la nécessaire base de classe sur laquelle pourrait reposer le parti. Contrairement à celle de la LCR elle exclut la possibilité d’un parti commun avec des fractions de la gauche venant de la social-démocratie ou des ex-staliniens, de celles qui ont abandonné depuis longtemps le service du camp des travailleurs.
En fait si ce « but » est sérieusement mis à l’ordre du jour de LO (et si la formule n’a pas été seulement lancée par nécessité de trouver pour les législatives un axe de campagne qui compense sur la gauche celui bien trop complaisant envers Royal et le PS de la campagne présidentielle) cela signifierait que notre organisation repose la question de l’unité avec la LCR, à quelles conditions et par quelles étapes. C’est-à-dire la question de développer systématiquement et conséquemment une politique en sa direction.
Chacun sait en effet que, à moins de bouleversements dans le paysage de l’extrême gauche non prévisibles aujourd’hui, la construction d’un large parti révolutionnaire dans ce pays passera nécessairement par l’unité de LO et de la LCR (avec d’autres évidemment, mais d’abord elles deux). Ce que dans le passé LO admettait, défendait et résumait par l’excellente formule : « nous sommes les deux tendances d’un même futur parti ».
Certes nous savons bien qu’il ne suffit pas qu’une des deux organisations propose l’alliance ou l’unité pour qu’elle se réalise. Chacune a ses justifications, bonnes ou mauvaises, d’exister à part et aucune raison de les abandonner, pas plus la LCR que LO. Et il est incontestable que si l’extrême gauche dans ce pays a grosso modo davantage maintenu le cap que dans bien d’autres, sans rester marginale, cela doit beaucoup à la politique volontariste de LO en direction de la classe ouvrière et à sa capacité à ne pas céder à l’opportunisme auquel les autres courants trotskistes se sont trop souvent abandonnés. Ni pour la majorité de LO, ni pour la Fraction il ne doit être question de s’écarter de cette orientation fondamentale.
D’abord l’action commune
Cela ne doit pas empêcher pourtant les pas possibles et nécessaires sur le chemin de l’unité. Ça ne les a pas empêché d’ailleurs puisque depuis huit ans les deux organisations ont à trois reprises mené des campagnes électorales communes. Mais justement à trois reprises sur huit ans, c’est-à-dire pas systématiquement et sans que le refus à une occasion (par exemple de faire d’Arlette Laguiller la candidate commune aux présidentielles de 2002) ait plus de justification que l’acceptation à une autre (les listes communes aux européennes et régionales de 2004). Et uniquement à l’occasion des élections, car ce n’est pratiquement qu’à cette occasion que notre organisation a su faire des propositions à la LCR. Au point que, les élections passées, comme après les européennes de 1999, la seule question posée par notre majorité était : comment trouver la meilleure manière de se séparer et ne plus rien faire ensemble ?
C’est pourtant, bien plus dans les luttes que dans les élections, les luttes de la classe ouvrière, celles aussi de la jeunesse, que l’intervention commune des révolutionnaires serait importante et qu’il faudrait proposer d’agir ensemble chaque fois qu’il est possible.
Un long chemin reste à parcourir, donc… Et pas seulement parce que la situation n’a pas que des aspects favorables aux révolutionnaires : recul de l’influence des organisations ouvrières, syndicales et politiques, combativité des travailleurs trop souvent en deçà de ce qui serait nécessaire. Mais il ne doit pas nous faire oublier le chemin déjà parcouru : le courant révolutionnaire a droit de cité dans le mouvement ouvrier et même dans la vie politique en France.
La percée électorale de l’extrême gauche, initiée en 1995 par le score d’Arlette Laguiller, fait que dans aucun autre pays européen les révolutionnaires n’atteignent régulièrement ces scores. Mais ce qu’on a aussi pu vérifier en douze ans, c’est qu’un tel crédit ne suffit pas à construire un parti. C’est en combinant les campagnes électorales et l’interventionnisme sur le terrain des luttes, en sautant sur les occasions, mêmes incertaines – mais quelle occasion ne l’est pas ? – pour influencer l’opinion ouvrière, en proposant systématiquement l’action commune aux autres courants militants, et avant tout aux révolutionnaires, que nous avancerons.
Ces cinq dernières années, les révolutionnaires ont su peser au-delà de leur influence supposée : en 2003 pour les retraites, en 2006 pour le CPE et même encore récemment dans la grève de Citroën-Aulnay. Vu l’état du PC, vu la politique du PS, vu l’attitude des confédérations syndicales, nous aurons certainement un rôle à jouer dans les mois ou les années qui viennent. Nous le jouerons d’autant mieux que nous interviendrons ensemble. C’est en tout cas ce à quoi nous proposons de nous préparer.
22 juin 2007