de Jacques Richaud
Le slogan sarkozien n ’est en rien innocent. Nul ne peut imaginer que 
lui-même et ses conseillers en communication seraient ignorants de 
l’utilisation historique de cette phrase « LE TRAVAIL REND LIBRE » 
…(ARBEIT MACHT FREI) au lieu et au temps le plus sombre de l’histoire 
humaine du vingtième siècle.
Avant même son affichage au portique d’Auschwitz et Dachau, sur l’idée 
du général SS Theodor Eicke, ce slogan faisait partie de la 
phraséologie nazie depuis le début des années trente, parfaitement 
intégré dans le mental de ceux qui gardaient les camps, peut-être aussi 
d’une partie de ceux qui y pénétrèrent sans retour…Nous savons, grâce 
au remarquable travail de Victor Klemperer « LTI » publié en 1947 
combien fut importante l’instrumentalisation du langage pour que 
s’impose, finalement, l’idéologie nazie comme « le » mode de pensée 
commun a tout un peuple (1).
Dans la phraséologie nazie des années trente ce slogan « Le travail 
rend libre » a été construit pour contrer le message du socialisme et 
de tous les humanistes qui théorisaient sur la nécessité de « libérer 
l’homme » de « l’aliénation du travail contraint ». Deux lectures d’un 
même mot correspondant à deux idéologies contraires ; l’une pour 
laquelle la primauté de l’activité humaine est d’atteindre à la 
réalisation de son émancipation, c’est le programme de toute la pensée 
socialiste ; l’autre occultant cette finalité d’émancipation pour 
privilégier la production sans refuser l’idée de la contrainte exercée 
sur les hommes, ce fut le projet du capital autant que du totalitarisme 
nazi.
Il sera objecté bien sur que le programme UMP ne prévoit pas de 
transformer le pays en camp de travail ou d’extermination... Mais il 
faut observer que cette idée est présente dans le langage sarkozien 
depuis dix ans et que les mots ont une vie mentale au-delà du mot 
lui-même. Les mots portent des "images" subliminales qui peuvent rester 
inconscientes, les mots contribuent à un "métalangage" qui participe au 
formatage de la pensée. Dans le cas qui nous préoccupe ce métalangage 
porte plusieurs évocations :
L’image refoulée du slogan hitlérien peut susciter, même sans que la 
cause remonte à un niveau de conscience, la crainte d’un ordre 
autoritaire et le slogan agit comme une injonction à accepter 
l’évidence proférée : « le travail c’est la liberté »…Si non… !
Cette acceptation induit le non dit que « sans le travail » l’homme 
serait sous-classifié, présumé non libre et peut-être ne pouvant 
prétendre aux même droits ? Cette affirmation première liant travail et 
liberté peut être utilisée demain pour discriminer les droits en 
fonction du statut d’actif ou de chômeur…
Cette affirmation, comme dans son utilisation depuis les années trente 
occulte la dimension aliénante du travail et tente de délégitimer tout 
discours d’inspiration humaniste ou socialiste qui « poserait autrement 
» la question du travail.
Le slogan sarkozien n’est donc pas destiné à glorifier les 
travailleurs, mais à leur faire admettre à la fois l’ordre capitaliste 
et l’ordre autoritaire.
Qu’aucun des candidats adverses se réclamant du camp de la défense des 
travailleurs, n’ait « décrypté » ce slogan en dit long sur la 
décomposition de la pensée de la gauche, incapable même de percevoir 
l’outrance d’un propos si lourdement connoté historiquement.
(1) LTI, la langue du III e Reich, Carnets d’un philologue, de Victor 
Klemperer (traduit de l’allemand par Elisabeth Guillot, Ed Albin 
Michel, rééd. Pocket)
Photo : M
De : JACQUES RICHAUD
samedi 28 avril 2007
			
		