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Des revendications salariales sont à l'origine du conflit chez le constructeur
PSA-Aulnay entre dans sa troisième semaine de grève
LE MONDE | 17.03.07 | 14h16 • Mis à jour le 17.03.07 | 14h16
AULNAY-SOUS-BOIS (Seine-Saint-Denis) ENVOYÉ SPÉCIAL
L'usine PSA Peugeot-Citroën d'Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) a commencé, samedi 17 mars, sa troisième semaine de grève. Entre 400 et 500 salariés ne travaillent plus depuis le 28 février, empêchant la sortie d'environ 7 000 Citroën C2 et C3, soit 40 % des véhicules qui devaient être produits ces quinze derniers jours sur ce site. A l'origine du conflit, des revendications salariales réclamant une augmentation mensuelle de 300 euros au lieu des 26 proposés par la direction.
C'est l'accord salarial signé chez un sous-traitant qui a mis le feu aux poudres. PSA a décidé depuis 2002 d'externaliser son emboutissage en le confiant à l'italien Magnetto, qui a installé ses presses au coeur de l'usine d'Aulnay. Le 22 février, une première grève éclate chez le sous-traitant, suite à l'échec des négociations salariales.
Mais après trois jours de conflit, la direction de Magnetto cède aux grévistes en accordant 10 % d'augmentation (130 euros), l'embauche d'une dizaine d'intérimaires et l'obtention de cinq jours de congés supplémentaires. Le groupe italien, en difficulté financière, cherche à tout prix à éviter la grève.
Le contrat avec PSA est vital pour la maison mère de Magnetto qui, après avoir hypothéqué ses presses, est à la recherche d'argent frais. PSA est également attentif à la paix sociale chez son sous-traitant qui fournit non seulement Aulnay mais aussi l'usine de Madrid. Un arrêt de travail chez Magnetto serait susceptible de bloquer les deux sites.
C'était sans compter sur la réaction des salariés du constructeur français. En apprenant ce qu'avaient obtenu les collègues de Magnetto, certains salariés de PSA se sentent floués. Eux n'ont obtenu en février qu'une hausse moyenne de 1,75 %. L'accord, pourtant signé par cinq syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, FO et GSEA), fait pâle figure par rapport à celui négocié chez leur sous-traitant. La colère de la base est très vite relayée par la CGT, qui décide de réagir.
Depuis la situation est bloquée. La direction de PSA souligne que le bénéfice net du groupe a fondu en 2006 de 83 % pour atteindre 176 millions d'euros. "Il n'est pas envisageable de négocier au niveau de tel ou tel site. L'accord a été signé pour l'ensemble des usines françaises. Si nous voulions accéder aux revendications, le coût pour l'entreprise avoisinerait les 500 millions d'euros", souligne un porte-parole du groupe. Un montant équivalent à la somme des économies que le groupe réalise chaque année.
Pour la direction, le constructeur, qui est confronté à une baisse de ses parts de marché en Europe, n'a pas les moyens d'un tel effort. "Ce n'est jamais le moment, rétorque Philippe Julien, délégué CGT d'Aulnay. La part des salaires dans les coûts de fabrication est tombée à 7 % alors qu'elle était de 16 % il y a vingt ans. Les 300 euros qu'on réclame, c'est le pouvoir d'achat qu'on a perdu sur les dix dernières années", estime-t-il. La CFDT et la CFTC refusent de remettre en cause leur signature de l'accord salarial signé chez PSA et estiment qu'on ne peut comparer la situation de PSA à celle de Magnetto sans prendre en compte la totalité des avantages sociaux.
Pour le moment, le dialogue est au point mort. Une tentative pour reprendre langue avec les syndicats a échoué, jeudi, mais la direction de l'usine a refusé de rencontrer les grévistes sous prétexte que la délégation était trop nombreuse.
La situation est d'autant plus bloquée que le mouvement fait preuve d'une vigueur inédite : parmi les 500 grévistes, on compte une cinquantaine d'intérimaires et une trentaine de "moniteurs", le premier échelon dans la hiérarchie. "C'est un soutien important sur le plan moral et une difficulté supplémentaire pour la direction afin d'organiser la production", constate M. Julien. Depuis mercredi, des pétitions de solidarité circulent à l'entrée de l'usine d'Aulnay. Plus de 1 300 non-grévistes auraient déjà signé. La CGT souligne également le nombre inhabituel d'arrêts maladie : plus de 300 contre quelques dizaines habituellement.
La tension est montée d'un cran en raison d'une polémique sur l'utilisation par la direction d'intérimaires pour remplacer les grévistes. Vendredi, s'appuyant sur des constats de l'inspection du travail, quatre syndicats de l'usine (CGT, SUD, UNSA, CFDT) ont assigné en référé PSA devant le tribunal de grande instance de Bobigny pour "recours illégal à des salariés intérimaires portant atteinte au droit de grève". Le jugement a été mis en délibéré au 26 mars.
Pendant ce temps, Aulnay s'installe dans le conflit. Vendredi, les grévistes, qui ont perdu près de 800 euros de salaire, ont reçu le soutien financier de plusieurs organisations syndicales de Seine-Saint-Denis. Reste que, pour le moment, la grève a du mal à s'étendre aux autres sites du groupe.
Stéphane Lauer
Article paru dans l'édition du 18.03.07