éditorial du 19.02 "Changer la société en changeant de

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GRAND SERVITEUR DE L'ÉTAT ET SINISTRE CRAPULE

Emportées par la volonté de convaincre les électeurs que, dans la présidentielle, seul compte le deuxième tour et qu'il se jouera obligatoirement entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, la presse et la télévision donnent dans le superlatif pour qualifier l'enjeu de ce choix. Entre le candidat de l'UMP et la candidate socialiste, c'est plus qu'une opposition politique, a écrit un grand quotidien, c'est une "opposition de société". Ben voyons !
    Il faut bien que la télévision et la presse s'extasient pour donner aux électeurs l'impression qu'avec leurs bulletins de vote, ils ont entre leurs mains l'avenir du pays comme leur propre sort, alors pourtant que les deux partis que représentent les deux candidats se relayent au pouvoir depuis un quart de siècle sans que les alternances changent la vie des classes populaires, si ce n'est chaque fois en mal.
    Changer la société en changeant de président ? C'est une plaisanterie. D'abord parce que, dans le domaine économique, ce n'est ni le président de la République ni le gouvernement qui commandent. Ce sont les grands groupes financiers. Ils peuvent licencier, délocaliser ou supprimer des emplois comme ils veulent, comme sont en train de le faire deux des plus puissantes entreprises du pays, Alcatel-Lucent et Airbus.
    Mais, même dans le domaine politique, si on élit le président de la République, on n'élit pas les hauts fonctionnaires qui exécutent les hautes et basses oeuvres de l'État et en assurent la continuité.
    L'homme qui vient de mourir, Papon, est un bel exemple de ces hauts fonctionnaires qui traversent les mandatures présidentielles et même les régimes, représentant l'État sous les uns comme sous les autres. Haut fonctionnaire déjà au temps du gouvernement du Front populaire, il s'était mis sans état d'âme au service du régime de Pétain. La guerre terminée, pourvu d'un certificat de résistance, il avait entamé une belle carrière sous la IVème puis sous la Vème République. Préfet en Algérie en pleine guerre, préfet de police de Paris, il était devenu député et ministre sous Giscard.
    Papon n'avait fini par être condamné pour son rôle dans la déportation de Juifs lorsqu'il était, sous Pétain, secrétaire à la préfecture de Bordeaux, qu'à la suite d'une infinité de procédures. Mais il n'avait pas accompli sa peine de dix ans car il avait été libéré pour raisons de santé en 2002. Il n'était pourtant pas à l'agonie, il était même sorti sur ses jambes.
    Il avait sur la conscience non seulement les Juifs déportés mais aussi on n'a jamais su combien d'Algériens massacrés lors d'une manifestation, interdite certes mais tout à fait pacifique, le 17 octobre 1961 à Paris, lorsqu'il était préfet de police. Il était aussi responsable de la mort de 9 manifestants communistes, du fait de sa police, au métro Charonne en février 1962.
    C'est dire qu'autant la justice que tous les dirigeants politiques qui ont couvert et employé Papon après la guerre ont fait preuve d'une grande mansuétude vis-à-vis de lui. On ne peut pas dire qu'ils font preuve de la même vis-à-vis de Nathalie Ménigon qui a subi deux attaques cérébrales et est devenue hémiplégique et à laquelle on refuse toujours d'aller mourir chez elle. Bien sûr, elle a assassiné le patron de Renault et le général Audran. Mais, à côté de tout ce qu'a fait Papon, cela n'est vraiment pas comparable.
    Deux poids et deux mesures, mais cela montre aussi l'indulgence de nos dirigeants envers ceux qu'ils appellent les loyaux serviteurs de l'État avec, par contre, une haine éternelle envers ceux qui ont eu le tort de s'opposer à l'État.
    Tous les hauts fonctionnaires n'ont évidemment pas le passé de Papon car c'est aussi une question d'âge. Mais, au moment où on nous jette de la poudre aux yeux pour nous convaincre que le choix d'un président est déterminant pour l'avenir, il est utile de se rappeler que les présidents passent, les régimes se succèdent, mais l'appareil d'État et ses hauts fonctionnaires restent.

Arlette Laguiller

[Puig Antich]

=D> C'est bien dit !

[zeanticpe]

=D> C'est bien dit !
sur que c'est bien dit.
Le deux poids deux mesures c'est la réalité de cette société.
C'est bien la bourgeoisie qui dicte qui enfermer et combien de temps.
Ils viennent de faire une nouvelle loi démocratique où le président risque de ne plus etre president s'il trahit la France.
Mais notre président, il devrait pas être en prison lui aussi, pour toutes ses magouilles?

[kokoala]

Tous les hauts fonctionnaires n'ont évidemment pas le passé de Papon car c'est aussi une question d'âge.

Qu'entend Arlette Laguiller par là, que si nos fonctionnaires avaient vécu à cette époque, ils auraient tous été comme Papon ?
Ce raisonnement est beaucoup trop général et il discrédite sa pensée, alors que l'article est très juste et bien vu.

[Gaby]

[quote=" (kokoala @ dimanche 4 mars 2007 à 21:18"]
Qu'entend Arlette Laguiller par là, que si nos fonctionnaires avaient vécu à cette époque, ils auraient tous été comme Papon ?
Ce raisonnement est beaucoup trop général et il discrédite sa pensée, alors que l'article est très juste et bien vu.
LO ne parle pas ici des fonctionnaires en général, mais de l'appareil d'Etat français avec ses hauts fonctionnaires, qui a été largement conservé après la victoire des Alliés.

[kokoala]

Oui mais elle extrapole aux hauts fonctionnaires actuels et je crois que cette généralité manque de subtilité.

[pelon]

Oui mais elle extrapole aux hauts fonctionnaires actuels et je crois que cette généralité manque de subtilité.

L'appareil d'Etat de la bourgeoisie survit aux régimes, c'est une constante. Sur la justice, on peut voir avec profit le film "Section Spéciale" de Costa gavras.
Cela ne juge pas les hauts fonctionnaires ni les fonctionnaires un par un mais le fonctionnement global. Prends la police par exemple. C'est en gros la même sous Pétain que sous le Front Populaire. Et ils ont fait leur travail de flic, par exemple les rafles de juifs. Il y en eut quelques uns pour mettre quelques grains de sable dans les rouages mais ce furent des exceptions. Cela n'empêcha pas De Gaulle de décorer la police de Paris (ils y ont gagné une fouragère qu'ils arborent lors des cérémonies). Il avait besoin de cet appareil d'Etat (que seule une Révolution aurait pu renverser) et donc il fallait redonner une virginité à une police qui avait accompli les basses oeuvres de Pétain et de Hitler pendant 4 ans. Et il fallait aussi garder les hauts fonctionnaires qui ne s'étaient pas trop fait remarquer comme Papon. En général ils s'étaient fabriqué rapidement une petite bio de protection (à partir de début 1943) pour avoir quelques témoignages qui pouvaient les faire passer pour des résistants. Ce fut le cas de Papon. Pose-toi la question pourquoi De Gaulle a utilisé des Papon.

[feliks]

Qu'est-ce que c'est que ces histoires de hauts fonctionnaires ? Et les petits fonctionnaires, c'est du mou de veau ? TOUS les fonctionnaires qui ont collaboré sont coupables, hauts ou pas, flics ou pas ! Des collabos dans la fonction publique, il y en a eu partout et à tous les niveaux. Les petits ne sont pas innocents sous prétexte qu'ils sont petits ! La collaboration n'est pas une question de place dans la hiérarchie sociale, c'est une question de responsabilité individuelle, de moralité personnelle, d'intime conviction. On ne juge pas un collabo à ce qu'il est, on le juge à ce qu'il fait.

[Ottokar]

il y a tout de même une différence entre le chauffeur de bus qui travaille le soir et qui est détourné pour convoyer les gens vers le Vel d'Hiv et le haut fonctionnaire, secrétaire de préfecture, qui a la belle vie, établit les listes, sait où vont aller les gens, bien à l'avance, et rajoute même les enfants !

A force de dire tous responsables, on finit par ne plus voir qui l'est vraiment. Sinon, à ce compte, l'ouvrier de chez Dassault ou Matra serait aussi coupable que son patron ou son gouvernement de la bombe qui tue des gens dans tel ou tel pays ?