par Pastorius » 26 Fév 2007, 17:41
Le "travailleuses, travailleurs" d'Arlette Laguiller garde ses fidèles
LE MONDE | 26.02.07 | 15h39 • Mis à jour le 26.02.07 | 15h39
Pour elle, ce n'est "pas une candidature de trop mais une candidature nécessaire". Arlette Laguiller, qui, à bientôt 67 ans, se présente pour la sixième fois à l'élection présidentielle, assure même qu'elle "se sent bien dans cette campagne". Forte de ses 510 promesses de parrainage annoncées, elle a commencé voici trois mois sa tournée de réunions publiques et d'interventions aux portes des entreprises.
Zone industrielle d'Arles (Bouches-du-Rhône), usines de Liévin (Pas-de-Calais), manifestation aux côtés des grévistes d'Arena, Dim et Well..., partout elle entend la petite musique du vote utile s'affirmer. "Ils me disent "faut chasser Sarko"", raconte la candidate.
"ON VEUT EN PROFITER AVANT QU'ELLE S'EN AILLE"
Mais, inlassablement, avec son inusable slogan "Qui d'autre peut se dire sincèrement dans le camp des travailleurs ?", elle veut dire aux "siens", "le monde du travail", qu'il "ne faut pas être dupe" lors de cette élection présidentielle. Comme à Saint-Etienne (Loire), le 21 février, pour un meeting régional où sont venues l'écouter quelque 250 personnes, habitués et curieux.
Dans le centre des congrès, ancien site des usines Manufrance, le décorum est immuable : tribune et drapeaux rouges, l'Appel du Komintern (Quittez les machines/Dehors, prolétaires/Marchez et marchez...) et Bandiera rossa en fond sonore, et vendeurs de l'hebdomadaire Lutte ouvrière.
La candidate est flanquée de sa possible successeure, Nathalie Arthaud, enseignante, qui égrène la longue liste des entreprises qui licencient dans la région. Mais c'est "Arlette" qu'ils sont venus écouter, parce que, si c'est son dernier tour de piste, son discours n'a pas changé. "On veut en profiter avant qu'elle s'en aille", sourit Jean Bouchauveau, ingénieur de Giat-industrie à la retraite qui avoue n'avoir jamais voté LO et qui "adore" Olivier Besancenot.
Jean Max, cuisinier, lui, a déjà voté pour Arlette Laguiller, "il y a fort longtemps" : "Je suis là pour la soutenir. Je travaille depuis l'âge de 14 ans, je sais qu'on est dans le même camp". Plus loin, deux jeunes venus "par curiosité" : "on fait un peu tous les meetings pour se faire une idée sur les candidats", glisse Pierre Couturier, jeune enseignant.
Dès ses premiers mots, scandés de son ton monocorde si familier, la candidate annonce la couleur comme la "une" de LO : "Il sert ouvertement le patronat, elle n'ose y toucher". Les deux cibles sont clairement identifiées : Nicolas Sarkozy dont "la feuille de route sera, en pire, la même politique que pendant les cinq ans écoulés" et Ségolène Royal pour qui "le réalisme est de tenir compte de l'intérêt des patrons". Les deux favoris ont d'ailleurs un point commun, selon elle : "Derrière leurs discours mensongers, c'est le patronat qui tire les ficelles", lance Mme Laguiller.
LES CRITIQUES LA FONT SOURIRE
Contre les "profiteurs", elle propose des "mesures indispensables", "pas des revendications révolutionnaires", qui permettent aux travailleurs, de "retrouver les conditions d'existence d'il y a une trentaine d'années" : hausse des salaires de 300 euros, interdiction des licenciements, augmentation des impôts sur les profits... les propositions n'ont guère varié depuis des années.
Pourtant, les critiques sur son discours suranné la font sourire. "On me moque souvent pour mon "travailleuses, travailleurs". Mais ce qui apparaît comme des vieux mots est apprécié", assure l'employée de banque à la retraite. Les sondages qui voient les intentions de vote en sa faveur se tasser à 2 % ne l'inquiètent pas.
La concurrence à gauche non plus. "Ça fait discuter dans un petit milieu mais ça ne préoccupe pas trop les travailleurs", prétend-elle. A l'en croire, les autres n'ont guère de chance de lui faire de l'ombre. Elle doute que Gérard Schivardi (Parti des travailleurs) ira "jusqu'au bout", juge que Marie-George Buffet (PCF), "c'est la gauche de gouvernement", et pense que la campagne de José Bové, "ne sera pas axée sur la défense des intérêts des travailleurs".
Olivier Besancenot, lui, est à part. "Je ne fais pas la course avec lui", prévient-elle quand on relève qu'il la devance dans les sondages. "Au soir du premier tour, on additionnera", insiste-t-elle espérant réitérer les 10 % obtenus par l'extrême gauche en 2002. Et qu'on ne lui parle pas de l'effet 21-Avril. "Je ne crois pas à un Le Pen au second tour. Dans les couches populaires, c'est à la droite qu'on a envie de faire payer les mauvais coups", avance-t-elle, ajoutant tranquillement que la gauche va retrouver les 4 millions de voix qu'elle avait perdus.
En attendant, "c'est au premier tour qu'on peut voter pour ses convictions". Et de dire avec le bulletin de vote "qu'on en assez de subir et qu'on a envie de rendre les coups". Les poings se lèvent et L'Internationale est reprise par les deux tiers de la salle qui est restée.
Sylvia Zappi
Article paru dans l'édition du 27.02.07.