dans le journal du CNRS de février-mars 2007:
a écrit :
[center]Des grains contre le gras[/center]
On le savait bon pour lutter contre le vieillissement cellulaire ou pour améliorer la circulation du sang, le voici apte à contrer l'obésité ou le diabète. Depuis quelques années, le resveratrol, substance chimique naturellement présente dans la peau du raisin et donc dans le vin rouge1, fait l'objet, avec tous les polyphénols, de nombreuses convoitises de la part de l'industrie pharmaceutique, qui voit en eux des cibles particulièrement intéressantes. À lui seul, le resveratrol est à la fois un antioxydant – il diminue la formation de radicaux libres –, un antiagrégant plaquettaire – il inhibe la formation de caillots dans le sang –, un vasodilatateur – il augmente le calibre des vaisseaux sanguins – et un anti-inflammatoire. Et voici qu'une étude récente démontre pour la première fois que ce polyphénol, en favorisant la dépense énergétique, protège aussi l'organisme contre le diabète et l'obésité d'origine alimentaire.
L'équipe de Johan Auwerx, de l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC)2 d'Illkirch, et ses collègues américains et finlandais ont étudié les effets du resveratrol utilisé comme complément alimentaire d'une nourriture enrichie en gras chez la souris. Dès trois semaines, les mitochondries, ces usines qui fournissent l'énergie aux cellules, augmentent à la fois en taille et en nombre. Conséquences : un accroissement significatif de la dépense énergétique, avec une diminution de 30 à 40 % de la prise de poids chez les souris testées, ainsi qu'une meilleure sensibilité à l'insuline3. Selon les chercheurs, le resveratrol agit en activant une enzyme impliquée dans le vieillissement, SIRT1, qui vient à son tour activer une autre protéine, PGC-1, qui joue un rôle dans la genèse des mitochondries. « Ces résultats sont très encourageants, s'enthousiasme Marie Lagouge, doctorante à l'IGBMC et auteure de l'étude. Les effets positifs du resveratrol sont nombreux et les effets négatifs que l'on pouvait craindre ont été jusque-là écartés. » Après une batterie de tests, les chercheurs n'ont en effet noté aucun dysfonctionnement du système cardiaque, aucun changement de comportement ou encore aucune prolifération cancéreuse chez les souris.
Forte de ces résultats, l'entreprise américaine Sirtris Pharmaceuticals a initié un premier essai clinique sur le diabète à partir d'une formulation confidentielle du resveratrol. Reste à savoir si l'on tient la clef du french paradox, selon lequel les Français, dont l'alimentation est riche en graisses, font relativement peu d'accidents cardiovasculaires. Mais Marie Lagouge tient à mettre le consommateur de vin rouge en garde : le resveratrol agit ici à très forte dose – 400 mg/kg/j – l'équivalent de plusieurs dizaines de milliers de bouteilles de vin ! D'où l'utilité d'une formulation synthétique du polyphénol dont les cliniciens testent aujourd'hui l'efficacité…
Séverine Duparcq
1. La peau du raisin n'est pas conservée lors de la vinification du vin blanc mais l'est lors de celle du vin rouge.
2. Laboratoire CNRS / Université de Strasbourg-I / Inserm.
3. Cell, 15 décembre 2006, vol. 127, n° 6, pp. 1109-1122.