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[center]Cancer du sein: importante découverte à McGill[/center]
Judith Lachapelle La Presse Le lundi 29 janvier 2007
Le chercheur Michel L. Tremblay n'est pas du genre à s'emballer «pour un article de souris». Sauf que cette fois-ci, bien humblement, il est très fier de son équipe. «Il faut qu'on se donne une tape dans le dos. C'est une découverte majeure.»
Michel L. Tremblay, sa collègue Sofi Julien et l'équipe du Centre de recherche sur le cancer de l'Université McGill ont décodé le rôle d'un gène déficient chez au moins deux femmes atteintes du cancer du sein sur cinq. En stoppant l'activité de ce gène chez des souris prédisposées au cancer, ils ont retardé significativement le développement des tumeurs - dans certains cas, les tumeurs ne sont jamais apparues - et empêché le cancer de se propager aux poumons.
Les résultats de leur découverte sont publiés la revue scientifique Nature Genetics. L'un des éléments les plus encourageants de la découverte est que les médicaments visant à éliminer l'action du gène déficient existent déjà. Des médicaments pour traiter le diabète et l'obésité, agissant sur ce même gène qui cause certains cancers du sein, sont présentement en phase d'essais cliniques.
C'est donc dire qu'avec la publication de cette découverte, les compagnies pharmaceutiques n'auront qu'à ajuster leurs composés pour s'attaquer au cancer du sein. Dès l'automne prochain, croit le Dr Tremblay, des compagnies pharmaceutiques pourraient être prêtes à tester leur médicament pour traiter les tumeurs, si les résultats de son équipe ont été validés.
«Je ne veux pas donner trop d'espoir aux patientes, mais c'est un bel exemple de recherche fondamentale qui a changé les choses», dit Michel L. Tremblay.
Retour en arrière. En 1999, le Dr Tremblay et ses collègues découvrent que des souris chez lesquelles une enzyme appelée PTB1B a été supprimée ont été guéries du diabète de type II et de l'obésité. Leur découverte a fait grand bruit, et les compagnies pharmaceutiques se sont lancées à la recherche d'un médicament qui enraierait l'enzyme maudite. Huit ans plus tard, les médicaments ont été concoctés et font présentement l'objet d'essais cliniques.
Or, pour enrayer l'enzyme PTB1B, il faut inhiber le gène qui la produit, le gène ERBB2. Le gène et son enzyme, vient de découvrir l'équipe du Dr Tremblay, sont les mêmes qui causent certains cancers du sein.
«Une découverte surprenante», affirme Sofi Julien, spécialiste de la recherche sur le diabète qui a travaillé avec Michel L. Tremblay. Les chercheurs croyaient que le gène, qui agit sur le métabolisme, ne pouvait pas être une cause du cancer. Mais leurs recherches ont montré le contraire.
«On aurait pu penser que chez les femmes atteintes du cancer du sein, le gène était suractivé pour combattre le cancer, que c'était une réponse de la cellule pour se protéger, explique le Dr Tremblay. Mais ici, on montre que ce n'est pas le cas. Il participe à la tumeur.» La suractivation du gène serait à l'origine de plus de 40% des cas de cancer du sein, une proportion plus importante que les cas attribuables à des causes héréditaires.
Sans gène, pas de cancer
Chez les souris prédisposées au cancer du sein et auxquelles le gène ERBB2 a été enlevé, «on avait un délai très significatif avant le développement du cancer», dit Mme Julien. Habituellement, ces souris développent des tumeurs en 15 jours. Mais un traitement d'environ trois semaines a retardé le développement de plus d'un mois et demi, ce qui est considérable, puisque ces souris de laboratoire vivent environ un an et demi.
«Et dans certains cas, les souris n'ont pas développé de tumeurs», dit Mme Julien. De plus, sans le gène et son enzyme, aucune souris n'a développé de métastases aux poumons. Les chercheurs ont cru un moment s'être trompés de souris, mais non. L'expérience a été répétée sur plusieurs lignées de souris, avec les mêmes résultats.
À l'inverse, des souris saines chez lesquelles le gène a été programmé pour être suractivé dans la glande mammaire ont développé le cancer du sein.
Même médicament, doses différentes
La formule des inhibiteurs de l'enzyme PTB1B présentement en phase clinique doit être très peu toxique, parce que les patients atteints du diabète de type II devront prendre le médicament toute leur vie. Le défi des compagnies pharmaceutiques est donc de créer un médicament efficace, sans trop d'effets secondaires.
En mettant au point des formules pour traiter le diabète et l'obésité, les compagnies ont dû rejeter certains composés trop agressifs pour être administrés pendant des dizaines d'années. «Mais là, on aurait besoin de traiter une femme malade pendant seulement quelques mois, en combinaison avec autre chose, dit le Dr Tremblay. Un composé qui cause certains effets secondaires, on peut vivre plus facilement avec sur une courte période.»
Actuellement, les oncologues utilisent un médicament, Herceptin, qui agit sur le gène. Mais les patientes développent une résistance au médicament. Les chercheurs croient qu'un traitement qui combinerait Herceptin et un inhibiteur de l'enzyme PTB1B pourrait être efficace. L'enzyme PTB1B est également un acteur du cancer des ovaires et de la prostate, ainsi que de la leucémie chez les adultes.
Tous les travaux ont été financés par l'Institut de recherche en santé du Canada. Il faudra cependant attendre que des femmes malades soient traitées avant de connaître le véritable impact de la découverte. «J'ai bien hâte de voir dans la prochaine année ce qui va arriver», dit le Dr Tremblay.