Je maintiens, chère Gertrude, que tu continues à affirmer des choses inexactes à propos d'un sujet sur lequel je crois être assez bien informé, et sur lequel tu me parais ne pas connaître grand-chose, à savoir le positions politiques de Stéphane Just. J'ose espérer que c'est "sans savoir", sinon ce serait ce que l'on appelle de la désinformation. Alors, reprenons :
On peut dire ça, mais aussi opposition à la "ligne de la démocratie" imposée par la direction du PCI à ce parti à partir de 1984. Et surtout ce qui a motivé de la part de Lambert d'exclure Just et ceux qui auraient pu le soutenir, c'est la crainte que puisse se constituer au sein du PCI une tendance (ou une fraction) qui oppose au cours politique révisionniste liquidateur de la direction des positions de défense du programme cohérentes et systématisées. L'exclusion de Just et de ses partisans a été "préventive" en quelque sorte.
Tu as l'art de raconter les choses comme si tu y étais (?) mais jusqu'à preuve du contraire ce ne sont que suppositions de ta part. Les divergences, il les a lui-même expliquées (je renvoie aux sources, qui sont disponibles sur internet, très largement). Il avait déjà plusieurs fois exprimé des désaccords avec la direction du PCI avant 1984 : contre le refus de présenter un candidat PCI aux présidentielles de 1981, contre l'appel à voter Miterrand au 1er tour de ces mêmes élections, puis après mai 1981, contre le refus de mettre en cause le gouvernement de front populaire, pour la ligne "on ne peut aller de l'avant si l'on craint d'aller au socialisme" et contre celle du "gouvernement à la croisée des chemins", etc... etc... Tout cela est amplement documenté et disponible sur internet.
Pourquoi donc continuer à affirmer des choses erronnées et de façon péremptoire ?
Quand à être "surpris" de son exclusion, ce qu'il faut surtout en dire c'est que la direction du PCI a procédé par une machination bureaucratique dont elle est passée maître et qu'elle a agi très vite pour "extirper la tumeur" avant toute propagation qui aurait pu la mettre en danger.
Il l'a tellement "enterrée" qu'aujourd'hui encore six groupes se réclament de son héritage, et que le bulletin qu'il avait fondé continue à paraître régulièrement quelque 23 ans après ! Je crois que tu dis vraiment n'importe quoi sur ce coup.
Tu tombes un peu mal comme exemple car c'est précisément sur la "question syndicale" que Just fait reposer la racine sociale des déviations de la direction du PCI, en particulier le "fil à la patte" avec l'appareil de FO, tissé des années durant par Lambert et son mini-appareil. Quant à "la politique dans les syndicats", oser écrire que Just défend la même chose que Lambert, c'est une bien pauvre falsification que la simple lecture des textes, et la connaissance minimum de toute l'activité des groupes poursuivant la tradition de Just, suffit à réduire à néant.
Je préfère croire à de l'ignorance qu'à de la malveillance, mais qui sait...
Pour ta gouverne, et pour t'éviter d'affirmer sur ce que tu ne connais pas je te joins le texte «Les syndicats, la crise de l’impérialisme et la nouvelle période de la révolution prolétarienne» écrit par Stéphane Just en 1985, parmi bien d'autres sur le sujet, notamment dans le bulletin "combattre pour le socialisme" entre 1984 et 1997 (sur internet :
a écrit :Les syndicats, la crise de l’impérialisme et la nouvelle période de la révolution prolétarienne
Stéphane Just (1985)
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Depuis la fin de la guerre
Il y a maintenant plus de quarante ans que Léon Trotsky écrivait :
« Il y a un aspect commun dans le développement ou plus exactement dans la dégénérescence des organisations syndicales modernes dans le monde entier c'est leur rapprochement et leur fusion avec le pouvoir d'État.
Ce processus est également caractéristique pour les syndicats neutres, sociaux démocrates, communistes et anarchistes. Ce seul fait indique que la tendance à fusionner avec l'État n'est pas inhérente à telle ou telle doctrine, mais résulte des conditions sociales communes à tous les syndicats. »
L'exemple de la France confirme qu'au cours des années et des décennies qui ont suivi la deuxième guerre mondiale, les organisations syndicales par la médiation des appareils bureaucratiques qui les contrôlent, n'ont cessé leur rapprochement avec l'État, les gouvernements bourgeoise la société bourgeoise. Un court historique démontre qu'à tous les moments cruciaux du développement de la lutte des classes, les appareils bureaucratiques se sont rangés du côté de l'État bourgeois et de la défense de l'ordre bourgeois. A la Libération, la C.G.T. était unifiée. Staliniens et « réformistes » la dirigeaient conjointement. L'appareil de la C.G.T., dans son ensemble, a soumis celle ci aux exigences de la reconstruction de l'économie capitaliste et de la stabilisation de l'État bourgeois. Entre 1944 et 1947, les antagonismes entre staliniens et « réformistes » ne portaient pas fondamentalement sur la collaboration étroite avec le gouvernement, l'État, le patronat, mais sur le contrôle de la C.G.T., de ses fédérations, de ses syndicats, bien que ces antagonismes ouvraient des failles utilisables.
La scission syndicale de 1947 48 allait directement à l'encontre des intérêts de la classe ouvrière. Elle a été effectuée en fonction du clivage de la guerre froide et dans la perspective de l'agression impérialiste contre l'U.R.S.S. Elle a été perpétrée par les « réformistes » qui s'alignaient sur l’impérialisme. De leur côté, les staliniens soumettaient la C.G.T. aux exigences de la bureaucratie du Kremlin. Ils déclenchaient bureaucratiquement fin 1947, en 1948, ainsi qu'au cours des années suivantes, des mouvements de grève strictement contrôlés pour faire pression sur la bourgeoisie française sans mettre son pouvoir ni l'État bourgeois en cause, et les condamnaient à la défaite. Le régime dictatorial qu'ils imposaient avant 1947 comme après 1947 à l'intérieur de la C.G.T. dans son ensemble, des fédérations et des syndicats qu'ils contrôlaient, la politique du « produire d'abord », « la grève est l'arme de classe des trusts » d'avant avril 1947, ont donné aux entreprises scissionnistes une « justification apparente ». La scission, l'impasse à laquelle la politique stalinienne a mené la classe ouvrière, ont provoqué une diminution massive du nombre de syndiqués. Le passage de la F.E.N. à l'autonomie dans l'affirmation du droit de tendance et dans la perspective de la reconstruction de l'unité syndicale confédérale, a permis que cette fédération maintienne son unité, ses effectifs et sa représentativité de l'ensemble du corps enseignant.
F.O., la F.E.N., la C.G.T. présentent d'importantes différences, mais leurs appareils ont un point commun : la défense de la société et de l'État bourgeois. En août 1953, F.O. et la C.G.T. en ont fourni les preuves évidentes : ils ont disloqué la grève générale spontanée des fonctionnaires et des travailleurs des services publics. Cette grève s'est déroulée pendant les vacances scolaires. Le rôle de la F.E.N. a donc été pratiquement nul. Mais la F.E.N., pendant toute la durée de la IV° République a étroitement collaboré avec le ministère de l'instruction publique, participant pratiquement à la gestion de ce ministère.
Depuis l‘institution de la V° République
En 1958, les centrales syndicales n'ont engagé aucun combat réel contre la venue au pouvoir de De Gaulle et l'institution de la V° République. Par contre, le 30 mai, la F.E.N. a appelé seule à une grève générale de 24 heures des enseignants. Elle a impulsé la lutte pour la défense de la laïcité jusqu'au rassemblement de Vincennes de 1960. Mais, effrayée par les conséquences politiques possibles de la mobilisation des masses, sa direction, parce que se situant dans le cadre du maintien et de la défense de la société et de l'État bourgeois, a liquidé le mouvement et s'est alignée sur la V° République et ses institutions.
Lors de la grève des mineurs de mars avril 1963, les centrales et organisations syndicales ont tout fait pour contenir la grève et empêcher qu'elle soit le point de départ de la grève générale qui aurait nécessairement mis en cause De Gaulle, la V° République et ses institutions. Aussi, n'ayant pu l'éviter en mai 1968, ont ils manœuvré pour la contenir et la liquider. Les accords de Grenelle ont concrétisé la collaboration des appareils bureaucratiques des centrales syndicales, du gouvernement, de l'État bourgeois et du patronat pour sauver le système de domination de classe, en place, de la bourgeoisie, la V° République et ses institutions. Tous ont étroitement collaboré pour disloquer et liquider la grève générale.
Par le référendum du 27 avril 1969, De Gaulle a tenté de se donner les moyens d'instituer le corporatisme. Après le grève des mineurs de 1963, après la grève générale de mai juin 1968 qui avaient exprimé la puissance de la classe ouvrière, une grande partie de la bourgeoisie était consciente de l'impossibilité d'intégrer à froid les syndicats, c'est à dire de les détruire en tant que syndicats ouvriers, ce que l'instauration du corporatisme exige. Elle estimait que le projet de De Gaulle était irréalisable. Pour cette partie de la bourgeoisie, la seule voie utilisable, un an après la grève générale de 1968, lui semblait être la collaboration entre l'État, les appareils syndicaux, le patronat en des organismes de participation mais sans aller jusqu'au corporatisme. Il n'en était pas moins correct de voter au congrès confédéral de F.O. l'appel au double "non" qui obligeait la C.G.T. et la F.E.N. à appeler également au vote "non". Venant après la grève des mineurs de 1963 et la grève générale de mai juin 1968, la défaite de De Gaulle au référendum, défaite qui l'obligeait à se démettre, était une victoire pour la classe ouvrière.
La nature des relations entre les centrales syndicales (par la médiation des appareils), les gouvernements, l'État, le patronat, n'en a pas été modifiée. Jusqu'à la grève des mineurs en 1963, il n'y avait pas de négociations annuelles, entre le gouvernement, les directions des entreprises publiques d'une part et les directions des organisations syndicales de l'autre, des salaires des fonctionnaires et des travailleurs des entreprises publiques. A la suite de la grève des mineurs, le gouvernement constituait la commission Toutée Grégoire. Elle « associait » les appareils syndicaux à la détermination de sa politique salariale dans le secteur public et pour les fonctionnaires.
En 1969, le gouvernement Pompidou Chaban-Delams a donné plus d'ampleur à cette politique. Il a proposé aux appareils syndicaux des accords dits « contrats de progrès ». Ces « contrats de progrès » devaient répartir les augmentations salariales sur une durée d'un an en fonction de la définition d'une masse salariale qui prendrait en compte la hausse du coût de la vie, l'augmentation de la productivité dans les entreprises et l'accroissement du produit national brut. Ces contrats devaient être pluri annuels. Les organisations syndicales signataires s'engageaient à ne pas appeler à la grève à propos des problèmes considérés comme réglés par le « contrat de progrès » sauf à le dénoncer. Mais une grève ne pouvait être déclenchée que dans un délai de trois mois après la dénonciation. L'application de cette politique dans les entreprises et les services publics devait, selon le gouvernement, entraîner l'application d'une politique similaire dans le secteur privé. En décembre 1969, le premier "contrat de progrès" était signé entre la direction de l'E.D.F. G.D.F. et celle des syndicats, sauf la direction de la C.G.T.
Ultérieurement les clauses restrictives du droit de grève, la pluri annualité des « contrats de progrès » ont été supprimées. Leur appellation a changé. Ils ont été appelés « contrats salariaux ». Mais leurs « principes » sont restés les mêmes. Ces « contrats salariaux » étaient établis en fonction de la hausse du coût de la vie, de l'augmentation du PNB et de la productivité de l'entreprise considérée.
Aperçus sur la F.E.N., F.O. et la C.G.T.
La résolution syndicale du 24° congrès de l'O.C.I. (mai 1980) affirmait:
« A partir de 1960, la direction de la F.E.N. a abandonné toutes ses positions hostiles à la V° République et à ses institutions qu'elle avait formellement condamnées en 1958 en appelant seule à une grève générale le 30 mai contre De Gaulle.
Acceptation de la réforme administrative en 1964, acceptation de la réforme des collectivités locales, capitulations successives foulant aux pieds les intérêts de l'école, des enseignants, des traditions du syndicalisme enseignant, marche de pair avec l'élaboration en commun des plans gouvernementaux entre le ministère et la direction de la F.E.N. »
Très juste. Mais manifestement, dans cette résolution, un signe plus est donné et par rapport à la F.E.N. et par rapport à la C.G.T. à la confédération F.O.
« Le travail dans la C.G.T. F.O.
Si la majorité de la classe ouvrière reste contrôlée par la C.G.T. (dans les conditions analysées précédemment) la C.G.T.-Force Ouvrière qui contrôle plus de 20 % des travailleurs français, est une donnée fondamentale de la politique révolutionnaire. Nous posons comme principe que la différence de nature des deux appareils contrôlant la classe ouvrière ne donne pas un signe "plus" à l'appareil stalinien.
La place de l'appareil réformiste dans le mouvement syndical est déterminée par les considérations suivantes :
1) la crise de la social démocratie française a ouvert un champ « politique » à la C.G.T. Force Ouvrière que le réformisme n'occupait pas précédemment de la même façon. La crise de la social démocratie française a conduit Force Ouvrière a occuper dans la vie politique française une partie de la place qu'occupait seul le P.S. Témoin la position de pointe de Force Ouvrière dans le double "non" au référendum de 1969.
La place de Force Ouvrière, qui bien entendu est une centrale ouvrière, a été modifiée partiellement du point de vue de la bourgeoisie. La scission syndicale de 1947, indépendamment des responsabilités directes du stalinisme, a été dictée par la S.F.I.O. Au début de la guerre froide, la scission syndicale a été une arme contre la mobilisation des masses. L'existence d'une centrale ouvrière dirigée par les réformistes, qui ne peut subsister que contradictoirement aux tendances corporatistes inhérentes au régime bonapartiste de la Va République, est un facteur d'approfondissement de la crise du régime ».
L'appréciation « la crise de la social démocratie française a ouvert un champ "politique" à la C.G.T. Force Ouvrière que le réformisme n'occupait pas précédemment » est pour le moins discutable. F.O. a ses origines dans la vieille C.G.T. « réformiste » d'avant l'unité syndicale de 1936 dont l’appareil ne dépendait pas de la S.F.I.O. bien qu'il y avait de nombreux liens entre cet appareil et la S.F.I.O.. Mais, de plus, le relâchement des liens avec la S.F.I.O., en pleine désagrégation sous la V° République, n'a absolument pas permis à la confédération F.O. de devenir plus indépendante du gouvernement, de l'État et du patronat que ne l'était la vieille C.G.T. « réformiste ».
Les directions des syndicats, des fédérations et de la confédération F.O. ont au contraire tissé de nombreux liens, en particulier depuis la démission de De Gaulle, avec les gouvernements de Pompidou et de Giscard D’Estaing, ainsi qu'avec le R.P.R. et l'U.D.F.. Tout autant que les appareils de la F.E.N. et de la C.G.T., l'appareil de F.O. est « participationniste ». Il est présent dans tous les organismes de participation sous le nom de la « politique de présence ». Sous le nom de « politique contractuelle » les directions syndicales, fédérales, confédérales de F.O., comme celles de la F.E.N., ont fait de la négociation et de la signature de « contrats salariaux » l'alpha et l'oméga de leur politique. Toutes les organisations syndicales, C.G.T. comprise, ont signé à un moment ou à un autre, des « contrats salariaux » dans une corporation ou une autre. La dite « politique contractuelle » a intégré la négociation et la signature de nombre d'accords avec le patronat, par exemple ceux qui ont institué la classification par niveaux en vue de permettre la mobilité de la main d'œuvre et qui ont ouvert la porte à la déqualification. L'appareil de F.O. a, depuis des années, été au centre de toute cette politique et souvent il en a été la pièce maîtresse.
Ce n'est pas « la crise de la social démocratie française » qui a permis à l'appareil de F.O. d'élargir sa base électorale mais bien plutôt la crise du stalinisme. Dans tous les pays, la crise de la bureaucratie du Kremlin et de son appareil international, l’actualité de la révolution politique, la contradiction de plus en plus brutale entre la politique des P.C. et le mouvement des masses ont laissé libre une place qu'en l'absence de partis révolutionnaires, électoralement les organisations prétendues « réformistes » ont occupée plus ou moins (voir le P.S. en France qui, outre la place occupée par l'ancienne S.F.I.O. a pris une partie de celle qu'occupait le P.C.F.) que ce soit au cours d'élections politiques ou corporatives. Ce n'est pas pour autant qu'elles « contrôlent » une partie croissante de la classe ouvrière et que le nombre de leurs adhérents s'accroît. A l'évidence, la résolution du 24° congrès idéalise la confédération F.O. et son appareil pour les privilégier. Tout comme la F.E.N., la confédération F.O. sous la V° République comme sous la IV° Républqque, n'a cessé d'avoir des liens très serrés avec le gouvernement, l'État, le patronat. Son « apolitisme » n'est qu'une façade pour ne pas mettre en cause le gouvernement, l'État, la société bourgeoise. Comme pour toute autre organisation ouvrière, la « neutralité » de F.O. est un leurre.
La C.G.T. occupe une position particulière. Elle est strictement contrôlée par l'appareil stalinien. Ses relations avec l'État, le gouvernement, le patronat, dépendent au premier chef de la politique de la bureaucratie du Kremlin et de son appareil international. Mais l'appareil de la C.G.T. a tissé également de nombreux liens directs avec l'État, le patronat, la société bourgeoise, par exemple au moyen des multiples comités d'entreprises. L'appareil de la C.G.T. participe, comme les autres, aux multiples organismes de participation constitués sous la V° République. Il est à la pointe de la politique dite « de démocratie à l'entreprise ». La direction de la C.G.T. et l'ensemble de l'appareil accomplissent généralement la tâche indispensable du point de vue de la bourgeoisie et du gouvernement de dislocation des luttes de la classe ouvrière, de bouzille des possibilités de combats efficaces.
Depuis 1981
Depuis que Miterrand a accédé au pouvoir et qu'il a constitué le gouvernement de « l'union de la gauche », les changements dans les rapports entre les centrales syndicales, les syndicats et le gouvernement n'ont pas été fondamentaux. Alors que le P.C.F. participait au gouvernement, la direction de la C.G.T. ne mettait pas en cause celui ci, ni sa politique, mais les appuyait tout en prenant sur tel ou tel point une position « critique » et en organisant à sa façon « des luttes » pour assurer aux syndicats C.G.T. une position prépondérante dans des entreprises comme Talbot et Citroën ou pour démanteler les possibilités de résistance de la classe ouvrière aux licenciements dans ces mêmes entreprises, dans la métallurgie et dans beaucoup d'autres entreprises.
Depuis la formation du gouvernement Miterrand Fabius Crépeau et la sortie du gouvernement des ministres du P.C.F., la direction de la C.G.T. condamne sa politique. Son orientation reproduit celle de la direction du P.C.F. au niveau syndical. Il s’agit de rendre impossible toute unité, d’impuissanter la classe ouvrière et de préparer le retour au pouvoir des partis bourgeois en mars 1986.
S'inscrit normalement dans cette politique, la bouzille des possibilités de résistance de la classe ouvrière aux licenciements (sidérurgie, chantiers navals, Creusot Loire, Renault, etc ... ) afin de permettre au gouvernement et au patronat d'appliquer leur politique. La direction de la C.G.T. se fait la championne de l'application des lois Auroux, de la régionalisation décentralisation, de la dislocation de l'enseignement public, de la Sécurité Sociale, de la remise en cause des conquêtes ouvrières, toutes ces mesures anti ouvrières constituant autant d'avancées vers le corporatisme.
La direction de la F.E.N. considérait le gouvernement de « l'union de la gauche » comme son gouvernement. Elle reconnaît également celui qui lui a succédé comme son gouvernement. Elle a été et elle est un rouage de l'application de leur politique de démantèlement de l'enseignement public, de la régionalisation-décentralisation. Pommatau [1], au congrès de la F.E.N. en novembre 1984, a nettement défini l'orientation de la direction en rejetant toute démarche qui puisse mettre en cause le gouvernement Miterrand Fabius Crépeau et sa politique. La direction de la F.E.N. a signé seule dans la fonction publique « l'accord » salarial pour 1985 qui entérine la baisse du pouvoir d'achat des fonctionnaires depuis la venue au pouvoir au gouvernement de « l'union de la gauche » et qui prévoit une nouvelle diminution de ce pouvoir d'achat en 1985. Elle aussi applique avec zèle la politique de démantèlement de l'enseignement public et notamment la régionalisation-décentralisation.
La direction de F.O. a pris plus de distance vis à vis du gouvernement de « l'union de la gauche » qu'elle n'en avait prise par rapport aux gouvernements précédents de la V° République. Bergeron [2] et le bureau confédéral F.O. ont engagé toute une campagne contre la présence des ministres du P.C.F. au gouvernement. Selon eux, la présence de ministres du P.C.F. au gouvernement constituerait une menace contre la « démocratie ». Par contre, selon les mêmes, il serait pleinement conforme à « la démocratie » que le R.P.R. et l'U.D.F. gouvernent. Formellement, F.O., au nom de « l'indépendance des syndicats » a donc. pris ses distances par rapport au « gouvernement de l'union de la gauche » et de sa politique. Alors que très rapidement, la politique du gouvernement de « l'union de la gauche » s'alignait sur les exigences du régime capitaliste en crise, qu'elle mettait en cause le pouvoir d'achat, les acquis de la classe ouvrière, alors que le chômage s'étendait, la direction de F.O. s'est faite « critique » à l'égard de cette politique. Cela a contribué à élargir sa base électorale dans les entreprises et à son succès aux élections à la Sécurité Sociale en novembre 1983.
Cependant, « l'opposition » de la confédération F.O. à la politique du gouvernement de « l'union de la gauche » a été purement formelle. Jamais la direction F.O. n'a ouvert une voie à la mobilisation des masses. Bien au contraire. Dès juillet 1981, la direction confédérale F.O. signait aux côtés des autres directions confédérales un accords avec le C.N.P.F. qui ouvrait une brèche dans la réglementation des conditions d'emploi des travailleurs. Bien que se proclamant en principe contre l'unité avec la C.G.T., notamment dans la sidérurgie, F.O. a participé aux opérations bouzilles organisées par l'appareil de la C.G.T. jusqu'à la manifestation « à Paris » de mars 1984. Elle a participé à la négociation de multiples accords organisant les licenciements. Tout en se prononçant en « principe » contre les lois Auroux et les organismes mis en place par la régionalisation décentralisation elle y participe. Comme toutes les autres centrales syndicales, la direction confédérale F.O. s'efforce de désamorcer tout mouvement réel et efficace contre la politique du gouvernement et du patronat : par exemple, l'appel à une grève des fonctionnaires de 24 heures en octobre 1984, véritable contre feu à un mouvement véritable. Les négociations sur la « flexibilité » et la conclusion d’un accord ont entièrement dépendu de la direction confédérale F.O.. La pression des travailleurs que les militants ont exprimée à l'intérieur de F.O. a contraint la direction à ne pas signer. De même que la pression des fonctionnaires a contraint la direction de la fédération F.O. à ne pas signer « l'accord » salarial. Mais la direction confédérale de F.O. cherche tous les biais possibles pour renouer des négociations avec le C.N.P.F. sur la « flexibilité », pour établir un système généralisé de contrats formation recherche d'emplois. A la S.N.C.F. et à l'E.D.F. G.D.F. les fédérations F.O. ont signé des accords salariaux identiques à celui dont sont victimes les fonctionnaires.
En France, depuis la fin de la guerre, sous la IV° République, comme sous la V° République, loin de se distendre, les liens entre les syndicats, les gouvernements, l'État, la bourgeoisie, n'ont cessé de se renforcer. Aucune organisation syndicale, pas plus F.O. que les autres, n'est indépendante des gouvernements, de l'État, de la bourgeoisie. Pour chaque centrale, ou pour la F.E.N., la forme est particulière et dépend de ses origines, de sa situation dans les rapports entre les classes, de la nature de l'appareil qui la contrôle. Mais la « neutralité », « l'indépendance » des unes et des autres est un leurre. En France, le « rapprochement » entre les syndicats, les gouvernements, l'État et le patronat se conjugue à la division syndicale. Trahison des intérêts de la classe ouvrière et division syndicale vont de paire. Division syndicale et trahison des intérêts des travailleurs sont responsables de la faiblesse des effectifs syndicaux. Il n'y a pas plus de 20 % des travailleurs qui sont syndiqués et le nombre des syndiqués ne cesse de diminuer. Le plus fort taux de syndicalisation est dans l'enseignement : la F.E.N. ayant gardé son unité au moment de la scission syndicale en 1948. Mais l'étroite adaptation de la direction de la F.E.N. et des directions des syndicats qui la composent à la politique des gouvernements de la V° République ont eu comme conséquence une désyndicalisation croissante qui s'est encore accrue depuis la venue au pouvoir du gouvernement de « l'union de la gauche ».
Pas de fusion avec l’État, renforcement des liens
Pourtant il n'y a pas eu fusion, comme le prévoyait Léon Trotsky, entre les syndicats et l'État. Dans tous les pays capitalistes dominants, que ce soit en Europe, aux USA ou au Japon, on constate : rapprochement des syndicats avec l'État bourgeois sans qu'ils fusionnent avec lui. Dans les pays semi coloniaux il faudrait procéder à une analyse pays par pays pour éclaircir les rapports entre les syndicats, les gouvernements, l'État. Dans les pays où le capital a été exproprié et où des bureaucraties parasitaires contre révolutionnaires monopolisent le pouvoir politique, les « syndicats » sont purement et simplement des rouages de l'appareil d'État (à l'exception naturellement de Solidarnosc).
La cause première et décisive de la non fusion des syndicats avec l'État est la lutte de classe que le prolétariat a menée au cours de ces quarante dernières années. Léon Trotsky écrivait :
« Par la transformation des syndicats en organismes d'État, le fascisme n'invente rien de nouveau, il ne fait que pousser à leurs ultimes conséquences toutes les tendances inhérentes à l'impérialisme ».
Mais entre le rapprochement des syndicats avec l'Étel et leur transformation en organismes de l'État, il y a une différence qualitative. Cette transformation ne peut être réalisée que par un régime politique établissant une dictature ouverte par suite de défaites majeures infligées au prolétariat, cette transformation de nature des organisations syndicales étant par elle même une défaite majeure.
En France, l'un des principaux objectifs de la V° République à sa constitution était la destruction du mouvement ouvrier. Cela impliquait l'intégration des syndicats à l'État, l'instauration du corporatisme. Mais instaurer le corporatisme exige aussi d’ « en finir avec le régime des partis » comme disait De Gaulle. Il faut briser politiquement la classe ouvrière. Le maintien des organisations ouvrières après l'accès de De Gaulle au pouvoir prouvait que la classe ouvrière n'était pas politiquement brisée. C'est ce que signifiait le maintien d'organisations syndicales même liées aux gouvernements, à l'État et à la bourgeoisie, mais non intégrées, et celui des partis ouvriers bourgeois, la S.F.I.O. et le P.C.F. En mars 1963, De Gaulle en réquisitionnant les mineurs engageait l'épreuve de force. Il a perdu parce que utilisant les organisations syndicales, mais à l'encontre de la politique de capitulation des appareils, les mineurs ont imposé la grève générale de leur corporation. D'ores et déjà, la grève générale de toutes les corporations était réalisable. Contre la politique des appareils et les submergeant momentanément, le mouvement profond des masses a réalisé la grève générale en mai juin 1968. La tentative d'intégration des syndicats à l'État, et plus généralement de destruction du mouvement ouvrier, a été brisée par le mouvement des masses malgré la politique capitularde et d'adaptation des appareils des organisations ouvrières. Les résultats du référendum de 1969 ont consacré cette situation. La victoire électorale de mai juin 1981 a souligné la contradiction fondamentale d'un régime politique qui, institué pour détruire le mouvement ouvrier, a dû y renoncer, au moins pour une longue étape, qui a dû admettre et subir son existence, qui a dû gouverner en s'appuyant sur les appareils syndicaux et politiques des organisations ouvrières. C'est en cela que le bonapartisme de la V° République est bâtard. Il n'a pu détruire les libertés démocratiques fondamentales indispensables à l'existence du mouvement ouvrier.
Dans tous les pays où la classe ouvrière engage le combat contre les dictatures politiques ouvertes, elle se bat pour arracher les libertés démocratiques fondamentales et réaliser la construction ou la reconstruction de ses organisations, notamment des syndicats. Ce fut vrai en Europe et au Japon à la fin et au lendemain de la II° guerre mondiale. Ce fut vrai en Espagne, au Portugal, en Grèce, dans tous les pays semi coloniaux où la lutte contre l'impérialisme s'est développée, où des dictatures ouvertes se sont effondrées ou ont été renversées. En Pologne, l'exemple de Solidarnosc montre que dans les pays où règnent des bureaucraties parasitaires qui monopolisent le pouvoir politique, en luttant et pour lutter contre elles, la classe ouvrière s'engage dans la construction ou la reconstruction de ses organisations syndicales. Cela fait partie du combat pour les libertés démocratiques sans lesquelles le prolétariat ne peut devenir une classe pour soi. Il va de soi que l'organisation de la classe ouvrière en partis politiques est indispensable à la constitution du prolétariat en classe pour soi et est finalement déterminante.
De nouvelle conquêtes par la lutte de classes
Dans « Les syndicats à l'époque impérialiste », Léon Trotsky écrivait :
« (les syndicats) ne peuvent pas être plus longtemps réformistes parce que les conditions objectives ne permettent plus de réformes sérieuses et durables. Les syndicats de notre époque peuvent ou bien servir comme instruments secondaires du capitalisme impérialiste, pour subordonner et discipliner les travailleurs et empêcher la révolution, ou bien au contraire devenir les instruments du mouvement révolutionnaire du prolétariat.
La neutralité des syndicats est complètement et irrémédiablement chose passée et morte avec la libre ″ démocratie ″ bourgeoise ».
Force est de constater que dans les pays capitalistes dominants en raison du développement de la lutte des classes la « démocratie » bourgeoise a survécu et que même dans les pays où le prolétariat avait été broyé politiquement sous les bottes fascistes Allemagne au moins en R.F.A., Italie, Japon, plus récemment Portugal, Espagne et également Grèce il a reconstruit ses organisations, c'est à dire reconquis ce qui pour lui est essentiel dans la « démocratie » bourgeoise. Par contre, y compris là où la « démocratie » bourgeoise s'est maintenue ou bien a ressurgi, les appareils syndicaux défenseurs de la société et de l'État bourgeois ont tout fait pour que les syndicats servent d' « instruments secondaires du capitalisme impérialiste pour subordonner et discipliner les travailleurs et empêcher la révolution ».
Il faut constater également qu'au cours des années d'après la fin de la II° guerre mondiale, au moins les prolétariats des pays capitalistes dominants impérialistes ont arraché de nouveaux et très importants acquis. Il serait stupide de nier que dans un pays comme la France, le pouvoir d'achat des travailleurs a progressé de façon importante, au moins en général, que les conditions d'existence du prolétariat se sont améliorées. L'institution immédiatement après la guerre de la Sécurité Sociale a été une des plus importantes conquêtes que le prolétariat ait arrachée. La convention signée pourtant le 31 décembre 1958, six mois après que De Gaulle ait accédé au pouvoir, entre les dirigeants des centrales syndicales et le C.N.P.F. portant sur l'assurance chômage dont sont sortis les ASSEDIC et l'UNEDIC, a longtemps garanti une large indemnisation aux travailleurs en chômage qui en bénéficiaient.
En même temps, la liaison appareils syndicaux, gouvernements, État, patronat, a souvent donné aux « accords » consignant les conquêtes ouvrières un caractère ambigu, ainsi qu'aux organismes constitués. A l'origine, les comités d'entreprises devaient être des organismes de participation des syndicats à la gestion des entreprises. En contrepartie, un certain pourcentage de la masse salariale de chaque entreprise concernée était versé à un fonds alimentant les œuvres sociales. Ce fonds devant être géré par les syndicats. La gestion des œuvres sociales des entreprises concernées met quelques fois des centaines de millions de francs, voire même des milliards à la disposition de certaines organisations syndicales C.G.T. et F.O. De son côté, la F.E.N. manipule les centaines de millions, voire les milliards de la M.G.E.N. Elle gère de véritables entreprises comme la C.A.M.I.F.
Ce n'est pas par hasard si l'accord sur l'assurance chômage a été signé six mois après la venue au pouvoir de De Gaulle, et de plus à un moment où le chômage était très faible en France. C'est un accord type de co gestion patronat syndicat. Autre exemple d'ambiguïté : les « accords » salariaux conclus depuis 1969. Leurs « principes » sont inacceptables. Pourtant, jusqu'en 1980 ils ont consigné une augmentation générale du pouvoir d'achat de salariés des entreprises concernées. De même les « accords » qui ont officialisé le passage des temps annuels de vacances de 15 jours à 5 semaines impliquaient des clauses qui annonçaient déjà la remise en cause de la qualification, la mobilité de la main d'œuvre, la remise en cause des garanties contre les licenciements. Pourtant, à juste titre, les salariés considèrent les cinq semaines de congés payés comme une très importante conquête.
C'est que depuis la Libération, la crainte de la révolution prolétarienne a marqué de son empreinte tous les rapports politiques y compris, à partir de la grève des mineurs de mars avril 1963, ceux existant dans le cadre de la V° République. Les relations entre les directions syndicales, les gouvernements, l'État, le patronat en ont été évidemment imprégnées. Les accords conclus, quelles que soient les intentions de départ, ont dû finalement en tenir compte et ils ont dû être appliqués en conséquence. Mais il n'empêche que ce sont les appareils syndicaux qui ont contracté ces accords. En quelque sorte, comme sous produit de la menace de la révolution, la période « réformiste » a été prolongée de plusieurs décennies. La résolution du 24° congrès de l'O.C.I., pas plus que celle du 29e congrès du P.C.I. ne tient compte de ces rapports réels, ce qui lui permet d'idéaliser l'appareil de F.O.. Dans ce type particulier de situation, la centrale F.O. a trouvé tout naturellement sa place en tant que « instrument secondaire du capitalisme impérialiste pour subordonner et discipliner les travailleurs et empêcher la révolution ». Mais il semble à d'importantes couches de travailleurs qu'en comparaison de la politique d'impuissance et de saccage de la direction stalinienne de la C.G.T., la « politique contractuelle » de la direction F.O. leur a apporté d'importants acquis, Par exemple, la remontée électorale de F.O. dans une entreprise comme la R.A.T.P. coïncide avec la conclusion, à partir de 1969, des « contrats salariaux » et la perte d'influence de la C.G.T. résultant de la crise du stalinisme. La distance que F.O. a prise par rapport au gouvernement de « l'union de la gauche » n'est pourtant pas un pas fait sur la voie de la rupture avec la bourgeoisie, le patronat et les partis bourgeois. Elle a néanmoins contribué à renforcer l'influence électorale de F.O.
La possibilité objective de ces conquêtes
Mais il ne suffit pas que la classe ouvrière combatte, que la révolution menace pour que le prolétariat obtienne une amélioration de son pouvoir d'achat, de ses conditions de travail et de vie et a fortiori d'importants acquis alors même que les accords passés entre les dirigeants syndicaux, les gouvernements, le patronat, l'État sont ambigus. Il faut encore que le capital soit en mesure de faire des concessions, d'accorder des réformes. En d'autres termes, que la production et la réalisation de la plus value soient suffisantes pour que tout en faisant des concessions à la classe ouvrière, le capital maintienne un taux de profit élevé. Il est évident d'ailleurs que l'augmentation de la productivité du travail rend possible une baisse de la valeur de la force de travail et une augmentation du pouvoir d'achat des ouvriers mesuré en termes de marchandises qu'ils achètent et consomment. En d'autres termes, le taux d'exploitation peut augmenter et pourtant le pouvoir d'achat des travailleurs augmenter aussi.
Il n'y a pas lieu de réviser l'appréciation du programme de transition, « L'agonie du capitalisme et les tâches de la IV° Internationale » : « Les forces productives ont cessé de croître ». Il faut seulement apprécier ce que Léon Trotsky explique :
« Le capitalisme impérialiste n'est plus capable de développer les forces productives de l'humanité, et, pour cette raison, il ne peut accorder aux ouvriers ni concessions matérielles ni réformes sociales effectives. Tout cela est juste. Mais tout cela n'est juste qu'à l'échelle d'une époque entière ». (La révolution espagnole page 446).
Or après la seconde guerre mondiale, sous l'impulsion de l'impérialisme américain, la protection politique de la bureaucratie du Kremlin, de son appareil international, des différents appareils politiques et syndicaux du mouvement ouvrier, l'économie capitaliste s'est réorganisée, un nouveau marché mondial et une nouvelle division du travail se sont constitués, la production et les échanges mondiaux se sont multipliés, la productivité du travail également. Si bien que la masse de la plus value produite et réalisée a cru considérablement, le taux d'exploitation a augmenté, la valeur de la force de travail a diminué et pourtant, le pouvoir d'achat, les conditions de travail et d'existence en général des travailleurs des grandes puissances capitalistes ont pu s'améliorer. D'autre part, l'exploitation des peuples semi coloniaux, malgré la fin de la colonisation directe, par le capitalisme impérialiste a connu un développement extraordinaire, sous toutes les formes possibles et imaginables de l'importation de main d'œuvre à bon marché dans les métropoles impérialistes jusqu'à l'exploitation directe de l'économie de ces pays, ce qui a fourni au capital une masse énorme de plus value.
Au contraire de ce que les pablistes ont prétendu, le développement même considérable des moyens de production ne correspond pas nécessairement au développement des forces productives de l'humanité. Très rapidement, l'économie permanente d'armement a conditionné le fonctionnement du mode de production capitaliste. Elle est devenue son indispensable volant d'entraînement. Un gigantesque parasitisme a été conjugué à un fantastique endettement. Mais il faut constater objectivement que, pendant plusieurs décennies, ce type de fonctionnement a permis la production et la réalisation de la plus value en quantité suffisante à une nouvelle accumulation de capital réel. En même temps, ce type de fonctionnement a provoqué la formation d'une masse énorme de capital fictif. C'est sur cette base que la bourgeoisie a été en mesure de faire d'importantes concessions, d'inégales importances, aux prolétariats des principaux pays capitalistes.
C'en est fini de ces possibilités
En conséquence de ce type de fonctionnement, dès la fin des années 60 le dollar s'est affaibli. Nixon était contraint le 15 août 1971 de décider que les banques centrales des autres pays ne pourraient plus demander à la banque centrale des U.S.A. le remboursement en or des dollars qu'elles possédaient. En 1974, une crise économique récurrente commençait. L'économie d'armement et une inflation de crédit gigantesque, à l'échelle du monde, ont néanmoins impulsé une relance de l'ensemble de l'économie capitaliste. Dès ces années, dans certains pays capitalistes, l’Angleterre par exemple, le pouvoir d'achat et de nombreux acquis, arrachés après guerre par la classe ouvrière ont été remis en cause. A la fin des années 70, le cours du dollar s'est effondré.
Pour remédier à la crise du dollar, Carter a engagé la politique des hauts taux d'intérêts et de restriction de crédits. En 1980 la crise économique rebondissait. La conjonction de la politique monétaire de l'impérialisme américain et de la crise économique ont frappé le plus durement les pays semi coloniaux qui subissent l'exploitation impérialiste. Ces pays ont été réduits à la faillite économique et financière. Ils ont subi un véritable pillage de leurs ressources déjà limitées. La population laborieuse des pays soumis au pillage impérialiste a, la première, subi brutalement les conséquences de l'impasse du régime capitaliste. Des dizaines de millions de travailleurs de ces pays ont été réduits à la misère, à la famine et même à la mort. Il s'en est suivi une situation de désagrégation sociale plus ou moins avancée.
L'impérialisme américain pour surmonter le crise économique a lancé un nouveau et gigantesque programme d'armement que Reagan a repris de Carter en l'amplifiant. Pour financer le déficit énorme du budget américain qui en résulte, le gouvernement US a recourt à des emprunts massifs. Par les hauts taux d'intérêts, l'impérialisme US draine vers les U.S.A. les capitaux disponibles sur le marché international des capitaux. A ces conditions, une reprise économique s’est développée à partir de 1983 aux U.S.A. qui a contribué à soutenir le marché mondial et à une certaine reprise des échanges internationaux. L'économie japonaise a suivi avec un certain écart la reprise aux U.S.A. Mais dans les pays capitalistes d'Europe, la reprise a été beaucoup plus limitée. Quant à la situation économique et financière des pays semi coloniaux, elle est toujours aussi tragique. Les diktats du F.M.I. auxquels se soumettent les gouvernements de ces pays pour obtenir de nouveaux crédits, ou une réorganisation de leur dette, à des taux d'intérêts prohibitifs pour éviter ou surmonter la faillite financière, continuent et aggravent le pillage. Les plans d'austérité qu'ils imposent sont directement dressés contre la population laborieuse et approfondissent la désagrégation sociale. Les palliatifs pour impulser l'économie capitaliste s'avèrent de moins en moins efficaces. Les « remèdes » ne font finalement qu'aggraver le mal et préparer la catastrophe. Jusqu'à quand cela pourra t il durer avant que ne se produise le véritable krach économique et financier ? Y aura t il de nouveaux paliers ? Il est impossible de le dire.
En tout cas, d'ores et déjà, de façon générale, la réalisation de la plus value est devenue difficile. Le taux de profit a chuté de façon importante. La concurrence entre les pays capitalistes dominants et à l'intérieur de chaque pays s'est intensifiée. Pour le capital, c'est devenu un impératif catégorique d'accroître le taux d'exploitation, de réduire drastiquement non seulement la valeur de la forte de travail mais le pouvoir d’achat, d'aggraver les conditions de travail en augmentant sa productivité, de détruire les acquis des travailleurs, d'opérer des contre réformes. Le « reaganisme » et le « tatcherisme » ne sont que l'expression et la systématisation de cette nécessité qui s'impose dans tous les pays capitalistes. Dans les principaux pays capitalistes, il y a une réserve de force de travail de 27 à 29 millions de chômeurs. Non seulement elle ne sera pas résorbée dans les années qui viennent, mais les hypothèses les plus optimistes qui prévoient un développement de la production, intègrent dans leurs prévisions un accroissement de la masse des chômeurs. Cette réserve de force de travail doit peser sur le marché du travail. Aussi bien pour cette raison que parce que le capital estime insupportable le coût de l'indemnisation du chômage, tel qu'il est indemnisé dans un pays comme la France, il lui faut que les chômeurs soient réduits à la portion congrue. Les retraités également. Dans tous les pays capitalistes dominants ce que les « sociologues » appellent « la nouvelle pauvreté » s'étend. Aux U.S.A., il y avait déjà en 1978 24 millions de personnes vivant en dessous de ce qu'il est convenu d'appeler « le seuil de la pauvreté ». En 1984, en pleine reprise, leur nombre aurait atteint 35 millions. Dès lors, il est évident qu'une nouvelle chute de l'économie capitaliste précipiterait encore toute cette attaque généralisée contre la population laborieuse. En perspective se dessine pour la classe ouvrière des pays impérialistes dominants le sort que connaît déjà la population laborieuse des pays semi coloniaux, pour ne pas parler des pays où l'impérialisme est directement responsable de la mort par la faim de millions d'enfants, de femmes et d'hommes.
La V° République n'a pu mener à leur terme toutes les contre réformes engagées contre les conquêtes et acquis de la classe ouvrière. Parmi ces contre réformes, les plus avancées sont sans doute celles qui visent à la destruction de l'enseignement public bien qu'elles n'aient pas encore non plus été menées à terme. Toutes les positions ouvrières sont menacées : Sécurité Sociale, garantie d'emploi, de qualification, protection sociale, etc, etc ... Pourtant, au moins en ce qui concerne le pouvoir d'achat, les salaires, le capitalisme français a dû et pu faire des concessions à la généralité de la classe ouvrière. Il a dû et pu alors qu'il y avait déjà aux environs d’un million cinq cents mille chômeurs, tolérer un système d'indemnisation des chômeurs permettant à ceux qui en bénéficiaient d'obtenir quelquefois des allocations égales aux salaires qu'ils percevaient précédemment. Mais cette situation a pris fin, définitivement pris fin, à partir de 1981 1982. Depuis, le pouvoir d'achat de toutes les catégories de salariés a diminué aussi bien celui des fonctionnaires, que celui des travailleurs des entreprises publiques, que celui des grandes entreprises privées, que celui des travailleurs des dizaines de milliers d'entreprises moyennes et petites. Le chômage s'est considérablement accru. Il y a 3 millions de chômeurs environ, 10% de la population considérée comme active. Le 15 novembre 1982, le C.N.P.F. dénonçait la convention sur l'assurance chômage qui avait été renouvelée en 1978. A la suite de l'ordonnance du 16 février 1984, les centrales syndicales (sauf la C.G.T.) et le C.N.P.F. ont signé une nouvelle convention on valable deux ans qui a modifié l'assurance chômage. Aux dires de Bergeron lui même, le montant des prestations servies aux chômeurs a été diminué en moyenne de 14 % pour chacun d'eux, en même temps que le champ d'application et la durée des prestations étaient réduits. Cette nouvelle convention est en principe valable deux ans. Mais le déficit des ASSEDIC atteindrait plusieurs milliards. Le patronat préconise une nouvelle diminution des prestations et de nouvelles restrictions de leur champ d'application, une nouvelle répartition des cotisations. Les régimes complémentaires de retraite sont également menacés de faillite. Il est inutile de reprendre ici l'ensemble des dispositifs mis en place depuis 1981 par le gouvernement de « l'union de la gauche » et le gouvernement qui lui a succédé.
Il faut cependant attirer l'attention sur le programme mis en avant par le R.P.R. et l'U.D.F. au cas où ils reviendraient au pouvoir, programme qui s'appuie sur tout ce que le gouvernement de « l'union de la gauche » et le gouvernement Miterrand Fabius Crépeau ont mis en place, y compris la régionalisation-décentralisation.
L'histoire fait souvent des détours. Il lui arrive d'accorder des sursis. A certains égards, ce fut le cas au cours des trente à trente cinq années d'après la II° guerre mondiale en ce qui concerne la possibilité des appareils syndicaux de jouer un rôle « réformiste ». Mais cela n'aura été, en définitive, que pour aboutir à une situation où :
« ils ne peuvent pas être plus longtemps réformistes (non seulement) les conditions objectives ne permettant plus de réformes sérieuses et durables »
mais elles imposent la remise en cause de toutes les réformes, tous les acquis, toutes les conquêtes de la classe ouvrière. Les conditions objectives imposent déjà et imposeront de plus en plus une diminution drastique du pouvoir d'achat, une altération dramatique des conditions de travail et d'existence de la population laborieuse jusqu'à mettre en cause l'existence sociale de secteurs entiers de la classe ouvrière.
La résolution du 24° congrès de l'O.C.I. « néglige » l’essentiel
Le défaut fondamental des résolutions des 24° congrès de l'O.C.I. et 29e congrès du P.C.I. qui traitent des problèmes syndicaux, est de prétendre situer la place et le rôle de F.O., de la C.G.T., de la F.E.N., sans établir que, à partir de la lutte de classe du prolétariat, mais aussi parce que les conditions objectives l'ont permis, les centrales syndicales et les syndicats ont pu avoir un rôle « néo réformiste » jusqu’à environ 1980. Mais depuis c’est fini. En conséquence, tant que les syndicats sont par leurs appareils soumis à la société bourgeoise, liés à son État, à ses gouvernements, ils sont contraints de jouer un rôle réactionnaire, de se faire les instruments d'application d'une politique totalement anti ouvrière.
La résolution du 24° congrès tire à boulets rouges contre la direction de la F.E.N., sur sa capitulation après 1960 devant les gouvernements de la V° République et fait l'apologie de la direction de F.O.. Cette résolution préparait ainsi la tentative de rompre l'unité de la F.E.N. pour construire des syndicats F.O. dans l'enseignement, tentative engagée en 1982 83. On y lit :
« L'unité de la F.E.N., préservée essentiellement par notre politique en 1947, reste un acquis du combat pour une centrale unique et démocratique qui est toujours le mot d'ordre central de notre activité syndicale ».
Il ne s'agit que du coup de chapeau à « l'unité de la F.E.N. ». Immédiatement après le contraire est affirmé :
« Cela dit, comme tout mot d'ordre, un mot d'ordre correct à une étape donnée de la lutte des classes peut, s'il est incorrectement formulé se transformer en son contraire à l'autre étape. Léninistes, nous savons qu'un mot d'ordre n'est valable que pour autant qu'il accroît la confiance et la conscience des masses dans leur propre cause » ...
L'unité de la F.E.N., acquis du combat d'unité, est ainsi partiellement changée en son contraire ».
La résolution du 29° congrès déclare :
« Pour sauver le syndicalisme ouvrier indépendant dans l'enseignement, nous avons été amenés à transférer une fraction de nos militants à F.O. : mais c'est pour combattre pour préserver le syndicalisme ouvrier des syndicats de la F.E.N. » (sic)
« Notre ligne se résume dans les points suivants :
« L'autonomie a épuisé ses virtualités. Elle est devenue le paravent pour les dirigeants de la F.E.N. de leur volonté de subordonner le syndicat au gouvernement. Les syndicats de la F.E.N. sont des syndicats ouvriers, il faut ouvrir la discussion dans les syndicats de la F.E.N., et au congrès de la F.E.N., sur la nécessité de réintégrer le syndicalisme confédéré ».
En clair, il faut préparer l'éclatement de la F.E.N. car il existe deux confédérations syndicales ouvrières, la C.G.T. et F.O. et, que l'on sache, la perspective d'une unification syndicale dans une centrale unique et démocratique n'est pas ouverte. Les deux appareils, F.O. et C.G.T., y sont tout aussi opposés que l'est celui de la F.E.N.
Loin d'opposer la politique de l'appareil de la F.E.N. à celle de l'appareil de F.O., il faut montrer les circonstances différentes auxquelles ils ont été confrontées, mais aussi leurs limites communes et leurs impératifs communs. Le monopole de la représentation des enseignants n'a laissé à la F.E.N. que l'alternative ou procéder à la mobilisation révolutionnaire des masses contre la politique de démantèlement de l’enseignement public des gouvernements de la V° République, ou capituler et se faire l'agent, en « négociant », en « discutant », mais en s'adaptant, de l'application des « réformes » successives. Procéder à la mobilisation révolutionnaire des masses signifiait poser la question du gouvernement, du pouvoir, du régime. La direction de la F.E.N., en bon appareil « réformiste » ne pouvait que capituler. Seule la mobilisation révolutionnaire de masses submergeant l'appareil de la F.E.N. pouvait dans ce domaine briser l'offensive de la bourgeoisie. Mais la mobilisation révolutionnaire spontanée des masses sur les questions générales de l'enseignement peut difficilement se réaliser indépendamment des enseignants eux mêmes.
L'inexistence de F.O. dans l'enseignement lui a évité d'avoir à capituler mais aussi d'avoir à esquisser le moindre combat. De plus, la direction confédérale ne cache pas qu'elle est pour le « pluralisme » dans l'enseignement, c'est à dire pour l'existence d'écoles privées catholiques et patronales, leur financement par l'État. Pourtant, c'est un jalon vers la destruction de l'école publique, de la laïcité de l'école et de l'État auxquelles F.O. se dit attachée.
Par contre, les revendications de salaire, de conditions de travail, de défense des acquis sociaux ont été les catalyseurs de mouvements comme la grève générale des mineurs de mars avril 1963, de la grève générale de mai juin 1968. Ce sont les travailleurs qui ont imposé ou réalisé spontanément ces mouvements. La menace d'une explosion révolutionnaire amorcée à partir de ces revendications a depuis été constamment présente. Les appareils F.O. et C.G.T. ont fait « l'unité » pour « négocier » la trahison de la grève de mineurs. La F.E.N. s'est jointe à eux pour « négocier » la trahison de la grève générale de mai juin 1968. Ultérieurement, la crainte de nouvelles explosions révolutionnaires, se réalisant spontanément à partir des mêmes problèmes, a permis aux appareils et notamment à F.O. de pratiquer « la politique contractuelle ».
Mais désormais, il n'y a plus rien à « négocier », ou comme le dit Bergeron : « il n'y a plus de grain à moudre ». Dès lors, comment se comporte la direction de F.O. ? Elle brade le pouvoir d'achat, les acquis, les conquêtes, les réformes antérieures. Dès juillet 1991, aux côtés des autres directions syndicales : accord avec le C.N.P.F. commençant à mettre à mal la protection sociale de l'emploi dont une grande partie remonte à 1936, mise à mal de l'assurance chômage en février 1984. La direction de F.O. a été la cheville ouvrière de l'accord concocté avec le C.N.P.F. sur la « flexibilité » de l'emploi conclu en décembre 1984. Elle n'a pu le ratifier en raison de la montée de la protestation ouvrière que ses militants ont traduit à l'intérieur de la centrale. La direction n'a pas pour autant renoncé. Elle s'efforce à chaque instant de renouer les contacts avec le C.N.P.F. et de relancer les « négociations » . Les fédérations et syndicats F.O. sont signataires de multiples accords liquidant des dizaines de milliers d'emplois dans la sidérurgie, les chantiers navals, Creusot Loire, l'automobile, etc... La direction confédérale a signé un accord qui étend le travail temporaire. Elle est en principe pour les C.F.R. A nouveau l'assurance chômage est remise en cause par le C.N.P.F. Demain, ce sera le tour des régimes de retraite complémentaire. F.O., comme la F.E.N., est devant le dilemme : ou mobilisation révolutionnaire des masses qui met en cause le gouvernement, le pouvoir, le régime, Ou capituler et se faire l'agent direct de la politique gouvernementale et patronale. L'appareil « réformiste » s'est déjà engagé sur la voie de la capitulation et c'est normal.
Il est inutile de s'appesantir sur la politique de l’appareil stalinien de la C.G.T. C'est d'une autre façon qu'en général au moins à l'étape actuelle, elle permet que s'applique la politique du gouvernement et du patronat, principalement par la division et la bouzille.