Nejia, étudiante à Montpellier
Bonjour. Je suis étudiante en droit à l’université de Montpellier. Parler des problèmes de la jeunesse pourrait faire l’objet de plusieurs interventions, tant, de toute part, les coups pleuvent contre nos droits.
Aujourd’hui, tous les gouvernements, quels qu’ils soient, voudraient faire passer les conquêtes de nos aînés pour des privilèges appartenant au passé.
A l’époque du référendum sur le traité de Maastricht, on nous a trompés. On a promis aux jeunes, si spontanément internationalistes, une Europe de paix, de progrès sociaux. Et, bien sûr, tous ceux qui s’y opposaient étaient assimilés à des réactionnaires.
Le 29 mai 2005, la jeunesse a prouvé qu’elle n’était pas dupe. Elle a exprimé la volonté d’en finir avec cette immense accumulation de mensonges. Ce 29 mai s’est exprimée la révolte des lycéens qui n’ont pas accepté qu’on leur envoie les CRS pour faire taire une aspiration naturelle et légitime : obtenir un bac, premier grade universitaire, le même pour tous sur l’ensemble du territoire. Mais voilà, cette aspiration s’est heurtée aux plans de l’Union européenne, qui voudrait nous imposer la mise en place de qualifications régionales dans le cadre d’un enseignement « informel » ou « non formel », synonyme d’une destruction pure et simple de l’enseignement.
Totalement sourd aux attentes des lycéens, le gouvernement poursuit son œuvre de liquidation du baccalauréat et entend désormais interdire le libre accès à l’Université par le biais de la mesure Goulard, dite de « préinscription » pour les élèves de terminale.
Le 29 mai s’est exprimée la révolte des étudiants confrontés à la destruction des diplômes nationaux par le plan LMD, découlant directement de l’Union européenne. N’importe quel gouvernement soucieux du respect de la démocratie aurait, après le 29 mai, abrogé LMD. Or c’est tout l’inverse qui est en train de se produire, car, vous le savez, le rapport commandé par le gouvernement au recteur Hetzel vient de paraître il y a quelques semaines : celui-ci propose d’aller jusqu’au bout du plan LMD, en remplaçant les cours, les enseignements fondamentaux par des stages en entreprise.
Et cela se fait bien sûr au nom de la « découverte du monde l’entreprise ». Mais on le sait, le monde de l’entreprise, c’est le droit à un salaire, le droit de se syndiquer, le droit à bénéficier d’une convention collective. Les stages, ce n’est pas le monde de l’entreprise, c’est le monde de l’exploitation. Et le rapport Hetzel voudrait remplacer nos cours, nos savoirs, nos connaissances, nos diplômes par le monde de l’exploitation.
Le 29 mai, enfin, s’est exprimée la révolte contre les 26 contrats précaires qu’il font subir à la jeunesse en nous privant du droit à un vrai travail : CDI dans le privé, emploi statutaire dans la fonction publique.
Le rejet de cette précarité s’est incarné au printemps dernier dans une mobilisation exemplaire sur le plan de l’unité et de la clairvoyance : il s’agit, bien sûr, de la lutte contre le CPE, mesure qui, elle aussi, découlait, comme le CNE toujours en vigueur, des lignes directrices de l’Union européenne.
Lors des manifestations, de nombreux étudiants ont brandi ceci : le Code du travail. Etudiante en droit, je connais ce code et ce qu’il renferme, comme tous les syndiqués et travailleurs présents aujourd’hui. Ce code, c’est le résultat de 200 ans de luttes de classe contre l’exploitation. Cet outil, auquel nous sommes tous attachés, que nous défendons tous quotidiennement, c’est justement l’Union européenne qui cherche à le faire disparaître. Pourquoi ? Pour le remplacer par une charte dite « des droits fondamentaux », qui tient en quelques lignes, véritable machine à détruire nos droits.
Pour l’Union européenne, les droits de la jeunesse peuvent se résumer en une formule : ils sont un obstacle à la mise en œuvre d’une concurrence libre et non faussée. Eh bien, pour nous, lycéens, étudiants, jeunes travailleurs, les droits de la jeunesse sont les fondements de notre avenir. Nous ne sommes pas prêts à les sacrifier.
On nous faisait miroiter une Europe de paix et de progrès, mais la réalité, nous la connaissons tous : c’est celle des institutions réactionnaires, de la barbarie, de la précarité et de l’exploitation.
L’Union européenne, c’est le jeune ouvrier intérimaire à qui l’on annonce subitement qu’après onze mois de travail au sein de la boîte, sa mission est terminée, et que ce n’est pas la peine qu’il revienne le lendemain.
L’Union européenne, c’est l’étudiant qui livre des pizzas pour financer ses études et qui ne trouve pas de logement à moins de 400 euros par mois, ce qui représente toute sa paie.
L’Union européenne, c’est l’étudiante qui, pour s’en sortir, est obligée d’accepter un emploi dans ce qu’on appelle pudiquement « des bars à hôtesses ».
L’Union européenne, ce sont tous ces diplômés qui bossent 20 heures par semaine chez MacDo, en se demandant s’ils trouveront mieux un jour.
L’Union européenne, ce sont tous ces milliers d’étudiants qui préparent un concours de l’Education nationale et apprennent que, cette année encore, on ferme des postes par centaines.
L’Union européenne, c’est ce jeune qui reçoit tous les jours des SMS de l’ANPE pour lui signifier que, une fois encore, sa candidature n’a pas été retenue.
Le 29 mai, la jeunesse dans son ensemble a dit non ! Non au sort qui lui est fait, non à toutes ces politiques insupportables. Mais tous ceux qui prétendent nous représenter veulent continuer à tout prix, veulent étouffer notre voix.
Dès demain, avec les travailleurs, dans l’unité, nous irons informer l’ensemble de la population, les jeunes, pour regrouper encore plus largement, pour organiser cette révolte légitime, afin d’ouvrir une issue pour les jeunes, pour toute la population. Et cette issue passe par la rupture avec l’Union européenne.