Soleil Trompeur

Message par Etienne25 » 06 Nov 2006, 00:12

J'ai récemment vu "Soleil trompeur" de Nikita Mikhalov, un film de 1993.

Ce film dénonce très le stalinisme et ses débordement (les purges) mais il reste néanmoins très subtile quand au point de vu sur les anciens héros de la révolution devenus bureaucrates...

Ce qui m'a le plus troublé c'est quand j'ai appris que Mikhalov était anti communiste alors que le film ne choque pas le moin du monde un trotskyste :D .

Je voudrais savoir ce que vous en avez pensé.

Je fais aussi un petit coucou (même un grand) a tous ceux avec qui j'ai partager ce film le samedi 4 novembre... :wavey:
Etienne25
 
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Message par shadoko » 06 Nov 2006, 01:49

J'ai aussi bien aimé ce film.

Quand tu dis que Mikhalkov est anti-communiste, tu pourrais être plus précis? Je ne connais pas trop ses opinions politiques, mais il me semble qu'il a commencé sa carrière avant la fin de l'URSS, et qu'il était déjà célèbre comme acteur à ce moment là, probablement protégé du régime. Depuis la fin de l'URSS, il a pu évoluer, mais je serais curieux de savoir ce qu'il dit exactement maintenant sur le communisme.

Sinon, Soljenitsin qui est un nationaliste russe notoire aujourd'hui a aussi écrit des livres assez fins qui ne respirent pas du tout l'anti-communisme.
shadoko
 
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Message par Ottokar » 06 Nov 2006, 08:35

le fim avait en effet un côté très "vieille Russie", une Cerisaie de Tchékov à l'époque stalinienne. Ce qui n'empêche qu'il était beau et bien joué.
Ottokar
 
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Message par Etienne25 » 06 Nov 2006, 20:50

Désolé mais je vois pas en quoi Mikhalov est nostalgique de la "vielle Russie" dans ce film, il montre bien Kourkov comme un héro de la Révolution Russe, qui aime ses paysans, même devenu bureaucrate.

Peut être pourriez vous m'éclairer sur cette voie ?
Etienne25
 
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Message par shadoko » 06 Nov 2006, 22:00

Ce qui fait vieille russie, c'est précisément cet attachement à la campagne, cette maison de famille qui ressemble étrangement à une maison de la noblesse russe, les valeurs buccoliques, etc... Tout le début du film pourrait se passer dans une maison de la noblesse ou de la bourgeoisie aisée à la fin du 19ème siècle. C'est justement le contraste entre cette existence extérieurement sans ride et l'arrivée de l'homme du NKVD qui prend le spectateur par surprise.
shadoko
 
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Message par gerard_wegan » 07 Nov 2006, 03:37

En fait tout ça n'a aucun côté vieille Russie... sauf à constater (mais c'est une banalité) que les villages de datchas des anciens privilégiés -- en l'occurrence des milieux artistiques de l'ancienne aristocratie russe, parlant français et ayant appris à danser le cancan -- ont continué à exister sous l'URSS stalinienne.

(une remarque au passage : les datchas existaient, et existent toujours en Russie, dans la banlieue de grandes villes comme Saint-Petersbourg, et pas seulement dans les milieux hyper riches ; mais pour qui connait un peu la Russie, il est évident que le type de maison qui est celle de la famille de Kotov dans le film n'est pas exactement une datcha de milieu populaire !)

Donc, par rapport à ce que dit Shadoko : la maison de famille ne ressemble pas étrangement à une maison de la noblesse russe -- c'est une datcha typique de l'ancienne noblesse russe... des biens que certains milieux de l'ancienne aristocratie (du moins ceux qui n'ont pas émigré) ont réussi à conserver en nouant des liens (notamment, comme dans le film, par le mariage) avec les nouveaux privilégiés du régime. Des liens forts en apparence, mais dont Mikhalkov souligne avec justesse les lignes de fractures : ainsi Kotov (colonel de l'armée rouge, sans éducation, ayant gagné ses galons dans la guerre civile -- magnifiquement joué par Nikita Mikhalkov lui-même) réagissant devant les jérémiades des aristos de sa belle-famille sur "la belle vie" qu'ils avaient avant la révolution ; ou encore son sentiment d'exclusion lorsque tout ce beau monde (jusqu'à la bonne...) parle en français.

Ce qu'il y a de fort dans ce tableau, c'est l'opposition entre le colonel de l'armée rouge, nationaliste certes dans son éloge de "la Patrie soviétique", mais aussi profondément attaché à ce qu'il croit être la construction du socialisme (Mikhalkov le montre avec finesse par la sincérité des propos que Kotov tient à sa fille à l'occasion d'une promenade en barque, loin donc des grandes déclamations publiques), et le cynisme de l'ancien protégé de l'aristocratie, ayant combattu du côté des blancs dans la guerre civile avant de se vendre au contre-espionnage soviétique en monnayant son retour en URSS contre la dénonciation de généraux blancs en exil, et terminant en URSS même comme agent du NKVD pourchassant les prétendus "ennemis du peuple" ! (superbe interprétation de Oleg Menchikov)

Quant à Mikhalkov lui-même, il a commencé sa carrière d'acteur et de réalisateur du temps de l'URSS, dans les années 70, mais n'en a retenu que le nationalisme du régime stalinien -- il a dû apprendre ça dès le berceau, son père étant le parolier de l'hymne soviétique (qui, faut-il le rappeler, n'était pas L'Internationale !). Sous Eltsine, il est devenu le "pape" du cinéma russe... et il l'est plus ou moins resté depuis (directeur de je ne sais plus quel institut, président du festival de Moscou...), ce qui dit quand même quelque chose de ses relations avec Poutine et le régime actuel. D'ailleurs ses opinions personnelles, comme l'indique Vérié, ne font guère de doute : je ne serais pas étonné d'apprendre qu'il considère Poutine comme un nouveau tsar ! :blink:

Ceci dit, c'est du grand cinéma. A voir aussi, sur la période de la révolution russe : "Esclave de l'amour" (comment la révolution et la guerre civile viennent troubler le petit monde bien rôdé du tournage d'un film muet sur les côtes de Crimée ; plus ou moins tiré de la vie de l'actrice russe Vera Kholodnaya). Mais aussi : "Urga", "Les yeux noirs", "Cinq soirées", "Partition inachevée pour piano mécanique", "Quelques jours de la vie d'Oblomov"... (le tout étant plus ou moins facilement trouvable en France en vo sous-titrée, sur DVD ou VHS).
gerard_wegan
 
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Message par shadoko » 07 Nov 2006, 07:41

a écrit :
En fait tout ça n'a aucun côté vieille Russie...

mais tu passes tout de même trois paragraphes à le décrire... ;)

Et c'est un choix de Mikhalkov de tourner son film dans cet environnement, et non pas en plein Moscou, de choisir de mettre en scène un général qui a épousé une fille d'une famille noble, et de nous montrer au passage le raffinement des moeurs d'un tel monde. La remarque d'Ottokar correspond tout-à-fait. Cela dit, j'ai vu ce film il y a un certain temps, et je ne me rappelle plus bien les détails, mais c'est bien l'impression floue qu'il m'en reste.
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Message par gerard_wegan » 07 Nov 2006, 14:13

Je ne vais pas polémiquer à rallonge sur le terme "vieille Russie" ; je souligne juste que le film décrit avant tout un des aspects de l'URSS stalinienne. Et dans ce tableau, le côté "vieille Russie" que certains peuvent y trouver n'est nullement anachronique.

Evidemment que c'est un choix de Mikhalkov de tourner dans cet environnement et non pas en plein Moscou... puisqu'il construit le scénario autour de la journée de repos à la campagne d'un ponte du régime, chez sa belle-famille issue de l'aristocratie. La même trame générale aurait sans doute pu être conservée en situant l'action à Moscou, certes... sauf qu'il aurait fallu trouver autre chose au tout début du film pour souligner le type de liens qui continuaient à exister au milieu des années 30 entre la bureaucratie montante (une partie en tout cas de celle directement issue des anciens révolutionnaires) et certains milieux populaires (référence à la scène du début où un paysan vient carrément chercher Kotov dans son sauna pour lui demander d'intervenir afin d'empêcher les chars en manoeuvre de détruire le champ de blé du kolkhose).

... Et une remarque pour finir : Mikhalkov ne se contente pas de montrer le prétendu "raffinement des moeurs" de l'ancienne aristocratie ; il en montre aussi, avec finesse, quelques tares : le comportement vis-à-vis de la bonne (à qui il est de bon ton de mettre une main aux fesses chaque fois qu'elle passe...), le cocuage en famille, l'alcool en cachette...
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Message par shadoko » 07 Nov 2006, 14:28

a écrit :
... Et une remarque pour finir : Mikhalkov ne se contente pas de montrer le prétendu "raffinement des moeurs" de l'ancienne aristocratie ; il en montre aussi, avec finesse, quelques tares : le comportement vis-à-vis de la bonne (à qui il est de bon ton de mettre une main aux fesses chaque fois qu'elle passe...), le cocuage en famille, l'alcool en cachette...

C'est exact. C'est justement pour ces détails qu'il n'est pas caricatural, et que son film est intéressant, alors qu'il n'est pas du même bord que nous.
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