a écrit :mardi 31 octobre 2006, 11h03
Les habitants du quartier des Oliviers à Marseille, sont fatalistes
Par Sophie LAUTIER
MARSEILLE (AFP) - "Si son fils est innocent, il va ressortir!" Des habitants de la cité des Oliviers, à Marseille, commentaient avec fatalisme l'opération de police, lancée mardi au petit matin pour retrouver les auteurs de l'incendie criminel d'un bus qui a fait une victime grave.
Il faisait encore nuit noire quand les premières voitures banalisées se sont garées à 06H00, heure légale, au pied de la longue barre des Oliviers. Dans ce quartier pauvre de Marseille, tout est calme, les arrêts de bus alentours s'emplissent de travailleurs matinaux.
Une dizaine de policiers en civil s'engouffre sans bruit dans le deuxième bâtiment, referme la porte. Dans cette HLM d'environ 2.000 habitants, les lumières commencent à s'allumer, quelques hommes de tous âges s'attroupent.
Une voiture arrive en trombe, un homme en sort et commence à invectiver les journalistes de télévision, présents avec une douzaine d'autres confrères : "Va filmer ton fils, pas le mien, vous n'avez pas le droit, il est mineur !". Il s'en prend ensuite aux habitants présents, en insulte certains et repart.
Cinq minutes plus tôt, dans la cité des Lilas qui jouxte les Oliviers, la brigade criminelle a emmené son fils. Fou d'inquiétude, il a poursuivi un cameraman alors que sa femme, sortie pieds nus, et un jeune homme tentaient de le retenir: "Il a rien fait, il a un alibi, il était avec moi!".
"Si son fils est innocent, il va ressortir. S'il est coupable, il va rester", lâche un homme en djellaba. La conversation va bon train sur "ces parents qui laissent des gamins traîner le soir". "Il faudrait leur couper les vivres à ceux-là", renchérit un autre.
Du haut d'un balcon du 7e étage, un policier appelle son collègue pour qu'il approche la voiture. Escorté et en partie dissimulé sous la capuche de son sweat-shirt, un jeune homme sort de l'immeuble, monte dans le véhicule de police qui part sans sirène. Ni mouvements ni protestations parmi les résidents qui assistent à la scène. "Lui, il n'y est pour rien", assure Atef, 22 ans, "tout le monde sait qui c'est (qui a mis le feu au bus, ndlr) dans le quartier mais on ne balancera pas".
Son frère Dhya, 24 ans, précise: "Ce sont des minots qui n'ont rien dans la tête". "J'ai de la peine pour elle (la jeune femme grièvement brûlée) mais aussi pour les petits, parce qu'ils sont jeunes et qu'ils vont payer cher...", ajoute-t-il, navré, d'autant que, selon lui, la victime est "la soeur ou la tante de quelqu'un dans le quartier".
Alamine, 19 ans, se joint au groupe. Son père l'a réveillé pour lui demander s'il était "sûr que la police ne venait pas pour (lui)". Mais, dit le jeune homme: "J'ai appris ce qui s'était passé samedi quand je rentrais du centre-ville." A 7H00, quand le jour se lève, l'opération est terminée.
"Ce sont tous des mineurs, c'est ça qui est grave", relève Abdessalem, professeur de mathématiques et de sciences au lycée professionnel voisin. Pour lui "il y a une génération sacrifiée et les problèmes sont bien en amont: le chômage, le manque de valorisation des jeunes et la concentration dans ces ensembles de gens qui ont les mêmes problèmes".