Raymond vit sur sa planète. Une planète virtuelle. Mais voilà ce qu'il en est des jeunes raflés dans les banlieues, et qui paient pour d'autres des incendies qu'ils n'ont pas commis.
a écrit :L’AFFAIRE DES VOITURES BRÛLÉES DE JACQUARD À COTE-CHAUDE FIN AOÛT
Fatha est en prison depuis 55 jours pour un délit qu’il n’a pas commis.
Pressions politiques sur la Justice, libertés en danger à St-Etienne
mercredi 18 octobre 2006, par Roger Dubien
L’affaire des voitures incendiées de la Place Jacquard dans la nuit du 19 au 20 août 2006 a fait grand bruit à St-Etienne fin août-début septembre. 11 à 15 voitures selon les versions, et 3 magasins, ont été brûlés entre 2h30 et 3h30 du matin.
Quelques jours après, la Police mettait deux jeunes en garde à vue, Fatah et Foued.
Fatha est toujours en prison. Alors qu’il crie depuis le début son innocence, et que l’accusation portée contre lui n’a pas cessé de s’effriter avant de s’effondrer totalement.
Une conférence de presse a eu lieu avec sa famille ce lundi après-midi chez elle, à Cote-Chaude. Après avoir contribué avec son avocat à apporter un certain nombre d’éléments à la justice, et puisqu’il apparait qu’il y a des pressions et un blocage qu’il faut bien appeler politiques sur la Justice, il a été décidé de porter cette affaire à la connaissance des citoyens, des stéphanois.
Etaient présents Monsieur et Madame Bekka, père et mère de Fatha, Idriss son frère, Cindy la compagne de Fatha, quatre soeurs de Fatha, et Roger Dubien, conseiller municipal de St-Etienne, Réseaux citoyens. Côté presse, étaient présents Le Progrès et La Gazette...
Pourquoi cette conférence de presse ? Parce qu’un jeune : Fatha BEKKA, 23 ans, est en prison depuis le jeudi 24 août - cela fera 8 semaines ce jeudi. Il est accusé d’un crime qu’il n’a pas commis.
Donc un innocent est en prison depuis 54 jours (à la date de la conférence de presse) et il risque 5 ans de prison et de très très lourdes amendes et dommages et intérêts.
Sa famille toute entière en souffre. Cette famille a fait ce qu’elle a pu avec son avocat pour essayer d’obtenir justice, mais il y a visiblement blocage, blocage lié à des intérêts politiques et à des pressions politiques sur la Justice.
Donc nous pensons que le moment est venu de porter cette affaire sur la place publique afin d’informer les stéphanois, les citoyens, de la façon dont des choses se passent du côté du pouvoir politique, de la Police et de la Justice.
Fatha n’a pas brûlé 11 à 15 voitures (nous, nous comptons 10 voitures brulées au cours de cette nuit) et 3 magasins (coiffeur, resto La Pinède, pizza Totem) dans la nuit du 19 au 20 août.
Oui, Fatha était dans le quartier de Jacquard vers 2h30 du matin. Pas tout seul d’ailleurs, dans ce quartier de boites de nuit... Donc si la police dit le voir sur une caméra vidéo, c’est possible, tout comme elle a la trace de centaines d’autres personnes qui sont passées dans le quartier ce soir là, puisqu’il y a 5 caméras vidéos dans le secteur ( 1 à l’angle Grand Gonnet / Ledin, 1 à l’angle Grand-Gonnet / grande rue, 1 à l’angle Honoré de Balzac / Marengo, 1 à l’angle Camélinat / Ledin, 1 place Jacquard). Il n’a jamais nié avoir été là, il a même retiré de l’argent à la Caisse d’Epargne à 1h36 pour aller en boîte de nuit.
Rappel de ce qui s’est passé dans la nuit du 19 au 20 août entre 2h30 et 3h30 à peu près :
5 voitures brûlées rue du Grand Gonnet, et 3 commerces.
1 voiture brûlée place Jacquard (dont nous n’avons pas trouvé la trace, mais cela semble établi)
1 voiture brûlée rue Palluat de Besset
1 voiture brûlée impasse Antoine Roche devant le collège du Puits de la Loire
2 voitures brûlées à Chavassieux rue Vital Descos.
Fatha a été accusé d’avoir brûlé ces voitures en remontant avec un autre jeune - Foued - par vengeance après avoir été refoulé à l’entrée d’une boîte de nuit, le Fridge, rue Honoré de Balzac.
C’est matériellement impossible qu’il ait pu faire ça. Parce que selon les horaires des interventions des pompiers dont nous avons pu avoir connaissance, les incendies de ces voitures ont eu lieu en 20 minutes, alors qu’il y a au moins 1,4 kms pour monter de Jacquard à Chavassieux.
Voici ces horaires :
2h37 Grand Gonnet,
2h44 place Jacquard,
2h52 rue Palluat de Besset,
2h54 rue Antoine Roche,
2h57 rue Vital Descos.
Il y a eu aussi des appels concernant les rues Duchamp et Frachon, mais nous n’avons pas trouvé de trace de voiture brûlées dans ces 2 rues... (Ces appels et les horaires en cause rendent d’ailleurs encore plus fantaisiste l’accusation portée contre Fatha).
Donc tout ça en 20 minutes, sur une distance de plus d’1,4 kms, en montant.
Cela, ça ressemble à opération militaire. Brûler autant de voitures en 5 lieux différents en aussi peu de temps, à pied, ça ne peut être fait que par des gens qui savent ce qu’ils vont faire et ont du matériel pour casser les vitres et surtout mettre le feu.
A moins qu’il y ait eu plusieurs équipes.
Or Fatha Bekka est accusé d’avoir cassé les vitres avec les mains (alors qu’il a longtemps eu des broches dans les deux poignets pour un accident dans son enfance, et a d’ailleurs une invalidité à cause de ça), et accusé d’avoir mis le feu avec un simple briquet. On n’enflamme pas comme ça une voiture en quelques secondes avec un simple briquet.
Fatha n’a donc pas pu, matériellement, faire ça. Ou alors, c’est à mettre tout de suite dans le livre des records !
Incohérences et impossibilités matérielles donc.
Mais ça ne colle pas non plus du côté de la "personnalité" de Fatha. Il n’a pas "le profil" de quelqu’un qui brûle des voitures. Cela fait des années qu’il travaille, et là il a un emploi stable depuis deux ans. Dans le nettoyage en plus ! Il part au travail tous les matins à 4h30, en voiture ou en scooter.
Il vit depuis 4 ans avec sa compagne Cindy, qui a un emploi elle aussi. Ils se préparaient à partir en voyage de vacances en Grèce du 4 au 11 septembre (billets d’avion achetés !).
Sa famille, même sous le coup de masse qu’a constitué son arrestation (il faut souligner que, contrairement à ce qu’a dit la Police en août, c’est lui qui s’est présenté au commissariat jeudi matin 24 août, avec son frère Djamel, quand il a su que la Police le recherchait et avait perquisitionné chez ses parents (est-ce bien légal ?) et à son domicile dans le quartier de Montaud le mercredi), et malgré l’accusation surprenante portée contre lui au bout de 2 jours par Foued, sa famille donc n’a jamais cru qu’il ait pu faire ça.
Et nous nous sommes efforcés de regarder tout cela de près et de comprendre quelque chose à cet engrenage.
Alors sur quoi reposait l’accusation ?
sur le fait qu’il était présent au mauvais moment au mauvais endroit selon une caméra vidéo de la mairie (A noter que les images vidéos ne montrent pas du tout des jeunes en train de mettre le feu à des voitures, mais en train de discuter). A noter que - bizarrement aussi - cette portion de la rue du Grand Gonnet où a eu lieu le plus gros incendie (5 voitures, 3 commerces) est l’un des rares morceaux de rues à ne pas être balayé par une des 5 caméras vidéos du quartier... Les incendiaires le savaient-ils ? (1)
le problème est qu’au bout de deux jours de garde à vue et d’interrogatoire de Foued, celui-ci a accusé Fatha d’avoir mis le feu aux voitures.
Par contre il semble bien que des témoins des incendies vers Jacquard n’ont pas reconnu Fatha et Foued, et pour cause.
Mais à part l’accusation étonnante portée par Foued contre Fatha, l’accusation ne tient sur rien de sérieux et plus on prend du recul et plus ça s’effrite.
C’est sans doute pourquoi, au vu de ces incohérences et des impossibilités matérielles et techniques, la Juge d’instruction Mme REVOL a décidé de remettre Fatha et Foued en liberté le 26 septembre, suite à la confrontation qui a eu lieu entre Fatha et Foued le 21 septembre. Et la juge a motivé sa décision.
Mais le Procureur de la République ("le Parquet") a immédiatement fait appel, par un référé qui suspendait la décision de Mme le Juge. Et la Cour d’appel de Lyon a suivi le Procureur (audience le 4 octobre, délibéré rendu le 6) de maintenir Fatha en détention. Foued lui a finalement été libéré le 6 octobre. On ne comprend pas pourquoi d’ailleurs il a été maintenu tout ce temps en détention puisque selon l’accusation, il n’avait rien fait et avait seulement vu Fatah mettre le feu aux voitures.
Maintenu en prison un mois et demi pour éviter qu’il parle ?
Des "aveux" suite à un chantage ?
C’est qu’il avait des choses à dire, Foued, et il l’a fait dans une lettre aux autorités judiciaires, le 27 septembre, "à l’attention de Monsieur le Premier Président".
Cette lettre, il en a donné la photocopie à Cindy, la compagne de Fatha, une fois qu’il a été sorti de prison.
Que dit cette lettre ?
Foued écrit que pendant sa garde à vue il n’a pas cessé de clamer son innocence, mais qu’"ensuite arrivé environ à la 40ème heure de garde à vue, le Commissaire lui même est venu me chercher dans la cellule pour me réentendre et quand je lui ai redit que c’etait pas nous il m’a repondu : "Je sais très bien que c’est pas vous, mais nous on veut Bekka et il m’a dit qu’on pouvait faire un compromis que si je lui donnais Bekka, il téléphonerait au Procureur de la République pour demander ma mise en liberté sous contrôle judiciaire. J’étais tellement angoisser, je ne m’étais pas alimenter cela faisait 2 jours j’avais mal au dents et surtout je pensais à ma mère je ne voulais pas la laisser toute seule à la maison !" (...).
C’est comme ça qu’il a craqué "(...) je lui ai dit : Eh ben aller demandé au Procureur que si je donne Mr Bekka il me donne ma liberté. Et il m’a repondu : Je ne peux pas appelé devant toi mais je peux l’appeler dehors et dès que je revient, tu me dis ce qui s’est passé. Alors je lui ai dit que j’étais d’accord. Il est parti et puis il est revenu en me disant que tout était reglé ensuite il m’a montré les schémas et j’ai inventé cette histoire pour qu’il puisse me relacher, mais il m’a dit pour que le Procureur te mette en liberté il faut que tu le dises aussi devant le Procureur. Et quand j’ai dit ça le Procureur a prononcé un mandat de depot en mon egard et là j’ai compris que j’étais en train de faire du mal non seulement chez moi mais aussi chez Mr Bekka c’est pourquoi j’ai preferé revenir sur les faits et en disant la vérité et contrairement à ce que dit le Parquet il n’y aura pas de quatrième versions..."
Si ce que dit Foued est exact, chacun mettra les mots appropriés sur ces faits extrêmement graves. Il dit donc que l’accusation portée contre Fatha est le résultat d’un chantage, d’un marchandage, et explique dans quelles conditions cela a été obtenu.
A noter que quand il a écrit cette lettre, il était en détention...
Bien sûr du côté de la famille - et pas seulement de la famille sans doute... - on ne va pas en rester là dans ce domaine. Il pourrait bien y avoir à nouveau du travail pour l’IGS à St-Etienne, après l’affaire Ichem Benchahboune et d’autres qui ont suivi...
Voilà où nous en sommes...
Pourquoi avec tout ça Fatha Bekka n’est-il pas encore libre ? Sa famille demande sa libération. Et qu’on arrête de détruire sa vie, leur vie.
On peut se poser aussi la question de ce que fait - ou ne fait pas, et alors pourquoi ? - la Police pour trouver les vrais coupables. Si la Police sait que ce n’est pas Fatha, est-ce qu’elle recherche les incendiaires ? Qui sont les incendiaires ?
Les lourdes pressions politiques du maire de St-Etienne Thiollière.
En tant que conseiller municipal de St-Etienne, je dénonce une nouvelle fois la mise en place d’une ambiance pourrie et extrêmement dangereuse pour la liberté de chaque citoyen.
Aujourd’hui c’est ce jeune. Mais il y a d’autres histoires. Et demain ça peut être un enfant de n’importe quelle famille, un frère, une soeur, un-e ami-e...
Je mets en cause la dérive sécuritaire organisée pour des raisons politiques par le maire Thiollière et son équipe de droite - droite extrême . Voilà où mène cette dérive...
Dès le 30 août, Thiollière saluait dans le journal Le Progrès une enquête "menée avec rapidité et efficacité" . Il tenait à "féliciter les forces de police qui ont démontré une nouvelle fois leur grand professionnalisme" et immédiatement soulignait aussi "l’aide apportée dans leur travail par les images de la vidéosurveillance municipale, preuve s’il en était besoin de son utilité." ...
Cette déclaration, très grave signifiait en résumé : bravo la Police, vous avez arrêté les coupables, et c’est grâce à mes caméras vidéos.
Sauf que les coupables sont innocents, et qu’on les garde en prison quand même ensuite.
Où est la frontière là, maintenant, entre politique et police, et entre politique et Justice ? Que devient l’indépendance de la Justice ?
Cette dérive sécuritaire est générale à St-Etienne (voir aussi le fichage ethnique mis en lumière à l’OPAC par le rapport de la MIILOS, l’écrasement des caravanes des familles Roms au bulldozer cet été, l’omniprésence et le harcèlement de jeunes par la Police municipale dans certains quartiers.)
Il faut évidemment avoir en tête aussi que nous sommes dans le département dont le président du Conseil Général est le ministre de la Justice Pascal Clément, lui aussi engagé dans la restriction des libertés.
En tant que citoyen et en tant que conseiller municipal, je demande le démantèlement des 51 caméras de vidéosurveillance et je demande que tout cet argent gaspillé dans le sécuritaire soit utilisé pour financer l’éducation des enfants et la vie associative.
Roger Dubien
conseiller municipal de St-Etienne.
(1) Décidément cette partie du quartier de Jacquard n’a pas de chance. Ce même pâté de maisons qui a brûlé côté rue du Grand Gonnet est celui qui comporte côté place Jacquard l’école élémentaire fermée à marche forcée fin juin, malgré les vives protestations des parents. On parle d’une possible opération immobilière à la place de l’école, mais on n’en sait pas plus... pour le moment.