Il se trouve que j'ai eu l'occasion de voir cette émission en projection de presse. Le Monde, etc. en parlent cette semaine.
Bien sûr on est tentés de saluer un documentaire qui parle de la souffrance au travail. C'est déjà courageux de s'interroger sur ce thème alors qu'on parle partout de disparition de la classe ouvrière, qu'à lire la presse, nous travaillerions tous dans la Silicon Valley, payés en stock options, heureux et créant notre entreprise dans les industries en "ique"... et que donc, ceux qui sont chômeurs, c'est qu'ils le veulentt bien !
C'est donc un bon point de départ. Mais cela dit, le parti pris du réalisateur m'a laissé un peu sur ma faim.
D'abord, il a construit l'essentiel de son reportage sur des analyses de sociologues, psychologues, etc. plus que sur des témoignages vivants. Cela colore déjà le reportage d'une certaine façon et me semble un peu dommage. Bon, c'est une optique, admettons. Certains de ces spécialistes disent des choses intéressantes néanmoins. Mais du coup, ils vont plus axer sur les malaises psychologiques au travail que les malaises physiques. Par exemple on voit une ouvrière, licenciée d'une de ces boîtes de l'Ouest qui a retrouvé du travail dans une usine textile, et qui noue des fils horizonatux (elle est en photo dans le supplément télé du Monde). Elle se plaint de ne jamais en nouer verticalement, histoire de changer... je ne suis pas sûr que du point de vue du réalisateur, ce soit ironique ! Il y a beaucoup de cadres dans cette histoire de travail. Il y a pourtant deux fois moins de cadres que d'ouvriers dans le pays, trois ou quatre fois moins que d'employés, mais ce n'est quasiment que d'eux qu'il est question. Un cadre de multinationale (visage caché par un ordinateur), la fille d'EDF qui a sorti son livre sur la paresse... ou des cas un peu particuliers : le gars de la surveillance d'une chaîne de supermarché qui a raconté comment on lui avait fait fliquer les gens.
Et petit à petit, on comprend l'axe psychologique du reportage. D'après les enquêtes, les gens "placent le fait de travailler en deuxième position comme condition au bonheur" (supp télé du Monde). Or ils ne sont pas heureux. Pourquoi ? et vas-y dans le psy-psy... OK, c'est AUSSI une dimension, mais est-ce la principale ? Et du coup, cerise sur le gâteau, la société serait devenue tellement individualiste, les gens cherchent tellememnt à être heureux au boulot que les syndicalistes sont laissés sur le côté. Le réalisateur a trouvé un syndicalo pâle des genoux, un genre de CFDT chrétien lorrain mou comme une chique disant "lorsque les gens ne veulent plus qu'on les défende, que voulez-vous faire... " ?
Il n'empêche que le reprortage a le mérite d'exister et que si on ne lui demande pas plus qu'il n'en donne, il dit certaines choses qu'il est bon de dire. A une heure raisonnable, 20h40, mais uniquement pour ceux qui ont Canal, et pas en clair malheureusement.