nota bene : il est étrange que ce soit associated press et non pas notre grande presse de référence qui fasse preuve de simple bon sens...
NEW YORK (AP) - Une foule en liesse avait accueilli les troupes américaines marchant à travers la ville de Mogadiscio en ruines. Quelques mois plus tard, c'est avec autant de bonheur que des Somaliens paradaient en exhibant dans les rues poussiéreuses de leur capitale les cadavres ensanglantés de soldats américains.
Comme les Britanniques l'ont appris en Irlande du Nord et les Israéliens au Liban, les sourires qui accueillent les armées d'occupation sont souvent remplacées par des grimaces et des bombes.
Tout comme elle l'avait fait en Afghanistan, l'administration américaine s'est félicitée des images montrant la foule de Bagdad saluant avec enthousiasme l'entrée des GI jusqu'au coeur de la capitale. Mais à Bassorah, que les forces britanniques ont prises lundi, les habitants n'ont mis que deux jours à exprimer leur mécontentement envers les "libérateurs". Deux jours de pillages et d'anarchie.
La société irakienne a été durement opprimée et a connu trois guerres en vingt ans.
Les peuples affamées, dépouillés de tout reçoivent à bras ouverts les armées victorieuses, expliquent Sandra Mitchell, avocate de l'organisation non gouvernementale International Rescue Committee qui a accompli des missions au Kosovo et en Bosnie.
Quand l'armée israélienne est entrée au Liban en 1982 , les musulmans chiites ont jeté du riz et souhaité la bienvenue aux troupes étrangères. Quand les soldats britanniques sont intervenus en 1969 en Irlande du Nord, les catholiques leur ont offert du thé et des biscuits. "Mais quand ils ont commencé à établir des points de contrôle, à dresser des barbelés et à limiter les mouvements de la population, leur attitude a changé", rappelle Sandra Mitchell.
Pour se protéger, la coalition menée par les Etats-Unis pourrait limiter les déplacements des Irakiens plus encore que ne le faisait Saddam Hussein. "La majorité de la population veut seulement continuer à vivre normalement", estime Mme Mitchell. "Où est la libération quand vous ne pouvez plus bouger?"
Pendant la première phase d'occupation, les "hôtes" sont jaugés, leurs faits et gestes observés et les limites de leur tolérance testées.
"Votre adversaire peut apprendre les règles de votre engagement", analyse Scott Gerwher de l'institut de recherche Rand. Un autre analyste de Rand, Russell Glenn, constate que l'opinion publique se retourne souvent contre les occupants quand les promesses de paix et de prospérité ne se matérialisent pas rapidement. "Nous ne savons pas quelles sont les attentes des Irakiens", dit-il. "Inévitablement, on n'en fera pas assez".
L'Afghanistan pourrait fournir un modèle de ce qui pourrait se passer en Irak. L'institut CARE a affirmé récemment que l'implication des militaires dans les combats en même temps que dans l'aide humanitaire en Afghanistan "brouillaient les frontières entre employés des ONG et soldats". Il a pris pour exemple l'assassinat récent dans le sud de l'Afghanistan de Ricardo Munguia, employé du Comité international de la Croix-Rouge.
"A Kandahar, Ghazni et d'autres villes en Afghanistan, même les employés afghans des agences humanitaires internationales sont menacés par des lettres anonymes et invités à quitter leur travail, à ne pas s'associer avec les organisations occidentales".
Comme elle l'a fait en Afghanistan, l'armée américaine supervise l'aide humanitaire et contrôle l'accès à l'Irak des agences humanitaires. Comme d'autres organisations, CARE recommande que les civils prennent en main au plus vite l'effort de reconstruction en Irak.
La Somalie est le contre-exemple type d'une tentative de démocratisation sous l'égide d'une armée étrangère. La mission américaine, qui s'était d'abord donnée pour but de mettre fin au banditisme et aux guerres entre factions rivales parce qu'elles contribuaient à la famine, s'est ensuite transformée en combat pour la démocratie. Mais la formation d'un gouvernement représentatif a échoué et les troupes étrangères ont battu en retraite en laissant derrière elle l'anarchie.
Les occupations militaires ont pourtant parfois été efficaces, comme en Allemagne et au Japon après la Seconde Guerre mondiale. Même la mission en Somalie a abouti à la fin de la famine de masse.
Depuis que les forces de l'OTAN ont débarqué en Bosnie en 1996, le pays a été préservé des affres qu'il avait connus auparavant. Même si beaucoup ont critiqué les accords de Dayton qui ont entériné la division du pays suivant des critères ethniques, la séparation forcée des combattants a finalement rendu le pays relativement vivable pour les civils. AP