C'est De La Racaille? Eh Bien, J'en Suis!

Message par Raymond » 18 Oct 2006, 15:21

Je viens de finir ce bouquin qui est tout simplement excellent. Je n'ai jamais rien lu quelque chose d'aussi juste sur la révolte de novembre 2005 (et pourtant ce ne sont pas les analyses pseudos-sociologiques ou pseudos-politiques qui manquent sur le sujet).



a écrit :L'auteur de cet ouvrage n'est ni sociologue ni journaliste. Au début des années quatre-vingt, il participe à la première vague de révolte des banlieues. Il assiste ensuite, impuissant, à sa défaite, à sa récupération et à la mise en place d'un véritable apartheid social.

Ce texte incisif replace les événements de l'automne 2005 dans le contexte d'une désintégration sociale et d'un renforcement de l'État-Léviathan. Son propos dépasse d'emblée le faux débat opposant intégration républicaine et communautarisme religieux.

Loin de tout discours moralisant ou victimisant, l'auteur s'adresse, d'égal à égal, aux révoltés des banlieues pauvres. Il apporte ainsi sa contribution au devenir de la révolte.

Impliqué dans la vie alternative de son quartier, Alessi Dell'Umbria a collaboré à différentes revues de critique sociale. Il a écrit une Histoire universelle de Marseille, de l'an mil à l'an, deux mille, à paraître aux éditions Agone.

Extrait du livre:
LA GUERRE DE TOUS CQNTRE TOUS ET LA NEVROSE SECURITAIRE.

Thomas Hobbes fut, au XVIIe siècle, l'un des théoriciens-fondateurs de l'État moderne. La base de la philosophie hobbesienne, exposée dans son ouvrage Léviathan, est la suivante : le droit naturel de chaque individu contredit celui de l'autre et réciproquement. Cette logique infernale définit un «état de guerre de tous contre tous», dans lequel «ce droit de tous les hommes à toutes choses ne vaut en fait pas mieux que si personne n'avait droit à rien». Le philosophe considère donc que le respect de l'autre est impossible à garantir, sinon par la loi civile qui se pose en arbitre impartial. Et la loi civile suppose un pouvoir souverain qui la rend effective en obligeant tous les individus à lui obéir : «L'obligation d'obéissance à la loi civile tient au droit de vie et de mort du souverain sur les citoyens, à son droit de châtier quiconque enfreint la loi». Disposer de la force armée et décider la guerre contre un État voisin, lever des impôts et contrôler les doctrines enseignées dans la république, tels sont les «droits qui constituent l'essence de la souveraineté».

Le souverain devient alors dépositaire du droit naturel que chacun a sur chaque chose - droit qui est à l'origine de la guerre de tous contre tous. Et afin que règne la paix et que justice soit rendue, ce pouvoir doit être légué au souverain de façon inconditionnelle.

La description que faisait Hobbes de cet «état de nature» était une pure construction idéologique. Le point de départ de son raisonnement était l'individu isolé : or, cet individu constituait une abstraction. L'individu est avant tout un être social, et sa relation à l'autre ne s'opère qu'à travers des médiations. En partant d'un individu atomisé, dont la relation à l'autre aurait un tel caractère d'immédiateté, Hobbes construisait une base totalement arbitraire. Nulle part dans le monde réel n'existait quelque chose comme cela.

L'individu n'a jamais existé qu'en communauté, et toute l'histoire des États modernes, souverains, a été celle de la désintégration de ces communautés pour arriver à constituer, effectivement, cet individu isolé qui, sous la plume de Hobbes, apparaît comme une anticipation philosophique, et en même temps comme une intuition historique géniale. Pour le penseur anglais, la guerre de tous contre tous constituait le postulat devant légitimer l'exigence d'un souverain omnipotent, ce Léviathan qui préfigure les États modernes. Pour fonder la légitimité du souverain, il fallait postuler qu'en elle-même la société ne pouvait que produire et reproduire le conflit permanent et sans limites. Seul le souverain pouvait, en transcendant les divisions internes de la société, instaurer la paix. Ce qui revenait à refuser à la société toute immanence politique.

Le plus significatif est que, pour Hobbes, il était indifférent que le souverain fût un monarque ou une assemblée, qu'il fût héréditaire ou élu.
Raymond
 
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Message par Jacquemart » 18 Oct 2006, 15:23

Est-on bien sûr que l'extrait posté a un quelconque rapport avec le livre présenté juste au-dessus ???
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Jacquemart
 
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Message par Raymond » 18 Oct 2006, 15:35

C'est malheureusement l'extrait (mal choisit) qui a été publié sur le site de la Fnac. J'essaierais de retranscrire moi-même quelques passages plus intéressant.
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Message par Raymond » 18 Oct 2006, 16:28

Voici donc quelques extraits plus consistant:

a écrit : Les observateurs s'accordent à penser qu'environ dix milles jeunes, quinze mille au maximum, ont participé d'une manière ou d'une autre à ces incidents, et en agissant le plus souvent en petits groupes de dix à quinze individus: la révolte apparaît comme une extension d'un mode de vie, celui de la bande, de la tribu, du posse.
Ceci explique aussi que, mis à part les trois nuits d'émeute de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), les affrontements directs avec la police soient restés sporadiques. Deux exceptions cependant: à Evreux (Eure), le samedi 5 novembre au soir, un groupe de deux cents jeunes équipés de manches de pioche, de boules de pétanque et de cocktails Molotov a réussi à saccager un centre commercial et a affronté directement la police. Le lendemain soir, à la cité de la Grande Borne, à Grigny (Essonne), une attaque de deux à trois cents jeunes a laissé une bonne trentaine de CRS blessés. Ces exemples tendraient à prouver que, même sur le terrain défavorable de la banlieue, avec ses espaces bien dégagés qui semblent conçus pour faciliter l'intervention des flics, des émeutiers peuvent attaquer la police avec succès. Au demeurant, ce fut un week-end assez chaud, puisque dans la nuit du 6 au 7, le pic des incendies fut atteint avec 1400 véhicules incendiés en quelques heures dans tout l'Hexagone: bien plus que l'affrontement avec une police supérieure en équipement, ce fut par le feu que s'exprima la révolte.
"C'étaient surtout les symboles  de l'Etat qui étaient visés; la Poste, les voitures de La Poste ont été brûlées... Après, il y a eu l'affrontement avec les flics... moi, je sais qu'à chaque pierre lancée, les gens disaient, voilà, quoi: c'est pour Bouna et Zyed! Pour pas mourir", raconte un jeune de Clichy-sous-Bois qui précise: "A Clichy, c'était pas les musulmans contre autre chose, c'était plus des jeunes de banlieues qui en avaient marre, marre de leur vie, qui étaient contre le gouvernement. Il n'y avait pas que des musulmans".


a écrit :Les caillera ne font que refléter l'anomie générale. C'est bien ce qu'on peut leur reprocher, mais alors, qu'ils ne soient pas seuls à endurer un tel reproche! Un lieu commun répété à l'envi, à propos de ces jeunes, et qui ne date pas d'hier: "Pris individuellement, ce sont de braves gars, mais dès qu'ils sont en bandes on ne les contrôle plus". Peut-être ont-ils compris que tout individu isolé  est un vaincu, et que l'ordre social qui les écrase repose sur cet isolement? Ils se font donc craindre: après tout, la crainte est parfois le commencement du respect... "Ici, se faire traiter de victime est une insulte", entend-on dire dans certaines cités HLM de banlieue.
Il y a cependant un fait fondamental, ignoré de ceux qui n'ont jamais connu un jour de révolte dans leur vie: une révolte collective, quelle qu'elle soit, transforme ceux qui la font. C'est une autre dimension d'eux-mêmes et des autres que découvre chacun de ceux qui participent à de tels événements. Ils se mesurent au monde - et non plus au quidam apeuré qu'ils se font un malin plaisir de faire flipper dans les couloirs du métro. Mais cela suppose aussi que leur révolte soit relayée par d'autres.
Les bandes de Blousons noirs des années soixante constituaient le repoussoir de service de la France entière: et elles dégagaient une violence à côté de laquelle beaucoup de racailleux actuels font figure de petits gars juste un peu turbulents. Mais les Blousons noirs vivaient encore en ville, pas dans une banlieue alors en cours d'urbanisation. Et respectaient implicitement certaines règles élémentaires de la vie en société, par exemple celle qui veut qu'on laisse en paix les habitants de son quartier, réservant leur aggressivité aux flics et aux bandes rivales. Ces rejetons turbulents du monde ouvrier n'avaient pas encore été expulsés des villes vers la Suburbia, condamnés à vivre à la périphérie. En 1968, on les retrouva aux côtés des étudiants et des ouvriers dès les premiers grands affrontements avec la police. A Paris, ils venaient des quartiers ouvriers intra-muros, ou descendaient des HLM du périphérique, voire de la ceinture rouge, à proximité du terrain des affrontements. La plupart savaient qu'ils finiraient à l'usine - ou bien en prison. A présent, il n'y a plus guère d'usines, mais il n'y a jamais eu autant de places de prison...


a écrit :La révolte des jeunes des banlieues pauvres a déjà une histoire, et elle éclaire en contre-plongée l'histoire de France de ces trentes dernières années. La révolte de 2005 est indéniablement la plus désespérée et la plus furieuse. Les jeunes qui, dans la banlieue lyonnaise notamment, firent un festival de voitures cramées en 1981 ne brûlaient pas celles de leurs voisins. Ils allaient généralement les voler dans le centre-ville, et de préférence de grosses cylindrées, pour les ramener en banlieue et s'amuser avec. S'ils brûlent des voitures du voisinage, c'était ciblé: des délateurs ou des racistes notoires. Il était alors assez facile de rencontrer dans ces banlieues pauvres des jeunes qui avaient une vue assez claire de la situation: de Nanterre à Vitry jusqu'aux quartiers nord de Marseille en passant par Vénissieux et Vaulx-en-Velin, ils savaient à qui ils devaient leur sort, et allaient vers les autres (comme en témoigna par exemple la série de concerts Rock Against Police, organisés de façon autonome dans différentes banlieues de l'Hexagone en 1980-1981).
Mais les énergies de la révolte de l'été 1981 furent rapidement dissipées, l'héroïne et la prison aidant. L'expérience simultanée de la relégation urbaine et du racisme était lourde. Et la camisole chimique qui endormait peu à peu la majeure partie de la population française prit chez les jeunes chômeurs-à-vie des banlieues une forme beaucoup plus aiguë; les drogues dures eurent tôt fait de ronger les énergies les plus débordantes. En même temps, la pression policière ne se démentait pas, se justifiant par cette décomposition contrôlée.
A la suite des affrontements de mars 1983 dans la ZUP des Minguettes, à Vénissieux (Rhône), un groupe de jeunes d'origine nord-africaine, principalement de la banlieue lyonnaise, organisa la Marche pour l'égalité et les droits civiques. Inspirés par un prêtre, le père Delorme, ils cherchaient par cette démonstration non-violente à sortir d'une situation bloquée entre répression et autodestruction. Partie de Marseille le 15 octobre 1983, elle arriva à Paris le 3 décembre, accueillie par 100 000 personnes. Les marcheurs s'étaient placés sur un terrain où la classe politique pouvait leur reconnaître une éventuelle légitimité: celui du Droit. Que celui-ci fonctionne comme une abstraction, en regard d'une société concrètement fondée sur l'exploitation et l'exclusion, les événements de Talbot allaient en apporter très vite une confirmation douloureuse, sur le terrain de la lutte sociale.


Je mettrais d'autres extraits plus tard...
Raymond
 
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Message par Raymond » 18 Oct 2006, 20:56

Voici d'autres extraits:

a écrit :Alors que la République avait réussi jusque-là à uniformiser tous ceux qui vivaient sur son territoire et à en faire des français, elle se retrouve à présent face à des gens nés et ayant grandit ici qui ne se reconnaissent pas dans la France. C'est que les immigrés d'Afrique du Nord ou d'Afrique noire se trouvent être, au contraire des immigrés européens qui les avaient précédés, d'anciens colonisés.
Le colonialisme et l'impérialisme n'ont pas été une tache sur la tunique immaculée de la République, ils ont été son fondement même. Et ce dès 1793, date à la quelle la guerre dite révolutionnaire a été transformée en guerre de conquêtes territoriales par les jacobins, au nom des idéaux universels de la Révolution française, avec les suites que l'on sait... L'universalisme français fut identiquement impérial et colonial. L'essentiel de l'entreprise coloniale fut le fait de la IIIé République. La personnalité de celui qui en fut le grand instigateur éclaire bien la logique qui a présidé à la construction de l'édifice républicain: ministre dans le gouvernement versaillais qui réprima la Commune de 1871, puis ministre de l'Instruction publique (et qui, à cette fonction, organisa l'éradication des "patois" dans tout l'Hexagone), chargé ensuite de la colonisation, Jules Ferry justifia celle-ci au nom des valeurs supérieures de la République française.
Là aussi, la rupture entre les jeunes précaires et chômeurs issus de l'immigration et les travailleurs français a des racines historiques. L'adhésion de ces derniers aux valeurs nationales, à travers les partis de gauche, se fit bien sûr au détriment de la solidarité avec les opprimés des colonies. L'idéologie jacobine reposait sur le culte de l'Etat-nation et la gauche française n'a jamais dévié de cette ligne, y compris le PCF qui réussit à combiner sa fidélité au Komintern avec le nationalisme français. Après la Seconde Guerre, le parti, fort de son rôle dans la Résistance et obsédé par la théorie des blocs, considérait que face à l'hégémonie américaine, il fallait défendre coûte que coûte la Nation. Pour cette raison, le PCF ne soutint jamais la perspective de l'indépendance algérienne, allant jusqu'à voter les pouvoirs spéciaux au gouvernement de Guy Mollet en 1956 (qui impliquaient entre autre l'octroi des pouvoirs de police au général Massu). Sous le prétexte de combattre l'impérialisme US, le PCF cautionnait l'impérialisme français. De plus, l'Algérie colonisée correspondait à trois départements français, et la République, c'est bien connu, est "une et indivisible".


a écrit :La désintégration des liens, familiaux, de voisinage, de toute forme d'entraide directe au profit de l'assistance impersonnelle de l'administration, et la quasi-impossibilité de se démerder par des petits métiers indépendants dans un pays aussi réglementé, tout cela fait qu'un salarié qui perd son boulot perd généralement les quelques relations sociales qu'il avait. Il suffit que la perte de son emploi coïncide avec des problèmes personnels pour que la vie de l'ex-travailleur bascule tout entière. Et il peut arriver très vite de se retrouver homeless dans un pays comme la France, malgré tous les dispositifs d'aide aux chômeurs type allocation logement (lesquels sont d'ailleurs de plus en plus remis en cause, histoire de mener la vie encore plus dure à ces salauds de pauvres). Pas étonnant que l'on voie même d'ex-cadres à la rue: pour avoir tout misé sur leur carrière professionnelle, ils se retrouvent sans ressources dès qu'ils perdent leur emploi. C'est ici que l'expression de ressources humaines, qui définit un département spécial de l'exploitation dans laquelle le salarié est totalement déshumanisé, réduit à un élément statistique, retrouve son sens véritable.
La première et l'ultime ressource d'un être humain, en effet, comme n'importe quel indigène des sociétés dites primitives le sait, c'est de cultiver un réseau de relations d'échange réciproque: or, le travailleur occidental disposant d'un emploi durable se suffit parfaitement à lui-même. Et l'univers suburbain où il vit, le plus souvent, est fait pour l'empêcher d'avoir de ces relations d'entraide qui caractérisait les quartiers ouvriers de jadis. En outre, l'hystérie du travail  est telle que, pour beaucoup, l'univers se limite à leur espace professionnel - espace où l'organisation du travail est entièrement fondée sur la mobilité et la promotion individuelle. Quand l'employeur n'a plus besoin d'eux, ils se découvrent monstrueusement seuls.
Ne nous y trompons pas: les questions d'appartenance, d'identité culturelle, etc., sont des question sociales. La question sociale, c'est, fondamentalement, celle du rapport au monde. L'isolement, la séparation de l'individu et de la communauté sont la condition même du fonctionnement de la machine capitaliste. Le Capital doit impérativement détruire, par la violence directe ou par la contrainte insidieuse, toute forme d'appartenance locale, à l'image de ces paysans anglais du XVIIIè siècle que l'on obligea, par la pratique des enclosures, à fuir les campagnes pour aller grossir dans les villes l'armée de réserve du salariat industriel. Déracinés, privés du point d'appui de la communauté villageoise, ils devenaient taillables et corvéables à merci par les fabricants de textile de Manchester et de Birmingham. Nous sommes au stade où ce processus s'est mondialisé, sous des formes diverses. Ce qui signifie que les incendies de la banlieue ne posent pas la question des droits, mais celle de la lutte sociale réelle, parce que les jeunes chômeurs-à-vie et précaires qui naissent et grandissent dans ces zones de relégation ne sont pas le résultat d'une injustice particulière, mais la condition de fonctionnement d'un pays capitaliste avancé. Les services, qui constituent à présent la part dominante de l'activité capitaliste, ne sauraient fonctionner sans l'existence de ces relégués.


a écrit :Ainsi, une nouvelle resucée du discours citoyenniste ne nous aura même pas été épargnée, l'humoriste Djamel Debbouze incitant les jeunes, après deux semaines d'incendies, à s'inscrire sur les listes électorales (appel entendu, si l'on en croit les médias). En France, tout finit - littéralement - par des élections. On a mis fin à la révolte du printemps 1968 par une consultation électorale, par exemple... Quel aboutissement extraordinaire de la révolte des banlieues, n'est-ce-pas, que de pouvoir faire son choix entre Laurent Fabius et Noël Mamère, entre Ségolène Royal et Marie-Georges Buffet! Du moment que l'on fait barrage... Mais quelle élection mettra fin à la désintégration urbaine et rurale, à la misère psychologique et culturelle, à la manipulation médiatique des foules solitaires, à l'exploitation sans cesse plus brutale de la main d'oeuvre, à l'exode et à la délocalisation mondiale des individus, à la falsification industrielle de l'air qu'on respire, de l'eau qu'on boit et de la nourriture qu'on avale?
Les Debbouze et consorts, qui ont réussi dans la société française, se placent au point de vue de la promotion d'une upper middle class bronzée et noire, d'une Beurgeoisie. "Au-delà des mots, il faut passer aux actes", déclarait Joey Starr, en brandissant sa toute nouvelle carte d'électeur lors du rassemblement citoyenniste du 20 décembre à Clichy-sous-Bois. Dix ans plus tôt, le même Joey Starr avait, lors d'un concert resté fameux, incité les jeunes a attaquer les flics: et voilà que, lorsque ceux-ci passent concrétement à l'acte, il n'a rien d'autre à proposer que de passer à l'isoloir?! Quelle inversion de la réalité: les actes ont été réalisés, dans la rue. Ce sont les mots qui manquent, ou qui travaillent contre la révolte. Et de plus, voter n'est pas un acte, c'est une délégation de pouvoir. Réduire l'énergie d'une révolte à la simple participation aux scrutins électoraux, c'est la court-circuiter.
La comédie citoyenniste désamorce l'énergie de la révolte, en emiettant la voix collective des jeunes exclus de banlieue en bulletins de vote, en abandonnant leur seule force - celle de la communication directe entre eux - au profit d'une délégation individuelle de pouvoir à des professionnels de la parole. Au-delà de la nécessité de "faire barrage" à Sarkozy aux présidentielles à venir, il s'agit bien de faire rentrer les agités dans le rang.
Raymond
 
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Message par Valiere » 18 Oct 2006, 21:52

je l'ai lu aussi et je ne trouve pas du tout ce livre insipide ou inintéressant...
Voici ce que j'en ai dit lors de ma lecture

ANALYSE INCISIVE QUI DECOIFFE

C’est un véritable brûlot que nous offre l’auteur. Ici, il n’y a ni langue de bois, ni précaution d’usage, l’approche de la révolte est politique et sociale et surtout pas neutre.

L’explication des raisons d’une colère explosive, celle de la jeunesse des « banlieues » est convaincante, elle rejoint celle d’autres acteurs ou analystes.

« En déracinant les gens des villes, comme ceux des campagnes pour les parquer dans la Suburbia, on créait une population sans tradition, sans mémoire, sans liens d’entraide, bref... sans cohésion interne ».

L’auteur aurait pu rajouter que l’abandon de ces quartiers par les partis politiques de gauche a laissé un espace vide que d’autres ont occupé, qu’il s’agisse des intégristes religieux ou du Front National pour une partie de population dite de souche...

Si cette question n’est pas abordée, une autre l’est : celle liée à la politique nationaliste du PCF ou l’instrumentalisation d’associations comme SOS Racisme, outil de promotion politique dans l’appareil du PS ou de l’Etat.

Le livre m’a quelque peu énervé parfois, notamment quand il renvoie presque dos à dos les communautaristes et les républicains...

Oui, je suis en désaccord avec lui à propos de l’interdiction du port du voile islamique à l’école. Pour moi il était essentiel de donner un coup d’arrêt à l’offensive intégriste...

Je suis en désaccord avec Alèssi Dell’Umbria, mais nous nous situons, lui et moi sur une même position de classe.

Il est contre la loi du 15 mars 2004 mais reproche aux « indigènes de la République »leur alliance avec certains intégristes...Et ceci constitue un clivage fondamental avec tous les apprentis sorciers.

Je suis partisan de cette loi même si je la considère comme insuffisante mais jamais je n’accepterai de m’allier avec des « républicains » de l’autre bord que le mien, c’est une question de principe.

L’auteur de ce livre qui décoiffe et fait réfléchir n’est pas ambigu, il analyse clairement les fonctions de ceux qui veulent contrôler, étouffer, emprisonner la jeunesse :

« En instaurant une forme fantastique et illusoire de communication, la religion s’oppose concrètement à la communication réelle des individus-à commencer par la communication des hommes et des femmes. « Nous ne portons pas le voile parce que nous sommes soumises à nos maris mais parce que nous sommes soumises à Dieu », déclarait une fille voilée exclue de son lycée. Où est la différence ? »

La politique urbaine, sociale, sécuritaire de ce gouvernement est dénoncée à longueur de colonnes ainsi que les réponses apportées par une certaine gauche institutionnelle qui ne renvoie qu’au bulletin de vote.

Le livre se termine par un appel à un véritable engagement des jeunes pour qu’ils se donnent des perspectives..

Il serait irresponsable de laisser seule une jeunesse en déshérence qui a été maintes et maintes fois oubliée ou trahie. Au mouvement ouvrier de réfléchir à cette question et de nouer des alliances réelles et sans ambiguïté.

Jean-François CHALOT
Valiere
 
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