Interview de Rossetto

Message par Combat » 23 Sep 2006, 14:33

Une interview du fameux Rossetto pour demontrer jusqu'ou le concept de parti anticapitaliste large peut mener. Aberrant.

Brésil

Miguel Rossetto sous le feu des questions de Veja
Veja : Vous avez l'habitude d'utiliser le verbe « occuper » quand les Sans-terre entrent sur les propriétés sans y être invités. Quelle différence y a-t-il entre occuper et envahir ?

Miguel Rossetto : L'idée c'est qu'on occupe le vide et on utilise ce terme quand on reconnaît l'occupation de terres improductives.
Veja : Alors, quand le MST entre sur des terres productives, fait-il une invasion ?

Miguel Rossetto : C'est ce que des décisions de justice ont affirmé. Il est très difficile d'en faire une thèse.

Veja : Pour les propriétaires d'immeubles le problème est très pratique et objectif. Votre point de vue sur ce sujet est important, parce qu'il va orienter d'autres autorités. Quand le MST entre sur une terre cultivée, fait-il une occupation ou une invasion ?

Miguel Rossetto : Le choix du terme envahir ou occuper est secondaire. Les décisions judiciaires doivent être respectées. En tant qu'autorités, nous devons chercher un modèle de mise en Ïuvre des décisions pour que celles-ci ne soient pas génératrices d'une violence supplémentaire. L'État démocratique de droit ne peut pas être générateur ou amplificateur de violences. Les manifestants qui luttent pour la terre sont des Brésiliens comme nous, ils luttent d'une façon positive pour le droit au travail à la campagne.

Veja : Quelle différence existe-t-il entre un Sans-terre qui envahit une propriété, un « sans-santé » qui envahit un hôpital, un « sans-nourriture » qui envahit un restaurant et un chômeur qui envahit une usine ?

Miguel Rossetto : Dans la condition de citoyen qui lutte pour la garantie des droits fondamentaux à la survie, aucune.

Veja : Par exemple une personne qui envahit un hôpital pour exiger des soins, agit-elle d'une façon légitime ?

Miguel Rossetto : Je pense que oui. Cela ne veut pas dire que c'est légal.

Veja : Mais comment définir les limites ? Si tout le monde commence à pratiquer les invasions pour faire prévaloir ses exigences, la société est mise sens dessus dessous.

Miguel Rossetto : Les limites sont fragiles. L'hypothèse est que la légalité est légitime. Malheureusement cette hypothèse n'est pas adéquate dans la réalité sociale du Brésil. La société y est déjà sens dessus dessous. Regardez le niveau de la criminalité, de la mortalité infantile, du respect des personnes âgées et du chômage. Nous avons 50 millions de personnes qui ont faim.

Veja : L'une des premières mesures du président Lula a été de procéder à une expropriation. La majorité des installations [des paysans dans le cadre de la réforme agraire] se trouve dans la misère par manque de ressources. Quelle est la logique de distribuer plus de terres au lieu d'améliorer la vie de ceux qui ont déjà été installés ?

Miguel Rossetto : Nous devons faire les deux choses. Il n'est pas juste de demander autant de résultats à ceux qui ont été installés récemment. Au cours des dernières années de nombreuses entreprises ont fait faillite, dont des grandes entreprises. Cela s'est passé à cause d'une situation marquée par la faible croissance économique, par des taux d'intérêt élevés et par le rétrécissement du marché intérieur.

Veja : Quelle est la finalité des nouvelles installations ? Le gouvernement n'est-il pas en train de déplacer la misère ?

Miguel Rossetto : Ce raisonnement est fragile. Il y a des mauvais hôpitaux, mais le gouvernement continue à en construire d'autres.

Veja : Nous sommes en train de parler d'installation sur des terres sans rien. C'est comme des hôpitaux sans lits. Comment la vie d'une famille peut-elle être meilleure quand elle sort d'un campement au bord de la route et va vivre sur ces terres sans rien.

Miguel Rossetto : Elle acquiert la sécurité.

Veja : Il n'y a pas d'argent pour tout faire. N'est-ce pas un jeu de cache-cache pour répondre aux pressions du MST [Mouvement des Sans-Terre] ?

Miguel Rossetto : Évidemment les ressources sont insuffisantes. Nous sommes en train de travailler sur des façons d'acquérir des terres sans que cela ne coûte ni aux pauvres ni aux pouvoirs publics.

Veja : Le gouvernement est-il obligé de donner la terre à tous ceux qui entrent au MST ?

Miguel Rossetto : Bien sûr. Cela c'est une politique publique et il faut que le gouvernement la réalise ainsi que les autres politiques, dans d'autres domaines. Notre priorité ce sont les 80 000 familles qui campent. Mais nous estimons que la demande pour la terre est beaucoup plus importante. Il est raisonnable d'estimer que 4 millions de personnes ont besoin de terres.

Veja : Avant l'investiture de Fernando Henrique Cardoso [dit FHC, prédécesseur de Lula à la présidence] il y avait 40 000 familles qui campaient en attente de terres. 600 000 ont été installées, et il y en a encore 80 000 en attente. Que s'est il passé ?

Miguel Rossetto : Ces dernières années nous avons vu l'expulsion des paysans de la campagne par la grande agriculture mécanisée et du fait de la faillite des petits propriétaires.

Veja : Les chercheurs disent que les latifundias c'est fini. Que de telles terres n'existent plus que dans les zone arides et en Amazonie. Pouvez-vous me dire où se trouvent les propriétés improductives ?

Miguel Rossetto : Oui, je peux fournir de telles données.

Veja : Comment les paysans installés par vous, munis des seules faucilles, peuvent -ils entrer en concurrence avec les fermes qui emploient des machines guidées par satellite ?

Miguel Rossetto : C'est évident que nous avons des limites. Mais nous avons des ressources pour commencer un processus vigoureux. Mon sentiment est qu'il existe une énorme volonté de travail de la part des familles qui ont résisté. Aujourd'hui on parle de l'accès à la terre. Bientôt la demande sera l'accès à la connaissance. Nous vivons encore avec une structure foncière de nature féodale. FHC a réalisé la réforme agraire du XIXe siècle, avec des installations dispersées dans tout le Brésil. Le résultat de ce projet est dramatique : 88 % des installations sont dépourvues d'électricité, 92 % n'ont pas d'eau et 81 % n'ont pas d'accès routier.

Veja : Le gouvernement FHC a dépensé 25 milliards de reals [environs 8 milliards d'euro] pour acquérir des terres et y installer des paysans et il a obtenu les résultats que vous critiquez. Combien fallait-il dépenser de plus pour améliorer la vie de ces paysans ?

Miguel Rossetto : Avec la même dépense il serait possible d'obtenir des résultats meilleurs. Pour cela il suffirait de se préoccuper de la viabilité économique des installations.

Veja : Comment ?

Miguel Rossetto : Les nouvelles installations devront être des puissance économiques.

Veja : Le précédent gouvernement disait aussi cela. Je ne vois pas la différence.

Miguel Rossetto : Le discours a pu être semblable à quelques moments, mais les résultats atteints furent minces. De plus je ne pense pas que l'objectif du dernier gouvernement ait été d'arriver à l'intégration économique des installations. La distribution des terres était sa seule préoccupation.

Veja : Vous pensez que les installations doivent s'intégrer parfaitement à l'économie de marché et que les occupants pourront monter les marches de la pyramide sociale, n'est-ce pas ?

Miguel Rossetto : Nous voulons de installations intégrées à la structure productive et des conditions de vie dignes pour les familles installées.

Veja : Comment allez-vous faire cela ?

Miguel Rossetto : Nous lutterons pour obtenir les ressources nécessaires.

Veja : La réforme agraire est-elle un projet économique ou social ?

Miguel Rossetto : A mon avis c'est un projet de développement économique et social mais ce n'est pas une politique d'assistance sociale. Il faut qu'elle soit génératrice de ressources, productrice de richesses et autosuffisante.

Veja : Existe-t-il un point de conflit entre ce que vous pensez et ce que défend le MST pour la réforme agraire du Brésil ?

Miguel Rossetto : Du point de vue stratégique, d'une vision de la réforme agraire, non. Je dis souvent que j'ai une grande divergence avec João Pedro Stedile [principal dirigeant du MST. Lui soutient le club de football Gremio et moi le club Colorado, ce qui compte beaucoup pour des Gauchos ...[habitants de l'État de Rio Grande do Sul]

Veja : Auriez -vous nommé Stedile à un poste de gouvernement ?

Miguel Rossetto : Bien sûr, s'il était disponible, à cause de son expérience.

Veja : Une de vos initiatives qui a provoqué des polémiques était d'avoir choisi des leaders du MST et de les nommer aux postes de direction de l'INCRA [Institut national de la réforme agraire]. En quoi ces nominations ont-elles amélioré le dialogue entre les producteurs et les sans-terre ?

Miguel Rossetto : L'INCRA n'est pas un espace neutre. Il a la responsabilité de réaliser la réforme agraire.

Veja : Le MST a été derrière des déprédations, des séquestrations, des saccages et même des morts... Pensez-vous que les leaders du MST respectent les valeurs démocratiques et l'État de droit ?

Miguel Rossetto : Les leaders que je connais, oui.

Veja : Toute la société est en train de donner un vote de confiance au gouvernement. A votre avis pourquoi le MST sort-il dans la rue pour protester ?

Miguel Rossetto : Certains des membres du mouvement sont la partie de la société qui souffre le plus et qui est la plus angoissée. Il existe des situations d'urgence. Cependant les manifestations localisées qui ont eu lieu ne traduisent pas une orientation politique de la direction du mouvement.

Veja : Vous avez parlé d'annuler la loi qui empêche l'expropriation des terres envahies. En quoi ce changement va-t-il améliorer les relations entre les sans-terre et les secteurs productifs ?

Miguel Rossetto : Le problème de cette loi c'est quelle confond mesures agraires et pénales. Nous sommes opposés à cela.

Veja : Mais seul le MST gagnerait quelque chose si cette règle était annulée. Apparemment, en finir avec elle aura pour conséquence de favoriser les seuls envahisseurs.

Miguel Rossetto : Tout citoyen qui commet des actes illégaux doit répondre devant la justice. Cette loi a un ensemble d'articles inadaptés.

Veja : Elle a été efficace pour contenir les invasions. Qui, en dehors des envahisseurs, bénéficierait de ce changement ?

Miguel Rossetto : Des terres productives ont été occupées pour revendiquer des terres improductives et, dans certains cas, les propriétaires eux-mêmes ont envahi pour se protéger d'une expropriation.

Veja : En abrogeant cette loi vous prétendez adopter une autre mesure contre les invasions ?

Miguel Rossetto : Les dispositifs interdisant les invasions existent déjà dans le code pénal brésilien. Le Ministère du développement agraire n'est pas une institution policière et ne peut se substituer à la Justice en ce qui concerne ses compétences. La tâche du Ministère n'est pas de réprimer les manifestations.

Veja : Les familles installées qui ont réussi souhaitent acheter des lotissements des voisins qui n'ont pas réussi, mais cela est interdit. Pourquoi ?

Miguel Rossetto : Ceux qui parviennent à accumuler des ressources peuvent acheter des terres en dehors des zones d'installation. Dans les zones d'installation cela n'est pas possible. Le rôle de l'État est d'assurer une parcelle de terre pour garantir un niveau de vie minimum. Qui veut davantage doit lutter.

Veja : Vous avez parlé beaucoup de ce qu'il ne faut pas faire et vous avez condamné ce que le gouvernement précédent a fait d'erroné. Quelle sera votre contribution positive à ce débat ?

Miguel Rossetto : Nous sommes en train d'étudier un nouveau modèle de réforme agraire. Ses points principaux sont les suivants : au lieu de faire un grand nombre de petites installations dispersées à travers le Brésil, nous allons organiser moins d'installations, mais plus grandes ; nous allons adapter le projet de réforme agraire aux différents besoins de chaque région du pays ; enfin notre objectif sera la production ; avant de procéder aux installations nous allons discuter avec les familles concernées de ce qu'elles pourront y produire.

Veja : En dehors de ce que vous dites là, ne doit-on pas attendre d'autres changements plus profonds dans la manière d'aborder le problème ?

Miguel Rossetto : J'ai quelques idées — ce sont des idées vagues que je ne suis même pas parvenu à présenter au débat. Parmi elles celle de ne pas donner le titre de propriété des terres aux personnes installées [dans le cadre de la réforme agraire]. Le gouvernement fournirait des terres, les installés n'en auraient pas la propriété mais seulement l'usufruit. L'avantage de ce système est que ceux qui ne produisent pas pourraient perdre le droit d'usage des terres.

Veja : Vous êtes en train de parler d'étatiser la terre.

Miguel Rossetto : Comme je l'ai dit, c'est seulement une rêverie de ma part. Elle se passe de commentaires. Personne dans le gouvernement n'est en train d'étudier cela.

interview réalisée par Alexandre Secco, Veja du 23 mars 2003
Combat
 
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Message par Combat » 23 Sep 2006, 14:35

Et encore plus revoltant:
http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=7687

Il sera exclu un jour ou pas? :headonwall:
Combat
 
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Message par Combat » 23 Sep 2006, 16:33

http://www.democraciasocialista.org.br/ds/...ntpage&Itemid=1

Encore pire. Sur le site de la DS il y a un article de Rossetto appelant a des "compromis historiques". A droite un lien referant a Inprecor et un peu plus bas un autre au site de campagne de Lula. Pauvre de nous qui avions avale l'arnaque selon laquelle Rossetto est une brebis isolee au sein de "Democratie Socialiste".
Combat
 
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