a écrit :Plus de 10.000 personnes dans les rues d'Ankara pour dire non à un déploiement turc au Liban
ANKARA (AP) - La Turquie, ancienne puissance coloniale au Moyen-Orient, enverra-t-elle des casques bleus au Liban? Le Parlement débattait de cette question mardi, un vote étant attendu en fin de journée, tandis que plus de 10.000 personnes manifestaient contre cette éventualité à proximité d'un Parlement bouclé par les forces de l'ordre.
Les manifestants, opposés à l'intégration de soldats turcs au sein de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL), portaient des banderoles sur lesquelles on pouvait lire "Nous ne serons pas les soldats des Etats-Unis et d'Israël" ou encore "Le sang de Mehmet n'est pas à vendre". Mehmet est le surnom affectueux que donnent les Turcs à leurs soldats.
Plusieurs formations d'opposition ont annoncé qu'elles voteraient contre la résolution gouvernementale. Toutefois, le Parti de la justice et du développement (islamiste démocrate) du premier ministre Recep Tayyip Erdogan dispose d'une écrasante majorité. Cela n'avait néanmoins pas empêché un vote négatif en mars 2003 à l'utilisation du territoire turc par l'armée américaine avant l'invasion de l'Irak.
Le chef du gouvernement a consacré l'essentiel de son emploi du temps ces derniers jours à tenter de fléchir les députés indécis, voire sceptiques face à cette initiative. Il s'agit selon lui d'un devoir moral pour la Turquie qui va dans le sens de la stabilisation régionale tout en donnant un rôle d'importance à son pays sur la scène internationale. "Nous croyons que nous devons d'y aller pour faire sentir la présence de la Turquie", avait-il déclaré lundi.
Pour le chef de la diplomatie turque, Abdullah Gül, qui s'exprimait à l'Assemblée nationale, "il est bon pour nos intérêts de contribuer à la paix et la stabilité dans la région".
L'opposition ne l'entend pas de cette oreille.
"En envoyant des soldats là-bas, nous prenons un grand risque", a rétorqué Onur Oymen, vice président du Parti républicain du peuple (CHP, centre gauche). "Nous risquons de nous retrouver impliqués dans des affrontements à l'issue incertaine."
L'opinion publique elle-même est divisée sur l'envoi de troupes au Liban. Certains voient cette participation à la Finul comme une chance de redonner à leur pays une partie de l'influence perdue depuis la dislocation de l'empire ottoman. D'autres craignent que l'armée turque, qui est déjà mobilisée dans l'est du pays pour combattre l'insurrection kurde, ne risque de se retrouver embarquée dans une confrontation avec des musulmans, les combattants du Hezbollah en l'occurrence.
La Turquie, pays majoritairement musulman n'est pas pour autant un pays arabe, et elle pas considérée comme neutre dans la région en raison de l'étroite collaboration militaire existant entre elle et Israël.
"Nous voterons contre la résolution. Nous ne pensons pas qu'il soit juste d'envoyer la Turquie dans une aventure avec tant d'inconnues", a estimé Erkan Mumcu, président du Parti de la Mère-Patrie (centre droit).
M. Erdogan s'est voulu rassurant en affirmant que l'armée turque serait chargée de tâches de reconstruction et de surveillance de la trêve et qu'il n'était pas question qu'on lui demande de désarmer le Hezbollah.
Le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, est arrivé à Ankara alors que le débat était toujours en cours. AP