("Marianne" a écrit :LCR : le facteur sonne toujours deux fois
Le 31/08/2006 à 7 h 00 - par Constance Jamet
Olivier Besancenot a donné, le 28 août, le coup d’envoi de sa campagne présidentielle. Le parti trotskyste, naguère favorable à une candidature unique à l’extrême gauche, se divise désormais sur la désignation d’un champion antilibéral alors que le postier, millionnaire en voix, domine les sondages.
Olivier Besancenot ne croit pas aux miracles. Alors que les Verts avaient réuni sur leur photo de classe toutes les branches de l’arbre écolo (Voynet, Hulot, Lepage, Pocrain), le porte-parole de la Ligue Communiste Révolutionnaire opte pour le portrait individuel. Sans ses camarades du PC ni ceux de Lutte Ouvrière, il a profité de l’université d’été de son mouvement pour lancer sa campagne présidentielle.
« Vu l'urgence de la situation, l'addition des licenciements, la question des salaires, on n'a pas intérêt à rester confinés dans les discussions des collectifs unitaires. On a des choses à dire », a-t-il déclaré. Un changement de ton radical par rapport à 2005, lorsque la secrétaire nationale du PC, Marie-George Buffet, le sénateur socialiste Jean-Luc Mélenchon ou le leader altermondialiste José Bové, avaient répondu présent à l’invitation de la LCR. Comme il semble loin le temps de l’euphorie de la victoire du « Non » au référendum européen, où l’on se prenait à rêver d’un candidat unique portant les couleurs de la gauche de la gauche…
Le leader trotskyste a déjà sa feuille de route toute prête. Au centre de sa campagne qu’il ne veut pas uniquement protestataire, la « justice sociale », selon lui complètement éclipsée par les débats sur l’immigration et l’insécurité. Investi en juin dernier par le courant majoritaire de la LCR avec 64 % des voix, Besancenot propose donc une hausse de 300 euros nets des revenus, la régularisation de tous les sans-papiers, une lourde taxation des profits et l’arrêt des subventions au patronat.
Cette ardeur électorale n’est pas du goût des partisans d’un porte-drapeau unique de la gauche « noniste ». Minoritaires dans la LCR, ils jugent prématurée la décision de Besancenot, malgré les assurances du jeune postier de se retirer en cas d'accord sur un candidat unique. « Le camarade Olivier est un bon produit d'appel mais il ne faut pas se laisser intoxiquer par les sondages, une seule candidature est nécessaire et possible », expliquaitChristian Picquet lors de la conférence nationale de la LCR, en juin dernier. Pour ce chef de file des « Unionistes », la LCR ne peut incarner à elle seule « une alternative crédible », la dispersion des forces à gauche du PS favoriserait la bipolarisation entre Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Et de rappeler l’existence de 400 « collectifs locaux », qui vont se réunir à Saint-Denis le 10 septembre pour définir un programme et une méthode communs.Mais la mission semble quasi impossible. Pour la LCR, la condition sine qua non d’un accord serait l’engagement de toutes les parties sur un refus de participer à un gouvernement ou à une majorité parlementaire avec le Parti socialiste. Dans la ligne de mire… le PC ! « Il ne s'agit pas de servir de caution à une nouvelle expérience de gauche plurielle », a d’ailleurs répété le chef de file du parti trotskyste. Place du colonel Fabien, cette exigence déplait. Bien que le Parti Communiste se veuille anti-libéral, il ne peut pas couper les ponts avec le PS et se priver d’accords électoraux dans des circonscriptions à sa portée, sous peine d’être privé de représentation parlementaire aux législatives de 2007. Et Marie-George Buffet multiplie les marques d’allégeance au grand frère. Elle a repris l'idée d'un sommet de la gauche lancée par le Parti socialiste début juillet et qui devrait se tenir en septembre. Même réserve chez José Bové, qui devrait renoncer à un potentiel poste de ministre de l'Agriculture d'un gouvernement PS. Et même si la LCR réussissait le coup de maître de faire avaler cette couleuvre à ses rivaux, resterait à trouver… le candidat. Et là, ça se bouscule au portillon ! José Bové presse Lutte Ouvrière, la LCR et le Parti Communiste de le choisir comme candidat unique en se disant capable de remporter la présidentielle. « Je suis prêt à assumer ce rôle dans une dynamique de victoire et pas seulement de témoignage, en menant une campagne collective qui tranche avec la logique de personnalisation », affirme le leader de la Confédération Paysanne. Il faut y ajouter l’inusable Arlette Laguiller de LO : en piste pour la sixième fois, elle ne veut pas entendre parler d’union. Selon elle, il est « surréaliste de continuer à envisager une candidature unique ». Et Olivier Besancenot lui-même désire-t-il vraiment ce grand rassemblement à gauche ?
Les précédents mariages aux régionales et aux européennes de 2004 entre les deux partis trotskystes ont laissé un goût amer. Aux élections régionales, aucun des conseillers régionaux trotskystes n’a été réélu. Leur liste unique n’avait obtenu que 4,97 % des suffrages alors que les scores combinés de Laguiller et Besancenot à la présidentielle de 2002 approchaient les 10 %. Surtout, pour la première fois de son histoire, la LCR pourrait passer devant sa Némésis de Lutte Ouvrière. Les derniers sondages créditent le petit postier, qui avait recueilli 4,25 % des voix, de 5 à 6 % des intentions de vote contre seulement 4 % pour la recordwoman des candidatures à la présidentielle.
Le seul obstacle sur la route du facteur, ce sont les 500 parrainages nécessaires. L’interdiction par Français Hollande aux élus socialistes de parrainer les prétendants des autres partis rend la collecte difficile. « Même les maires non socialistes hésitent à parrainer Olivier de crainte de voir leurs subventions coupées par les présidents socialistes des régions », dénonce Roselyne Vachetta, une des autres porte-parole de la LCR. Mais l’extrême gauche peut trouver dans ses malheurs, une consolation. La gauche socialiste « modérée et réformiste » qu’elle abhorre, est toute aussi désunie qu’elle.